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lundi 13 novembre jour 10 : le festival est fini mais chacun fait sa récap

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Le 13 novembre 2016 sur FB j'écrivais : "Bilan quantitatif : 35 films vus, deux sorties de course à pied /photos et un entraînement de natation d'environ 2 km, trois repas aux restaurants et quelques bières dont certaines entre amis. 
Plus des retrouvailles hélas un peu éteintes par l'élection américaine. 
Bilan qualititatif élevé impossible à établir."

Cette année le début du bilan quantitatif est presque le même : 36 films vus, deux sorties de course à pied dont une de 18 km, un entraînement de natation (j'avais prévu 2 mais je n'y suis pas parvenue), je n'ai pas compté les repas aux restaurants car il y en avait enfin deux qui proposaient le service continu et une boulangerie qui permettait une petite restauration, salade ou panini à toute heure (ou presque), d'où que se nourrir et se régaler n'est plus un tracas même léger. En revanche pas d'amis sur place cette année, de brèves retrouvailles avec quelqu'un qui de toutes façons n'était pas perdu de vue. Miraculeusement aucune mauvaise nouvelle personnelle ni catastrophe internationale, voilà qui faisait du bien. Ce furent les premières vacances non plombées depuis un an et demi. J'en avais vraiment besoin.  

Le bilan qualitatif est toujours aussi impalpable et beau et dense et source de ravissement.

 

Un festival de cinéma c'est quand même beaucoup de voyages en un seul. Je compense là mon absence de réelles possibilités de traverser le monde, par manque de temps libre et d'argent.

Voyages dans le temps :
Comme je n'ai pas grand appétit pour les films en costumes dont je sors trop facilement au moindre anachronisme, nous aurons donc à part un 1888 reconstitué en 1927 et un 1917 recréé en 1938, et un 1942 d'époque, passé brièvement dans les années 50, et traversé principalement les sixties, stationné en 1973, revécu les early seventies derrière le rideau de fer, passé du temps en 1980, puis à la fin des années 80 début des 90, 1992 et le début des années 2000. Tous les autres films étaient au contemporain présent et donc se passaient entre 2014 et là maintenant.

Voyages dans la géographie :
aux USA (Californie, Boston ...), dans Londres et sa banlieue, à Monaco, au Nord de la France, au Maroc (Tanger) en Tunisie (Tunis), à Boulogne sur Mer, en Russie dans une ville qui n'était pas Moscou (mais pas nommée), en Roumanie (dans une grande ville qu'on ne voyait pas, puis au bord de la mer), en Norvège (petit ville), en Colombie (Bogotta et ses environs), en Pologne (grande ville), en Slovénie, à la frontière entre l'Ukraine et la Slovaquie, à Vienne (Prater beaucoup) et dans les montagnes proches, en Belgique (Wallonie et Bruxelles et une ville non nommée), dans les Ardennes française, au Kurdistan (Turc mais qui aurait dû être côté Irak si les guerres l'avaient permis), en Allemagne (Berlin et aussi ville non nommée), en Bulgarie, en Islande dans un village perdu, en Irlande de façon itinérante, en Slovaquie (un village, une grande ville), en République Tchèque, au Portugal, en Géorgie (village de Svanétie), en Hongrie (frontière et Budapest), en Serbie, au Kirghizistan, en Zambie, à Enghien les Bains, Nice et une ville du centre de la France,  dans les Cornouailles, et dans un manoir mystérieux d'un pays imprécis. 

La Slovaquie, la Russie, l'Allemagne et la Belgique c'était plusieurs fois.

De quoi étancher une part de la soif de voir du pays.

Voyage parmi tous les milieux sociaux : 
professions des personnages principaux 
joueurs et joueuses de tennis, retraité tenant une boutique d'appareils photos anciens, ouvrier et ouvrière dans une usine qui délocalise d'où chômeur et chômeuse peu après malgré des tentatives, dont l'un pour marin pêcheur, pour y échapper, médecin, médecin urgentiste, chirurgien, psychanalyste, reporter, journaliste de télévision, cameraman, technicien qualifié sur plateformes pétrolières, inspecteur de police (criminelle), mineur de fond, contrebandier chef maffieux, critique musical puis chômeur puis forain, berger puis employé d'abattoir, barista, très vieux retraité, patronne de restaurant, ouvrier sur un chantier de BTP ancien soldat, plusieurs fois des jeunes (écoliers, collégiens, lycéens), très peu de femmes au foyer, retraitée, réfugié (pas une profession, je sais), chômeuse longue durée, facteur, projectionniste de cinéma au chômage devenu charpentier, sorcière (elle gagne sa vie, ou du moins de l'argent pour sa communauté), critique et professeur de cinéma, ouvrières presque au chômage, soldat, magicien, retraité-e-s, reporter. 
Belle palette. Avec des riches vraiment aisés et pas mal de bosseurs pauvres et du chômage à tous les étages.  




dimanche 12 novembre jour 9 : déjà la fin

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Toujours une petite tristesse au dernier jour, et un étonnement : déjà ? 

Cette année, ce phénomène curieux qui se confirmera jusqu'au dernier jour. 

Capture d’écran 2017-11-13 à 15.02.18
Ça n'enlève rien à la qualité des films mais c'est un peu inquiétant, est-ce que ça signifie la fin prochaine de films militants si cette façon de prétendre que non est le fruit de pressions ?

Sinon, c'est impressionnant à quel point dans les films de cette année les hommes débloquent (parfois sous couvert de traditions, mais n'empêche quels abrutis), tout le monde picole (plus ou moins gravement, mais tous) et fume à tout va, combien le travail est stressant, le chômage omniprésent, les frontières redoutables. Pour la première fois j'ai ressenti qu'un film qui se passait essentiellement en Amérique du Sud avec des zones non-sûres dans lesquelles les protagonistes passaient en se méfiant étaient moins sous tension que des films se passant en Europe de maintenant. 

À part ça, une grosse thématique poules rousses : il y en avait au moins une dans presque chaque film. Et une sous-thématique tennis assez amusante. Il faut croire qu'on s'est rendu compte que les matchs de maintenant tout en puissance avaient moins d'intensité dramatique.

L'autre chose marquante, mais qui ne date pas du festival de cette année, c'est simplement qu'elle est de plus en plus visible, sans doute parce que les années 70 et 80 du siècle précédent font à présent l'objet de reconstitutions, c'est la frontière d'espace et de temps entre un monde sans téléphones individuels portables et un monde où ils sont omniprésents. Aucune des histoires concernant "le monde d'avant" n'aurait eu lieu de la même façon s'ils avaient existé. La présence d'ordinateurs et de l'internet a moins d'impact, par exemple. Peut-être parce qu'il y a moins de différence entre expédier une lettre et envoyer un mail, qu'entre être en face d'une personne et lui parler directement ou lui parler au téléphone où qu'elle soit. 
On commence à voir, dans des films où ça n'est pas le sujet, l'importance des réseaux sociaux.
Dans un festival comme celui-ci dans lequel les films viennent du monde entier, on mesure mieux la force de pénétration de ces moyens de communication. Il y a quelques années certains films se passaient encore dans des coins reculés où "ça" ne passait pas. À présent, les films dans lesquels les gens, même pauvres, ne disposent pas de cette technologie sont ceux qui se tiennent avant l'an 2000 ou dans les early-2000.

C'est plus marquant encore que pour les films pre-code ou post. J'ai l'impression, mais je peux me tromper car je n'ai pas connu ces temps, ni même mes parents, seulement mes grands-parents (que je n'ai presque pas croisés), que cette évolution est aussi forte dans la réalité que celle qui a vu venir presque partout l'électricité. Le genre de cinéma que nous suivons au festival, et qui touche au quotidien des gens le plus souvent s'en fait le reflet. Sur une succession de films vus dans un temps limité les évolutions générales présentant un caractère d'universalité sont encore plus flagrantes qu'en observation directe et forcément géographiquement limitée (on ne peut être partout en même temps).

 

 

 

Cette dernière journée du cru 2017 fut un régal, de (très) bons films jusqu'au bout, dont une comédie. 
On aura pu une fois de plus constater que lorsqu'il y a un palmarès, une comédie même excellente ne parvient pas aux prix, comme s'il fallait qu'une œuvre donne une impression de sérieux pour être louable. Or réaliser une bonne comédie demande plutôt plus de travail, tout doit être au millimètre - un film qui embarque par l'émotion n'a pas autant besoin de précision -.

