Toujours à l'affiche (Sugar Man)

 

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 Je n'ai pas eu les moyens d'aller à Bruxelles, ni lui de m'offrir le trajet, c'est donc chez son éditeur dans le VIIIème que je passe prendre les petits "Alice ..." du bien-aimé à redistribuer aux personnes choisies, équipés d'un carton sur lequel de chez lui il a préparé pour chacune une dédicace.

Le patron, sympa, me laisse y aller sur les heures de librairie qu'après tout elles concernent aussi. 

C'est ainsi qu'à 14h40 par un mercredi d'avril (glacial) je constate avec une petite bouffée de joie que "Sugar Man" est toujours là.

 

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Au petit matin

lundi 9 juillet 2007, sans doute un peu avant 7 heures

P7090024 Pour cause de contraintes professionnelles communes, le groupe dont je fais partie sur ce festival n'avait jamais ou seulement jadis assisté à la nuit blanche, clôture traditionnelle des 10 jours de cinéma.

Cette année étant peut-être la dernière, nous avons fait l'effort sur nos congés et financiers de rester un jour de plus afin d'en profiter.

L'élu de l'hommage était Robert Mitchum et "La nuit du chasseur" ne nous a pas déçus. Pourtant nous l'avions tous déjà (re)vu. Mais certains films vieissent avec des rides qui les embellissent et les rendent vénérés, quand d'autres se périment malgré d'immenses succès premiers. La connaissance accumulée au fil des années, du cinéma et de ce film, n'y ont rien fait : j'ai senti mon coeur qui battait à nouveau et toujours quand le méchant Mitchum en prêtre démoniaque poursuit les enfants perdus.

Il était étrange de rester ou se relever la nuit pour voir ensuite de vieux westerns qui auraient pu sombrer dans l'oubli. Une Marilyn dont on pressent qu'elle en a sous la semelle bien plus à revendre que son rôle simplifié, et dans le regard une urgence palpable, clôturait la nuit en sa compagnie, sur "Une rivière sans retour" qui bouclait la boucle embarquée (1).

Au petit matin fut servi le café (et un peu plus pour ceux encore vifs et qui sortirent sans traîner de La Coursive qui nous abritait) dans deux estaminets du vieux port.

Je n'ai pas su m'attarder, rêvant sans doute d'une Lilian Gish qui me recueillerait et me redonnerait confiance sinon en l'humanité du moins en l'existence d'une part de bonté, sans doute bien cachée, un petit gisement qui resterait, accompagné d'une réelle bienveillance, résistante aux vents mauvais. Comme l'enfant du film j'avais par deux fois crié "Don't" sans qu'on m'entende un seul instant, désemparée et impuisante. La vie avait continué vide.


J'ai pris quelques photos en rentrant par la plage. Je n'ai croisé personne. Peut-être étais-je la seule à avoir survécu à quelque chose que j'ignorais ? Le monde visible ressemblait à ma vie, inexplicable et singulière. Il vallait mieux rentrer.

(1) Il y aurait ainsi deux sortes de western, ceux à cheval et ceux en bateau. Mes préférences m'auront conduite à finir frustrée de longues chevauchées (j'ai préféré aux John Ford les films iraniens).

[photo : après la nuit, le petit-déjeuner]


Tristes files

ici ou là mais ce matin aussi

La_queue_du_dragon_080707p7080013 [photo : une des files d'attente qui se passait bien -il y en a eu aussi -]

On nous annonce pour cette année une fréquentation record au festival.

Chaque bonne nouvelle ayant son côté sombre, celle-ci n'échappe pas à la règle : les files d'attente cette année ont été, pas toutes mais certaines et nombreuses, très sauvages et désordonnées.

Les passionné(e)s ont choisi leur film dont certains passent peu, voire une seule fois. Arrivent donc une heure à l'avance afin de pouvoir dans la salle entrer.

Mais voilà que des copains, des voisins, des cousins, des politiciens (nous en avons entendu un répondre quelque chose comme "Vous savez qui je suis" à quelqu'un derrière qui protestait de sa manoeuvre de resquille) viennent se greffer autour de premiers arrivants.

Si la salle est vaste et que tout le monde entre (1) après tout peu importe, que leur mauvaise conscience si tant est qu'il leur en reste accompagne délicatement les insomnies que je leur souhaite.

Mais cette année ce ne fut pas toujours le cas. Certaines de mes amies ont fait l'attente longue trois fois avant de parvenir à voir par exemple "Le foulard bleu" (merci encore aux organisateurs pour la programmation supplémentaire), sans pouvoir forcément se rabattre sur d'autres films voisins dont les salles étaient également complètes.

