C'était un jour prévu à quatre films dont le ciné-concert. Finalement nous en avons rajouté un 5ème tard le soir et qui était pas mal du tout, alliant comédie et gravité ce qui est toujours risqué ("A perfect day" avec Benicio Del Toro). Ce fut notre journée "cinéma polonais" d'où à force l'impression de piger quelques conversations.
J'ai été très touchée par "Once upon a time in november", même si le personnage du fils paraît trop beau pour être vrai - ce soin qu'il prend de sa mère, sa lutte tenace contre la débine -.
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Fuga (Fugue)
Agnieszka Smoczynska - Pologne, République Tchèque, Suède - 2018 (h)
trailer
thriller psychologique sur une histoire d'amnésie
CMM 1/5
Strobo 0/5
Une femme est retrouvée inconsciente après deux années de survie dans la rue (semble-t-il car on la voit juste surgir sur des voies de chemin de fer, en habit et chaussures chic salis, en état de choc, puis c'est deux ans après). À la suite de sa participation à une émission de témoignages et recherches, elle est reconnue par son père et réintégrée dans une famille dont elle se sent étrangère. Elle découvre qu'elle avait un mari, un petit garçon, une grande maison et un emploi dans un établissement scolaire.
Peu à peu des bribes de mémoire lui reviennent et ça n'est pas aussi simple que ça en avait l'air.
Depuis 2006 puis les attentats de 2015, ce qui relève des états consécutifs à des chocs émotionnels violents, m'intéresse particulièrement. Je guette des choses à y comprendre.
Quelques choses sont particulièrement réussies dans ce film dont l'interprétation de l'actrice principale, Gabriela Muskala (également scénariste). Extraits visibles par ici. Une scène de bord de mer où elle en vient à douter de ses perceptions est très bien sentie. Le fait aussi que cette nouvelle femme ne fait rien pour forcer la sympathie, elle est abrupte, ne triche en rien, ne tient pas forcément à s'accrocher à cette nouvelle vie qu'on lui fournit (1) et que le mari qui était le sien "avant" conserve une attitude troublée et troublante.
Après, voilà, c'est un peu lent, on devine assez vite la clef de son mystère, tout est fait pour nous tenir à l'écart de l'empathie, ce qui est remarquable mais fait aussi que peut-être on sort de la projection admiratifs pour la maîtrise mais assez peu émus.
Bien sûr je me souviens, mais je ne sais plus de quoi.
Plusieurs fois il est question du fait que ça n'est pas la mémoire qui est totalement perdue, la femme se souvient de bien des choses, bien des gestes quotidiens (particuliers à la maison qu'elle habitait), mais qu'il y a surtout une perte de la continuité de la mémoire. Ça n'est pas sans rappeler les problèmes de pertes de la mémoire instantanée.
Quelle mère j'ai été ? Quelle enfant j'ai été ? (à sa mère)
(1) Elle était un genre de fausse blonde standard bien lissée elle revient en plutôt punkette, c'est assez réussi.
PS : Le film étant lent, j'ai eu le temps de réfléchir à un récit dans lequel un fils adulte d'un homme ayant perdu la mémoire, recontacterait une ancienne amoureuse de son père, sans savoir que ce dernier l'avait quittée, les croyant toujours en relation affectueuse malgré un éloignement géographique et souhaitant l'en avertir. Peu à peu l'homme retrouverait la trace de l'amour mais pas de sa fin, et la femme ainsi, profiterait d'une sorte de sursis, aux illusions perdues.
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Once upon a time in november (Pewnego razu w listopadzie)
Andrzej Jakimowski, Pologne - 2018 (1h28)
CMM 2,5/5 (sur les scènes de manifestations et siège à la fin)
Strobo 0/5
Presque documentaire, vie urbaine quotidienne, drame
Novembre 2013 : Un fils (jeune adulte) et sa mère quittent une cabane à la périphérie de Varsovie, il gèle trop fort pour qu'elle puisse y rester. On comprend assez vite qu'ils ont été expulsé de leur logements par suite de projets spéculatifs immobiliers et non parce qu'ils sont marginaux d'emblée. Lui s'efforce de poursuivre ses études et squatte dans le garage chez les parents de sa petite amie. Elle, est prof à la base, mais malade et devant suivre un traitement. Ils ont recueilli un chien, Kolesh, adorable mais qui empêche que la mère puisse trouver place dans un foyer (il franchit les murs pour l'y retrouver). Le fils parvient à s'insérer à force de patience dans un squat autogéré sur les lieux d'une ancienne clinique. Il se trouve aussi dans un immeuble promis à la spéculation un coin provisoire mais bien à lui.
Et puis le chien est perdu et voilà que les manifestations du jour de la fête nationale (11 novembre) sont préemptées par les néo-nazis et dégénèrent en émeutes et en attaque en règle des lieux comme le squat de la Clinique, sous une solide absence de réactions policières.