 

Wilde Maus
La tête à l'envers, Josef Hader, Autriche - 2017 (1h43)

Un critique musical reconnu se fait licencier de son journal car trop coûteux trop vieux, n'ose pas le dire à sa femme psychanaliste, erre dans le Prater, y trouve du travail mais s'enfonce dans son mensonge. Pendant ce temps ils tentent elle et lui d'avoir un enfant, et elle reçoit ses patients. L'ensemble se combine pour avoir quelques conséquences.

Un régal, c'est bien vu de l'air du temps à tous points de vue - could happen anywhere in Europe -, super bien interprété (1), ce qui est drôle l'est dans l'ensemble avec finesse. Même le "salaud" n'est pas caricatural, mais présente sa part d'humanité.
Et puis c'est gorgé de ces petites absurdités folles dont sont tissées les vraies vies. 

Film que je reverrai avec plaisir, pour savourer les détails et à nouveau bien rire, même si le fond de l'affaire n'est pas gai.

Je pense qu'un instant du film très émouvant me restera, concernant l'amour face au danger immédiat. Et aussi une méchante mauvaise conscience en mangeant du fromage puisque ça sera là que j'aurais enfin pigé pourquoi certains fromages étaient indésirables pour les végétariens. C'est vrai qu'on parle rarement de la caillette (de veau) dans des films français. 

 

(1) un des personnages qui se trouve être homosexuel est campé avec toutes les nuances de la réalité et ça fait du bien.

 

Heartstone
Gudmundur Arnar Gudmundsson (Hjartasteinn), Islande - 2016 (2h09)

En Islande au début des années 2000 (et donc avant l'usage des téléphones portables), un été, des adolescents ... sont en pleine adolescence. Ça se passerait de façon plutôt mignonne si l'un d'eux ne se trouvait pas contraint de se rendre à l'évidence : il est homosexuel. Et si le monde dans lequel il vit n'était pas sans l'ombre d'une mauvaise conscience d'une splendide homophobie. 

Pour une question d'horaires serrés, nous avons manqué le début, mais ça ne semblait pas gênant : film calme et lent. Beauté des paysages, excellentes interprétations. 
Façon de filmer très classique, non sans qualité mais je me suis quand même un tantinet ennuyée. 
Et puis cet agacement curieux qui est le mien lorsque dans un environnement visiblement froid les humains se baladent peu vêtus comme s'il faisait chaud, n'a pas contribué à me faire ressentir l'empathie qui m'a manquée. 
Je pense que ce film peut être marquant pour des personnes plus jeunes ou davantage concernées (ou qui n'ont pas vus les films de Bergman avant)

 

The Line
Peter Bebjak (Ciara), Slovaquie - 2017 (1h48)


Thriller mafieux redoutable d'efficacité avec un beau, un très bel art de filmer. 
Je n'étais pas la bonne cliente pour ce film : l'ultra-violence me fatigue et une légère invraisemblance concernant la cohérence d'un personnage m'a gênée vers la fin (sans doute parce que je suis une femme). Il n'empêche que c'est rondement mené, que ça laisse des images marquantes (c'est fait pour), que les acteurs sont tous formidables, qu'il y a juste ce qu'il faut d'humour (1) pour nous détendre entre deux déchaînements de violence, que ça fait du Grand Cinéma.
Il s'agit d'une histoire de famille mafiosante de la frontière entre Ukraine et Slovaquie, et qui se livre à de juteux trafics avec une certaine rigueur, de l'organisation et une parfaite efficacité. Mais cette frontière sera bientôt fermée et les tendances divergent quant à la manière de s'adapter aux prochains nouveaux enjeux. Il est bon pour mieux comprendre de savoir avant le début qu'au moment où l'action (les actions) est censée se passer (2007) un paquet de cigarettes qui vaut 3 € en Slovaquie vaut 40 centimes en Ukraine et que l'attente à la frontière sans bakchich est de 5 ou 6 heures.
Le méchant est super méchant, sans faille. 
Il y a à un moment une cascade de grimper de mur qui est épatante. Elle n'est hélas pas dans la bande annonce qui contient un gros spoïleur (2). 
Ça vaut bien des films hollywoodiens. 
Mais c'est sans doute aussi ce qui fait que j'apprécie moyen, même en reconnaissant bien des mérites à ce qui est là à l'œuvre.

 

(1) Notamment la vision d'un peuple entier en train de fumer après qu'une cargaison de contrebande ait été perdue (mais pas pour tout le monde).

(2) Ce qui est curieux pour un thriller. Et d'autant plus dommage.

 

Battle of the sexes
Jonathan Dayton et Valerie Faris (ceux de Little miss Sunshine), USA-GB - 2017 (2h01)

Le film de clôture est généralement un film grand public pour autant de qualité et plutôt détendant. Celui-ci n'a pas dérogé à la règle. Il tourne autour du match qui opposa le 21 septembre 1973 Billie Jean King et Bobby Riggs. 

La reconstitution est à couper le souffle, si vous en doutez jetez un coup d'œil sur cette video d'époque. C'est un peu fou de constater que ce qui dans le film paraît exagéré, ne serait-ce que la consommation folle du monsieur en compléments alimentaires et produits dopants n'est que le reflet précis de la réalité.
Rétrospectivement, le Borg - Mc Enroe du début du festival paraît bien fadasse. Ils se sont simplement autorisés à choisir une interprète un peu plus jolie que la vraie Billie Jean ne l'était et un Bobby Riggs plus replet.

Billie Jean King elle-même a apprécié le film.

En entendant les propos les spectateurs hommes ou femmes jeunes sortant surpris de la projection (C'était vraiment à ce point-là ?), on peut penser que ce film en plus d'être distrayant et réussi est salutaire. Oui, on vient de là, oui ça n'est pas si loin, et en ces temps de libéralisme galopant le Male Chauvinism reste bien portant. Voilà de quoi redonner des forces pour ne vraiment plus se laisser faire. 

*                           *                            * 

Seuls regrets : - que le film qui m'a le plus marquée et impressionnée n'ait pas de prix. Il s'agissait de Rudar (The Miner) de Hanna Wojcik Slak. Moins spectaculaire que ceux qui ont attiré l'attention il était plus intense, plus militant, plus fort, plus émouvant. Et d'une grande qualité de l'art de filmer, si l'on y prêtait attention.
- qu'à la fin du festival il n'y ait pas encre un lieu ouvert où l'on puisse pour un dernier soir se retrouver. Pour être passée au Village en fin d'après-midi j'ai pu voir que tout était en train d'être rangé, ce qui est compréhensible, la place est à libérer. Sans doute que les participants officiels du festival ont leur propre rendez-vous, mais ça serait agréable un endroit ouvert aussi aux festivaliers plutôt que de simplement s'enfoncer dans la nuit après le dernier film, un  coup de l'amitié au moins pour les porteurs de pass permanent et spectateurs de la dernière séance.

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(cette année j'avais imprimé les billets puisqu'il y a eu de sérieux problèmes au moment de faire les réservations ; l'an passé j'avais pu les faire par deux et présenter simplement mon téléphone à l'entrée)

 


samedi 11 novembre jour 8 : Le 2ème (presque) chef d'œuvre

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Est-ce un biais de la sélection ou une tendance de fond du monde actuel que le cinéma refléterait ? : le nombre de films qui évoquent les mauvaises conduites ou pratiques masculines et les souffrances des femmes sous leur joug ou celui des traditions dont les premiers se réclament facilement pour satisfaire leurs penchants est impressionnant.

L'ampleur des dégâts commis l'est aussi. Un film géorgien nous a fait découvrir quelques gradations dans l'horreur comme de séparer un enfant de sa mère veuve au prétexte qu'un autre homme du clan l'a réquisitionnée comme femme. 

D'une façon générale, la juxtaposition de films internationaux aux prises avec des thèmes généraux d'évolutions des sociétés ou de l'histoire et des films française qui ne les évoquent qu'en passant, centrés sur des destinées individuelles qui n'ont d'autres portées que la leur, n'est pas franchement à l'avantage des seconds.

