"Coureur" de Kenneth Mercken

billet publié par ailleurs sur Traces et trajets

 

C'est un film âpre et violent. Sur la réalité du monde du sport, the dark side. J'y suis venue via Koen de Graeve, exceptionnel dans le film de Felix van Groeningen "La merditude des choses" ("De helaasheid der dinge"), déjà dans un rôle de père dérivant. Le film ne semble pas avoir été distribué ni diffusé en France, je me suis donc procurée le DVD. Lequel est arrivé pile le 31/12 alors que je croyais le colis perdu.

Je ne savais rien, ou ne me souvenais plus, concernant son réalisateur, Kenneth Mercken. 

Le film lui-même n'était pas si facile à retrouver en raison de plusieurs homonymies, du moins en titres français : ainsi "4 minutes mile" a-t-il été exploité par ici sous le titre de "The runner" (1), du coup en cherchant "Coureur" on tombe sur celui-ci en premier (et il s'agit de course à pied). Ou par exemple "Le coureur" film iranien de 1984 d'Amir Naderi, là aussi pour la course à pied.

C'est dommage. On est dans du grand cinéma, dans le domaine des films que l'on n'oublie pas, même si le sujet peut être réducteur - je me vois mal conseiller cette œuvre à quelqu'un que le sport ennuie -. Il y a une patte, une maestria dans la façon de filmer, une interprétation parfaite - fors une scène de corruption manquée (la corruption), qui pour une raison qui m'échappe m'a semblée surjouée, quoi que parfaitement crédible -, une manière de laisser du champ au spectateur pour se faire sa propre idée et comprendre ce qu'il peut ou pas ou au moins s'interroger. 

Les scènes de cyclisme et de dopage (puisque c'est bien de ça dont il s'agit) sont filmées d'une façon rarement vue aussi juste. Ce n'est qu'ensuite, après avoir vu le film que j'ai pigé : le réalisateur est un ancien cycliste reconverti. Et il a choisi un jeune acteur qui je le crois pratique le vélo, et est très crédible dans ses placements (2)

Le film constitue non pas une charge - il tendrait plutôt à prouver que quoi que l'on tente de faire pour endiguer c'est foutu par avance -, mais un témoignage fort contre le dopage et au delà du fait même de tricher (3), la forte mise en danger de la vie des pratiquants. Bel article de Mark Gallagher dans The Irish Mail à ce sujet.

L'histoire elle-même est simple et semble typique : Félix, champion national espoirs en Belgique, choisi malgré les conseils et les dispositions prises par son père, un bon coureur qui n'avait pas vraiment percé pro, mais gagné bien des courses, d'aller signer dans une équipe semi-pro en Italie. La concurrence est féroce et l'organisation sans pitié ni considération pour la santé des postulants. Le gars se tourne alors à nouveau vers son père pour tenter grâce à d'autres combines, celles d'un vieux briscard et pas juste l'EPO [le film semble se passer dans les années 90 ou début des 2000], de tenir le coup dans le lot. 

Tout est réussi, on voit l'engrenage se mettre en place, la dureté des entraînements, les enjeux de rôles au sein de l'équipe, la façon de pousser les gars à bout et d'éliminer ceux qui craquent, la façon de leur mettre la pression sur leur poids, les comportements mafieux. Excellentes idées : mettre en scène un gars plutôt costaud, tough kid, sans état d'âmes ni fortes déviances (l'un des personnages est un coureur russe, bien azimuthé, plus haut en couleur que ce courageux Belge qui cherche surtout à sauver sa peau, et c'est ça qui est réussi, mettre le centre d'intérêt sur un coureur doué mais pas extravagant) ; éviter de "faire du cinéma" : pas de temps perdu avec de la romance ou une dramatisation puérile, mais les gestes, le quotidien, les moments clefs, sans chichis.

Quelques scènes de bagarres ou de chahuts sont parfaites, du même niveau que les scènes agités du film Belgica (de Félix van Groeningen, toujours lui).

C'est un film pour spectatrices et spectateurs courageuses et courageux : on en ressort avec une vague nausée, et sans note d'espoir si ce n'est dans une prise de conscience générale et réelle (qui me semble assez utopique mais y croire ne coûte rien). On en ressort moins bêtes aussi, mieux averti·e·s. ; et si l'on est cinéphile, avec cette joie particulière d'avoir vu quelque chose qui se rapproche bien du chef d'œuvre. Ne lui manque qu'une sorte d'universalisme partageable dans le sujet, ce qu'on ne saurait lui reprocher puisque le sujet et son traitement en font également l'intérêt. Bravo à Kenneth Mercken et à ses équipiers.

J'espère qu'il sera visible en 2020 en France, malgré que le pays soit celui d'une des courses par étapes les plus renommées et que l'intérêt financier soit de continuer à faire semblant que depuis l'EPO le cyclisme est propre.

 

Attention : à éviter si l'on ne supporte pas la vue du sang, des aiguilles et du fait de se piquer. C'est filmé sans complaisance perverse, mais sans rien chercher à cacher. 

PS : Soit dit en passant, il est aussi question des effets nocifs possibles du sur-entraînement surtout chez les jeunes. 

PS' : Une intéressante recension chez Lanterne Rouge quant aux performances trop remarquables pour être crédibles, ainsi qu'un article sur le cas de Ricardo Ricco lequel avait failli mourir de ses propres pratiques, dont l'une que l'on voit dans le film. Et quelques nouvelles de Floyd Landis pendant qu'on y est.

PS'' : Son sujet est bien plus vaste mais "L'ombre du coureur", livre d'Olivier Haralambon mérite le détour.

 

(1) Cette absurdité de coller des titres anglais qui ne sont pas les vrais a le don de m'exaspérer.

(2) C'est un souci des films aux personnages principaux de sportifs ou musiciens : l'écart entre le geste appris pour le film et le geste accompli longuement lors d'années de pratique est criant. Et pour le sport, un corps sportif ou non, ça se voit. Ou alors il faut un montage particulièrement habile (Il campione très réussi de ce point de vue-là, le joueur le plus souvent en vêtements longs ou en plan assez éloignés, lorsque qu'un plan ne peut être coupé avec le physique d'un pro ; je ne crois pas, je peux me tromper, qu'Andrea Carpenzano ait un passé de sportif de haut niveau (ou plutôt d'espoir sportif, vu son jeune âge), belle ITW ici)

 

(3) À mon humble avis c'est le système capitaliste dans son ensemble qui en favorisant la glorification de la performance en toute chose et l'individualisation même au sein de sports collectifs pousse tout le monde au dopage, y compris des employés de bureaux cherchant à sauver leur poste. 


Arras Film Festival jour 9 : comment ça, dernier jour ?

 

    Ça passe vite, le festival, chaque année, mais ce cru 2019 a dépassé les bornes. Probablement parce que nous nous sommes immédiatement glissés dans notre routine de festivaliers, que tout était fluide, qu'il ne faisait pas un froid glacial, que nous n'avons pas perdu de temps - efficaces à faire nos courses, efficaces à intercaler la course à pied, et pour moi une séance de natation dans les interstices -. 

Donc un dimanche qui commençait sous le soleil, plutôt fisquet mais pas désagréable en course à pied (note à moi-même pour les entraînements : même équipement que le dimanche précédent : collant 2XU long tee-shirt 2XU à manches longues, par dessus un tee-shirt technique à manches courtes et une thermiques middle class du club (celle de chez Castelli), le bonnet-tour de cou du club en bonnet, un autre tour du cou en tour de cou, des mitaines de vélo, des chaussettes normales de course à pied (on est quand même au dessus de zéro) et c'était parfait pour une température entre 1°c et 3°c. 

Capture d’écran 2019-11-17 à 11.09.17

Après, il y avait pile le temps de rentrer, prendre une douche et le petit-déjeuner et filer à l'avant-dernier film de la compétition européenne, du moins pour nous dans notre ordre de projections.

Après le second film et tandis que JF retournera à la chambre, j'irai déguster une dernière gauffre de liège puis assister à la fin de la délibération publique du jury des critiques. The Father l'a emporté à l'unanimité absolue, c'était beau un tel ensemble.

La soirée de clôture sera fort longue car il y avait des surprises "spécial 20 ans" du festival et des paillettes balancées sur la scène qui colleront joliment à l'écran, malgré de beaux efforts de nettoyage avant la diffusion du film de clôture. Ça sera joli ces petits éclats brillants descendant peu à peu au fil de l'histoire. 

