Deux films de Claire Simon (Récréations et Premières Solitudes) : grands bonheurs


    Je crois que c'était à Arras ou bien au Méliès à Montreuil, j'avais vu la bande annonce de Premières solitudes. 

 

Non seulement j'ai pu le voir mais il était précédé d'une séance du film Récréations

Et en présence de Claire Simon. 

Les deux sont remarquables, et Premières solitudes, un bonheur - malgré le fond triste -.

Je tenais à le noter avant de tomber de sommeil.

"Récréations" fut tourné à l'école maternelle Constantin Pecqueur tout près de l'Attrape-Cœurs et qui ressemble si peu à une école maternelle, vaste et austère comme elle est. Sa cour est à l'image du reste, aucune vue sur l'extérieur, de très hauts murs, comme une prison. C'était au tout début des années 90, la fille de la réalisatrice avait 4 ans, apparaît peu, aucune complaisance particulière de ce côté là. Le film a été restauré et ne serait-ce la façon d'habillement des enfants - qui fait encore 80ies - on pourrait le croire récent. La cinéaste est visiblement parvenue à se faire oublier ou presque, un des gamins qui fait une bêtise dit "Elle va nous filmer, elle" comme une provocation, et une petite fille qui parvient fort bien à sauter d'une hauteur par dessus un banc jusqu'au sol de la cour, regarde fixement la caméra comme pour demander Pourquoi ne me filmes-tu pas alors que j'y arrive bien ? (la scène se concentre sur une petite Nathalie qui pleure de peur au début puis parvient peu à peu (sous les applaudissements des spectatrices et spectateurs), avec l'aide de camarades qui lui prennent la main, à vaincre sa trouille, non sans avoir fait sa drama queen de ouf. Quelle adulte est-elle devenue ?
Du coup on voit les enfants jouer tels qu'en eux-même et c'est beau. Bien sûr les garçons jouent à la baston, on dirait qu'ils en ont un besoin irrépressible. Mais c'est loin d'être aussi violent que dans mes souvenirs. Peut-être parce que je suis d'un temps où la raclée paternelle était la norme en matière d'éducation et du coup les enfants reproduisaient cette violence. Moins maintenant. 

Il y a de très beaux petits scénarii de fiction, de l'entraide, et avec cette scène du saut de vrais moment d'humaine progression.

 

"Premières solitudes" comporte aussi une grâce. 


Ce sont moins des jeunes pris au hasard (et ils sont bien plus grands, quittant l'adolescence, entrant dans l'âge adulte), élèves d'une classe de première au lycée Romain Rolland d'Ivry, option cinéma. Le travail initialement prévu : un film avec l'aide de la réalisatrice a tourné très vite à : filmons nous en train de faire connaissance. Et ceci a finalement très vite foncé vers : vie familiales, vie massacrées. Ils sont à 70 % des enfants du divorce et ce qui est désormais courant apparaît là dans toute sa dimension. Toutes et tous même l'un de ceux dont le père est théoriquement encore au foyer, souffrent d'un père défaillant. Les mères le sont aussi mais pour une bonne raison : elles triment à peu de rémunération pour tenter de nourrir leur petite famille, rentrent épuisées. Les jeunes en sont tristes mais ne leur en veulent pas. Alors qu'il y a de la colère contre les papas pas papas. Une colère contenue. 

Ce film est à la fois réconfortant, immensément, on voit des jeunes qui malgré tout sont structurés, craignent l'avenir mais ne font pas n'importe quoi, s'y colle quand même à tenter d'y arriver en bossant. Il règne entre eux un grand respect - effet de la présence de la caméra ou est-ce vraiment au naturel comme ça ? effet de cette sélection qu'opère une option ciné ? - et une belle écoute garçons, filles (l'un des garçons est possiblement homosexuel, je ne sais, est-ce que ça le rend plus compréhensif ?), réconfortant, donc, mais terrible constat d'échec de la génération des parents, pour cause de monde économique violent : les gens bossent bossent bossent et s'en sortent difficilement. Une seule pense encore selon le schéma, Je vais travailler dur et bien gagner ma vie, seulement elle a une optique particulière avec de nombreux frères et sœurs restés au Nigéria. Du coup peu ici, égale beaucoup là-bas.