Et ce fut la découverte d'un nouveau "chef d'œuvre personnel", je veux dire qu'il l'est à mes yeux mais que j'ignore à quel point ça fonctionne pour d'autres : The final journey, film allemand de Nick Baker-Monteys (Leanders Letzte Reise) - 2017 (1h45)

 

 

Le film nous embarque dans un voyage imprévu dans l'Ukraine en guerre de 2014, une petite-fille suivant son grand-père parti soudainement après l'enterrement de sa femme. Il fut soldat dans la région pendant la seconde guerre mondiale et souhaite retrouver avant de mourir des personnes de son passé.
Tout est parfait, la façon de filmer, les acteurs, la combinaison de l'Histoire et de leur histoire, le scénario, équilibré, et le conflit actuel qui renvoie l'écho de l'ancien. Contrairement à celui qui m'accompagnait j'ai apprécié le côté traversée d'un pays en conflit car je sais que c'est bien ainsi : bien des moments où tout semble normal à peine un peu perturbé et puis soudain, ça bombarde ou ça tire et le havre de paix devient un endroit de maximal danger. 
La subtilité des relations entre les gens est parfaitement rendue, celui qui est amical et qui se tend parce qu'on a parlé de politique. Les personnes qui tentent d'être correctes vis-à-vis d'un frère humain mais ne peuvent tout à fait faire abstraction du passé. Le faut-il ? Le doivent-elles ? À quel point on peut être le héros des uns et le salaud des autres, du moins en temps de conflit armé. 
Au passage la confirmation d'à quel point dans les indépendantismes récents la présence d'une aile fasciste est difficile à nier, infiltrés au prétexte de patriotisme localisé et traditions à retrouver.
Enfin, d'un point de vue plus intime, le côté "choses que l'on découvre sur le passé familial longtemps plus tard" ne pouvait me laisser indifférente, pas cette année.
Du coup envie de découvrir quels autres films a réalisé Nick Baker-Monteys  PB110025

Au passage, Jürgen Prochnow, proprement magistral dans le rôle du très vieil homme. 

(Il ferait un très bon Johnny Hallyday si d'aventure quelqu'un cherche un acteur en vue d'un biopic)

 

 

 

 

 

Les autres films vus aujourd'hui et que la force de celui-ci a un tantinet éclipsé furent :

Une part d'ombre
Samuel Tilman, Belgique - 2017 (1h30)

Un groupe d'amis voient un des leurs se retrouvé soupçonné d'un meurtre : il a été le dernier a avoir aperçu la victime en vie, et sa vie qui semblait lisse et exemplaire présente une part qu'il avait caché et qui pourrait constituer un mobile solide. 
Ça n'est pas que ça soit un mauvais film, loin de là, c'est bien mené quoiqu'assez cousu de fil blanc - un seul personnage celui de l'ami fidèle envers et contre tout, présente une réelle profondeur, les autres sont cantonnés à des archétypes du bon avocat à la femme bafouée en passant par les amis qui n'en sont facilement plus -. Le hic c'est que les autres films en présence sont d'un tel niveau qu'une petite histoire qui tient du fait divers ne débouchant sur rien d'autre qu'une histoire personnelle ne fait pas le poids. 
La façon de filmer est solide, le rythme bon, mais d'un classicisme absolu.
En fait j'eusse aimé voir la pièce de théâtre qui pourrait en être tirée : elle partirait de la scène de la réunion entre professeur, une sorte de conseil de classe, conduirait comme dans le film, l'homme soupçonné à quitter la salle, mécontent de la suspicion qu'il ressent et se poursuivrait par les échanges entre ses collègues aux travers desquels on découvrirait peu à peu toute l'affaire, en se posant plein de questions. Juste ça, un huis clos.
J'oubliais : je commence à être agacée par le côté "paysages obligés" qu'ont certains films de nos contrées, comme si la région qui a participé à son financement demandait qu'en contrepartie 15 minutes au moins de ce qui fait sa beauté soient montrées à l'écran. Alors nous voilà avec de longs plans d'une voiture le long d'une route (1), vue d'un peu en haut, oh les jolies forêts / montagnes / bords de mer / villages et qui n'apportent rien de rien à l'évolution narrative et rien non plus de l'ambiance des environs, simplement du décor descriptif. Ce film-là n'échappait pas à ce qui semble devenu une règle.

(1) À la réflexion c'est peut-être dû à des accords de placement produits avec les firmes automobiles. 

Dede

Mariam Khatchvani, Géorgie - 2017 (1h37)

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Une intéressante critique de ce film ici.

Si j'ai bien compris ce qui s'est dit, le film se passe en Svanétie en 1992 et cinq ans plus tard. Les protagonistes du film parlent une langue qui n'est plus pratiquée que par 10000 personnes et la réalisatrice tenait à tourner dans celle-ci afin d'en conserver trace ; les enfants petits que l'on voit aller à l'école dans le film parlent, eux, géorgiens.

L'histoire est celle d'une jeune femme en bute aux traditions patriarcales, qui semblent dans cette région de haute-altitude particulièrement féroces, les hommes s'arrogeant le droit de disposer non seulement des femmes mais de leurs enfants. Ce qui est intéressant c'est que le personnage principal est une femme qui se révolte et parvient (je ne spoïle pas vraiment c'est proche du début) dans un premier temps à refuser un mariage arrangé pour convoler avec celui qu'elle aime et qui l'aime, mais les traditions et les hommes qui s'en réclament ne les laisseront pas si facilement en paix. Il est à noter un personnage de jeune religieux qui pousse à l'adaptation au respect des femmes, mais il n'est malheureusement pas beaucoup écouté. 
Ce film est magnifique. Magnifique et assez désespérant.

Mairam Khatchvani dit qu'elle s'est inspirée de l'histoire d'une de ses propres grand-mères. Dede signifie Maman

nb : Dommage, son affiche est un spoïler en soi.

 

Jean Douchet, l'enfant agité

Fabien Hagège, Guillaume Namur, Vincent Haasser, France - 2017 (1h25)

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Délicieux film sur Jean Douchet lui-même avec images d'archives et interviews de proches.

Jean Douchet lui-même présent ainsi qu'en spectateurs certains réalisateurs qui reconnaissent lui devoir beaucoup.

De ce fait la séance et le début [avons dû partir pour voir le film suivant] d'une interview au Village juste après étaient assez émouvantes. L'homme m'est devenu plutôt sympathique (2), rendant les films encore plus vivant, maniant l'humour. 
Je suis parfaitement en phase avec sa perception du sens de la propriété, ce qui même si en matière de cinéma j'ai parfois du mal à comprendre, nous fait un bon point commun.

(2) Lors d'un week-end de ciné-club à la Brosse-Montceaux j'avoue pour ma plus grande honte l'avoir trop vite jugé professoral et froid. Mais peut-être qu'il était déçu des lieux, des mets et de l'accueil, qu'il avait le sentiment de perdre son temps, je ne sais.

 

Un cadavre au dessert

Robert Moore (Murder by Death), USA - 1976 (1h34)

C'était notre petit bon vieux classique pour finir la journée avec un peu de détente. Film très plaisant que j'avais déjà vu je crois au moins deux fois, sans me souvenir du dénouement : le drôle c'est cette réunion des plus grands détectives de fiction dans une sorte d'escape game et la leçon d'écriture infligée par le personnage de Truman Capote.
Le point encore plus drôle est que j'étais persuadée par mon souvenir que ce film valait pour ses dialogues ultra pétillants. Il n'en est (presque) rien ; si certains échanges sont drôles beaucoup se veulent spirituels et ne sont que lourdingues. Curieux d'avoir magnifié ce point. 
La copie semblait vieille, deux interruptions brèves ont été nécessaire avant que nous ne puissions voir le film entièrement, c'était impressionnant de ce dire que ce film était un déjà très vieux (et sympathique de l'avoir revu)

 

 


 

 

 


vendredi 10 novembre jour 7 : enfin une femme (assume (le côté militant))

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On aura donc passé une semaine à voir des films pour la plupart militants, engagés, mettant en scène des personnages aux prises avec des problèmes de nos sociétés contemporaines (les délocalisations, les flux migratoires, par guerre des armes ou économique, les ordres absurdes auxquels il faut trouver la force de désobéir, les droits des femmes ...) pour entendre les réalisateurs ou les acteurs déclarer, Ah mais je voulais surtout faire une histoire d'amour, pas un film politique, ou encore Montrer un personnage d'homme normal ou au contraire, Je suis partie d'un personnage remarquable, ou encore Je m'intéressais à un fait divers et 

(tous en chœur) je ne voulais pas faire un film politique.
Ça donne un peu envie à force de se lever pour crier Mais bon sang pourquoi vous refusez-vous tous à assumer ?

