A fish called Wanda - le making of

C'était donc plutôt sympathique ce film vu au Méliès "My old lady" mais quelque chose, en plus de la présence de Kristin Scott Thomas qui à mes yeux est une difficulté pour "entrer" dans un film (1), me gênait. Puis j'ai compris : Kevin Kline ! 
C'est que malgré toutes ses qualités d'acteur il est resté pour moi, le drôlatique Otto d'A fish called Wanda. Et que donc je n'étais pas bien parvenue à prendre la détresse de son personnage de Mathias au sérieux.

J'ai vu ce film la première fois sur le bateau qui nous emmenait en Écosse pour notre voyage de noce et pour lequel je ne sais plus pourquoi nous avions failli manquer l'embarquement de la voiture (une histoire de ticket mal édité, j'ai le souvenir d'avoir tenté en vain de joindre l'agence de voyage du Printemps où nous avions déposé le voyage de noce parmi les cadeaux de la liste de mariage). J'avais un féroce mal de mer et le film était parvenu quand même à me dérider. D'où une affection particulière envers cette œuvre malgré que je l'avais trouvé grossière, assez.

Je l'ai ensuite plusieurs fois revu, chez moi, en DVD. Dont une fois avec les enfants lors d'une période difficile (quelqu'un était malade, je crois) et eux aussi avaient bien ri.

Il m'en est resté le rire à ma sensibilité de quand les hommes parlent une langue étrangère ou avec un accent, quelques scènes cultes, le fait de toujours regarder en l'air si je ne vois pas un piano suspendu lorsque quelqu'un promène en laisse trois petits chiens, et l'habitude de tenir les crayons de bois bien taillés.
Et une tendresse particulière envers Michael Palin auquel le rôle d'un doux ami des bêtes allait si bien.

  

(1) ressenti tout personnel : je trouve qu'à l'instar d'un Gérard Depardieu auquel pourtant elle ne ressemble pas, elle est elle-même et pas le personnage. Et qu'aussi elle a trop tourné. Ce qui fait que : belle femme bilingue aux yeux bleus : paf c'est toujours elle et du coup je n'y crois pas. Mais j'ai bien compris que pour beaucoup plus d'autres personnes sa présence était un gage de On va y aller [voir le film]

 


Un giorno particolare - une journée à Rome

film d'Isabella Commencini

 

 

 


Une journée à Rome par previewnet

 

Pour une fois je préfère le titre en V.F. au titre original qui marchait un peu trop sur les pieds d'un chef d'œuvre.

Le film lui-même m'a beaucoup plu, contrairement au camarade Sorj qui pour le Canard l'a modérément apprécié, je ne me suis pas ennuyée. Seulement je crois que c'est le genre de film qui, attachant mais non sans défauts, dépend beaucoup dans la perception qu'on en aura de notre propre état d'esprit au moment où on le voit.

Il se trouve que j'étais triste, un peu perdue dans ma vie. Je ne demandais qu'à ce qu'on m'embarque ailleurs, et la jeunesse des deux protagonistes m'a immédiatement délassée du poids de mes années (1).

Le film raconte la parenthèse que vivent Marco et Gina pendant une journée à Rome ou dans ses environs. Elle doit rencontrer un député, qui moyennant quelques faveurs sexuelles pourra donner le coup de pouce décisif à sa carrière d'actrice plutôt que d'escort girl. Il est chauffeur depuis le matin même. Mais voilà que le député est un peu trop pris, et qu'ils sont priés de s'occuper en attendant, on les rappellera. La voiture est grosse et les frais sont payés. Le garçon comme la fille ont déjà tout intégré des mécanismes cruels de cette société-ci, si bien qu'ils osent à peine se laisser aller à s'amouracher comme naguère, à leur place, nous aurions fait sans hésiter.

Le film est très juste sur certaines notations sociales, très contemporain, il aura sans doute un succès longtemps plus tard comme trace d'ici et maintenant.

Il manque un peu du petit quelque-chose qui en fera une œuvre dont on se souvient après même si en entrant dans la salle on était préoccupés.

Il y a moins de force dans celui-ci que dans l'Intervallo, son cousin (2). Je ne saurais dire à quoi ça tient. Peut-être à la force de la menace qui plane sur les deux jeunes. Dans la "Journée à Rome" seule la fille est menacée ; le gars ne l'est qu'après, lorsqu'il se sera senti dans la peau de celui qui amène la proie (certes consentante mais quand même) à son prédateur las.

 

On voit pas mal de Rome et de ses alentours, j'ai apprécié. 

Les deux jeunes acteurs sont parfaits. Leurs dialogues sonnent juste. Ainsi que les moments de malaise de la jeune femme, prête à tout pour s'en sortir, mais insuffisamment aguerrie.

On rit aussi.

Un bon moment, une belle balade, et un film qui gagnera de la valeur, comme témoignage, en vieillissant.

 

(1) La peine qui me tenaillait était liée à trop d'âge et pas assez de beauté. 

