Arras Film Festival jour 6 : Bel anniversaire
15/11/2019
C'est un joli luxe que d'être réveillée par des messages de Bon anniversaire et d'avoir un peu de temps devant soi. J'hésitais à aller nager mais JF avait envie de voir Garçon ! le film avec Nicole Garcia, entre autre et Yves Montand. Finalement, le film l'a emporté.
Curieusement, malgré un programme de films chargé, nous aurons beaucoup mangé : un déjeuner au restaurant à droite du cinéma en entrant (menu rapide et pas trop cher "spécial festival"), un dîner délicieux à la pizzeria Vidocq et entre le film de 16h30 et celui de 19h une gaufre à la Waffle fabrique.
Il n'a pas fait trop mauvais ni trop froid.
C'est étrange comme on est à la fois coupé du monde pendant le festival et pas tant que ça : par exemple j'ai su qu'il y avait eu un incendie à la mairie d'Annecy. Je pense qu'il peut y avoir d'autres choses importantes qui nous passent inaperçues parce qu'on est la tête dans les films quand elles surviennent et qu'ensuite l'actualité est passée à tout autre chose lorsque l'on consulte les réseaux ou les fils d'infos.
film sorti en 1983 tourné en 1982. Dans mon souvenir : ça se passait dans le café à Clichy qui ensuite longtemps s'est appelé Garçon à cause du film, Yves Montand jouait le rôle d'un grand séducteur et puis vraiment rien d'autre.
Dans ce qu'est le film : c'est tourné ailleurs, une seule séquence à Clichy dans un café qui n'est pas là où le personnage de Montand travaille, mais où il retrouve Gloria une de ses amours passées, et pas mal de péripéties l'air de rien dont un parc d'attraction à mettre en place sur l'Île de Ré.
Le film a pris pour moi un grand intérêt d'air du temps passé : pas d'ordinateurs ni de téléphones portables, on s'écrit des lettres ou on en a l'intention, on va physiquement voir les gens, les voitures n'ont pas d'appui-têtes et l'on fume n'importe où n'importe quand. Le personnage joué par Nicole Garcia va à Londres pour son travail et c'est forcément en avion. Le Burkina Faso s'appelle encore Haute Volta et c'est grande aventure que d'aller là-bas.
J'avais aussi un faux souvenir mais tout personnel : je pensais avoir vu le film à sa sortie parce qu'il avait été tourné à Clichy et que ça avait aiguisé mon intérêt. En fait non je l'ai vu à un moment donné mais si c'était Clichy qui m'avait fait tilter c'était forcément après 1988. Curieux, les aléas de la mémoire.
De même je n'avais pas le souvenir que Simon de la Brosse, jeune acteur que l'on entrevoit entre autre dans le film ce fût suicidé en 1998.
Deux femmes en âge d'être retraitées s'aiment depuis longtemps dans la plus grande discrétion. Elles vivent dans l'appartement de l'une d'elle et l'autre en face n'occupe qu'un appartement presque vide, pour la forme. Elles projettent d'aller s'installer à Rome, là où elles s'étaient rencontrées des années (décennies ?) plus tôt. Seulement celle qui possédait leur lieu de vie fait un AVC et se retrouve hospitalisée et à la merci de ses enfants, adultes qui ont leurs propres soucis et n'imaginent pas un seul instant le lien réel entre leur mère et cette voisine soudain à leurs yeux intrusives qui tient tant à les aider.
C'est un film lent et magnifiques, avec quelques mystères (le rôle des corneilles ou corbeaux (je n'ai pas saisi l'allusion) ; une scène de disparition d'une fillette qui revient comme une image issue d'un lointain souvenir ou bien d'un cauchemar), avec un placement de caméras soigneusement travaillé pour des effets réussis. Grand usage des gros plans sur les visages (ça me gêne à force, ou plutôt ça me fatigue), sur des objets de l'appartement principal (ça, j'aime beaucoup), mais les actrices et l'acteur et le petit garçons sont tous parfaits alors ça se tient.