Et puis voilà qu'enfin une femme, l'actrice allemande d'origine kurde dit tout tranquillement pour répondre à une question du public qui lui demandait si son rôle dans Zagros ne risquait pas de nuire à sa carrière, que non (puisqu'elle vivait en Allemagne et pas en Turquie) et que surtout elle était très heureuse de pouvoir saisir l'opportunité de tenir un rôle qui montre une femme qui ne se laisse pas faire et se bat pour ses droits, et montre et dénonce l'oppression patriarcale. Grand merci à Halima Ilter d'avoir eu le courage d'assumer quand les autres ne l'ont pas fait. À croire qu'ils se craignent de mécontenter les instances, mécènes et fondations qui ont contribué à leurs financements.

En fait mon agacement est à la hauteur du fait que les films sont bons, et défendent des valeurs humanistes qui de nos jours ne vont plus de soi.

*                    *                    *

À part ça, côté vie pratique du festivalier, nous avons pu profiter puisque nous n'avions pas de film à 16h30 que la brasserie - pub Au Bureau pratiquait (enfin ?) le service continu pour avoir un vrai repas au milieu d'une journée de cinéma.  Fullsizeoutput_295

Ça faisait du bien. Les jours précédents on avait au mieux expédié à un moment donné une salade, un plat, cuit vite fait des pâtes en repassant au logis, voire pris au soir une simple soupe.

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*                    *                    *

Ce vendredi fut notre grosse journée "Compétition européenne" avec entre autres trois films d'environ 2h à se suivre. 

On atteint ensuite à cette forme d'ivresse qui fait que chacun de nos gestes semble issu d'un scénario. 

 

Handle with Care

Arild Andresen (Hjertestart), Norvège - 2017 (1h42) 

Sur un thème archi-traité (l'adoption), une approche originale : voilà que la mère du couple de parents adoptifs meure accidentellement et que du coup l'homme se retrouve en père adoptif célibataire d'un enfant venu d'ailleurs. La société n'aidant guère les parents isolés et considérant avec un bel ensemble qu'il va de soi qu'un homme doit avant tout être disponible pour son travail, le jeune veuf craque et tente de renvoyer l'enfant à l'envoyeur. Ce qui est prétexte à un intéressant et instructif voyage en Colombie.

Ce film a quelque chose d'un état de grâce, très réussi, prenant. Un tantinet trop mélo, mais compensé par la chaleur humaine.
Le genre de film qui nous fait nous sentir moins bêtes en sortant.

 

 

Arrythmia

Boris Khlebnikov, Russie - 2017 (1h56)

Un médecin ambulancier urgentiste supporte de plus en plus mal la pression de son travail lequel tombe dans les grives du managériat. Il boit pour compenser et sa jeune femme finit par craquer et vouloir divorcer.  Un peu long, un brin répétitif (Ah, tout ces sauvetages), mais vaut pour le côté bien vu, la façon dont les hommes débloquent, et comme est hélas universel le fait qu'on introduise de la rentabilité partout y compris lorsqu'il s'agit de sauver des vies. 
On voit quand même que le garçon et ses collègues tentent courageusement de résister et de ne pas interrompre un sauvetage en cours pour obéir aux (absurdes) consignes. 

Il me restera j'en suis certaine, l'écho de propos entendus de la part du management de l"'Usine" : on ne vous demande pas de sauver des vies mais que s'ils meurent ce soit au moment où ils sont pris en charge par d'autres services.
(Heureusement à mon ancien travail il s'agissait de fichiers et pas de vies humaines)

 

 

I'm a killer

Maciej Pieprzyca (Jestem morderca), Pologne - 2016 (1h57)

Dans la Pologne du début des années 70, un serial killer s'attaque aux femmes qui rentrent de leur travail en marchant seules à la nuit tombée. Un jeune enquêteur prometteur se trouve chargé de l'enquête qu'il tente avec une esquisse d'idée de profilage qui le conduit jusqu'à un coupable (un peu trop) idéal.
Actions et états d'âme.

Très réussi, très chouette B.O. mais nous avions déjà vu un autre film (The Photographer ?) sur le même sujet il y a quelques années et qui était d'une plus grande force esthétique.

Une fois de plus ce grand coup de vieux, ce qui n'ôte rien à la qualité du film, que constitue le fait que ton temps d'enfance fasse désormais l'objet de reconstitutions soignées. Un truc auquel jeune on ne pense guère : figurez-vous qu'un jour votre période de débuts dans la vie fera de votre vivant l'objet de reconstitutions historiques.

 

 

Zagros

 Sahim Omar Kalifa, Turquie-Belgique - 2017 (1h42)

Entre le Kurdistan et la Belgique, les ravages du paternalisme, de la jalousie et des traditions. Sympathique dans l'intention, au demeurant bien joué, mais que de lourdeur et de lenteur, tout est archi téléphoné et au bout d'un moment on en a plus qu'assez du point de vue de l'homme bête et maladivement jaloux qui est celui par lequel on voit l'enchaînement des choses. À 20 minutes du début, le dénouement nous est en quelques sortes déjà donné. Quand on se surprend à penser, bon allez qu'ils s'entretuent et qu'on en finisse, c'est que quelque chose n'a pas tout à fait fonctionné. 
Celui qui m'accompagnait a davantage apprécié et été ému, il y a peut-être un point de vue différent sur cette œuvre selon que l'on est homme ou femme.

Pour l'instant à mon goût, de la compétition européenne dont nous n'avons pas encore tout vu, c'est The Miner qui tient la corde sans conteste. 

 

Nous avons également vu, mais hors compétition :

 

La lune de Jupiter 

Kornel Mundruczo (Jupiter Holdja), Hongrie - 2017 (2h03) qui m'a emballée comme White God l'avait fait, quelque chose d'un peu fou qui me plait. Une petite réserve quant à la complaisance qu'il met à filmer des éléments de nudité féminin dont on pourrait se passer, tandis que les hommes bien sûr préservent leur intimité (c'est pas que je tienne à voir des bites, c'est juste que j'aimerais qu'on soit à égalité). Pour le reste, tout le reste, c'est brillant (1) : en particulier deux courses-poursuites en courant filmées en travelling latéral et une autre en voiture filmée à hauteur de pare-choc avant de la voiture poursuivante.  Très spectaculaire. Le trucage principal (un personnage volant) ne cherche visiblement pas à être réaliste. C'en est même touchant.PB100026

(1) Et d'ailleurs comme tant d'autres avant lui, dont Félix van Groeningen, le gars part filmer à Hollywood où il risque d'abîmer son art.


jeudi 9 novembre jour 6 : le début de la compétition européenne

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Quand j'avais établi notre programme, je m'étais réservée cette matinée comme celle de mardi afin d'aller nager.

Dès la veille au soir j'avais perçu que ça serait difficile : épaule droite douloureuse et grande fatigue par ailleurs.

Et puis j'étais depuis mardi plongée dans la lecture de "Sense of an ending" de Julian Barnes et éprouvais une sensation d'urgence à comprendre ce qui dans le film de Ritesh Brata vu mardi m'avait échappé. En plus que le style était bien enlevé, ce qui rendait la lecture plaisante et que la découverte du travail d'adaptation, l'intelligence avec laquelle elle avait été faite forçait l'admiration. J'avais l'impression de prendre une leçon magnifique de cinéma : ce qui a été élagué, ce qui a été appuyé, la part des dialogues qui a été conservée, le choix extrêmement pertinent des moments de flashback / flashforward. Le film perd en style mais ajoute certains atouts, donne une plus grande vraisemblance et qualité au personnage de l'ex-femme de Tony.  Pour une fois une adaptation que je trouve à l'égal de l'œuvre.