Nous terminerons le festival par un pot avec les deux autres couples présents du ciné club. Au Bureau, seul café ouvert le dimanche soir et accueillant, même tard. Il était plus de minuit lorsque nous sommes rentrés. D'où une rédaction décalée de ce billet (19/11/19 fin d'après-midi).

 

 

1/ Free Country
de Christian Alvart (Freies Land, Allemagne, 2019, 2h09)
avec Trystan Pütter, Felix Kramer, Nora von Waldstätten, Ludwig Simon, Leonard Kunz

En ex-Allemagne de l'est pas trop loin de Berlin, deux enquêteurs un de l'Ouest, qui est puni pour avoir mis en cause un corrompu au bras long, et un de l'est, qui aurait de toutes façons été là, sont mis sur une enquête concernant la disparition de deux jeunes filles, deux sœurs, qui comme toute la jeunesse du coin rêvaient de partir travailler à Berlin pour une vie meilleure.

Il vont assez vite apprendre que d'autres jeunes filles ont également disparu, mais sans qu'il y ait d'enquêtes parce qu'à part leurs ex-petits amis respectifs, tout le monde semble croire qu'elles avait quitté ce coin perdu pour la grande ville, volontairement.

C'est glauque à souhait, délicieusement tournée avec une façon de prendre son temps volontairement surannée. Ambiance follement Maigret, le port breton en moins (par exemple). 

Le film est un remake paraît-il point par point d'un film espagnol "La isla minima", lequel avait la touffeur en plus. Du coup les spectateurs de Free Country se divisent en deux : celleux qui l'ont vu et les autres. Je fais partie des seconds que le film a impressionné·e·s, mais les premières et les premiers quant à eux s'interrogent : pourquoi un remake si c'est à ce point pour y coller ? 

Et puis des goûts et des couleurs : j'ai particulièrement apprécié les longs plans calmes vus du ciel ; un des critiques dira lors de la délibération que c'était dramatique de voir à quel point l'usage des drones polluait le cinéma.

 

2/ Disco
de Jorunn Myklebust Syversen (Norvège, 2019, 1h34)
avec Josefina Frida, Kjærsti Odden Skjeldal, Nicolai Cleve Broch, Andrea Bræin Hovig

Une jeune femme incarnée par une actrice, Josefine Frida Pettersen, qui ressemble de façon frappante à Agnetha Åse Fältskog jeune, ce qui m'a je dois dire un peu perturbée, est à la fois championne de danse disco et égérie d'un mouvement chrétien qui dont les cérémonies sont des concerts pop ou rock. Le "Jésus revient" de "La vie n'est pas un long fleuve tranquille" est totalement out, sur ce coup-là. La danse Disco telle qu'elle est pratiquée dans ces compétitions est un peu étrange, de la pole dance sans la barre, avec une esthétique très sexualisée et paillettes. Du coup ça semble un peu curieux l'écart entre le côté hyper-religieux avec malgré les faux-airs délurés du rock en scène et cette vulgarité revendiquée avec une sexualisation des petites filles - on en entrevoit quelques-uns lors d'images de compétitions (1).

spoiler alert : ne pas continuer à lire après ça si vous comptez voir le film 

Mais bon, ils ont l'air content comme ça. Sauf que Mirjam, l'héroïne du film, commence à ne pas aller très bien, vomit souvent, fait des malaises en plein enchaînement de concours, écoute dans le secret des prédicateurs anglo-saxon, se met, puisque son entourage l'encourage à se recentrer sur sa foi, à fréquenter des personnes d'un groupe encore plus ultra-religieux que celui où officie le mari de sa mère (qui n'est pas son père mais semble l'avoir adoptée). Elle finit par aller avec ces derniers sur une sorte d'Utoya où elle est chargée d'encadrer des enfants à qui les organisateurs font subir de curieux traitements, comme une sorte de bizutage avec dieu en toile de fond. Mirjam elle-même lors d'une sorte de fausse alerte d'un goût douteux (puisque le massacre d'Utoya est dans toutes les mémoires), subit ce que j'ai pris pour une tentative de meurtre par noyade puis étranglement, avant de comprendre qu'il s'agissait d'une sorte de rite initiatique. 

Le film se termine avec tou·te·s ces enfants et jeunes personnes vêtu·e·s de couleurs claires et devisant paisiblement comme si on ne venait pas de leur faire crier un moment ou un jour plus tôt "Je suis prêt à mourir pour Jésus". Du coup ça laisse un sentiment de malaise, que la réalisatrice dissipe, elle a clairement voulu faire un film à charge, afin de dénoncer les dérives, mais elle ne sera pas là à chaque projection. 

J'ai un peu dormi, par mélange de fatigue personnelle et d'incompréhension sur ce que je voyais à l'écran, et cru avoir manqué des scènes qui apportaient les éléments nécessaires de compréhension. Seulement en se concertant à la sortie nous nous sommes rendus compte qu'on restait sans clefs. Par exemple on ignore si son état est provoqué par une grossesse, de l'anorexie ou une maladie. On comprend qu'elle est trop enfermée dans une communauté pour pouvoir remettre en cause ce qu'on lui inculque, mais on ne comprend pas vraiment ce qu'elle pense. Et la cohabitation entre ces compétitions hyper-sexualisées auxquelles elle prend part pour le plus grand enthousiasme de sa mère, de sa petite sœur et de sa communauté, et les préceptes religieux serrés qui semblent guider leur vie reste inexpliqué. 

Bref, ce film restera une énigme et trop de perplexité nous ont empêché de l'apprécier.

 

(1) Dont la réalisatrice nous a confié lors du Q & A d'après film qu'elles furent saisies lors de vraies compétitions. 

 

3/ Les vétos (film de clôture) de Julie Manoukian (France, 2019, 1h32)
avec Noémie Schmidt, Clovis Cornillac, Carole Franck, Michel Jonasz

J'admire les équipes du festival qui parviennent toujours à nous régaler d'un film de clôture qui parvient à être à l'intersection de critères quasiment disjoints : film grand public mais pas ennuyeux pour les cinéphiles avertis qui forment le gros des festivaliers, film ne posant pas trop de problème de langue, film un léger afin de se remettre des films durs qu'on a pu affronter, mais pas lourdingue, film avec quand même un peu de fond etc. 

Cette année ils sont encore parvenus à l'exploit de dégoter la perle rare. Ça n'est pas le chef d'œuvre du siècle seulement il est joyeusement féministe, montre des personnes qui réfléchissent et reviennent parfois sur leurs décisions ou paroles hâtives, dénonce une certaine situation sociale, tout en désamorçant les critiques qu'il y aurait eu à le faire frontal, par le rire, bref, c'est très bien. 

Le synopsis est simple : une jeune femme vient d'achever des études de vétérinaire, mais côté recherche, grippe aviaire et ce genre de chose. Seulement son vieil oncle, lui-même vétérinaire, mais de terrain et à la campagne, lequel fut à l'origine de sa vocation, entend bien partir en retraite. Alors il piège un peu tout le monde, et sa nièce (Alex) et son associé (Nico) et fait en sorte qu'elle se retrouve obligée de le remplacer au pied levé. Tout est très classique, très convenu, jusqu'à l'inévitable idylle naissante mais ça fonctionne à merveille. 

Les actrices et acteurs sont toutes et tous très bien, y compris la gamine pot-de-colle. Mention particulière pour Noémie Schmidt dont le rôle n'est pas évident - elle doit jouer les parisiennes mais pas trop, baroudeuse mais pas trop etc. - et Michel Jonasz que je n'avais pas spécialement recroisé depuis qu'il suçotait des glaces à l'eau et qui est très crédible en vieil oncle qui mène tout le monde en bateau mais est quand même là pour assumer quand ça se complique. Les dialogues pétillent bien. Je n'ai toutefois pas compris leur insistance à faire passer le Morvan pour un bout du monde perdu (OK, la désertification est à l'œuvre, mais la région n'est pas si perdue).

 

Ça ferait un super film de Noël à voir en famille. Sans doute pour ça que sa sortie n'est prévue, quelle bizarrerie, qu'au 1er janvier.


Arras Film Festival jour 8 : Il Campione

 

    Par une raison que je ne m'explique guère, vient un moment dans le festival où les horaires des films, pourtant (sauf exceptions, par exemple pour certaines avant-premières) réguliers, me deviennent inconnus. Je ne sais plus si c'est 11h30 ou 11h, 14h ou 14h30, 19h ou 19h30. 