J'ai beaucoup pensé à ceux de mes amis qui ont connu dans les premières années de l'épidémie de SIDA des situations analogues : avant le PACS ils n'avaient pas d'existence aux yeux des familles des malades pour peu que le coming out n'ait jamais eu lieu (sans parler des cas où la situation était sue et la famille hostile et ensuite volontairement violente).
Une grande qualité du film réside dans la parfaite cohérence de chacun des personnages : ils en viennent à avoir des positions antagonistes mais elles sont parfaitement logiques de leurs points de vue respectifs. Aucun·e·s ne se met soudain à faire un truc qu'on se demande bien pourquoi. C'est une mécanique d'horlogerie qui s'enclenche.
Au demeurant, belle histoire d'amour.
Sans même parler de liaisons, nous sommes sans doute toutes et tous l'invisible de quelqu'un.
3/ Vivre et chanter (To live to sing Huo, zhe chang zhe)
Une troupe d'opéra traditionnel du Sichuan vivote dans une banlieue en pleine mutation. La directrice de la troupe a reçu l'ordre d'expulsion et le chantier gagne chaque jour du terrain mais les représentations se poursuivent coûte que coûte. Jusqu'au jour où les ouvriers arrivent et leurs machines alors c'est la dernière (je ne spoïle pas vraiment, les images sont explicites dès le début).
Les plus jeunes de la troupe partent peu à peu vers des modes de représentations ou de danses ou de spectacles plus rentables.
Les plus vieux spectateurs viennent témoigner de leur attachement à cet art.
Il y a des moments oniriques ou de représentations qui sont à pleurer de beauté. Entre chants, danses et formes d'art martiaux esquissés. Des moments magiques de danses actuelles avec les costumes traditionnels.
L'un des plus beaux films de ce festival. J'ai été émue aux larmes. Je pensais aussi sans doute un peu il faut bien l'avouer, au sort des librairies. Les livres sont comme un vieil opéra chinois.
4/ Carturan
Un vieux Roumain dans un coin perdu du pays élève seul son petit fils Cristi dont les parents sont morts (semble-t-il depuis longtemps). Seulement il est atteint d'un cancer bien métastasé et les médecins ne lui donnent plus que quelques mois de vie. Alors il tente de prendre ses dispositions afin que son petit fils ne finisse pas à l'orphelinat. Par ailleurs il tente d'organiser en sa propre présence ses "fêtes de funérailles" selon la tradition de ses ancêtres qui sont roumains mais d'une autre régions (encore plus reculée ?). Le prêtre qu'il contacte est sensible à sa détresse mais ne peut pas célébrer les funérailles religieuses d'un vivant. Ça se complique, forcément.
Beau film lent, la caméra calme, les paysages visibles et beaux. Les échanges plein de peines, de respects, de sincères affections.
Un seul défaut : pour le spectateur européen pas trop chargé de culture religieuse, cette histoire de cérémonie demeure hermétique. De quoi s'agissait-il en fait ? (je veux dire : si elle avait lieu, a quoi ressemblerait-elle ? Pourquoi le vieil homme y tient-il si fort ?) Quel est le sens de la parabole du semeur que le prêtre sert au sermon en direction de Carturan qui n'en demeure pas moins droit dans ses bottes : il veut sa cérémonie de funérailles tant qu'il est encore de ce monde.
Bref, un petit début en mode, images de vieux films de familles ou d'un documentaire qui ferait voir de quoi il s'agit ne serait pas un luxe (1).
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Globalement : une belle journée encore de très bons films. Avec un qui s'approche un peu du niveau chef d'œuvre ("Vivre et chanter", le film chinois)
(1) Un peu comme les images d'archives au début d'"Une journée particulière" qui permette au spectateur jeune de maintenant, voire de longtemps plus tard et pas forcément féru d'Histoire, de piger pourquoi ce jour-là l'immeuble est vide à par la concierge, la mère de famille nombreuse et celui qui attend que l'on vienne le chercher en vue de sa relégation.
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