Du coup tandis que l'homme allait courageusement voir Les bienheureux qui l'ont impressionné, j'étais restée à lire à dormir pour n'attaquer qu'à 14h.


My name is Emily

Simon Fitzmaurice, Irlande - 2015 (1h34)

Une jeune femme, Emily, cherche son père écrivain devenu fou après la mort accidentelle de sa femme, mère d'Emily. Elle est secondée par celui qui devient son petit ami.

Difficile de faire abstraction de la mort, il y a une semaine, de son réalisateur lequel avait tenu à travailler jusqu'au bout malgré une maladie dégénérative neuronale, et qu'il communiquait les dernières années avec un ordinateur lisant le mouvement de ses yeux.

Seulement un exploit ne fait pas nécessairement un chef d'œuvre et l'admiration pour l'homme ne suffit pas à convaincre la spectatrice du film que je suis : l'œuvre est fort sympathique, les paysages beaux, le petit ami touchant, quoique d'une rare perfection, ras-le-bol des personnages de fausses blondes incompréhensibles aux humeurs changeantes et aux jupes ultra-courtes même par temps frais. 

Quelques très belles scènes, dont celle où la jeune fille créé la surprise en cours d'anglais lorsqu'elle explique par sa connaissance parfaite de la vie d'un poète étudié pourquoi elle refuse de disséquer son œuvre comme on demande aux élèves de le faire. 

On regrette que le réalisateur ne puisse plus poursuivre une œuvre, ni n'ait pu mener à bien à fond celle-ci. On dirait qu'il voulait dire à ses enfants de ne pas trop porter le deuil, pas trop longtemps.

 

The Miner

Hanna Slak (Rudar), Slovénie - 2017 (1h40)

Quand soudain au premier film vu de la compétition européenne, on tombe sur un chef d'œuvre. Le film parfait dans tous les compartiments du jeu de l'histoire (un mineur envoyé explorer un boyau désaffecté découvre un charnier datant de la seconde guerre mondiale et, poussé par son histoire personnelle, il est le seul survivant d'un village de Bosnie, refuse de céder aux pressions diverses et variées qui lui enjoignent de déclarer que cette partie de l'ancienne mine était bel et bien vide, et pouvait être entièrement et définitivement close), aux acteurs, à la façon de filmer (ah, la scène où le fils encore petit est envoyé au pub à la recherche de son père et filmée à la hauteur, et de toute son incompréhension), au montage juste nerveux comme il faut, aux moindres détails, aux instants de bonheur familial captés comme pas possible, à la musique qui reste discrète mais fait monter la tension aux bons moments, à ce que ça dit de ce monde, de ce coin-là du monde, de nous, et jusqu'à la façon de ne pas pousser au pire du pire, mais de quand même montrer les graves ennuis d'un lanceur d'alerte et même la fin est plausible et bien.
Bref, ce film est le 20/20 du festival
(il y en aura peut-être un autre, hein)
J'en suis sortie en larmes de cette émotion qu'on éprouve quand quelque chose tient de l'état de grâce et nous touche en plein cœur.

Pour info, il est inspiré par l'histoire réelle du Massacre du Puits Barbara  juste après la fin de la seconde guerre mondiale.

 

 

Passage à Tabac 

George Pollock, (Murder Ahoy), Grande Bretagne - 1964,(1h33)

Rien de tel pour se remettre de nos émotions qu'un bon vieux whodunit, même s'il a délicieusement vieilli et qu'on devine tout et que c'est totalement invraisemblable, entre la police qui fait si peu d'ennuis à la vieille dame et un de ses amis alors qu'ils ne cessent d'interférer avec l'enquête officielle. Bien fantaisiste aussi un duel à l'épée entre une très vieille dame et un monsieur encore fort.

Ce film nous aura bien détendu. Et pour ma part fait prendre conscience, parce que l'actrice jouant Miss Marple est vraiment très âgée, combien c'était osé de la part d'Agatha Christie de nous balancer une enquêtrice qui était une vieille dame. 
Lorsque j'étais enfant et que je lisais ces enquêtes, ça me paraissait tout naturel : il me semblait évident que l'expérience humaine et la perspicacité étaient du côté des dames âgées. 
En fait ça allait à l'encontre de tous les codes et même encore maintenant.
(et ça fonctionne, parfaitement).

 

Breaking News

Iulia Rugina, Roumanie - 2017 (1h21)

Première scène époustouflante, rappelle un peu la maestria d'Orson Welles dans son film de frontière mexicaine, on reste bluffé.

La suite s'essouffle un peu même si chaque scène est fort bien rendue, mais comme une juxtaposition dont on se demande une fois le film fini où l'on voulait en venir. Sans doute par refus d'un militantisme, là aussi comme chez d'autres contemporains. Du coup ça reste au niveau de l'injustice vécue individuellement et remédiée par une décision personnelle qui permet de survivre.

En l'occurrence : deux journalistes de TV sont sur les lieux d'un accident industriel grave et se trouvent pris à leur tour dans ses suites. L'un d'eux meurt et son collègue survivant est chargé d'aller recueillir le témoignage de la famille du défunt afin de diffuser sur lui un bref hommage dont on sait qu'il s'agit surtout de faire de l'audience (personne n'a l'air de bosser là depuis très longtemps et personne ne connaissait l'homme de façon autre qu'en contact professionnel). L'homme laisse une fille de 15 ans et une famille d'origine éplorée et très digne. La fille va-t-elle se laisser convaincre ou non de témoigner ?

Bref, bon film, bien interprété, décors fort bien trouvés, bien, bien. Mais ?

 

 

 

 

 

 

 


mercredi 8 novembre jour 5 : Le traditionnel coup de pompe / de blues de la mi-festival

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L'expérience des festivals rend l'expérience de cette phase moins pénible, on sait qu'on ne saurait la contourner (à moins de mener une vie sans devoir travailler) : vient une journée généralement à mi-parcours où la récupération des fatigues antérieures - on est là en vacances pour reprendre des forces - et la forme de fatigue particulière de la vie décalée de festivaliers s'additionnent pour nous mettre en somnolence aggravée.

Cette année je ne me plaindrai pas : je ne crois pas avoir raté un film à cause de cet état. Seulement des phases d'endormissement et l'incapacité pour les entre-temps de faire ce que j'espérais (lire, envoyer un courrier, répondre aux messages perso et pro).

Sinon, au vu d'un nouveau film social et apparemment engagé et tout à fait réussi, j'ai été une nouvelle fois déconcertée par l'insistance des protagonistes (réalisateur ou acteurs) pour tenter de s'en départir, comme s'il fallait désormais s'excuser d'oser commettre une œuvre à dimension sociale. 
Pendant ce temps ceux qui présentent des films dont les personnages sont des gens aisés et pourvus d'états d'âmes plus que de soucis de fin de mois, ne présentent jamais la moindre excuse pour s'être contenté d'un milieu qui au fond ne concerne pas grand monde (1).

Nonobstant ces deux points (la méforme et la perplexité face à la peur d'être pris pour quelqu'un qui voudrait militer), encore une belle journée et de bons films.

(1) Je ne dis pas qu'ils devraient le faire, je souligne le contraste. 

 

 

L'homme au fusil

Sergueï Youtkevitch (Chelovyek s ruzhyem), URSS - 1938 (1h30)

En 1917 un soldat survivant des tranchées est chargé par ses camarades de remettre un message à Lénine lui demandant de rétablir la paix. En fait il le croise par suite de concours de circonstances et se met à se battre pour que l'emporte son parti.

C'est un film de propagande et didactique, mais voilà quelque chose est tellement réussi dans l'art de filmer, que près de quatre-vingt ans plus tard, le spectateur même averti peut se laisser embarquer. On est avec ce brave soldat, on a envie qu'il s'en sorte, on a envie que la paix l'emporte, on partage sa peine lorsque malgré lui il obéit encore à un général destitué. Les reconstitutions de mouvements de foules dont un discours fameux de Lénine sont impressionnantes. Le Lénine lui-même qui est saisissant de ressemblance avec ce que l'on a pu conserver comme images du vrai.  

Je me souviendrai de cette scène particulièrement réussie d'obéissance malgré lui et de lamentation sur son propre esprit servile dont il ne parvient pas à se départir (toute ressemblance avec ...)