Cette année c'est arrivé hier. De devoir vérifier. Signe que je suis désormais une festivalière aguerrie (variante : que j'étais moins surmenée que dab en arrivant) car généralement cet étrange déboussolement me survient plus tôt dans la semaine. 

Aujourd'hui c'était un jour à cinq films, du lourd. Essentiellement la compétition européenne. 

Juste le temps de passer à la chambre pour déjeuner vite fait le midi, dans l'après-midi y faire une ou deux escales le temps de passer aux toilettes et prendre un café. Le soir grâce à la célérité intelligente du service (et des cuisines) de la brasserie Brussel's Café, nous sommes parvenus à nous caler l'estomac d'un bon welsh juste entre le ciné-concert et la séance de 21h30. 

Pour le reste, la vie de cette journée c'était pur ciné. 

J'ai regretté de n'être pas à la fête de l'ouverture du nouvel Attrape-Cœurs, mais pas regretté d'être au Arras Film Festival. L'ubiquité serait nécessaire dans ce genre de cas précis, c'est aussi simple que cela. 

 

*                        *                        *

1/ The Father de Kristina Grozeva et Petar Valchanov (Bashtata, Bulgarie, 2019, 1h27)
avec Ivan Barnev, Ivan Savov, Tanya Shahova

Un père autoritaire et très âgé part en vrille après l'enterrement de sa femme. Leur fils qui est loin d'être un gamin, jongle entre son chagrin, des soucis de couple, des ennuis de boulot. Pour une raison que l'on ignore, ou alors j'ai dormi, il a menti à sa compagne au sujet de l'enterrement, et il fait croire qu'il est sur un set de tournage. 

La conjugaison explosive des deux situations, l'un qui fond un plomb, l'autre qui s'enferre dans un mensonge filandreux, donne assez vite un road movie réussi. 

Un plaisir que ce film, bien filmé, bien interprété, assez universel et attachant, mais eu égard à la personnalité agitée du père, un tantinet lassant. 

 

2/ Dafné  de Federico Bondi (Italie, 2019, 1h34)
avec Carolina Raspanti, Antonio Piovanelli, Stefania Casini

Après la mort subite de sa femme un père se retrouve à vivre seul avec sa fille qui est trisomique et adulte. Celle-ci est plutôt bien intégrée dans la vie, elle est un cas remarquable, quelqu'un d'attachant à l'intelligence vive. Comme souvent les personnes en deuil et de bonne volonté ils s'entraident. 

Très doux film, mais voilà : tout repose sur la personnalité de l'actrice principale, qui est assez unique, car le handicap au cinéma est souvent basé sur des exemples suffisamment remarquable pour permettre un film. Du coup et pour ma part, j'eusse préféré un documentaire sur sa vraie vie quotidienne. 

Après, il se peut que Carolina ait adoré jouer la comédie et ce rôle de Dafné. Alors c'est peut-être bien, ce choix de la fiction. 

Lasse de l'histoire du deuil qui me semblait plaquée, à un moment donné, j'ai laissé le sommeil me gagner. 

 

3/ Il Campione de Leonardo D’Agostini (Italie, 2019, 1h40)
avec Stefano Accorsi, Andrea Carpenzano, Ludovica Martino, Mario Sgueglia

Jeune joueur de foot du niveau de ceux qui font basculer un match à eux tous seuls, Christiano Ferro joue en permanence les bad boys, comme presque tous ceux qui sont passés directement de l'enfance à l'adulation à leur égard et des quartiers populaires aux villas et voitures de luxe avec les fréquentations assorties. Le dirigeant de son club, dans cette fiction l'A.S. Roma décide entre opération de com' et réelle intelligence face à ce qui lui manque, d'employer pour le préparer au baccalauréat un répétiteur privé. Ça sera Valerio Fioretti, le seul des candidat·e·s à ne prendre le foot ni trop à cœur ni de trop haut. Après les inévitables frictions du début, une belle et intéressante relation se développe entre eux. 

Allez, ce sera sans doute lui mon coup de cœur. Belle comédie à l'italienne, très réussie, vraiment très, très. Andrea Carpenzano EST ce jeune joueur de foot issu d'un quartier populaire et adulé quand il joue bien. Nous l'avions vu l'an passé dans un rôle de jeune mafieux en devenir. Il est vraiment impressionnant. Peut-être fera-t-il parti des rares actrices et acteurs qui peuvent me pousser à aller voir un film alors qu'à l'ordinaire je fuis lorsque les personnages sont interprétés par des personnes connues. 

En fait ce film c'est "Le porteur de serviette" en remplaçant le politicien véreux par un jeune footballeur de bonne volonté. 

On voit un peu du foot business à l'œuvre, version proprette et édulcorée. Les parties sportives sont filmées avec élégance et efficacité, on y croit - et c'est rare, souvent les fausses joutes sportives de cinéma sonnent faux -. Un soin particulier a été apporté à éviter de faire voir de trop près que l'acteur n'a pas la musculature d'un sportif pro - vêtements longs le plus souvent, plans de coupe sur les jambes, par de plans de trop près quand il est en short et manches courtes. 

Bref, c'est un film à détails soignés, il tient la route malgré le petit côté troppo bello pour être vrai. 

Coup de vieux garanti pour les spectateurs de mon âge : le vieux prof, l'acteur qui le joue, il a 8 ou 9 ans de moins que nous. Ah OK. On est ça plus vieux que les rôles de vieux, déjà.

Je me suis régalée. 

Une interview d'après match film 

 

4/ Rails de Mario Camerini (Rotaie, Italie, 1929, 1h31)

avec Käthe von Nagy, Maurizio D’Ancora, Daniele Crespi, version restaurée en 2011

Deux jeunes gens ont fui la famille de la jeune femme qui s'opposait à leur union. Ils sont sans le sous et envisagent de mourir. Seulement le passage d'un train (qui les débarrasse du poison dont ils disposaient pour ce faire) et la récupération d'un portefeuille bien gonflé qu'un homme venait de semer, leur permet de partir. Les voilà sur un lieu de vacances de riches, en train de claquer, enfin lui, au casino l'argent trouvé. Un homme les aide qui entend bien profiter de la jeune femme en échange. 

Le film valait surtout pour le concert par Jacques Cambra et le directeur du conservatoire qui tenait batterie et percussions et par moment une sorte de xylophone, qui se mariait étrangement bien avec le piano pour accompagner certaines scènes. 

Sinon, les scènes de casino s'éternisent allègrement. Et on voit un presque viol à l'écran ce qui dans un muet noir et blanc surprend.  

 

5/ Let there be light 

Slovaque, film de Marko Skop, 2019, 1h33
avec Milan Ondrik, Frantisek Beles, Zuzana Konecna, Lubomir Paulovic

Un père de famille slovaque issu d'un village reculé travaille en Allemagne depuis plusieurs années sur des chantiers pour les particuliers. Il ne rentre que rarement chez lui. En ce Noël où il le fait, c'est pour découvrir, passée la joie des retrouvailles, que son ado de fils aîné s'est laissé embringuer dans un groupe d'extrême droite via l'Église locale. Et le cadet semble au bord de suivre la même voie. Un camarade de l'aîné se suicide après avoir été harcelé au sein de ce même groupe. Et là, ça n'est plus une simple question d'idéologie contestable, mais de la mort qu'elle peut entraîner.

Ça rigole pas, ça nous pend au nez (1). Le film est parfaitement interprété et filmé - presque un peu trop, grand classicisme -, le propos judicieux, particulièrement par les temps qui courent. Et on voit à quel point les différents niveaux de pouvoir (l'Église, la police) sont déjà gangrenés. On voit aussi l'homophobie la plus crasse à l'œuvre et les difficultés des relations parents-enfants lorsque ceux-ci grandissent. 

Un des meilleurs et en tout cas des plus puissants films de ce cru 2019

 

(1) Ce qui est plus spécifiquement Slovaque : l'exil économique d'un membre de la famille en Allemagne, le fait de pouvoir détenir un arsenal à la maison et de tresser le formage (?) pour arrondir les fins de mois, ainsi qu'un entre-soi ethnique qui quoi qu'ils en disent demeure. Pour le reste ce film aurait pu être transposé en France avec par exemple : le père bossant à la grande ville et la famille restée à la campagne, sans changer grand-chose. 