On ressort de ce film très ému-e-s et ça fait du bien. Un peu rassuré-e-s sur l'avenir aussi : les suivants sont des gens bien, malgré tout ce qu'on a foiré, et qu'on persiste à continuer.

 

En complément : Claire Simon interviewée par Marie Richeux sur France Culture  

 


LR - vendredi 28 juin 2013 - Pareil et différent - V1

 

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Depuis trois semaines je comptais les jours, j'encaissais ce qui ressemblait fort à un chagrin d'amour, même si toutes les caractéristiques n'y étaient pas - sa part physique, entre autre - : il fallait tenir jusque-là, jusqu'au Festival de Cinéma, noyer ensuite la peine dans la cure de films, l'oublier (elle, lui) et s'oublier.

Se profilait aussi la fin d'un bon petit travail de libraire que je tenais, qui me tenait depuis plusieurs années, mais je partais alors qu'elle était floue : fermeture définitive en juillet ? En août ?

L'argent de toutes façons déjà depuis longtemps et de façon chronique manquait.

Soudain voilà, bagages à faire, TGV à prendre, retrouver les amis du ciné-club qui eux aussi venaient, j'ai eu cette illusion : le plus dur était fait.

Et nous voilà débarquant à la gare, vers 15 heures, sous un temps plutôt clément, compte tenu d'une période aussi chaotique de météo que pour moi de sentiments.

Je fréquentais le festival depuis 9 ans, et pour la troisième année m'accompagnait aussi le père de mes enfants. Nous avons retrouvé avec plaisir l'hôtel raisonnable et accueillant, près de la gare, pas trop loin des salles.

J'ai cru pouvoir reprendre la routine des années précédentes, et y diluer le chagrin qui cette année encombrait. 

Très vite, il n'en a plus été question : tout était comme toujours, tout était différent.

Dès le chemin du rendez-vous collectif avec Prune Engler qui nous présente chaque année la nouvelle sélection - attirant notre attention sur les pépites discrètes que l'on manquerait sinon -, est apparu un (grand) élément différent : ce manège en travers du chemin, sur la place près de l'ancien quartier des pêcheurs. L'illusion d'être l'année d'avant, le bien-aimé encore présent dans ma vie, même confusément, était dès lors impossible.

Dès à peine après, une odeur âcre, de la fumée qui du centre ville s'échappait. Des voitures de pompiers. 

Et l'explication au premier instant du rendez-vous de cinéphiles : la mairie, beau bâtiment historique à peine rénové brûlait.

Rien ne pouvait plus être comme avant, ni dans la ville, ni dans ma vie.

Dans ces conditions, le cinéma allait-il l'emporter ? 

 

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LR - vendredi 28 juin 2013 - Pareil et différent - V2

 

P6283550Depuis trois semaines j'ai compté les jours, encaissé ce qui ressemble fort à un chagrin d'amour, même si toutes les caractéristiques n'y sont pas - sa part physique, entre autre ; et puis de ma vie quotidienne concrète, rien pour l'instant n'a été modifié, nous ne partagions que ce qu'il consentait - : il m'a fallu tenir jusque-là, jusqu'au Festival de Cinéma, c'était l'objectif et cet espoir : noyer ensuite la peine dans la cure de films, l'oublier (elle, lui) et s'oublier.

Éviter de songer à la fin prochaine, mais encore floue, la date n'est pas fixée, de ce travail de libraire que j'aurais tant aimé. Le regret restera de n'avoir pas été physiquement capable de mener celui-ci et l'écriture de front, surtout l'hiver, surtout cet hiver qui n'en finissait pas.

Les films, me dis-je en arrivant, seront là pour ça.

Déjà l'effet bénéfique dès la veille s'était fait sentir : soudain les bagages à faire, l'horaire du train à vérifier. Et au matin finir ce qui la veille n'avait pu être prêt, à la gare Montparnasse (1) retrouver les amis du ciné-club qui eux aussi venaient, alors j'ai eu cette illusion : le plus dur était fait.

 

(1) Si chère à Martine Sonnet

(billet en cours de redaction)

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Le film qui était drôle, et puis non, et puis si quand même

De Noorderlingen - Les habitants - Alex van Warmerdam (1995)

 

Je me souviens d'avoir vu ce film à sa sortie, probablement via l'Institut Néerlandais dont j'avais suivi les cours depuis peu à l'époque.

