La Rochelle, dragons 5, dimanche après-midi
Mes amis festivaliers, pour la plupart sont très organisés qui calculent leurs séances au plus près afin de ne rien manquer. Je ne fais pas partie de ce lot professionnalisé. Je préfère rester en partie désordonnée et brouillon afin de suivre l'inspiration.
Je repère autant que je peux les séances "à ne pas manquer" et pour le reste, je me laisse porter.
J'avais donc dans l'idée d'aller hier en début d'après-midi voir un film avec Juliette Binoche et qu'elle devait peut-être présenter. Je ne crois pas que l'annonce de sa non-venue ait joué, c'était aussi une question de province : le dimanche midi la plupart des restos et cafés, malgré le festival et la saison touristique étaient irrémédiablement fermés.
Nous étions trois [du ciné-club] à nous être croisées au film du matin ("Une nuit" de Niki Karimi, un bonheur) et qui avions cherché à déjeuner après. Un petit restaurant iranien avait pu nous accueillir. Un régal. Mais un régal lent. Le repas achevé l'heure de début du film était passée.
"A dieu ne plaise" aurait dit Serge (ou bien Saucisse, allez savoir), allons à une séance de 14 h 30 (1).
L'une d'entre nous repère "Caramel" film libanais de femmes et pour les femmes (2). Nous décidons d'y aller. C'est à la salle Dragon 5 (3), une grande d'entre les grandes. Mais le phénomène du programme unique et le temps pluvieux ont encore frappés : arrivées un quart d'heure avant le début, nous voyons le flux des entrants stoppé peu avant nous. Un des gars de l'équipe d'accueil part faire la chasse aux places (indument) réservées, revient en disant "10 personnes".
Une des amies qu'un autre film motivait choisit d'aller vers l'autre salle, pendant ce temps et alors que je me suis retournée vers elle qui partait nous sommes comptés, et je vois soudain tomber une chaîne entre l'amie qui restait et moi. J'étais dans les 10 elle n'y était pas.
Je lui propose d'échanger c'était elle la plus intéressée. En même temps on nous presse (Ça va commencer), et le type repart faire un point de strapontins, du coup ma camarade qui est la première de ceux qui auraient dû entrer, me fait signe, avec un peu de chance ça ira.
Alors je monte les escaliers. Seule "sélectionnée". Sans autre mérite que d'avoir fait un pas de plus à un moment où il fallait au cours d'une conversation calme où l'on ne se méfiait pas de comment nous étions placées.
Je suis restée tracassée, guettant si d'autres gens après moi pouvaient entrer, puis le noir dans la salle s'est fait et le film m'a attrapée. Je me souciais de la déception de l'amie qui m'avait accompagnée jusqu'au geste de pouvoir qui nous séparait. Pas un seul instant, même quand le film s'est révélé plaisant je n'ai su me dire simplement "chic alors, j'ai pu entrer".
Il m'aura permis de comprendre que je porte aussi mal le fait d'être élue que d'être écartée, sauf à ce que l'élection tienne d'un travail délicat et difficile fournit et apprécié. Je comprends mieux depuis trois ans une part de mes difficultés. Je comprends mieux aussi d'où me viennent des convictions politiques qui ne m'ont pas été données , rien à voir avec aucune morale ni principe d'éducation, mais plutôt quelque chose de l'ordre de l'assemblage interne, du fonctionnement des boulons neuronaux et qui me rend incapable du moindre "moi d'abord" (sauf à ce que ma vie soit physiquement directement en danger, j'imagine, d'autant que m'ont quittée ceux sauf un à qui sur Titanic j'aurais tendu la planche).
Pour ce monde-ci c'est un peu gênant.
(1) c'est un des grands bonheurs de ce festival, il y a toujours quelque part de quoi se rattraper ou bien la plage, la médiathèque (de rêve) ou se balader (à pied ou en vélo (de location)).
(2) à tel point que bien qu'il soit bon et drôle et émouvant, à un moment ça a fini par me gaver, comme le fait un met trop sucré, et à force écoeurant. On dirait que la vie des femmes c'est rien que penser à se pomponner pour plaire et le faire (se pomponner) ou pas (plaire).
(3) je vous assure c'est son vrai nom, c'est pas exprès (cf. étrange concordance avec cette photo de Supmylo et ses commentaires)
[photo : in situ]