Arras Film Festival jour 7 : premiers assoupissements (hé oui, ça arrive)

 

    C'était une journée chargée : nager au moins 45 mn le matin et voir 5 films. 

Ce fut possible et plutôt bien, mais j'ai pour la première fois de cette session du festival dormi pendant les films : une fois à cause du film qui était un peu mou et trop convenu, une fois parce qu'il y avait une cannonade sévère et que les bruits de guerre m'endorment (1) et la dernière totalement inexplicable, pendant le film "L'incinérateur de cadavres" que j'avais pourtant la sensation de suivre avec attention ... et soudain je reprends conscience il m'en a manqué un bout (spoïler alert : quand le tueur en série au délire nazi s'en prend à sa femme donc un pic de tension et d'action et moi ZZZZZzzzzz). Peut-être que les 1600 à 1800 m nagés entre 7h45 et 8h30 le matin n'y étaient pas pour rien, même si j'ai eu au contraire tout au long de la journée l'impression d'être davantage en forme que jamais. 

À part ça, repas à la maison, juste une gaufre de Liège lors d'un entre-deux et une soupe au "club-house" entre le film de 19h et celui de 21h30.

Un aller-retour à un moment où le temps de battement était fort court : l'homme avait oublié de prendre son anti-allergique et sentait venir une crise. 

Et sinon une quête de cartes postales d'Arras, curieusement difficile, comme l'an passé. Eussé-je voulu une carte du Mont Saint Michel au Furet du Nord ils en avaient. Mais pour le Beffroi d'Arras, j'ai dû trouver quelques vieilles cartes cornées qui survivaient sur un présentoir d'un café tabac vaguement un peu presse. Le jeune homme qui y bossait était en pleine conversation de rêves d'avenir avec deux potes (ou plutôt Bucket list) et c'était à la fois touchant et triste (et au bout du compte inquiétant ?) tant leurs aspirations étaient tendres, affectueuses envers une personne au moins et leur famille, et raisonnables. Seulement si quelque chose de tout simple est le rêve à 20 ans, ça en dit long sur le sale état du monde (2). L'un des trois disait en tout cas qu'il tenait à sa région et n'imaginait pas qu'ailleurs ça serait mieux.

Je n'avais pas remarqué leur présence les années d'avant, mais cette année en tout cas il y a des hommes qui dorment malgré le froid dans des couvertures sur des cartons sous les arcades. Quatre ou cinq, répartis. Notre société file décidément un bien mauvais coton. 

La quête de cartes postales m'a amenée à La Grand Librairie où j'ai déniché à défaut d'image de la ville, quelques ouvrages pour ma prochaine émission de "Côté Papier". Et elle m'a aussi poussé à faire une escale à une supérette sur la Grand Place, afin de trouver des enveloppes. Et du coup un stylo. Et du coup du chocolat.

Nous sommes repartis du dernier film en la compagnie de nos amis Henri et Danièle qui eux poursuivaient jusqu'après le pont. Amusant comme cette année notre programmation et la leur auront été différentes. J'ai aussi croisé Rémy mais il était avec un groupe, nous n'avons pu que nous saluer. C'est curieux aussi combien certaines années nous rencontrons sans arrêt des personnes que nous connaissons alors que d'autres fois nous pouvons traverser le festival comme si nous n'y connaissions personne. Peut-être que cette année nous rentrons davantage au logis, besoin de dormir, tentative pour moi d'écrire au moins un mot sur chaque film.

 

(1) Un de mes plus profond endormissements au ciné : Apocalypse Now. Quand ça canarde fort et longtemps mon cerveau débranche.

(2) J'aimerais partir en voyage avec mes parents. J'aimerais vraiment ça, pouvoir leur offrir un beau voyage, avant qu'ils soient trop vieux.
Il me semble que c'est quelque chose que l'on devrait pouvoir faire de façon relativement courante et pas en mode Si jamais on gagnait au loto. 

*                                    *                                    *

Voici la liste du jour et quelques mots, justement, pour tenter de fixer la mémoire. J'espère pouvoir plus tard m'adonner à de vraies chroniques.

1/ The iron bridge (Zelazny mot)

Film de bonne facture et intense - mais avec un accident minier et le suspens de savoir si on va tirer de là le ou les rescapés, il faudrait être une buse pour que ça ne le soit pas -. À la base un triangle amoureux archi rebattu, avec la différence que c'est une femme partagée entre deux amours et dont l'un est un peu un des boss au boulot, qui se trouve être dans une mine souterraine, donc. Alors il ne se retient pas trop pour envoyer son rival dans les coins où ça craint. Ce qui devait arriver arrive (je ne spoïle rien : le film démarre que l'éboulement a déjà eu lieu et ce qu'on apprend de la situation initiale vient par flashs back) et du coup tout le monde essaie de le sortir de là, y compris et ultra-motivé celui qui l'y a collé et se trouve dévoré de culpabilité.

Le problème de ce film, ce sont les invraisemblances scénaristiques. Parce que la réalité souvent n'est pas plausible mais la fiction ne peut se permettre de ne pas l'être car alors on ne croit plus à l'œuvre, on sort d'y être embarqués. 

[spoiler alert : ne lisez pas plus loin si vous comptez aller voir ce film]
Le mineur coincé par un éboulement était tout seul totalement seul dans la zone concernée. Je croyais, mais peut-être que je me trompe, que les mineurs bossaient en équipe, les membres d'une même équipe fort peu éloignés. 
Il y a un seul type au fond et on met des moyens de forage lourds en œuvre pour pouvoir l'atteindre. On envoie aussi des secours qui prennent de gros risques (zone non sécurisée etc.). Je ne demande pas mieux que de croire à un tel humanisme, mais fait-on vraiment comme ça de nos jours ?
Le forage permet d'envoyer une sonde avec équipement audio grâce auquel le contact est établi avec le finalement survivant (du moins dans un premier temps). Or les hommes qui lui parlent calculent qu'il faudrait 10 jours pour pouvoir faire un forage suffisant pour l'atteindre lui. Pourquoi avoir entrepris un premier forage sur cette zone si l'on savait que si jamais le contact pouvait être établi ça serait automatiquement insupportablement trop long pour le tirer de là ? - OK il est question d'une sorte de colis de survis déposé quelque part par une équipe de secours mais puisqu'on savait qu'ils ne pouvaient avancer plus, pourquoi lancer le forage ? -. 
Le gars il se laisse envoyer dans les pires endroits par son rival en protestant tout juste un peu pour la forme. Sa femme est présente presque en permanence avec les équipes de sauvetage. Really ?
Bref, on passe son temps à tenter de "remonter" dans le film après en avoir été débarqué par des éléments qui ne semblent pas crédibles, pas tout à fait. Quel dommage ! 
(Actrices et acteurs épatants, rien à redire) 

 

2/ The best of Dorien B

Une jeune femme se débat entre son métier (vétérinaire à son compte dans un cabinet qu'elle tient de son père), sa petite famille (deux garçons, l'un pré-ado l'autre plus jeune), son mari volage et très pris par son travail, ses parents qui sont en plein drama de séparation de vieux, et l'annonce qu'elle est atteinte d'un cancer du sein. 

C'est censé être une comédie. Par moment on sourit, vaguement. Le surmenage des femmes est très bien vu. Le fait que l'actrice principale soit une femme normale fait du bien (elle n'est ni grande ni petite ni grosse ni maigre ni laide ni belle et you know what, c'est suffisamment rare pour être signalé). Les scènes avec les enfants sont impeccables (justesse de ton, de tempo, d'interprétation) 

Tout le monde joue très bien et c'est bien filmé aussi. 

Seulement voilà, quelque chose ne prend pas, malgré les professions un peu inhabituelles au cinéma - ce qui permet au passage de voir un accouchement chevalin -, le reste est archi-convenu. Alors, on dort (pour peu qu'on soit fatigués, nous aussi).

Dommage, il y avait du bon. Et certaines scènes tellement bien vues.

 

3/ La nave bianca

Un des (le ?) tout premiers films de Rosselini et qui était clairement de propagande, du moins pour dire que les petits gars soldats étaient de bons garçons loyaux et courageux, les jeunes femmes de magnifiques infirmières volontaires dévouées et que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes guerriers. 

