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Arras Film Festival jour 8 : Il Campione

 

    Par une raison que je ne m'explique guère, vient un moment dans le festival où les horaires des films, pourtant (sauf exceptions, par exemple pour certaines avant-premières) réguliers, me deviennent inconnus. Je ne sais plus si c'est 11h30 ou 11h, 14h ou 14h30, 19h ou 19h30. 

Cette année c'est arrivé hier. De devoir vérifier. Signe que je suis désormais une festivalière aguerrie (variante : que j'étais moins surmenée que dab en arrivant) car généralement cet étrange déboussolement me survient plus tôt dans la semaine. 

Aujourd'hui c'était un jour à cinq films, du lourd. Essentiellement la compétition européenne. 

Juste le temps de passer à la chambre pour déjeuner vite fait le midi, dans l'après-midi y faire une ou deux escales le temps de passer aux toilettes et prendre un café. Le soir grâce à la célérité intelligente du service (et des cuisines) de la brasserie Brussel's Café, nous sommes parvenus à nous caler l'estomac d'un bon welsh juste entre le ciné-concert et la séance de 21h30. 

Pour le reste, la vie de cette journée c'était pur ciné. 

J'ai regretté de n'être pas à la fête de l'ouverture du nouvel Attrape-Cœurs, mais pas regretté d'être au Arras Film Festival. L'ubiquité serait nécessaire dans ce genre de cas précis, c'est aussi simple que cela. 

 

*                        *                        *

1/ The Father de Kristina Grozeva et Petar Valchanov (Bashtata, Bulgarie, 2019, 1h27)
avec Ivan Barnev, Ivan Savov, Tanya Shahova

Un père autoritaire et très âgé part en vrille après l'enterrement de sa femme. Leur fils qui est loin d'être un gamin, jongle entre son chagrin, des soucis de couple, des ennuis de boulot. Pour une raison que l'on ignore, ou alors j'ai dormi, il a menti à sa compagne au sujet de l'enterrement, et il fait croire qu'il est sur un set de tournage. 

La conjugaison explosive des deux situations, l'un qui fond un plomb, l'autre qui s'enferre dans un mensonge filandreux, donne assez vite un road movie réussi. 

Un plaisir que ce film, bien filmé, bien interprété, assez universel et attachant, mais eu égard à la personnalité agitée du père, un tantinet lassant. 

 

2/ Dafné  de Federico Bondi (Italie, 2019, 1h34)
avec Carolina Raspanti, Antonio Piovanelli, Stefania Casini

Après la mort subite de sa femme un père se retrouve à vivre seul avec sa fille qui est trisomique et adulte. Celle-ci est plutôt bien intégrée dans la vie, elle est un cas remarquable, quelqu'un d'attachant à l'intelligence vive. Comme souvent les personnes en deuil et de bonne volonté ils s'entraident. 

Très doux film, mais voilà : tout repose sur la personnalité de l'actrice principale, qui est assez unique, car le handicap au cinéma est souvent basé sur des exemples suffisamment remarquable pour permettre un film. Du coup et pour ma part, j'eusse préféré un documentaire sur sa vraie vie quotidienne. 

Après, il se peut que Carolina ait adoré jouer la comédie et ce rôle de Dafné. Alors c'est peut-être bien, ce choix de la fiction. 

Lasse de l'histoire du deuil qui me semblait plaquée, à un moment donné, j'ai laissé le sommeil me gagner. 

 

3/ Il Campione de Leonardo D’Agostini (Italie, 2019, 1h40)
avec Stefano Accorsi, Andrea Carpenzano, Ludovica Martino, Mario Sgueglia

Jeune joueur de foot du niveau de ceux qui font basculer un match à eux tous seuls, Christiano Ferro joue en permanence les bad boys, comme presque tous ceux qui sont passés directement de l'enfance à l'adulation à leur égard et des quartiers populaires aux villas et voitures de luxe avec les fréquentations assorties. Le dirigeant de son club, dans cette fiction l'A.S. Roma décide entre opération de com' et réelle intelligence face à ce qui lui manque, d'employer pour le préparer au baccalauréat un répétiteur privé. Ça sera Valerio Fioretti, le seul des candidat·e·s à ne prendre le foot ni trop à cœur ni de trop haut. Après les inévitables frictions du début, une belle et intéressante relation se développe entre eux. 