(2) Au point qu'on dirait que l'un et l'autre répondent à la même commande : un gars, une fille, un lieu, une journée. C'est d'autant plus troublant que le jeune Allession Gallo qui aurait fort bien pu tenir le rôle du chauffeur y fait une brève apparition comme vigile d'une boutique de luxe (un peu comme Romy Schneider dans "Plein soleil" le temps de nous donner un regret). Cela dit dans le rôle de Marco, Filippo Scicchitano a la candeur qu'il faut.

 

PS : Et à part ça, au moment de l'essayage de la robe de cover girl, une réflexion de la mère qui chapeaute l'opération et répond à la fille qui s'étonne du prix que la robe a dû coûter : - Ben on va quand même pas te mettre une robe à 100 € pour aller voir l'onorevole (député). 

Et comprendre, stupide et stupéfaite, que 100 € c'est considéré comme rien, trop peu. 

 

 

 

la fiche du film sur IMDB


Les risques d'un travail trop consensuel

 

Acciaio - D'acier - Stefano Mordini - 2012 (it.) 2013 (fr.)

 

 

 

C'est un film très agréable à voir, surtout je suppose pour les garçons qui peuvent admirer à loisir deux jolies jeunes filles en tenues légères, petits shorts ultra-courts sur cuisses fines comme on n'en fait plus (1). Le problème réside peut-être là : il est agréable, on passe un bon moment. Et puis après ?

Plusieurs thèmes s'entremêlent qui auraient pu donner, comme dans le roman (2) quelque chose d'un peu social, d'un peu ancré dans une époque (3), mais tout se passe comme si le réalisateur ou sa production n'avaient souhaité choquer personne, et surtout pas faire réfléchir.

Il y a donc ces deux jeunes filles dans une relation d'amour adolescente comme il peut s'en esquisser dans l'attente des premiers garçons - elles n'ont pas l'air vraiment lesbiennes, c'est juste que -, le père brutal de l'une d'elle (sombre situation effleurée mais vite on passe à autre chose), absent de l'autre (qui revient brièvement foutre sa merdre puis finalement non), le beau grand frère magnifique courageux (il faut bien assurer en l'absence du père), l'usine voisine une aciérie comme seul avenir ou bien partir ; mais qui part revient : c'est ce qu'a fait la belle blonde, devenue cadre de l'entreprise ; une boite de nuit mais une scène potentiellement sexuelle y tourne assez vite court, des flirts ratés, un petit ami vite escamoté. Au fond peu de réelle sensualité malgré l'exposition des corps comme ils peuvent l'être dans la chaleur d'un bel été.

Quelques belles images de travail d'usine, aussi. Mais posées là sans réelle suite, là aussi, comme si on craignait d'importuner en montrant trop de travail.

Plusieurs films étaient possibles : une œuvre sensuelle, tout était prêt y compris cette sorte de cabane dont elles disposent pour leurs siestes avant que le propriétaire n'en réclame l'usage, l'éveil des deux jeunes femmes à l'amour, à la sexualité ; une œuvre d'époque : génération sans perspective qui tente quand même de grandir et se frayer un chemin ; une œuvre sociale : la fin de l'industrie dans notre vieille Europe et la casse sociale qu'elle induit ; une œuvre dramatique : comment un événement brutal et précis peut changer plusieurs vies.

Au lieu de ça une œuvre jolie, qui n'ose aller nulle part, un drame dont on semble soudain se rappeler qu'il fallait qu'il ait lieu mais surtout ne parlons pas des choses qui fâchent, et donc pas de sexe, pas de mort, pas de luttes sociales, pas de violence vue de trop près.

Du coup, il ne reste que quelques cuisses qui courent, de beaux décors, de bons acteurs, mais longtemps plus tard, en mémoire, je suis prête à parier : presque rien.

Je ne regrette pas de l'avoir vu, je l'aurais simplement aimé plus énergique, plus militant ; moins : j'aborde un sujet puis avant qu'il ne fâche, je passe au suivant.

Reste une très belle relation familiale entre la mère que son mari a quittée, ses deux enfants frère et sœur qui se veulent du bien et tentent de s'en sortir. Les scènes qui les concernent sont très réussies.


nb. : À  sa décharge, j'ai vu ce film quatre jours après avoir vu The grandmaster de Wong Kar-Wai qui m'a bluffée, alors peut-être que quoi ce fût ne pouvait que me paraître fade à côté de cet opéra du king fu.

 

(1) Sur ce coup-là je ne suis tellement pas le cœur de cible que j'ai mis 25 minutes à reconnaître l'une de l'autre les deux jeunes protagonistes. Elles s'habillent et sont coiffées de façon similaire, j'ai mis longtemps à me rendre compte que l'une était un peu plus grande et l'autre a les cheveux davantage ondulés. Bon, les dames ne sont pas en reste qui peuvent admirer le (trop parfaitement) beau Michele Riondino, du coup peu crédible en type qui mène une vie dure de gars contraint de complèter la paie rudement acquise par quelques combinazione nocturnes. Et évidemment il faut qu'il soit amoureux de la belle fausse blonde de service et là on a envie de dire Même dans un film italien ? Quelle dictature de l'éclairci.