J'en avais gardé l'idée précise de quelques séquences, Lumumba, le facteur inquiétant, les éléments si bien vus du comportement de petit village - ah toute la rue ou presque qui attend le bus pour aller à la messe -, la dévotion pour la dévote (1). J'en avais gardé l'idée que j'avais bien rigolé.

Je crois avoir revu ce film une fois, sans doute grâce au ciné-club dont je fais partie. Cette seconde vision ne m'a pas laissée de souvenir marqué. J'avais plutôt savouré les plans, le montage soigné.

Puis cette année à La Rochelle, nouvelle copie, j'y suis allée, réjouie. Le film m'a paru d'un humour si sombre qu'il en devenait poignant. L'impression de tragique surmontait le reste.

Est-ce parce que j'ai vieilli et qu'à présent je fais partie des humains que la sexualité chagrine et que ce charcutier que je prenais pour une grosse brute risible et ridicule à présent je le comprends ou la femme délaissée du chasseur fascisant ? Est-ce parce qu'entre temps à l'instar de Thomas qui subit sans la comprendre avant longtemps la disparition d'Agnès, j'ai traversé cette souffrance-là ? Est-ce parce que la bigote me faisait rire il y a 17 ans et qui à présent que le retour du pire des religions se confirme, m'effraie ? Est-ce la nouvelle version - pas de différence de séquences, pourtant - pourvu d'un son plus coupant, dur, et qui tirerait la perception vers davantage de cruauté, toute tendresse éteinte envers ceux qui sont moqués ?

Pour en avoir le cœur net, j'ai revu le film, à la BNF, à l'instant. Moral meilleur ? Violence atténuée par la taille réduite de l'écran ? Le drôle est réapparu. Pas à s'en déchaîner l'hilarité, mais quand même. 

 

Note pour une fois d'après : C'est fou comme on peut oublier d'un film, des pans entiers, des aspects qui font que la balance penche d'un côté (drôle) ou de l'autre (drame), des éléments parfois importants (2), alors qu'on se souvient avec une précision d'horloger de détails d'une scène secondaire - un peu, au fond, comme dans la vie -.

De l'importance de la V.O. : peut-être qu'une part de l'humour que je ne percevais plus vient des dialogues, d'un décalage délicieux, au bord d'être culte pris au second degré. Quand j'avais vu le film pour la première fois, mon niveau de néerlandais me permettait de piger sans trop lire de sous-titre. Aux deux fois suivantes, j'ai dû au contraire m'appuyer sur eux, n'ayant pas le bonheur de vivre à Bruxelles, je ne pratique plus. En revanche à la BNF, écoute au casque donc son parfait et film suffisamment en tête pour suivre sans le parasitage du français, je retrouve leur charme.

 

(1) J'ignorais alors qu'il s'agissait d'une citation de "Théorème" de Pasolini

(2) Je me souvenais que Thomas, l'adolescent devenait l'ami d'un homme noir, rares en ces temps en ce qu'on imagine qu'est la contrée ; plus du tout que celui-ci était arrivé là accompagné de moines qui l'exhibaient comme une curiosité. J'avais oublié que les ennuis du facteur ne venaient pas tant de ce qu'on pouvait lui reprocher quant au traitement du courrier que du document qu'il feuilletait à l'instant d'être surpris ; ce qui arrive de bon à Thomas ; les visions d'oiseaux ; un crime, un viol tenté (rien que ça). 

 

coefficient de mal de mer = 0/10 (caméra stable)

effets stroboscopiques : 0

 

 

 

La Rochelle vendredi 6 juillet 2012 14h Dragons 5

BNF vendredi 27 juillet 2012 11h15 P124


Récap. 2012

À l'heure du blues du retour, certes bien moins excessif que du temps où je perdais une grosse part de ma vie à la gagner, mais bien prégnant quand même, et très encombrés de rêves d'amour concret, un peu d'arithmétique histoire de résister :

films vus : 31 en comptant ceux vus au moins aux 3/4, 32 en cumulés (deux vus 1/4, un vu 1/2)

dont 3 muets accompagnés par Jacques Cambra au piano

et 2 documentaires

rencontres auxquelles j'ai assistées : 2 (Pema Tseden et Patrice Leconte)

leçons de cinéma : 2 (Francis Lai et Pierre-Luc Granjon (qui donnait envie de s'y mettre aussi))

films abandonnés en cours de route parce que ne me convenaient pas : 3

films auxquels je n'ai pas pu entrer (file d'attente à faire + de 45 mn avant) : 1 (Sandrine Bonnaire, "J'enrage de son absence").