Les films iraniens pour lesquels l'affluence a dépassé les espérances ont particulièrement été atteints par ce phénomène.

Paraît-il que l'an prochain une très grande salle devrait s'ajouter aux autres et permettre ainsi d'éviter l'inconvénient, si décevant et si usant à force, d'autant que chacun des resquilleurs s'estimant être le seul à procéder ainsi s'applique à rembarrer les rares qui osent protester, quand ils n'usent pas d'une mauvaise fois désarmante ("J'étais là avant" affirme avec applomb l'apparition soudaine et massive qui vient à l'instant de se matérialiser devant vous).

Je tiens à préciser que j'ai vu souvent les jeunes bénévoles ou membres du staff de festival prendre leur place scrupuleusement et risquer tout comme moi de se faire refouler, sans tenter par leur statut d'obtenir aucun privilège. Bravo à eux.

Honte à ceux qui se croient au dessus du petit peuple des cinéphiles respectueux.

A quand une canalisation souple des files comme c'est d'usage souvent à Paris et qui permet de freiner les abus en rendant l'agrégation de dernière minute un peu trop voyante ou sportive ?

(1) un très bon film d'où qu'on soit dans la salle et du moment qu'on voit l'essentiel de l'écran vous embarquera aussitôt. Un qui ne vous convient pas, vous aurez beau être placés comme des rois de l'Ancien Régime il vous lassera ou vous endormira.

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2 mois 0 semaines et 1 jour

et déjà tant de dégâts.

Le fait même qu'il en ait été question prouve que ça ne s'arrange pas :

http://rue89.com/2007/07/07/pataques-du-gouvernement-concernant-la-la-palme-dor

(d'après le site Rue89)

J'ai vu ce film ici à La Rochelle. C'est une oeuvre sensible et d'une grande dignité.

Elle n'est pas à conseiller pour des enfants petits, compte tenu du sujet abordé et de son traitement qui ne joue pas le jeu de l'hypocrisie. Des images risquent de leur rester qu'ils seraient trop jeunes pour appréhender (1). Seulement il se trouve que sans être didactique il est d'une grande pédagogie. Tous ceux et celles en âge de procréer devraient pouvoir y accéder, ainsi qu'à toute information qui les met au courant de leurs risques et responsabilités.

Bien sûr si l'on veut diriger des citoyens ignorants et encourager des jeunes filles les viols consentants ainsi que les risques graves et inutiles, on peut censurer, c'est même conseillé.

(1) encore que, s'il y a un adulte pour expliquer et discuter et mettre en garde un peu avant, ce n'est probablement pas pire que les monceaux d'horreur vaine qu'ils ingurgitent à la télé.


Ciné couché

Entre jeudi et vendredi peu après minuit

Pict0068 Un des lieux du festival les plus magique et envoûtant s'en trouve un peu à l'écart. C'est une ancienne Chapelle parfaitement restaurée.

Des films y sont projetés, essentiellement des courts.

Jusque-là tout est classique.

A un détail près.

C'est au plafond qu'ils sont projeté. Et allongés qu'on les regarde.

Pour ces brefs voyages, quel meilleur procédé ?


La dernière de la séance

La Rochelle, dragons 5, dimanche après-midi

P7010044  Mes amis festivaliers, pour la plupart sont très organisés qui calculent leurs séances au plus près afin de ne rien manquer. Je ne fais pas partie de ce lot professionnalisé. Je préfère rester en partie désordonnée et brouillon afin de suivre l'inspiration.

Je repère autant que je peux les séances "à ne pas manquer" et pour le reste, je me laisse porter.

J'avais donc dans l'idée d'aller hier en début d'après-midi voir un film avec Juliette Binoche et qu'elle devait peut-être présenter. Je ne crois pas que l'annonce de sa non-venue ait joué, c'était aussi une question de province : le dimanche midi la plupart des restos et cafés, malgré le festival et la saison touristique étaient irrémédiablement fermés.

Nous étions trois [du ciné-club] à nous être croisées au film du matin ("Une nuit" de Niki Karimi, un bonheur) et qui avions cherché à déjeuner après. Un petit restaurant iranien avait pu nous accueillir. Un régal. Mais un régal lent. Le repas achevé l'heure de début du film était passée.

"A dieu ne plaise" aurait dit Serge (ou bien Saucisse, allez savoir), allons à une séance de 14 h 30 (1).