 

Soleil Battant


PB080004Clara et Laura Laperrousaz, France-Portugal - 2017 (1h35)

J'avais choisi ce film par curiosité envers le travail de deux jeunes réalisatrices  et le thème du deuil qui m'intéresse. 

Le résumé sur le site du festival est parfait : "Pour les vacances, Gabriel et Iris retournent dans une maison de famille au Portugal avec leurs filles Emma et Zoé, d’irrésistibles jumelles de six ans. Au cœur d’un paysage accablé par le soleil, des baignades et des rires des petites, le passé du couple se réveille peu à peu. Bientôt, la petite Emma est dépassée par un secret trop grand pour elle, qu’elle n’a pas le droit de partager avec sa jumelle."

Hélas comme dab, le côté cinéma français a pour moi encore frappé : à mes yeux lents et bavard (j'aime la lenteur quand les gens sont taiseux, mais quand ils causent et ont déjà verbalisé ce qu'en plus on met trois heures à nous montrer, je trouve que ça ne colle pas), des acteurs pas mauvais mais qui n'emportent pas le morceau, beaucoup de nombrilisme sans élargissement possible. Très correctement filmé et monté mais sans audace ni invention. Tout est terriblement convenu.
Quelques moments font rire, mais j'ai un léger doute sur le fait que ça soit volontaire.
À part qu'il ne correspond pas à mes goûts, ce film a certains mérites en particulier dans la façon de filmer et faire jouer les enfants, deux petites filles agaçantes d'être trop là pour être jolies mais par ailleurs fort justes et quelques scènes qui peut-être resteront à l'esprit comme celle où il s'agit pour l'une de divulguer ou non à l'autre un secret que leur mère lui a confié.
L'autre mérite est de mettre en jeux des hommes plutôt défaillants et qui veulent imposer leur façon de voir les choses, mais qui assurent quand même par moment, tandis que les femmes ont davantage de bon sens et moins d'entêtement.

Enfin, j'ai aussi saturé sur le côté "beaux paysages" trop là pour ça - et me suis demandée si c'était la région qui avait récemment brûlé -.

Je suis très consciente que ce que j'estime des défauts peut au contraire toucher d'autres personnes. Je ne suis tout simplement pas parvenue à éprouver la moindre empathie pour ces personnages, trop beaux, trop nantis, dans des lieux trop splendides avec leur malheur comme tant d'autres ont aussi.

Nous ne sommes pas restés au débat.


Vent du nord

PB080018 Walid Mattar, France Tunisie -  2017  (1h30)

 

Encore une histoire de délocalisation et encore un film social pour lequel les présents de l'équipe insiste à ce qu'il ne soit pas trop vu comme ça. Un peu envie de leur dire, dans ce cas à quoi bon prendre un sujet comme ça.

Cette fois, l'ouvrier dépossédé de son travail ne part pas, c'est la caméra qui suit la machine et l'on fait connaissance de celui qui le remplace auprès d'elle, en l'occurrence en Tunisie, où l'ancien ouvrier français s'offre d'ailleurs des vacances all inclusive à un moment donné. Il y a d'ailleurs une scène magnifique dans laquelle ils s'entrevoient sans pouvoir imaginer qu'ils ont en commun l'usage d'un outil. Il y a une grande justesse de ton aussi bien pour la part tunisienne que pour la part française, des moments drôles et d'autres non, une belle intelligence de la façon de filmer. 
Seul point agaçant : que Corinne Masiero se retrouve à jouer les peroxydées un peu soumise à son mari, ce qu'elle a beau faire très bien, ça ne colle pas, l'actrice dégage trop d'énergie et d'intelligence pour ça. En revanche les rapports père - fils en France et mère - fils en Tunisie sont merveilleusement rendus. Et lorsque l'ouvrier français licencié mais plein d'initiative se heurte pour monter sa petite entreprise de pêche à tous les ennuis bureaucratiques possibles, tandis que son collègue tunisien peine à obtenir une promotion promise et une sécurité sociale pour des médicaments, on sent bien que les prolétaires sont partout dans la presque même situation, y compris des mecs bien qui ne baissent pas les bras.

J'oubliais, Kacey Mottet Klein, déjà vu au moins dans un film d'Ursula Meier, est absolument épatant de faire y croire (à son personnage) malgré qu'on le connait.  

Et puis la présence flottante de Solveig Anspach, par le biais de ses acteurs fétiches qui poursuivent leur chemin.

 

L'assassin habite au 21 

Assassin-habite-au-21_afficheHenri-Georges Clouzot, France - 1942 (1h24)

Rien de tel qu'un bon vieux classique pour achever une journée.

Celui-ci avait déjà été vu, de toutes façons l'intrigue comporte peu de suspens mais on se régale des dialogues à la Tontons, de la gouaille, pas à redire, c'est bien troussé. 

En plus que certaines façons de filmer semblent innovantes pour l'époque, par exemple le premier crime en caméra subjective vue de l'arme de l'assassin.

Après, difficile de faire abstraction de l'époque, de ne pas se dire, que ce film est sorti l'année de la rafle du Vel d'Hiv, et que les juifs par exemple n'avaient pas le droit de le voir (interdiction d'aller au cinéma), que certains des acteurs et pas des moindres furent des collaborateurs notoires. 

 

PS : Ça alors, Suzy Delair, centenaire, est encore en vie (du moins au jour où j'écris ce billet, novembre 2017)

 

 


mardi 7 novembre jour 4 : Les révélations continuent

Ainsi donc le facteur des Habitants sortait d'un doux film Tchèque. Je (re?)découvre juste au lendemain que le Yes Sir ! majordome des Tontons est tout frais cueilli d'un film allemand alors récent (quatre ans plus tôt) : Der Frosch mit der Maske dans lequel un détective privé est secondé par un James inabouti, mais qui comporte déjà les bons ingrédients. 

À part ça, comme au matin j'avais prévu d'aller nager, et l'ai fait, dans une piscine au nom aptonymique (Desbin), et dont le plafond en verrières losangées rend impossible la nage sur le dos en lignes droites, je ne voyais que trois films et c'est vraiment la dose idéale. Quatre, c'est un peu forcer. Et si on va sur cinq, forcément l'un d'entre eux est sacrifié que le sommeil ne peut s'empêcher de pour partie préempter.

L'homme a vu Gosford park, ou revu car je suis certaine de l'avoir vu en salles sur les conseils de Marie du temps où elle était critique pour Marie-Claire (2002 ?) et que nous allons souvent au cinéma ensemble. Il en est revenu plutôt satisfait quoi qu'un peu somnolent. Étrangement je ne me souvenais pas que ce film comportait un assassinat. Alors que des scènes précises de householding et de conversations me sont restées.

Fullsizeoutput_26dLe froid est arrivé, j'ai profité de ma fin de matinée libre pour m'équiper : mitaines, chapeau, casquette doublée, sorte d'écharpe chaude ...
Et puis j'ai acheté des cartes postales, non sans un pincement au cœur : pour la première fois, pas de carte pour ma mère. Avait-elle reçue l'an passé celle que nous lui avions envoyée ou était-elle déjà trop mal pour relever son courrier ?
Comme avec mon sac je me suis fait voler mon agenda dans lequel figurait l'essentiel de mon carnet d'adresses pour celles de sur la terre, il ne va pas être évident d'envoyer celles de cette année. Bon test pour la mémoire.


The sense of an ending (À l'heure des souvenirs)

Ritesh Brata, Royaume-Uni - 2017

Un pépère peinard et passablement friqué, mais comme souvent dans les films anglais, les gens aisés semblent l'être in a native way, comme si ça allait de soi, et sans effort particulier, reçoit un jour un courrier qui lui annonce un leg, ou plus précisément un document joint qui n'y est pas. Il fait sa petite enquête (no spoïl, c'est vite donné) et découvre qu'il s'agissait du journal intime de son meilleur ami de lycée. Seulement celle qui fut sa femme ou sa fiancée (1) et qui est la légataire de sa propre mère laquelle dans son testament stipulait que le diary d'Adrian (l'ami) devait être confié à Tony (notre héros), refuse de le remettre à celui à qui il fut légué. Alors Tony se replonge dans son passé, peut-être pour tenter de comprendre, qui sait. Et il en parle longuement avec son ex-femme, que ce balourd agace mais attendrit encore.