Et le truc c'est que malgré le cahier des charges et le ridicule de bien des éléments, voire du fascisme lui-même, hé bien Rosselini parvient à en faire quelque chose qui se laisse regarder. Pour un peu, on y croirait, à la grande camaraderie qui fait que tous les copains du jeune soldat amoureux font ce qu'ils peuvent pour que l'amour ait lieu. 
 

4/ L'incinérateur de cadavres 

film Tchèque 1969

La palme du film étrange et stupéfiant. Un machin inclassable. Le personnage principal est un homme qui travaille comme responsable dans un funérarium et entre peu à peu, aidé en cela par un type "important" convaincu par le nazisme, dans un délire de vouloir purifier tout le monde par l'incinération. S'y mêle des délires de réincarnation inspirés par un livre sur le Tibet qu'il détient et dont la lecture comme s'il s'agissait d'une bible lui fait "voir" le Dalaï Lama qui lui confie de bien étranges missions. Au début du film cet homme, en plus de nombreuses maîtresses, essentiellement prostituées d'une maison close cossue, est entouré de sa femme, sa fille et son fils de 14 ans. On comprend vite que devant les délires du père, ils risquent de ne pas faire de vieux os. 

C'est filmé un peu façon Bunuel dans Un chien andalou. Pas de répit dans l'inventivité, ni pour le spectateur. 

Bluffant. 

Le film avait été commencé du temps du printemps de Prague, il a repris après la répression, le montage a été contrôlé, la diffusion ne dura qu'un mois, on sent que l'œuvre aurait peut-être ressemblé à tout autre chose si la liberté entre son début de réalisation et le produit fini, lui avait été maintenue. 
Il n'en demeure pas moins que le résultat décoiffe. 

Malgré son côté vieux noir et blanc sans trucages coûteux, le film laisse une forte impression, un malaise glaçant. Preuve qu'il est réussi.

 

5/ Negative numbers

film géorgien devrait sortir en France entre janvier et mai 2020
film très fort, milieu carcéral de tout jeunes hommes où règne semble-t-il par tradition une organisation de type "chef des voleurs" et où l'administration se contente de déléguer son pouvoir et ne se manifester (what a surprise : plutôt pour en rajouter) que lorsqu'il y a des débordements sévères qui pourraient peut-être leur attirer des ennuis. Du coup violences et rackets et abus de toutes sortes. Suicide(s) aussi. 
Des éducateurs venu leur présenter une activité rugby, se heurtent d'abord à une hostilité générale puis suscitent l'engouement. 

C'est magnifiquement filmé, on y croit à fond. Et on ressort de la bien lessivé·e·s. 
Un des meilleurs films que j'ai vus depuis le début de ce festival. 
Le réalisateur, Uta Beria, qui était présent, disait que de ses amis qui sont de vrais rugbymen retraités enseignant leur sport et ses valeurs en prison, sont à l'origine du projet, ils voulaient témoigner de ce que l'expérience leur a appris et apporté. Ça se sent que le film est porté. C'est beau. Extrêmement dur. Porteur de peu d'espoir. Mais beau.  

 

 


Arras Film Festival jour 6 : Bel anniversaire

 

    C'est un joli luxe que d'être réveillée par des messages de Bon anniversaire et d'avoir un peu de temps devant soi. J'hésitais à aller nager mais JF avait envie de voir Garçon ! le film avec Nicole Garcia, entre autre et Yves Montand. Finalement, le film l'a emporté. 

Curieusement, malgré un programme de films chargé, nous aurons beaucoup mangé : un déjeuner au restaurant à droite du cinéma en entrant (menu rapide et pas trop cher "spécial festival"), un dîner délicieux à la pizzeria Vidocq et entre le film de 16h30 et celui de 19h une gaufre à la Waffle fabrique.

Il n'a pas fait trop mauvais ni trop froid. 

C'est étrange comme on est à la fois coupé du monde pendant le festival et pas tant que ça : par exemple j'ai su qu'il y avait eu un incendie à la mairie d'Annecy. Je pense qu'il peut y avoir d'autres choses importantes qui nous passent inaperçues parce qu'on est la tête dans les films quand elles surviennent et qu'ensuite l'actualité est passée à tout autre chose lorsque l'on consulte les réseaux ou les fils d'infos.

 

1/ Garçon ! 

film sorti en 1983 tourné en 1982. Dans mon souvenir : ça se passait dans le café à Clichy qui ensuite longtemps s'est appelé Garçon à cause du film, Yves Montand jouait le rôle d'un grand séducteur et puis vraiment rien d'autre. 

Dans ce qu'est le film : c'est tourné ailleurs, une seule séquence à Clichy dans un café qui n'est pas là où le personnage de Montand travaille, mais où il retrouve Gloria une de ses amours passées, et pas mal de péripéties l'air de rien dont un parc d'attraction à mettre en place sur l'Île de Ré. 

Le film a pris pour moi un grand intérêt d'air du temps passé : pas d'ordinateurs ni de téléphones portables, on s'écrit des lettres ou on en a l'intention, on va physiquement voir les gens, les voitures n'ont pas d'appui-têtes et l'on fume n'importe où n'importe quand. Le personnage joué par Nicole Garcia va à Londres pour son travail et c'est forcément en avion. Le Burkina Faso s'appelle encore Haute Volta et c'est grande aventure que d'aller là-bas.

J'avais aussi un faux souvenir mais tout personnel : je pensais avoir vu le film à sa sortie parce qu'il avait été tourné à Clichy et que ça avait aiguisé mon intérêt. En fait non je l'ai vu à un moment donné mais si c'était Clichy qui m'avait fait tilter c'était forcément après 1988. Curieux, les aléas de la mémoire.

De même je n'avais pas le souvenir que Simon de la Brosse, jeune acteur que l'on entrevoit entre autre dans le film ce fût suicidé en 1998. 

 

2/ Deux (Two of us)

Deux femmes en âge d'être retraitées s'aiment depuis longtemps dans la plus grande discrétion. Elles vivent dans l'appartement de l'une d'elle et l'autre en face n'occupe qu'un appartement presque vide, pour la forme. Elles projettent d'aller s'installer à Rome, là où elles s'étaient rencontrées des années (décennies ?) plus tôt. Seulement celle qui possédait leur lieu de vie fait un AVC et se retrouve hospitalisée et à la merci de ses enfants, adultes qui ont leurs propres soucis et n'imaginent pas un seul instant le lien réel entre leur mère et cette voisine soudain à leurs yeux intrusives qui tient tant à les aider. 
C'est un film lent et magnifiques, avec quelques mystères (le rôle des corneilles ou corbeaux (je n'ai pas saisi l'allusion) ; une scène de disparition d'une fillette qui revient comme une image issue d'un lointain souvenir ou bien d'un cauchemar), avec un placement de caméras soigneusement travaillé pour des effets réussis. Grand usage des gros plans sur les visages (ça me gêne à force, ou plutôt ça me fatigue), sur des objets de l'appartement principal (ça, j'aime beaucoup), mais les actrices et l'acteur et le petit garçons sont tous parfaits alors ça se tient. 
J'ai beaucoup pensé à ceux de mes amis qui ont connu dans les premières années de l'épidémie de SIDA des situations analogues : avant le PACS ils n'avaient pas d'existence aux yeux des familles des malades pour peu que le coming out n'ait jamais eu lieu (sans parler des cas où la situation était sue et la famille hostile et ensuite volontairement violente).

Une grande qualité du film réside dans la parfaite cohérence de chacun des personnages : ils en viennent à avoir des positions antagonistes mais elles sont parfaitement logiques de leurs points de vue respectifs. Aucun·e·s ne se met soudain à faire un truc qu'on se demande bien pourquoi. C'est une mécanique d'horlogerie qui s'enclenche. 
Au demeurant, belle histoire d'amour.

Sans même parler de liaisons, nous sommes sans doute toutes et tous l'invisible de quelqu'un. 

 

3/ Vivre et chanter (To live to sing Huo, zhe chang zhe)

Une troupe d'opéra traditionnel du Sichuan vivote dans une banlieue en pleine mutation. La directrice de la troupe a reçu l'ordre d'expulsion et le chantier gagne chaque jour du terrain mais les représentations se poursuivent coûte que coûte. Jusqu'au jour où les ouvriers arrivent et leurs machines alors c'est la dernière (je ne spoïle pas vraiment, les images sont explicites dès le début). 

Les plus jeunes de la troupe partent peu à peu vers des modes de représentations ou de danses ou de spectacles plus rentables.

