2022 jour 3 : une après-midi de sommeil
08/11/2022
Arras Film Festival
lundi 7 novembre
Le premier film n'était qu'à 11:30, j'en ai profité puisque le programme d'entraînement de cette semaine comportait pour commencer une séance d'endurance fondamentale de 30' d'aller courir dans la ville, vers le fort Vauban, un parc non loin dont je me souvenais, et puis la fontaine aux lions, là où j'avais reçu lors d'un premier mai un appel de FDK qui m'avait donné courage et espérance. Je ne parviens pas à me faire au fait qu'il soit mort. Que plus aucun échange ne sera jamais possible.
Pour autant, cette demi-heure de course à pied, sous le soleil, en croisant des scolaires qui font leur séance, avec l'éternel panel des élèves faisant du sport dans le cadre scolaire, des déjà sportifs aux qui-détestent-ça en passant par ceux qui s'efforcent d'être de bons petits soldats, mais qui sans entraînement régulier ne peuvent pas faire grand chose, me rend allègre, je me sens bien.
Une douleur aux tendons de la cheville droite me pousse à une escale dans une pharmacie, afin d'acheter du baume du tigre, je pense au passage du "Sac à main" sur l'achat du peigne dans une pharmacie à Arras, et ne sais plus si c'est de mon histoire qu'il était question ou de celle de Marie elle-même.
D'une certaine façon, qu'il s'agisse de F ou elle, j'ai l'impression qu'ils sont ici un peu aussi avec moi.
Il me reste ensuite tranquillement le temps de me préparer pour la séance.
"La passagère" d'Andrzej Munk, Pologne 1961-1963 (0h59)(CMM = 0)
avec Aleksandra Slaska, Anna Ciepielewska, Jan Kreczmar, Marek Walczewsk
11:30 S3
Il est dit dans le film lui même qu'Andrezej Munk est mort accidentellement avant d'avoir pu achever son œuvre. Ce qui semble avoir fait que les survivants ont décidé d'en faire un film comme La jetée, une voix off sur des passages de photos enchaînées et d'autres passages qui sont filmés. C'est encore plus fort comme ça que si les séquence "croisières" étaient achevées et parlées. Le noir et blanc est splendide et la netteté des visages stupéfiante.
L'histoire est terrible, une femme, Liza, sur un navire de croisière qui la ramène son mari et elle en Europe dans les années 50 (je crois) croit reconnaître une détenue d'Auschwitz qu'elle avait contribué à sauver alors qu'elle était surveillante SS. Elle s'en ouvre à son mari un Américain (du sud, rencontré après guerre), lequel ignorait son passé. Les parties filmées sont le récit de la vie au camp. Les scènes sont d'un réalisme glaçant. Et d'autant plus poignantes qu'elles concernent les femmes, qu'on évoque moins : il y eut bien des films de prisonniers hommes glorieux mais les femmes sont assez délaissées des fictions sur ce thème. C'est si effarant qu'on ne comprend pas tout, ou que trop bien : ainsi le gars chargé de remplir les réceptacles pour les cristaux de gaz des pseudos douches d'en arrivant, les enfants marchant vers leur mort dès l'arrivée, le fait que le camp était si grand qu'il fallait y circuler, pour les responsables, à vélo ; la gestion énorme des objets dérobés aux populations spoliées (je n'y avais guère jusqu'ici songé, en dehors des cas d'œuvres d'art ou de meubles précieux dont les récupérations reviennent de loin en loin aux informations ; je n'avais jamais songé à la gestion des stocks de poussettes, par exemple).
L'ancienne responsable tente de se persuader qu'elle s'est montrée la plus humaine possible, que peut une personne dans une entreprise industrielle de destruction ? On voit à quel point au camp tout se paie, tout n'est que bref soulagement en échange de lourdes contreparties, certains éléments font penser au management moderne (à l'énorme différence que dans les entreprises actuelles on risque un licenciement et pas sa vie, ou rarement). Le film montre bien combien l'horreur et la mort peuvent débouler à chaque instant, y compris après des moments presque supportables - on soigne quand même un peu des gens, puis à peine après, on les tue pour une broutille, un soupçon -.