L'une d'entre nous repère "Caramel" film libanais de femmes et pour les femmes (2). Nous décidons d'y aller. C'est à la salle Dragon 5 (3), une grande d'entre les grandes. Mais le phénomène du programme unique et le temps pluvieux ont encore frappés : arrivées un quart d'heure avant le début, nous voyons le flux des entrants stoppé peu avant nous. Un des gars de l'équipe d'accueil part faire la chasse aux places (indument) réservées, revient en disant "10 personnes".

Une des amies qu'un autre film motivait choisit d'aller vers l'autre salle, pendant ce temps et alors que je me suis retournée vers elle qui partait nous sommes comptés, et je vois soudain tomber une chaîne entre l'amie qui restait et moi. J'étais dans les 10 elle n'y était pas.

Je lui propose d'échanger c'était elle la plus intéressée. En même temps on nous presse (Ça va commencer), et le type repart faire un point de strapontins, du coup ma camarade qui est la première de ceux qui auraient dû entrer, me fait signe, avec un peu de chance ça ira.

Alors je monte les escaliers. Seule "sélectionnée". Sans autre mérite que d'avoir fait un pas de plus à un moment où il fallait au cours d'une conversation calme où l'on ne se méfiait pas de comment nous étions placées.

Je suis restée tracassée, guettant si d'autres gens après moi pouvaient entrer, puis le noir dans la salle s'est fait et le film m'a attrapée. Je me souciais de la déception de l'amie qui m'avait accompagnée jusqu'au geste de pouvoir qui nous séparait. Pas un seul instant, même quand le film s'est révélé plaisant je n'ai su me dire simplement "chic alors, j'ai pu entrer".

Il m'aura permis de comprendre que je porte aussi mal le fait d'être élue que d'être écartée, sauf à ce que l'élection tienne d'un travail délicat et difficile fournit et apprécié. Je comprends mieux depuis trois ans une part de mes difficultés. Je comprends mieux aussi d'où me viennent des convictions politiques qui ne m'ont pas été données , rien à voir avec aucune morale ni principe d'éducation, mais plutôt quelque chose de l'ordre de l'assemblage interne, du fonctionnement des boulons neuronaux et qui me rend incapable du moindre "moi d'abord" (sauf à ce que ma vie soit physiquement directement en danger, j'imagine, d'autant que m'ont quittée ceux sauf un à qui sur Titanic j'aurais tendu la planche).

Pour ce monde-ci c'est un peu gênant.

(1) c'est un des grands bonheurs de ce festival, il y a toujours quelque part de quoi se rattraper ou bien la plage, la médiathèque (de rêve) ou se balader (à pied ou en vélo (de location)).

(2) à tel point que bien qu'il soit bon et drôle et émouvant, à un moment ça a fini par me gaver, comme le fait un met trop sucré, et à force écoeurant. On dirait que la vie des femmes c'est rien que penser à se pomponner pour plaire et le faire (se pomponner) ou pas (plaire).

(3) je vous assure c'est son vrai nom, c'est pas exprès (cf. étrange concordance avec cette photo de Supmylo et ses commentaires)

[photo : in situ]


cris et scènes de la vie conjugales

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Prise d'un élan soudain de "révisons nos classiques", j'ai opté pour "Scènes de la vie conjugale" un Bergman pur jus s'il en est.
   
Bergman c'est comme l'opéra, même si on a une attirance dés le plus jeune âge, on n'en profite pleinement qu'une fois un certain nombre d'années encaissées. Le rythme lent permet de vaquer à ses propres réflexions que dialogues ou situations ont pu nous réveiller, et ça me va bien.
    
Encore sous leur emprise je quitte le noir de la salle pour la grande lumière de début d'après-midi. A peine un pas posé dehors, je tombe sur une foule nombreuse et attentive. D'un haut parleur invisible mais bien réglé et pas crachouillard du tout, une voix d'homme prononce d'un plus bel anglais la fin d'une phrase qui se termine par "London". J'entends quelques cris de joie, dont j'ai appris plus tard qu'ils venaient de skippers britanniques en escale à La Rochelle, vite couverts par un tonitruant murmure de désappointement.
    
Ce n'était pas très charitable, mais je le confesse, le contraste était tel, entre cinéma et réalité brutale, et le grondement si parfait, tellement à l'unisson, que j'ai éclaté de rire. Je n'étais pas la seule.
    
Pas la seule sans doute que les enjeux économiques dépassent et qui saturais déjà de jeux même pas commencés mais dont on parlait tant.
   
Que les amateurs déçus se consolent : au moins des épreuves à Londres auront lieu à des heures abordables !