Les plus vieux spectateurs viennent témoigner de leur attachement à cet art.

Il y a des moments oniriques ou de représentations qui sont à pleurer de beauté. Entre chants, danses et formes d'art martiaux esquissés. Des moments magiques de danses actuelles avec les costumes traditionnels. 

L'un des plus beaux films de ce festival. J'ai été émue aux larmes. Je pensais aussi sans doute un peu il faut bien l'avouer, au sort des librairies. Les livres sont comme un vieil opéra chinois. 

 

4/ Carturan

Un vieux Roumain dans un coin perdu du pays élève seul son petit fils Cristi dont les parents sont morts (semble-t-il depuis longtemps). Seulement il est atteint d'un cancer bien métastasé et les médecins ne lui donnent plus que quelques mois de vie. Alors il tente de prendre ses dispositions afin que son petit fils ne finisse pas à l'orphelinat. Par ailleurs il tente d'organiser en sa propre présence ses "fêtes de funérailles" selon la tradition de ses ancêtres qui sont roumains mais d'une autre régions (encore plus reculée ?). Le prêtre qu'il contacte est sensible à sa détresse mais ne peut pas célébrer les funérailles religieuses d'un vivant. Ça se complique, forcément.

Beau film lent, la caméra calme, les paysages visibles et beaux. Les échanges plein de peines, de respects, de sincères affections. 

Un seul défaut : pour le spectateur européen pas trop chargé de culture religieuse, cette histoire de cérémonie demeure hermétique. De quoi s'agissait-il en fait ? (je veux dire : si elle avait lieu, a quoi ressemblerait-elle ? Pourquoi le vieil homme y tient-il si fort ?) Quel est le sens de la parabole du semeur que le prêtre sert au sermon en direction de Carturan qui n'en demeure pas moins droit dans ses bottes : il veut sa cérémonie de funérailles tant qu'il est encore de ce monde. 
Bref, un petit début en mode, images de vieux films de familles ou d'un documentaire qui ferait voir de quoi il s'agit ne serait pas un luxe (1).

*                    *                    * 

Globalement : une belle journée encore de très bons films. Avec un qui s'approche un peu du niveau chef d'œuvre ("Vivre et chanter", le film chinois)

 

 

(1) Un peu comme les images d'archives au début d'"Une journée particulière" qui permette au spectateur jeune de maintenant, voire de longtemps plus tard et pas forcément féru d'Histoire, de piger pourquoi ce jour-là l'immeuble est vide à par la concierge, la mère de famille nombreuse et celui qui attend que l'on vienne le chercher en vue de sa relégation.  

 

 

 

 


Arras Film Festival jour 4 : 1 film un peu décevant, 3 belles découvertes

 

    Comme toujours le temps passe trop vite lorsqu'on l'emploie fort bien (et à notre guise). Journée de quatre films, juste ce qui convient, deux le matin, deux sur la fin d'après-midi et le début de soirée. 

J'y aurais ajouté, malgré une panne d'internet chez notre logeur, la vision de l'épisode 5 de Team Ingebrigtsen Saison 3, avec la déception qu'il n'y fut pas question du tout du meeting de Paris et qu'il n'y avait pas vraiment de conclusion après les championnats du monde. Je m'attendais à un épisode de plus, pas d'impasse sur les courses accomplies et une fin belle avec l'accompagnement du sub 2 de Kipchoge et peut-être même la course locale de 10 km sur route que Jakob a récemment remportée. 

Pas de repas à l'extérieur, il convient de tenir le budget. Alors des pâtes le midi au logis loué, et puis une petite sieste. Et le soir plutôt du grignotage. En même temps n'avoir que de la marche à faire d'un cinéma à l'autre n'ouvre pas [trop] l'appétit.

Pas vraiment de rencontres, il y a des jours qui ne s'y prêtent pas, le fait de passer à la chambre d'hôte dès les films terminés n'aide pas. Croisé D. au mégarama, un autre couple du ciné-club a reçu une très mauvaise nouvelle et qui devra peut-être quitter le festival pour cette année.

JF le stakhanoviste s'est ajouté un film de plus à 21h30, Seules les bêtes (1). Ce n'est pas que le film ne m'intéressait pas ; c'est que cinq films par jour je trouve que ça fait trop et que je pense qu'il arrivera en salles alors je préfère me concentrer sur des œuvres plus rares qui seront peu ou pas distribuées.

(1) En fait non, il aura vu L'adversaire.

Les films du jour : 

1/ Aurora

C'est l'histoire de la rencontre entre une fucked-up girl from Finland et un réfugié iranien accompagné de sa fille. Ultra-contemporain dans son sujet et le traitement qui en est fait. D'un côté une jeunesse déboussolée et sans réel avenir : si tu n'as pas poursuivi de prestigieuses études et les bons appuis, peu d'autres façons de gagner sa vie en restant (à peu près) honnêtes que les bullshit jobs. C'est ce que font Aurora et son amie Kinky, qui envisagent d'ailleurs d'émigrer en Norvège pour un boulot rebutant mais bien payé, dont on leur a parlé. De l'autre celles et ceux qui tentent de sauver leur peau en quittant leur pays pour gagner l'Europe pour l'instant moins mal barrée. Ainsi Darian, un écrivain iranien et sa fille Azar, 7 ou 8 ans. On ne sait ce qui est survenir à sa mère mais on comprend que ce fut dramatique et que ça reste extrêmement douloureux. Darian envisage le suicide, qui ferait de sa fille légalement une sorte de pupille de la nation. Grâce à Aurora, il entreprend de chercher une autre solution : se marier avec l'épouse locale ce qui lui accorderait automatiquement les papiers. 

Mélange de comédie et de drame. Bien jouée, fort bien filmée. C'est juste qu'un des solides problèmes des personnages finlandais étant l'alcool et que les excès sont bien saisis, on en sort avec une sorte de mal au foie et de dégoût pour toutes boissons alcoolisées. 
Le personnage d'Aurora est bien vu, mélange très plausible de personnalité structurée et déjantée ce que les temps accentuent, avec l'impossibilité de se projeter dans un avenir un tant soit peu stable et construit.

Une des questions posé au candidat jeune marié pour vérifier s'il ne s'agit pas d'un mariage blanc est : Quelle est la couleur de sa brosse à dents. Oh wait : je ne connais même pas la couleur de la mienne ! J'en change régulièrement et je ne les choisis pas en fonction de leur couleur. Je sais juste reconnaître celle du moment dans le lot qui traîne dans la salle de bain à une période donnée. Alors comment savoir la couleur de celle du conjoint ? Ce truc va me laisser tracassée.

 

2/ Parking 

Ça démarre bien : Adrian, un Roumain qui se rêve écrivain et veut apprendre l'Espagnol pour lire Bolaño dans le texte 
a quitté en attendant publication son pays et sa femme. Il a trouvé en Espagne du boulot pour 300 € / mois et un logement sur place dans un camping-car comme gardien d'une sorte de casse auto. Seulement Rafaël, son employeur se révèle peu à peu d'une fiabilité douteuse, embringué dans des affaires de plus en plus louches. En parallèle, le héros et une fausse blonde guitariste d'un groupe en devenir tombent amoureux au point qu'elle quitte sa vie pour accompagner la sienne. 

[Spoïler alert] le boss véreux finit par avoir les ennuis qu'il mérite et la femme d'Adrian par venir lui rendre visite, what a surprise !

Bref, ça démarre bien puis sa part en couilles, au sens propre comme figuré. À partir de l'histoire d'amour naissante puis confirmée, ça devient d'un convenu mortel et le cadre inhabituel - cette semi-casse auto - ne suffit plus à maintenir l'intérêt. J'ai dormi. 
C'est plutôt bien filmé, y compris quelques scènes d'action, seulement voilà, à un moment on s'enlise.
J'ai l'impression que l'acteur principal, Mihai Smarandache, était bridé par (dans ?) ce rôle convenu. 

 

3/ It must be heaven

Elia Souleiman après avoir semble-t-il réglé des affaires de succession et quelques tracas de voisinages, doit aller à Paris puis New-York pour tenter de faire financer ses films. Il se heurte au fait qu'on lui rappelle sans arrêt le fait qu'il soit Palestinien. Or il aspire à faire des comédies. 