Les tribulations sont celles de personnages de fiction mais leur sort est celui de personnes réelles, même si le fils, qui ressemble de façon troublante à un ami (c'est à la fois sympathique et gênant : on a l'impression de voir sa propre vie), paraît trop héroïque pour être un gars d'en vrai. Sa petite amie qui pourrait se contenter d'une bonne petite vie mais le soutient coûte que coûte et le rejoint dans le danger, est, elle aussi, assez incroyable.
Les émeutes sont un composite impressionnant d'images réelles filmées lors de celles qui eurent lieu, et de déplacements des personnages en leur sein (à la recherche du petit chien), c'est fait formidablement bien.
Du très bon cinéma, militant, nécessaire. Puisse-t-il être distribué.
réplique(s) :
Are pedigree dogs ever beaten to death ?
à retenir :
in blanco = en flagrance
addenda fin de festival : Hélas la montée de l'extrême droite décrite est toujours et de plus en plus d'actualité.
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La dernière folie de Claire Darling
Julie Bertucelli - France - 2019 (1h34) sortie prévue le 9 février
d'après le roman "Le dernier vide-grenier de Faith Bass Darling" de Lynda Rutledge
recherche personnelle dans le passé (familial)
CMM 0/5
strobo 0/5
Une vielle dame se réveille un matin persuadée qu'il s'agit de sa dernière journée. Elle entreprend alors de liquider son passé. Ce qui a pour effet de faire accourir sa fille, dont on comprend peu à peu ce qui l'avait éloignée.
Un rôle sur mesure pour Catherine Deneuve, un montage bien enlevé mais qui laisse le temps néanmoins d'apprécier la beauté des objets. Chiara Mastroiani est excellente, sobre, juste. Tout le monde saluera sans doute la performance d'Alice Taglioni en Deneuve jeune, sauf que malgré ses efforts, en particulier sur la gestuelle et la façon de parler et bravo aux coiffeurs, sur moi ça n'a pas fonctionné. Il se trouve que je suis davantage sensible à la structure d'un visage qu'à d'autres choses et qu'elles n'ont pas la même.
Quelques scènes dignes du Grand Meaulnes (en particulier un défilé d'enfants déguisés), magnifiques.
L'histoire côté drame familial est un tantinet convenue, mais le film la dépasse. Il y a un très beau traitement des flash-backs, qui sont intégrés (comme notre esprit nous le fait) et non pas traités comme des parenthèses bien bornées.
Ce film a tout pour rencontrer un succès mérité dans le domaine du cinéma populaire de qualité. Il y a une vraie belle réflexion sur le rapport aux objets.
Pour mon goût personnel, le drame familial élucidé était superflu, mais je suis fort consciente que pour le succès commercial de l'œuvre il sera bienvenu.
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Asphalt : ciné concert avec Jacques Cambra et les élèves du conservatoire
Joe May - Allemagne - 1929 (1h30) film muet
trailer
drame muet, ciné-concert
CMM 0/5
strobo 0/5
Une jeune femme vit de vols (et de prostitution de luxe ?). Elle parvient à séduire le jeune policier qui doit après une interpellation la surveiller. Pauvre garçon !
Les ciné-concerts sont toujours formidables seulement je dois avouer que pour cause de thème qui revenait de façon récurrente, et ne me semblait pas parfaitement coller à l'ambiance des images, j'ai ressenti la prestation comme un cran en dessous des précédentes années. Cela dit, c'est tellement génial en général que même un cran en dessous, c'est remarquable et bravo.
Le film ne manquait pas d'intérêt, et comportait celui plus particulier d'images du Berlin de la fin des années 20.
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A perfect day
Fernando Leon de Aranoa - Espagne - 2015 (1h30)
avec Benicio del Toro
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road movie en temps (et lieux) de guerre qui tient de la comédie en même temps
CMM 1/5
strobo 0/5
Une jeune femme débarque dans une équipe d'une ONG pendant la guerre de Bosnie, alors qu'un cadavre costaud a été jeté, afin de contaminer l'eau, dans un puits et que ses collègues ont déjà tenté une fois en vain de la faire sortir. Les personnages sont des archétypes mais tellement bien campés et les dialogues calibrés qu'on se laisse prendre, bien que ça soit archi-téléphoné et plein de gros plan en mode Les Yeux Bleus du Cow-Boy sur le regard de l'impavide et héroïque et so viril Benicio. Je me gausse mais en même temps, sa qualité de jeu impressionne.
C'est très très bien filmé. Et même en n'étant pas dupes on se laisse embarquer.
De plus et d'une façon que j'ai du mal à expliquer, ils parviennent à rester drôles - c'est ce qui domine comme impression en sortant, d'avoir bien ri -, mais aussi militants (sur la saloperie qu'est une guerre civile et les querelles intestines et administratives de ceux qui viennent secourir) et émouvants (le sort des populations). Je ne sais pas comment ils ont fait pour conserver l'équilibre. L'effet est un peu curieux on sort joyeux et dès qu'on repense au film on se demande comment nous avons pu rire ou sourire de tant d'horreurs.
À la fin du film on sait dire corde en bosniaque avec l'accent.
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Curieusement les films du jour avaient tous une B.O. à base principale de grands classiques de la musique classique. On