Si vous voulez une bonne storyline c'est sur IMDB la voici :

Divorced and retired, Tony Webster, an ageing Londoner and vintage camera shop owner, whittles down the solitude of his isolated existence by keeping an affectionate relationship with his ex-wife, Margaret, and by accompanying his nearly full-term pregnant daughter, Susie, to antenatal courses. However, the unexpected arrival of an unsettling letter will disrupt the fine balance of things in Tony's orderly life, reconnecting him with his first love from college, Veronica, and the nostalgic, yet clouded memories of a distant past. Inevitably, as Tony scavenges for bits and pieces through flashbacks, the out-of-focus picture of his youth will gradually sharpen, nevertheless, is he ready to face the truth? Written by Nick Riganas

Beau film de signature classique avec comme dans Lunch Box quelques scènes d'anthologie (par exemple les vieux copains face écran effectuant une recherche sur internet pour retrouver un autre ancien) et des dialogues pétillants, de l'humour doux, des personnages avec une réelle épaisseur, et interprétés parfaitement. Le personnage principal, homme qui veut bien faire, n'est que quelconque et surtout centré sur lui-même, mais avec un bon fond mais un peu bête un peu pesant m'en rappelle plusieurs avec une justesse folle. 
Mais comme pour Lunch Box il manque un petit quelque chose pour en faire un film qu'on n'oublie pas.

Je n'avais pas vu qu'il était inspiré d'un roman de Julian Barnes et sitôt su, nous nous sommes plongés dedans, à la recherche d'une meilleure compréhension du dénouement.  J'adore le style, et mon opinion sur le film en pâti déjà. 

Cela dit, on en ressort en songeant très fort à notre propre passé, aux influences qu'on a pu avoir sur les destins des autres, parfois à notre insu, à ce qu'on s'est réécrit à notre manière dans nos cerveaux - pour la première fois j'ai éprouvé un peu de regret à la seule lettre vraiment fumace que j'ai envoyée à quelqu'un qui m'avait fait un mal fou, heureusement j'avais évité d'y glisser quelque malédiction que ce fût, c'était plutôt en mode "ce qu'on m'a révélé sur ton passé et que, salaud, tu m'avais caché" -. Je ne crois pas avoir fait trop de réécritures mentales de ma propre vie. En revanche, j'ai beaucoup appris ces derniers mois sur des éléments du passé familial, ce qui me mettait en phase avec ce qui arrive au personnage en terme de Soudain, il comprend [ce qu'en fait il savait déjà, au fond]. Bref, ce film arrivait à point nommé.

M'a un peu gênée la fortune des protagonistes. Bien sûr elle permet qu'ils aient précisément le temps et la disponibilité mentale de se préoccuper de leurs états d'âme et de se la jouer introspectifs à fond, mais voilà, c'est si peu éloigné de la vraie vie des gens, que ça met une distance. Il y a un personnage de jeune femme de maintenant parfaitement réussi, avec cette détermination dans le regard qu'ont ma fille et ses camarades et qui fait croire en un avenir possible, aux femmes moins piétinées.

Me restera le travail sur les souvenirs, plusieurs fois mis en scène par l'homme vieux glissé dans la scène que l'on a déjà vue avec le lui-même jeune. Et que selon l'instant où celle-ci s'interrompt, l'histoire n'est pas la même, ni ce qui surviendra.

(1) C'est moi qui ne sais plus

 

The Lodger (ciné -concert avec Jacques Cambra et les élèves du conservatoire)
Hitchcock, Royaume-Uni - 1927 (muet)

Tandis qu'un tueur en série de fausses blondes sévit sur Londres, un mystérieux locataire arrive dans la pension de famille tenue par un vieux couple dont la fille est une belle jeune femme blonde courtisée par un policier qui enquête sur les crimes.

La modernité dans la façon qu'a ce sale bonhomme de filmer est tout bonnement bluffante, j'avais déjà vu le film j'en ai été à nouveau scotchée. L'accompagnement musical y rajoutait de l'intensité, vraiment les jeunes étaient impressionnants (Jacques Cambra aussi, mais on a l'habitude), et l'effet de zoom avant caméra subjective quand le prétendant arrive dans la pièce pour voir sa dulcinée dans les bras d'un rival, et certains plans super suggestifs implicitement, ce qui était assez subtil pour un film pré-code (1), des insertions au montage qui donnent une rythme soutenu .., bref, on aimerait l'être moins en plus qu'Hitchcock n'y va pas de main-morte dans l'exposé de ses propres penchants et fétichismes, mais 90 ans plus tard on est épatés : le mec a moins de 30 ans lorsqu'il fait ce film. 

J'en suis ressortie en repensant aux conversations récentes portants sur le malaise qu'il y a lorsqu'un professionnel génial est aussi un prédateur pervers, et combien il est pesant de ne pas pouvoir admirer leurs œuvres sans arrière-pensées.

La projection fut l'occasion pour nous de découvrir le conservatoire et sa chapelle réaménagée. Moins de spectateurs que lorsque les projections concerts avaient lieu au casino, je pense que c'est lié au fait qu'ainsi le ciné-concert se trouve excentré.


(1) Cela dit peut-être qu'il existait un code de censure en Grande Bretagne at the time.

 

 

Der Frosch mit der Maske (La grenouille contre Scotland Yard)

Harald Reinl, Allemagne - 1959

Une bonne vieille histoire de type Fantomas mais avec un masque de Grenouille, le charme d'un majordome qui s'est retrouvé, ou son cousin, dans Les Tontons, la bizarrerie d'un film qui se passe à Londres mais où tout le monde parle allemand, des bagarres dignes des meilleurs écoles de cascadeurs, c'est amusant, divertissant, convenu au possible, cousu de fil blanc, jouée avec une exagération de film muet, mais diablement amusant, bien troussé, détendant. 

L'idéal pour terminer une journée de festivalier et pouvoir faire de beaux rêves après. 

Impressionnant de constater à quel point ce film en a inspiré d'autres voire des séries. Mais pas surprenant. 


Beaucoup de féminicides dans ces deux derniers films vus de la journée. Ah comme les scénaristes mâles semblent aimer avoir des personnages féminin en leur merci. :-(

  


lundi 6 novembre 2017 jour 3 : le début des choses sérieuses

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C'était le début des choses sérieuses, pas de sport mais cinq films.

Je crois qu'il faisait beau.

 

Berlin rebel high school 

Alexander Kleider, Allemagne - 2016
Beau film sur une de ces expériences pédagogiques qui virent le jour dans ces utopiques années 70 où l'espoir d'un monde meilleur fut brièvement possible. Celle-ci a perduré et accueilli toutes les sortes de détresses scolaires successives que ce monde en Allemagne a produit, en particulier depuis le début des années 90 les enfants perdus de l'ex-est. 
Un des professeurs charismatiques de cet établissement était présent pour le présenter et de nombreux scolaires étaient dans la salle, ce qui en plus de l'intérêt du film - avec son côté très chouette dans le "beaucoup de boulot, peu de miracles" - a rendu les échanges d'après-film vraiment intéressants. 
Comme le soulignait une jeune femme, ce serait bien qu'il y ait davantage d'écoles différentes pour les différentes sortes d'élèves.

 


Requiem for Mrs J.

