lundi 5 novembre, jour 3 : Un bois décimé, un formidable roi des Belges, des tueurs encore, et un film d'une étrange ambiguïté
06/11/2018
Un Morning run le long de la Scarpe qui ne fut pas tout à fait l'enchantement escompté, même si le temps s'y prêtait et que nous avons couru de façon satisfaisante : un bois que nous avions l'habitude de longer est entièrement décimé ou presque (abattage dû à un parasite qu'ils disent), et toute la partie entre Arras et Saint Laurent Blangy est en travaux, même à pied on ne peut passer. Des jardins ouvriers que je trouvais si beaux semblent avoir été rasé (nous étions de loin, j'espère me tromper).
Au programme du jour, il y eut une comédie belge très réussie et très critique sur le pays, et l'Union Européenne et le monde de la com' protocolaire, King of the Belgians, un film de réalité fictionnée sur les tueurs du Brabant, du bon travail mais trop appliqué, pesant, avec un héros trop monolithiquement héroïque et qui était trop long. Et puis cet étrange objet cinématographique qu'est Sono tornato qui aurait pu être très réussi s'il ne mettait à ce point le malaise, trop ambigu, et surtout rattrapé entre temps par la réalité ce qui fait qu'on ne se sent plus vraiment de rigoler. Au demeurant excellente critique de notre société du spectacle et des max d'audience.
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King of the Belgians
Jessica Woodworth, Peter Brossens - Belgique - 2017 (1h34)
trailer
road movie comédie
CMM 1/5
Strobo 0/5
La Turquie s'apprête à rejoindre l'Union Européenne. Le roi des Belges Nicolas III est en visite d'état à Istanbul lorsque tombe la nouvelle : La Wallonie a fait sécession. Dans le même temps une éruption solaire - créatrice de belles aurores boréales visibles de partour - rend indisponible l'espace aérien. Contre l'avis de la sécurité turque et avec la complicité du réalisateur anglais chargé depuis quelques temps de tourner un documentaire à sa gloire, le roi des Belges décide de regagner par les voies terrestres (et incidemment maritimes) ce qui reste de son pays.
Le scénario est drôle et bien mené (on ne lui demande pas d'être vraisemblable c'est une comédie), le montage impeccable, les acteurs tous parfaits dans leur rôle (1) (et donnent l'impression de s'être bien amusés, je serai curieuse du making off), ça dit beaucoup de choses sur nos vies modernes bizarres et ses enfermements.
Au passage sont filmés de vrais moments de bonheur, tous les cinéastes n'en sont pas capables.
Bref, une pépite comme le Festival de cinéma d'Arras sait si bien nous offrir.
J'oubliais, les dialogues étaient fort réussis, j'en ai retenu quelques bribes - moins amusantes hors contexte que dans le flux, il n'empêche -.
La Belgique a éclaté
(en observant une radio du thorax)
- A coin ?
- Kebbab accident.
The real song for their video was a cosmic classic.
L'embrayage ne fonctionne pas très bien, Sire.
Je constate que le chagrin des Belges est le cadet de vos soucis
I trust fruits
Rien ne se passe jamais comme prévu
(the bulgarian barefoot mayor)
Pourquoi vouloir diviser une cacahuète ?
(1) Particulièrement Peter Van den Begin dans le rôle du roi qui n'est pas si pantin que ça. Et ne manque ni d'initiative ni d'humour.
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Ne tirez pas (Don't shoot)
Stijn Coninx, Belgique - 2018 (2h15)
trailer
CMM 2,5/5 (2)
Strobo 0/5
Docu-fiction dramatique
L'histoire d'un homme qui enfant fut rescapé de la tuerie du Delhaize d'Alost alors que ses parents et sa sœur furent tués, et de son grand-père qui tenta par tous les moyens que lumière soit faite sur les événements.
Le film est basé sur le livre du rescapé David van de Steen (ici une interview), "Ne tirez pas, c'est mon papa !"
Nous n'avons pas pu rester au débat d'après film car nous enchaînions sur un autre, et déjà ça chevauchait.
