Ça passe vite, le festival, chaque année, mais ce cru 2019 a dépassé les bornes. Probablement parce que nous nous sommes immédiatement glissés dans notre routine de festivaliers, que tout était fluide, qu'il ne faisait pas un froid glacial, que nous n'avons pas perdu de temps - efficaces à faire nos courses, efficaces à intercaler la course à pied, et pour moi une séance de natation dans les interstices -.
Donc un dimanche qui commençait sous le soleil, plutôt fisquet mais pas désagréable en course à pied (note à moi-même pour les entraînements : même équipement que le dimanche précédent : collant 2XU long tee-shirt 2XU à manches longues, par dessus un tee-shirt technique à manches courtes et une thermiques middle class du club (celle de chez Castelli), le bonnet-tour de cou du club en bonnet, un autre tour du cou en tour de cou, des mitaines de vélo, des chaussettes normales de course à pied (on est quand même au dessus de zéro) et c'était parfait pour une température entre 1°c et 3°c.
Après, il y avait pile le temps de rentrer, prendre une douche et le petit-déjeuner et filer à l'avant-dernier film de la compétition européenne, du moins pour nous dans notre ordre de projections.
Après le second film et tandis que JF retournera à la chambre, j'irai déguster une dernière gauffre de liège puis assister à la fin de la délibération publique du jury des critiques. The Father l'a emporté à l'unanimité absolue, c'était beau un tel ensemble.
La soirée de clôture sera fort longue car il y avait des surprises "spécial 20 ans" du festival et des paillettes balancées sur la scène qui colleront joliment à l'écran, malgré de beaux efforts de nettoyage avant la diffusion du film de clôture. Ça sera joli ces petits éclats brillants descendant peu à peu au fil de l'histoire.
Nous terminerons le festival par un pot avec les deux autres couples présents du ciné club. Au Bureau, seul café ouvert le dimanche soir et accueillant, même tard. Il était plus de minuit lorsque nous sommes rentrés. D'où une rédaction décalée de ce billet (19/11/19 fin d'après-midi).
1/ Free Country
de Christian Alvart (Freies Land, Allemagne, 2019, 2h09)
avec Trystan Pütter, Felix Kramer, Nora von Waldstätten, Ludwig Simon, Leonard Kunz
En ex-Allemagne de l'est pas trop loin de Berlin, deux enquêteurs un de l'Ouest, qui est puni pour avoir mis en cause un corrompu au bras long, et un de l'est, qui aurait de toutes façons été là, sont mis sur une enquête concernant la disparition de deux jeunes filles, deux sœurs, qui comme toute la jeunesse du coin rêvaient de partir travailler à Berlin pour une vie meilleure.
Il vont assez vite apprendre que d'autres jeunes filles ont également disparu, mais sans qu'il y ait d'enquêtes parce qu'à part leurs ex-petits amis respectifs, tout le monde semble croire qu'elles avait quitté ce coin perdu pour la grande ville, volontairement.
C'est glauque à souhait, délicieusement tournée avec une façon de prendre son temps volontairement surannée. Ambiance follement Maigret, le port breton en moins (par exemple).
Le film est un remake paraît-il point par point d'un film espagnol "La isla minima", lequel avait la touffeur en plus. Du coup les spectateurs de Free Country se divisent en deux : celleux qui l'ont vu et les autres. Je fais partie des seconds que le film a impressionné·e·s, mais les premières et les premiers quant à eux s'interrogent : pourquoi un remake si c'est à ce point pour y coller ?
Et puis des goûts et des couleurs : j'ai particulièrement apprécié les longs plans calmes vus du ciel ; un des critiques dira lors de la délibération que c'était dramatique de voir à quel point l'usage des drones polluait le cinéma.
2/ Disco
de Jorunn Myklebust Syversen (Norvège, 2019, 1h34)
avec Josefina Frida, Kjærsti Odden Skjeldal, Nicolai Cleve Broch, Andrea Bræin Hovig
Une jeune femme incarnée par une actrice, Josefine Frida Pettersen, qui ressemble de façon frappante à Agnetha Åse Fältskog jeune, ce qui m'a je dois dire un peu perturbée, est à la fois championne de danse disco et égérie d'un mouvement chrétien qui dont les cérémonies sont des concerts pop ou rock. Le "Jésus revient" de "La vie n'est pas un long fleuve tranquille" est totalement out, sur ce coup-là. La danse Disco telle qu'elle est pratiquée dans ces compétitions est un peu étrange, de la pole dance sans la barre, avec une esthétique très sexualisée et paillettes. Du coup ça semble un peu curieux l'écart entre le côté hyper-religieux avec malgré les faux-airs délurés du rock en scène et cette vulgarité revendiquée avec une sexualisation des petites filles - on en entrevoit quelques-uns lors d'images de compétitions (1).