Une classe de lycéens assistait à la projection, je me suis demandée comment ils pouvaient percevoir une telle œuvre. Nous sommes d'une génération de 20 ans après (c'est rien, 20 ans), avons grandi entourés d'adultes qui "avaient connu", voire de survivants (silencieux, le plus souvent), cet indicible dès que l'on grandissait nous était familier, pas moins violent, mais nous savions. À des jeunes de maintenant, une telle atrocité du quotidien, un massacre si soigneusement industrialisé, peut-il être plausible ? Un tel film à sa reconstitution appliquée, peut-il sembler être autre chose qu'une violente dystopie de fiction ?
J'ai retenu le numéro de matricule de Marta : 13417
Fut-il celui d'une vraie détenue ? D'une détenue que qui faisait le film avait personnellement connue ?
Il m'aura fallu l'après-midi pour récupérer, malgré un moment passé à faire les courses dans un établissement produits frais et bio, déjà repéré l'an passé, et qui fut un moment de calme, de vie paisible.
Pour la sieste je me suis amusée à regarder ce que proposait la télé locale, un bouquet de chaîne Samsung TV dont je n'avais jamais entendu parler, et l'une d'elle qui proposait des grands classiques. Alors j'ai tenté de revoir M le Maudit et comme presque à chaque fois que j'ai tenté de voir ce film, me suis endormie (le film n'y est pour rien, c'est que mes tentatives ont toutes lieu dans des moments d'extrême fatigue). Peut-être qu'à force les pièces du puzzle se complèteront et que j'aurais une idée de l'œuvre.
Finalement il fut vite 19:00 et temps d'aller voir le film prévu suivant.
"La reconstitution" de Lucian Pintilie, Roumanie, 1968 1h38
avec George Mihaita, Vladimir Gaitan, George Constantin, Emil Botta (1h37)(CMM = 0)
19:00 S5
Dans une sorte d'improbable buvette près d'un stade de foot - dont on entend les clameurs tout au long du film sauf en sa dernière scène - et d'un barrage, est tournée sous l'égide d'un étrange procureur, à la fois soucieux de son pouvoir et de se tremper les pieds dans l'eau, une reconstitution d'une bagarre entre deux jeunes, lesquels étaient bourrés lors des faits, mais doivent en acceptant le tournage d'un film pour l'édification de la jeunesse (où seront mis en scène leurs méfaits afin de montrer comme c'est moche) racheter leur faute et leur liberté.
Sauf que plein de petits trucs se passent mal, une jeune fille en maillot de bain traîne autour d'eux, sans s'habiller mieux sauf à l'extrême fin (si quelqu'un qui a vu le film sait nous expliquer pourquoi, à part pour le male gaze, nous sommes preneurs, sa persistance dans la tenue alors que tous les autres personnages sont pleinement vêtus, et qu'elle ne nage qu'au début, met un certain malaise), et que finalement la violence, trop bien re-mimée aura une conséquence funeste.
George Mihăiță est éblouissant dans le rôle d'un gentil petit délinquant un brin azimuthé façon Keith Moon et qui finira mal.
J'ai adoré le côté, On se demande sans arrêt où ils veulent en venir, chaque scène est un bijou en soi, les portraits sont somptueux. Des dialogues sont drôles. Le fait de faire rejouer aux délinquants mêmes leur délinquance. La fin tragique, alors même que les dirigeants sont déjà partis (sans se soucier que leurs acteurs d'un jour allaient bien, tournage terminé). Le match de foot et la foule en retour du stade à la fin.
Bref, à mes yeux une pépite.
Comme nous avons croisé un couple d'amis dans la salle puis en sortant, l'honnêteté m'oblige à préciser que mon enthousiasme n'est pas universel. Sans doute que pour beaucoup de personnes, le récit est trop à faux rythme et fort destructuré.
Je sais qu'un certain nombre de scènes reviendront me rendre visite, un paquet de mois encore après.
Retour maison juste après le film, à peine le temps d'échanger quelques mots avec nos amis du ciné-club croisés dans le hall du Mégarama.
Le joueur de pétanque s'est occupé de préparer un petit dîner (poisson déjà préparé, riz à cuire), tandis que j'écrivais ces chroniques, du moins je commençais.
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