C'est du très bon travail, les scènes de panique et de fusillade, font montre d'un grand professionnalisme, et certains choix sont très intelligents - entre autre sur l'apparence du petit survivant, un enfant blondinet qui a de réelles qualités d'acteurs (3) et pour lequel on se sent inévitablement portés à prendre faits et cause, en plus qu'il est victime innocente d'une pire horreur.
Seulement voilà, tout est si convenu, le grand-père si monolythiquement héroïque (grand numéro d'acteur de Jan Decleir, probablement éligible à un équivalent de César ou Oscar belge) et le côté complotiste (qui hélas a de bonnes probabilités d'être proche de la réalité) si pesant (ça n'empêche pas, c'est l'inconvénient presque inévitables de films de fiction inspirés directement d'une réalité non totalement élucidée), avec scène finale de tribunal de fortes déclarations, que j'en suis sortie un peu lasse, et peu emballée.
Je crois aussi que pour moi ce film a souffert de la proximité avec "Utoya, 22 juillet", qui en plus de témoigner de quelque chose est une réelle création cinématographique, avec quelques risques.
Là, on est dans les clous d'un probable grand succès, et loin d'être immérité.
Mais je ne suis pas le bon public pour ça, j'ai vu trop de films déjà.
Cela dit, en rentrant, ma curiosité était suffisamment éveillée pour que je me documente, et le lendemain matin encore, ce qui prouve qu'il avait rempli une de ces missions, celle de susciter un intérêt public suffisant pour que l'affaire ne soit pas classée avant de nouvelles élucidations.
Au passage, je suis tombée sur une interview de Patrick Haemers, dont la 2ème partie comporte des moments surréalistes. J'ai du mal à croire que ce dernier soit l'un des tueurs du Brabant, ça ne cadre pas. Pourtant l'enfant et l'adulte qu'il est devenu pensent l'avoir reconnu.
Donc pas emballée par le film, mais pas non plus l'impression d'avoir perdu mon temps.
Et cette pensée : les années 80, la belle décennie pour les affaires criminelles non élucidées ?
(2) scènes de la tuerie et juste après caméra à l'épaule ainsi que les flashbacks du garçon, OK. Seulement pour quelques autres dont le moment où le grand-père va à la morgue reconnaître les corps de sa fille, son gendre et sa petite-fille, même si d'accord ça symbolise son désarroi, c'est un peu donner le mal de mer pour pas grand chose, là
(3) J'entends par là qu'il n'est pas seulement un gamin qui coïncide avec le rôle, mais qu'il semble capable d'interpréter, le petit plus que tous n'ont pas. Mo Bakker, donc.
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Sono Tornato
Luca Miniero, Italie - 2018 (1h32)
road movie avec recherche personnelle dans le passé (familial)
CMM 1/5
strobo 0/5
comédie ratée à cause de la réalité
Pendant qu'un jeune réalisateur filme une partie de foot près d'un tombeau romain Mussolini en ressort, assez intact en fait. Dans notre société du spectacle et de l'audience qui prime, il passe rapidement pour un acteur formidable, un comique décalé inouï. Grand succès jusqu'au jour où pour avoir tué un petit chien qui l'avait mordu, il se retrouve sous le feu de la vindicte populaire tandis que quelques personnes qui n'ont pas perdu la mémoire ou un certain sens de l'éthique et de la dignité et du respect humain commencent à réagir.
Quelques séquences sont filmées en caméra cachée : les réactions de personnes qui ont été réellement mises en présence de l'acteur dans son rôle. C'est peu dire qu'elles font froid dans le dos.
Si le but du film était de faire rire, c'est raté - fors quelques gags, mais trop appuyés -. Si le but du film était de déranger, c'est réussi. Si le but du film était de faire réfléchir, c'est sans doute réussi aussi mais pas nécessairement pour les personnes qui en avaient encore besoin et pas forcément dans le bon sens pour les autres. Il y a un brin de complaisance qui gêne.
En fait le plus gros défaut de ce film est qu'entre temps les résultats électoraux ont porté un de ses greffons au pouvoir.
À noter : il existe déjà un équivalent allemand avec Hilter, le réalisateur semble se spécialiser dans les réadaptations à l'italienne (il est celui qui a fait celle de Bienvenue chez les Ch'tis). On ne peut donc même pas admirer l'originalité de l'idée.
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