Le tout avec une journée off passée sur l'île de Ré, soit une 60taine de km à vélo. 

Deux baignades dont une dans des conditions exceptionnelle : la mer, la plage et un beau maître nageur pour moi toute seule (c'était par temps pluvieux juste après une averse, mais l'eau à 22°C).

Une séance de course à pied, 1h20 environ, vers la plage des Minimes.

Pas mal compte tenu du solide rhume qui a accompagné mon arrivée (rhume de clim' anticipé, on dirait) et que c'était (là aussi avec une légère anticipation) les mauvais jours féminins.

Il manque ce dont je ne parlerai pas si ça n'avait pas pour partie manqué.

Comme presque chaque année, achat sur place d'un ou deux vêtements chauds en plus que le pull ou le sweat épais soigneusement emportés mais qu'au bout d'un moment on le trouve un peu sale à force de le porter sans arrêt.

Qui sait s'il sera possible de revenir l'an prochain ? Le budget global - train + hôtel + badge d'accès + nourriture - aura je crois été d'1 mois 2/3 de mon salaire, en s'accordant deux restaurants "luxueux" (tout est relatif, j'entends par là >= 25€/ pers), le reste étant peu compressible à moins de ne venir pas. Or un retour à meilleure fortune reste assez peu probable.

Si ça continue il faudra que je fasse un film pour venir en tant qu'invitée, après tout il y a bien eu un jeune réalisateur qui s'est fait payer un retour auprès de sa famille en Égypte sous couvert d'un projet filmé ;-) !

En attendant merci à Agnès Varda qui me permet (ainsi qu'aux autres festivaliers présents lors de la Nuit blanche) de rentrer avec de quoi préparer à dîner puisque les patates de son expo étaient redistribuées.

 


La pause du 9ème jour

 

Lors du Festival de La Rochelle, je tente toujours de me préserver une demi-journée à la médiathèque. J'y étais venue un week-end entier écrire en novembre 2005 - je ne disposais alors pas encore de l'accès hautement privilégié à la BNF -. J'y retrouve de la motivation, il est si difficile d'accorder une place forte à l'écriture dans une vie comme la mienne, la place qu'il faudrait.

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J'aime cette photo qui ressemble un peu à ces maquettes de lieux habités quand ils ne le sont pas encore. 

 

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Alfred sous plaid

 

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Alors Prune nous avait dit, Ne manquez pas "Sangue de meu sangue" (João Canijo, 2011). Or il se trouve qu'elle et moi avons généralement des goûts cinématographiques voisins, donc j'y suis allée les yeux fermés.

Ce qui est une très mauvaise idée quand il s'agit de voir un film.

Je suis tombée sur une sorte de quintessence de films dramatique français, sauf qu'il ne l'était pas, mais tous les défauts traditionnels si. 

Je crois que j'ai tenu près d'une heure sur 2h20 prévues.

Puis je me suis souvenue qu'en plein air était projeté un Hitchcock de plutôt bonne facture alors j'ai quitté la salle, sans l'ombre d'un remord en plein milieu du vif du sujet d'une scène de cul où comme les féminophiles peuvent se laisser émoustiller par la plastique parfaite de la belle et jeune actrice d'un des rôles principaux quand les androphiles sont condamnés à ce contenter d'un cul flou et d'une nuque coiffée de près.

J'ai alors rejoint la place de la médiathèque, le bon vieil Hitchcock, le froid de la nuit et, mentalement, un bien-aimé qui aurait apprécié. 

Il a plu, un peu. Mais les couvertures prêtées étaient là pour nous protéger (1). Étant seule j'avais trouvé assez facilement un transat libre, malgré que tous semblaient occupés.

Et là ce fut formidable. Le film m'a (presque) fait oublier le froid, ainsi que le mauvais choix qui avait préludé.

Et finalement au bout du compte une soirée mal amorcée et réussie après.

(Le contraire des dimanche de monsieur Cha-ba-da-ba-da)

 

(1) aux organisateurs, merci merci merci d'y avoir pensé.