Il interprète son propre rôle de façon mutique et face caméra la plupart du temps. Les côtés burlesques de chaque observation de faits de vie quotidienne sont fort bien vus. Mais il manque un petit quelques chose pour qu'il parvienne à se hisser au niveau d'un Pierre Étaix ou d'un Jacques Tati (le rythme ? de s'écarter un peu de son mode tout droit face camera, qui au début accentue bien les effets comiques puis devient lassant ?). 

Sa vision d'un Paris désert au moment du défilé du XIV juillet est très réussie. 

D'ailleurs je reste désormais avec une question qui auparavant ne m'avait jamais effleurée : par où passent donc les chars qui défilent, avant et après le défilé ?

À part ça, le reproche que lui fait dans le film un producteur (Votre projet est magnifique mais comme vous êtes palestinien nous attendions un film engagé) était audible dans la file des spectateurs gagnant la sortie. Ce qui créait une mise en abyme irrésistible, mais prouvait que le film avait manqué son coup qui essayait de nous dire que, Palestinien, on peut avoir un peu autre chose à proposer que des œuvres directement politiques et engagées.

Si je ne devais retenir que deux seules scènes ce serait d'une part celle où les passants de New-York vaquent à leurs occupations en ayant toutes et tous une arme à leur côté. Ça vaut mieux en efficacité qu'un long discours anti-NRA et de l'autre une longue et belle image de Notre Dame vue de l'arrière, belle comme avant l'incendie. Il n'y a pas dans le film tant de vues que ça de monuments de Paris pris sans action particulière. Du coup la longueur relative de ce plan en fait une sorte de prémonition. Pour le spectateur parisien, quand on ne s'attend pas à cette image, ça fait comme un coup porté au plexus.

 

4/ Le lac aux oies sauvages 

Super film chinois de gangsters, avec tout ce qu'il faut de scènes de combats, de règlements de compte, de coins glauques, de traffics qui nous échappent un peu (ainsi la prostitution en bord de lac par "les baigneuses"), de trahisons et de meurtres. 

Le tout avec un travail fou de l'esthétique et des lumières. Bref, du cinéma de chez cinéma, pour notre grand plaisir, y compris quand on n'aime pas trop les films de gangsters à la base.

Une fois de plus je constate dans des films d'action asiatiques (Japon exclu) qu'ils ont une façon de faire des films de ce genre, et sans que le rythme ne baisse et pour autant agréablement lents. Je ne comprends pas comment ils font. Sans doute parce que la vivacité est dans les actions filmées non dans le montage à scènes trop brèves (comme le feraient des USAméricains). 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Arras Film Festival jour 3 : Une perturbation bien amortie (bravo les organisatrices et organisateurs)

 

    C'était une journée à 5 films, seul moment creux à l'heure du déjeuner ; nous sommes allés vite fait à la pizzeria voisine du Mégarama et puis nous sommes rentrés dormir brièvement. 

La journée fut marquée par une panne (I've got a sense of deja-vu) du projecteur de la grande salle du Casino et qui eut lieu pour le film de 16h30, "Sol". Nous nous retrouvâmes répartis dans les salles 1, 3 et 5 du cinéma sur la place, tandis que des séances y étaient retardées ou supprimées. 

Un nouveau projecteur ou une nouvelle pièce de rechanges furent apportées de Paris, malgré le jour férié et la projection suivante pu être assurée avec seulement 1h de retard. Entre temps le film que nous devions voir à 19h et qui était projeté à la petite salle de Casino était passé avec une quarantaine de minutes de retard et les films de 21h30 démarraient avec 15 minutes de retard. Seulement même en courant entre le Casino et le cinéma nous avons manqué le début du film "Les Siffleurs", par ailleurs vraiment bien. C'était cependant OK pour nous laisser entrer (ouf). 

En bref car je tombe de sommeil, un résumé de mes impressions (ne pas y voir des critiques construites)

 

1/ Una giornata particolare

Je crois connaître ce chef d'œuvre par cœur de tant l'avoir vu et savouré, mais je découvre encore d'autres trucs qui me régalent. J'avais oublié certaines scènes ou alors la version restaurées dans des couleurs presque sépia, comporte des scènes qui avaient été supprimées pour le montage courant. 
Quoi qu'on en pense c'est le plus beau Coming Out de l'histoire du cinéma. 

 

2/ Un'avventura

Quand Harry rencontre Sally en comédie musicale italienne. Des moments m'ont fait bien rire - mais pas la salle, fort peu, je crois que les Français sont imperméables à l'humour italien -. J'ai été perturbée par le fait que l'actrice qui tenait le rôle principal ressemblait étrangement à ma cousine Nicoletta. Ça n'était pas désagréable, pas très bien chanté, les airs sont oubliables, les danses étaient bien, c'était gentillet. Mais nous avons, concédons-le, passé un bon moment

 

3/ Sol

Un bonheur inattendu. J'avais pris des places en restant méfiante (film français avec une histoire de famille), mais je me disais au moins il devrait y avoir de belles scènes de tango. Spoïler alert : en fait assez peu.
Mais ce film est un enchantement. LE film familial de Noël s'il sort un peu avant (1). L'enfant joué par Giovanni Pucci est époustouflant de naturel et comme les actrices se sont mises au diapason, malgré leur univers archi pas crédible - la vieille chanteuse ultra-fortunée, son vieil amant à l'air si gay, la traductrice interprète à laquelle son agente (?) décroche un contrat à 1400 € la journée, un appartement immense où mère et fils sont logés -, on se prend à y croire et à se laisser émouvoir, tout en riant fort bien aux moments opportuns. C'est un hymne réussi à la grandméritude et au courage des femmes qui se retrouvent à élever seul·e·s leur(s) enfant(s).

 

(1) Je viens de voir qu'il sortira le 8 janvier, c'est trop bête  

 

4/ Madre

Alors voilà, chaque festival comporte un film que personnellement on n'a pas apprécié. Pour moi cette année sauf mauvaise surprise ça sera celui-là. Le début comme un thriller, un enfant appelle sa mère, il semble en vacances avec son père sur une plage côté français (ils sont espagnols), le père n'est pas là, l'enfant voit un homme, prend peur et la communication est coupée.

On se retrouve 10 ans après. La mère bosse depuis presque tout ce temps comme serveuse dans un bar restaurant près de la plage d'où l'enfant avait appelé. On ne sait rien de ce qui s'est réellement passé sauf qu'il est évident que l'enfant n'est pas là. Est-il mort ? A-t-il disparu sans être jamais retrouvé ? On l'ignore. La (encore) jeune mère croise un ado qui lui rappelle ce que son fils aurait pu être s'il avait grandi et là au lieu que l'énigme se dévoile on part dans un remake de Mort à Venise avec une femme au lieu du vieil italien. Et un Tadzio qui jouerait moyen (il surjoue sans arrêt en fait, mais c'est peut-être fait exprès ?). La femme malheureuse a des comportements erratiques, on ne comprend pas bien, elle essaie quand même d'assumer ses responsabilités envers le jeune "Tadzio" dont elle est devenue (trop) proche. On ne sait pas trop ce qu'elle veut et elle ne semble pas le savoir non plus. 
Le film dure plus de 2h, et à la fin nous sommes sortis en nous disant Tout ça pour ça ?

Bref, je n'étais pas la bonne cliente pour celui-là

 

5/ Les siffleurs

Une pépite qui vient de Roumanie. L'invention du thriller poétique. Des mafiosi communiques via un code chiffré exprimé en sifflements. Du thriller ce film a le rythme et les morts violentes, une construction en puzzle, chapitre distincts au spectateur de boucher les vides de la narration. De la poésie il a beaucoup. On se régale. 

 

 

 


Arras Film Festival jour 2 : Belle journée assez reposante en fait.

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C'était une belle petite séance de sunday morning run, environ 10 km le long de la Scarpe, jusqu'à la partie où l'on peut courir dans un petit bois puis retour par la ville.

7,40 mn/km en moyenne mais avec des arrêts photos. C'est intéressant pour moi à quel point 10 km de course sont devenus sauf si je tente d'y mettre des intervalles, une petite sortie. En 2012 quand nous avons commencé un peu sérieusement la course à pied, courir un 10 km était "an achievement". 