Allez, ce sera sans doute lui mon coup de cœur. Belle comédie à l'italienne, très réussie, vraiment très, très. Andrea Carpenzano EST ce jeune joueur de foot issu d'un quartier populaire et adulé quand il joue bien. Nous l'avions vu l'an passé dans un rôle de jeune mafieux en devenir. Il est vraiment impressionnant. Peut-être fera-t-il parti des rares actrices et acteurs qui peuvent me pousser à aller voir un film alors qu'à l'ordinaire je fuis lorsque les personnages sont interprétés par des personnes connues. 

En fait ce film c'est "Le porteur de serviette" en remplaçant le politicien véreux par un jeune footballeur de bonne volonté. 

On voit un peu du foot business à l'œuvre, version proprette et édulcorée. Les parties sportives sont filmées avec élégance et efficacité, on y croit - et c'est rare, souvent les fausses joutes sportives de cinéma sonnent faux -. Un soin particulier a été apporté à éviter de faire voir de trop près que l'acteur n'a pas la musculature d'un sportif pro - vêtements longs le plus souvent, plans de coupe sur les jambes, par de plans de trop près quand il est en short et manches courtes. 

Bref, c'est un film à détails soignés, il tient la route malgré le petit côté troppo bello pour être vrai. 

Coup de vieux garanti pour les spectateurs de mon âge : le vieux prof, l'acteur qui le joue, il a 8 ou 9 ans de moins que nous. Ah OK. On est ça plus vieux que les rôles de vieux, déjà.

Je me suis régalée. 

Une interview d'après match film 

 

4/ Rails de Mario Camerini (Rotaie, Italie, 1929, 1h31)

avec Käthe von Nagy, Maurizio D’Ancora, Daniele Crespi, version restaurée en 2011

Deux jeunes gens ont fui la famille de la jeune femme qui s'opposait à leur union. Ils sont sans le sous et envisagent de mourir. Seulement le passage d'un train (qui les débarrasse du poison dont ils disposaient pour ce faire) et la récupération d'un portefeuille bien gonflé qu'un homme venait de semer, leur permet de partir. Les voilà sur un lieu de vacances de riches, en train de claquer, enfin lui, au casino l'argent trouvé. Un homme les aide qui entend bien profiter de la jeune femme en échange. 

Le film valait surtout pour le concert par Jacques Cambra et le directeur du conservatoire qui tenait batterie et percussions et par moment une sorte de xylophone, qui se mariait étrangement bien avec le piano pour accompagner certaines scènes. 

Sinon, les scènes de casino s'éternisent allègrement. Et on voit un presque viol à l'écran ce qui dans un muet noir et blanc surprend.  

 

5/ Let there be light 

Slovaque, film de Marko Skop, 2019, 1h33
avec Milan Ondrik, Frantisek Beles, Zuzana Konecna, Lubomir Paulovic

Un père de famille slovaque issu d'un village reculé travaille en Allemagne depuis plusieurs années sur des chantiers pour les particuliers. Il ne rentre que rarement chez lui. En ce Noël où il le fait, c'est pour découvrir, passée la joie des retrouvailles, que son ado de fils aîné s'est laissé embringuer dans un groupe d'extrême droite via l'Église locale. Et le cadet semble au bord de suivre la même voie. Un camarade de l'aîné se suicide après avoir été harcelé au sein de ce même groupe. Et là, ça n'est plus une simple question d'idéologie contestable, mais de la mort qu'elle peut entraîner.

Ça rigole pas, ça nous pend au nez (1). Le film est parfaitement interprété et filmé - presque un peu trop, grand classicisme -, le propos judicieux, particulièrement par les temps qui courent. Et on voit à quel point les différents niveaux de pouvoir (l'Église, la police) sont déjà gangrenés. On voit aussi l'homophobie la plus crasse à l'œuvre et les difficultés des relations parents-enfants lorsque ceux-ci grandissent. 

Un des meilleurs et en tout cas des plus puissants films de ce cru 2019

 

(1) Ce qui est plus spécifiquement Slovaque : l'exil économique d'un membre de la famille en Allemagne, le fait de pouvoir détenir un arsenal à la maison et de tresser le formage (?) pour arrondir les fins de mois, ainsi qu'un entre-soi ethnique qui quoi qu'ils en disent demeure. Pour le reste ce film aurait pu être transposé en France avec par exemple : le père bossant à la grande ville et la famille restée à la campagne, sans changer grand-chose. 

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