(2) "D'acciao" de Silvia Avallone

(3) Un ami m'a rappelé que le livre se situait en 1993 et était beaucoup plus ancré dans le concret de la politique de ces années-là. Le film se veut actuel de façon un peu molle. Il y a de l'internet. Pas trop de téléphones portables mais un peu quand même. La lutte sociale est gommée, esquissée, à peine évoquée.

 


L'intervallo - Leonardo di Costanzo - mai 2013

 

Il sera dit que les deux films récents qui auront laissés sur moi une empreinte durable en cet hiver 2013 devaient être italiens :

Les équilibristes, vu au festival d'Arras et qui me hante encore, depuis novembre l'effet n'est pas dissipé ;

- L'intervallo de Leonardo di Costanzo vu à Paris avant une belle rencontre.

 

 

 

Les films les plus forts viennent souvent des fils les plus fins : deux jeunes se retrouvent à devoir partager une journée dans l'attente inquiétante des mafiosi qui les ont mis en présence ; on comprend très vite que la jeune fille s'est faite enlever par représailles ou punition. Quant au garçon, il n'a pas eu trop le choix, et s'est sous la menace qu'il se fait geôlier.

Bref, una giornata particolare, mais dans une vie d'adolescents menacés par la violence d'une société dans laquelle ils n'ont que commencé à poser les pieds ; mais qui aurait été filmée par Tarkovski au lieu de Scola : décor digne de la fin de Stalker ou Nostalghia, grands bâtiments abandonnés avec splendide séquence de pluie et la présence de l'eau aussi à l'intérieur, comme un hommage (1), et les avions qui par moments passent si bas que comme dans Le sacrifice ils interrompent actions ou conversations ou du moins les dévient.

Mais contrairement à l'univers exclusivement sombre du cinéaste russe, le film italien nous offre de délicates trèves, alors que les deux protagonistes explorent l'univers clos dans lequel on les a jetés. Ces moments où la part d'enfance encore vive en eux reprend le dessus et la menace sur leur avenir immédiat s'estompe.

La magie du film est de nous accorder aussi une parenthèse, un espoir que la beauté du monde malgré sa condamnation à plus ou moins brève échéance, ne soit pas tout à fait perdue et qu'il doit être possible de s'entendre entre (sur)vivants.

Enfin, les mafieux et par ailleurs l'expression des jeunes, en dialecte, sont d'une impressionnante vérité. À en oublier qu'il s'agit d'une fiction.

Je sais que ce film me restera longtemps. Et que perdureront quand j'aurai oublié l'essentiel de l'intrigue, ces deux scènes du fils et son père préparant leur matériel de travail pour la journée, à gestes immuables, silencieux et précis, puis le repliant à la nuit venue.

 

 

PS : J'ai la conviction, s'il parvient à maintenir le cap face aux sollicitations et aux risques séduisants de ce monde et sauf accident de la vie, qu'on tient en Allessio Gallo un futur très grand : prenez le temps d'écouter son interview au sujet du film. Ses débuts me rappellent ceux de Di Caprio dans Gilbert Grape, et il ne s'agit pas plus de le prendre pour un pataud sympa que le tout jeune Leonardo d'alors pour un handicapé (2). He's gonna be redoutable et vous pourrez dire : j'ai vu son premier film.

 

(1) Se méfier des fausses évidences : interrogé à ce sujet Leonardo di Costanzo qui parlait lui-même volontiers de "Una giornata particolare" a dit que les références à Tarkovski n'étaient pas volontaires, dont il était flatté.

(2) Il était à ce point saisissant, et peu connu à l'époque, que j'avais eu un doute si le cinéaste n'avait pas fait le pari de recruter quelqu'un qui l'était.

Bonus : un article de Télérama avec trois extraits commentés par son réalisateur


Le coupable

 

Ne cherchez pas, ce n'est pas le titre d'un film, c'est juste que le monsieur au centre de cette photo 

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(le 4ème en partant de la gauche) c'est à cause de lui qu'on a parfois des dabadabada en tête et qu'on ne peut pas entendre prononcer "Love story" même si ce n'est pas au sujet du film d'Arthur Hiller, sans avoir un air mélo gluant qui annexe notre cervelle pour un long et éternel moment, surtout si l'on est comme moi sujette aux chagrins d'amour.

Mais voilà par chance pour lui je suis encore capable de faire la distinction entre mes goûts personnels et les malheurs de l'existence qui m'ont rendu certaines choses insupportables, et une solide admiration pour un grand professionnel, à qui un réalisateur a un jour demandé Je voudrais une musique qu'ensuite quand les gens l'entendront ils se rappeleront le film, et qui a si bien réussi à satisfaire la commande que c'en est insupportable.

Cet homme s'appelle Francis Lai, il parle fort bien de son métier et si je lui en veux pour imposer parfois des airs à mon cerveau, je lui suis reconnaissante de la bonne leçon de cinéma accordée ce matin - en compagnie de Jean-Michel Bernard que j'eusse aimé écouter plus longuement, que ce soit au piano ou pour causer (mais bon, il était là surtout pour jouer) -.