Il faisait 1°c au réveil, 4°c pendant que nous courions, un peu plus (vers les 6°c) vers la fin, équipée avec les vêtements longs 2XU, plus un tee-shirt technique léger basique de chez décathlon + une thermique intermédiaire Castelli du club, un short court par dessus le collant long, le tour de cou du club porté en bonnet et d'épaisses mitaines de VTT (merci fiston) j'étais pile à la bonne chaleur d'équipement. Il me manquait  Fullsizeoutput_1978

un tour de cou mais il semblerait que je les aie oubliés à la maison. Alors j'avais mis le foulard en soie que j'avais en partant. 

La journée était légère d'un point de vue de ciné : deux films seulement. JF est allé en voir un troisième au soir après un succulent mais cher restaurant (1) ; nous avons d'un commun accord décidé que c'était mon repas d'anniversaire un peu anticipé. J'ai donc dégusté une sole meunière, non sans scrupules mais c'est pas souvent. 

Le premier film fut Erased. Je savais qu'il serait prenant, je n'ai pas été déçue. C'est l'un des rares cas où pour moi le fait qu'il soit "inspiré de faits réels" compte pour moi. On y apprend à travers un personnage fictif le sort qui fut fait à tout un lot de gens. 

J'ai fait une belle et bonne sieste. Il faisait froid dans le petit logement (je ne comprends pas bien : par moment le chauffage général est purement et simplement éteint ; y aurait-il un thermostat général trop zélé ?)

Le second film fut Notre Dame du Nil inspiré par le roman éponyme de Scolastique Mukasonga. Un grand esthétisme et un certain respect des jeunes filles. Pour autant, l'esthétisme dans les situations d'horreur, j'ai un peu de mal avec ça et par ailleurs nous ne sommes pas certains, en petits Français ignorant beaucoup de l'histoire du Rwanda et n'ayant pas lu l'ouvrage, d'avoir bien compris. Il n'empêche qu'Atiq Rahimi sait filmer, citer ses classiques et que c'est un très bon film, rien à redire. Mais pour public un minimum informé. 

C'était donc la journée : séparer les gens selon leur origine ethnique réelle ou présumée, c'est de la connerie. 

Petit tour à pied dans la ville pour rentrer et douce soirée au frais. 

 

Seule ombre au tableau : en rentrant de courir une poussée de la maladie chronique de JF. Après le film et un temps de repos, tout était rentré dans l'ordre. Mais ils sont terribles (surtout pour lui) ces moments où soudain la douleur semble le rendre fou.

 

 

(1) Celui spécialisé en poisson mais qui désormais propose un ou deux plats de viande, et sacrifie à la dictature du hamburger. C'est décevant.  


Film : Notre Dame du Nil

Notre-dame-du-nil Notre Dame du Nil 

date de sortie prévue : 26 février 2020

de Atiq Rahimi, France-Rwanda, 2019, 1h33
d'après le roman éponyme de Scholastique Mukasonga 

avec Amanda Mugabekazi, Albina Kirenga, Malaika Uwamahoro, Clariella Bizimana, Belinda Rubango, Pascal Greggory

Dans un institut catholique, Notre-Dame du Nil, des jeunes filles de bonnes familles sont éduquées en fonction de l'avenir brillant qui leur est promis, à condition toutefois qu'elles choppent le bon mari. On est  au Rwanda, en 1973, avant le coup d'état et tout semble immuable. 

Seulement rien n'est aussi innocent qu'il n'y paraît, la haine raciale est forte. Les Tutsi ne sont que 10 % de l'effectif mais subissent des brimades, au moins de la part de certaines condisciples, qui laissent mal augurer de la suite. 

Les images sont de toute beauté. Mais le parti-pris de l'esthétisme tient difficilement pour un film qui traite de massacres à venir. Il y a de belles citations cinématographiques, le cinéphile trouve du grain à moudre. Il y a du respect dans la façon dont s'est filmé. Il donne envie de lire ou relire le roman.

Si l'on n'est pas un minimum déjà un peu informé sur l'histoire récente du Rwanda, ce film n'est pas simple à suivre. 

Les jeunes actrices, toutes, sont épatantes. L'avantage indéniable avec un casting de non-professionnel·le·s est que les interprètes sont leur rôle (et non pas Machin Truc qu'on reconnaît trop bien jouant un personnage que du coup on sait parfaitement être de pure fiction) 

 

Compléments d'informations 

Interview d'Atiq Rahimi et de quatre des jeunes actrices du film au festival de Toronto 

Chronologie des événements au Rwanda (selon rapport gouvernemental)

 


Film : Erased (Izbrisana)

Affiche-erased

Erased (Izbrisana)

de Miha Mazzini, Slovénie, 2019, 1h25
avec Judita Frankovic, Sebastijan Cavazza, Jernej Kogovsek, Doroteja Nadrah

Le 26 février 1992 un décret en Slovénie a déchu de la citoyenneté slovène, en les rayant du registre national (dit de résidence permanente), pour les transférer sur celui des étrangers, tous les habitants de Slovénie qui n'étaient pas nés là mais dans une autre partie de l'ex-Yougoslavie. 

Ils avaient six mois pour entreprendre des démarches de régularisations, en tant qu'étrangers immigrés, et au moins revenir sur le territoire avec un visa valide. Ce qui était particulièrement ubuesque par exemple dans le cas de qui venait de Bosnie car celle-ci n'avait pas encore pris acte de la dissolution, et donc ne pouvait fournir de visa pour un autre pays de l'ex-Yougoslavie. Ou parfois faisait courir un danger de mort : certains d'origine Serbes furent déportés en Croatie (car absence de frontière commune avec la Serbie) qui était alors en guerre contre la Serbie. Enfin une des questions cruciale des formulaires était "Par quelle frontière êtes-vous entrés ?" et celles et ceux qui avaient grandi en Slovénie en y arrivant petits à un moment où il n'y avait pas de frontière entre ce qui était des régions d'un même pays, ne pouvait pas y répondre.

La plupart des personnes n'était pas au courant qu'elle devait accomplir une démarche. Beaucoup se sont retrouvés apatrides sans même l'avoir su. On les a appelés "Les effacés de Slovénie" et ils furent plusieurs dizaine de millier. Le sort de tous n'est pas régularisé. Et presque aucun n'a été indemnisé en proportion des conséquences terrifiantes que le passage par l'état de sans-papiers a eue dans leurs vies. 

Le film traite du cas de ces personnes via quelques personnages de fiction plutôt représentatifs. Ainsi Ana qui arrive à l'hôpital pour accoucher, avec tous ses "documenti", carte d'identité, de sécurité sociale etc., mais dont la personne à l'accueil ne parvient pas à retrouver la trace administrative. Devant l'urgence de la naissance, les contingences administratives sont temporairement mises de côté et l'accouchement se passe semble-t-il fort bien. Seulement ensuite Ana ne peut repartir et en tout cas pas avec son enfant. Elle n'a plus aucune existence juridique. 

Quant au père de la petite fille, on apprend assez tôt dans le film qu'il s'agit d'un homme haut placé dont elle n'est pas la femme principale. Il se sont visiblement séparés avant que la grossesse ne soit remarquée et il se montre plutôt secourable devant l'adversité (et plutôt flegmatique quant à cette paternité inattendue).

Une des qualités du film réside d'ailleurs en cela : sur le chemin de son enfer, elle ne manque pas de bons secours. Seulement même ces personnes de bonne volonté, et qui souvent paient de la perte de leur poste l'assistance qu'elles tentent de prêter, ne parviennent pas à sortir Ana de la trappe administrative dans laquelle elle est tombée. On la voit par ailleurs accomplir un nombre certain de démarches, suivre méthodiquement les pistes qui lui sont indiquées. En vain. En vain. En vain.

Sur la forme, on est dans du classique, avec une utilisation fréquente d'effet de netteté / flou qui s'accorde bien avec les questions d'invisibilité que le sujet comporte. L'histoire reste ancrée dans le réalisme. Elle aurait pu être traitée avec un décollage vers le fantastique mais ça n'est pas le cas. La fin est logique et évite pas mal d'écueils, ce qui est appréciable. 

Comme la plupart du temps avec les films de l'ex-Est que l'on voit au festival, l'interprétation est parfaite, chaque acteur ou actrice est le rôle, on y croit. 

Seule très légère invraisemblance mais dû à des contraintes légales j'imagine, le bébé est beaucoup plus "vieux" que son âge. Bien vues en revanche : les problèmes pratiques douloureux que pose une séparation brutale d'avec un bébé que l'on allaitait.

Complément d'infos : 

Un article de rue 89 en 2016 sur "Le combat sans fin des effacés de Slovénie"