spoiler alert : ne pas continuer à lire après ça si vous comptez voir le film
Mais bon, ils ont l'air content comme ça. Sauf que Mirjam, l'héroïne du film, commence à ne pas aller très bien, vomit souvent, fait des malaises en plein enchaînement de concours, écoute dans le secret des prédicateurs anglo-saxon, se met, puisque son entourage l'encourage à se recentrer sur sa foi, à fréquenter des personnes d'un groupe encore plus ultra-religieux que celui où officie le mari de sa mère (qui n'est pas son père mais semble l'avoir adoptée). Elle finit par aller avec ces derniers sur une sorte d'Utoya où elle est chargée d'encadrer des enfants à qui les organisateurs font subir de curieux traitements, comme une sorte de bizutage avec dieu en toile de fond. Mirjam elle-même lors d'une sorte de fausse alerte d'un goût douteux (puisque le massacre d'Utoya est dans toutes les mémoires), subit ce que j'ai pris pour une tentative de meurtre par noyade puis étranglement, avant de comprendre qu'il s'agissait d'une sorte de rite initiatique.
Le film se termine avec tou·te·s ces enfants et jeunes personnes vêtu·e·s de couleurs claires et devisant paisiblement comme si on ne venait pas de leur faire crier un moment ou un jour plus tôt "Je suis prêt à mourir pour Jésus". Du coup ça laisse un sentiment de malaise, que la réalisatrice dissipe, elle a clairement voulu faire un film à charge, afin de dénoncer les dérives, mais elle ne sera pas là à chaque projection.
J'ai un peu dormi, par mélange de fatigue personnelle et d'incompréhension sur ce que je voyais à l'écran, et cru avoir manqué des scènes qui apportaient les éléments nécessaires de compréhension. Seulement en se concertant à la sortie nous nous sommes rendus compte qu'on restait sans clefs. Par exemple on ignore si son état est provoqué par une grossesse, de l'anorexie ou une maladie. On comprend qu'elle est trop enfermée dans une communauté pour pouvoir remettre en cause ce qu'on lui inculque, mais on ne comprend pas vraiment ce qu'elle pense. Et la cohabitation entre ces compétitions hyper-sexualisées auxquelles elle prend part pour le plus grand enthousiasme de sa mère, de sa petite sœur et de sa communauté, et les préceptes religieux serrés qui semblent guider leur vie reste inexpliqué.
Bref, ce film restera une énigme et trop de perplexité nous ont empêché de l'apprécier.
(1) Dont la réalisatrice nous a confié lors du Q & A d'après film qu'elles furent saisies lors de vraies compétitions.
3/ Les vétos (film de clôture) de Julie Manoukian (France, 2019, 1h32)
avec Noémie Schmidt, Clovis Cornillac, Carole Franck, Michel Jonasz
J'admire les équipes du festival qui parviennent toujours à nous régaler d'un film de clôture qui parvient à être à l'intersection de critères quasiment disjoints : film grand public mais pas ennuyeux pour les cinéphiles avertis qui forment le gros des festivaliers, film ne posant pas trop de problème de langue, film un léger afin de se remettre des films durs qu'on a pu affronter, mais pas lourdingue, film avec quand même un peu de fond etc.
Cette année ils sont encore parvenus à l'exploit de dégoter la perle rare. Ça n'est pas le chef d'œuvre du siècle seulement il est joyeusement féministe, montre des personnes qui réfléchissent et reviennent parfois sur leurs décisions ou paroles hâtives, dénonce une certaine situation sociale, tout en désamorçant les critiques qu'il y aurait eu à le faire frontal, par le rire, bref, c'est très bien.
Le synopsis est simple : une jeune femme vient d'achever des études de vétérinaire, mais côté recherche, grippe aviaire et ce genre de chose. Seulement son vieil oncle, lui-même vétérinaire, mais de terrain et à la campagne, lequel fut à l'origine de sa vocation, entend bien partir en retraite. Alors il piège un peu tout le monde, et sa nièce (Alex) et son associé (Nico) et fait en sorte qu'elle se retrouve obligée de le remplacer au pied levé. Tout est très classique, très convenu, jusqu'à l'inévitable idylle naissante mais ça fonctionne à merveille.
Les actrices et acteurs sont toutes et tous très bien, y compris la gamine pot-de-colle. Mention particulière pour Noémie Schmidt dont le rôle n'est pas évident - elle doit jouer les parisiennes mais pas trop, baroudeuse mais pas trop etc. - et Michel Jonasz que je n'avais pas spécialement recroisé depuis qu'il suçotait des glaces à l'eau et qui est très crédible en vieil oncle qui mène tout le monde en bateau mais est quand même là pour assumer quand ça se complique. Les dialogues pétillent bien. Je n'ai toutefois pas compris leur insistance à faire passer le Morvan pour un bout du monde perdu (OK, la désertification est à l'œuvre, mais la région n'est pas si perdue).
Ça ferait un super film de Noël à voir en famille. Sans doute pour ça que sa sortie n'est prévue, quelle bizarrerie, qu'au 1er janvier.