Bojan Vuletic, Serbie - 2017

Une femme d'une cinquantaine d'années et qui a perdu et son mari et son travail l'année précédente et qui se sent de trop chez elle, entre une belle-mère en son grand âge et ses deux filles, l'une déjà jeune adulte et assumant tout (ou presque) l'autre pré-ado intelligente mais qui a ses propres besoins, et de trop dans la vie tout court, décide de mettre fin à ses jours. Seulement la bureaucratie vient lui mettre des bâtons dans les roues.
J'ai trouvé ce film drôle, je crois que je suis la seule. Un humour implacable, froid et désespéré. Une scène d'anthologie au sujet du sens des photos sur les tombes, à ne plus jamais les regarder de la même façon.
Un brin de recherches esthétiques, des zooms arrières de la femme de dos face à différentes portes qu'elle peine à franchir, des plans larges fixes avec les actions qui se passent en marges gauche et droite. 
Quelques purs moments de poésie, dont l'idée, somme toute assez logique, qu'un téléphone ancien dans un lieu désaffecté est un bon moyen de parler aux morts.
Le film est lent comme la dépression nous rend. 
Il montre sans concession la déshérence du monde.
Pépite numéro 2, Ice Mother avait un côté tonique et de ne pas se laisser faire qui me convenait mieux et un humour plus partageable. Un très chouette côté Jacques Tati, aussi (le son des choses).
(et donc, une fois de plus la solitude extrême des femmes de cinquante ans)

 

Western 

Valeska Griesebach, Allemagne, Bulgarie - 2017

Un ouvrier allemand au passé de légionnaire prend part avec quelques compatriotes à un chantier de barrage en Bulgarie. Pour des problèmes d'approvisionnements d'eau et aussi un peu de testostérone, ça se passe moyen bien avec les gens du coin. Ça se passe moyen bien entre les gens du coin eux mêmes. À des moments; les hommes s'enivrent et se castagnent, rien de nouveau.
Le héros ressemble de façon troublante à Erri de Luca plus jeune, ce qui m'a sans doute fait voir un autre film que le film : c'était Erri de Luca ouvrier en Bulgarie avant de devenir écrivain.
Certaines scènes me resteront, comme un repas familial où le héros est invité, la fraternité qui se développe malgré la barrière de la langue. 
Il y a un refus délibéré de la narration linéaire, ce qui fait que chacun peut piger l'histoire comme il lui plaît. J'avoue que j'aime assez. Pas mal de scènes nocturnes peut-être intéressantes, je ne saurais dire : je me suis à chaque fois profondément endormie.  Ce qui fait d'une certaine façon que c'est un film qui permet une bonne récupération.

 

Rêves en rose 

Dusan Hanak, Tchécoslovaquie - 1976
Un jeune facteur Jakub, qui semble avoir terriblement inspiré celui du film néerlandais Les habitants (certaines scène dans une fûtaie, ont un côté copier-coller qui dépasse un peu le cadre de la révérence, je suis un peu désappointée qu'un de mes chefs d'œuvre soit à ce point inspiré d'un autre), est éperdument amoureux d'une jeune et jolie Tzigane, et leurs communautés respectives, peu charmés par la perspective d'une union mixte, font tout pour les séparés. 
Poésie à tous les étages, onirie, moments de réalismes lorsque les basses réalités se rappellent aux tourtereaux.
Ce cinéma préfigure plein d'autres, je pense aussi à Kusturica. 

Et bon sang comme ils sont jeunes !

 

Little Harbour 

Iveta Grofova, Slovaquie République Tchèque - 2017 

Une enfant s'étiole de délaissement maternel, sa mère l'ayant eue alors qu'elle ne devait être qu'une adolescente et continuant de vivre sa propre jeunesse. Alors que la grand-mère, seule figure adulte stable et structurée s'éteint, la petite se retrouve soudain avec deux bébés sur les bras (au sens littéral) et décide d'assumer pour eux les responsabilités que les autres auprès d'elle n'assument pas. Elle est secondé par un gamin malheureux du voisinages, aux parents à la fois surprotecteurs et très absents.
Petite pépite en mode conte réaliste du monde destructuré d'aujourd'hui. Tout le monde joue à la perfection, c'est un régal.
Si j'élargis au monde notre sondage personnel, c'est un film qui parlera davantage aux femmes. Sans doute parce qu'on a toutes un ou des souvenirs d'enfance de s'occuper de bébés ponctuellement et de s'en dépêtrer pas trop plus mal que les grands alors que par héritage culturel les hommes, moins.

La jeune actrice était présente pour les questions à la fin du film et ces propos étaient très intéressants.

 

 

 


dimanche 5 novembre 2017 jour 2 : Un thème se dessine


     Fullsizeoutput_251Alors qu'essaie de se mettre en place une pratique sur le mode des cafe sospesi italiens, mais avec des places de cinéma, dès le 2ème jour le thème sous-jacent du festival - il y en a toujours un, par exemple l'an passé c'était la vie en fauteuil roulant -, se dessine : la solitude, en particulier sexuelle mais pas seulement, des femmes de plus de 45 ans, où que se soit dans le monde.

Comme le dimanche matin nous allons courir, j'avais limité le programme à trois films. 

Celui qui m'accompagne s'en est rajouté un, Si tu voyais ton cœur, dont il semblait satisfait, mais dont tout ce qu'il en disait tendait à prouver le contraire (en particulier : c'est un film pour les femmes, l'acteur principal ressemble à Alain Delon jeune).



Prendre le large 


film français en avant-première
Sandrine Bonnaire en rôle principal
Plutôt sympathique mais alors qu'elle joue fort bien, le physique de Sandrine Bonnaire m'a gênée quant au rôle (quelque chose dans la maigreur maladive et la lèvre supérieure figée, donnait peu à croire à l'ouvrière qu'elle était). Une femme refuse son licenciement et accepte d'aller travailler au Maroc, à Tanger, pour ne pas rester sans emploi. Elle y apprendra à ses dépends que les conditions de travail ne sont pas tout à fait les mêmes, mais compensera ce désagrément par de belles rencontres et un regain d'affection de la part de son fils.
M'a gênée aussi le fait qu'il me semble que les délocalisations dans le textile, se font plutôt vers la Chine ou l'Asie du Sud-Est depuis un bon moment. M'a agacée l'espère de morale qui semble se dégager, jointe au fait que présent pour présenter son travail le réalisateur a un peu trop insister pour dire que ça n'était pas un film politique mais avant tout une fiction, à savoir, pour s'en sortir il faut créer sa propre entreprise. En gros le film ne dénonce des façons de traiter les gens indignes que pour mieux encourager à fuir plutôt que de se rebeller.
Par ailleurs sur certaines scènes du film (dont ce n'est pas le thème principal) j'ai pensé à ce qu'écrivait Matoo au sujet de "120 battements par minute", enfin des gays joués par eux-mêmes. C'est bien de présenter des personnages d'homosexuels pas caricaturaux pour deux sous, en même temps l'un d'entre eux n'est pas crédible - l'acteur joue très bien, ça se situe autrement -.
On dirait que je n'ai pas aimé ce film, en fait il n'est pas sans qualité, je ne regrette pas de l'avoir vu, il y a de belles choses sur la solidarité féminine et aussi les relations mères-fils, et Sandrine Bonnaire est en tout point exemplaire.
Il est sans doute trop classique et convenu pour mon snobisme de cinéphile. Tout est trop prévisible tout le temps. Et trop "belles images" un peu aussi.
Quand tu en es à te demander pourquoi l'actrice principale n'est jamais en pantalon c'est quand même que le film ne t'occupait pas pleinement, non ?


Ice Mother
film tchèque 2017

Une femme âgée reprend confiance en elle grâce à la nage en eau glacée et au fait que les pratiquants de ce sport extrême sont accueillant, chaleureux et sympathiques. Au passage elle permet à son petit-fils qui filait un mauvais coton, de redevenir le chouette enfant qu'il était.
C'est sans doute un joli mauvais tour que me joue ce festival de me coller en tête ma pépite de cette édition dès le 2ème jour.
Ce film est de bout en bout du pur bonheur pour moi : tout y est, l'humour, la connaissance des humains, les acteurs excellents, de la subtilité à tous les étages, des décors ex-est qui me touchent beaucoup, de la délicatesse et des sentiments bons mais sans mièvrerie. 
La fin est à mes yeux parfaite.
Et puis ça donne une belle grosse envie d'aller nager. Mais dans une eau moins froide, il ne faut pas exagérer.
Celui qui m'accompagnait quoi que sans doute moins sensible que moi à la condition solitaire des femmes de plus de 60 ans, a aussi adoré : preuve qu'on ne s'y ennuie pas.
J'oubliais : il y a une des plus belles scènes de vie sexuelle que j'aie jamais vue au cinéma.

 

Le Centaure 
film kirghize 2017

Un ancien projectionniste de cinéma reste passionné de chevaux et tente de bien s'occuper de son fils peut-être muet et de sa femme qui l'est.
On sait d'entrée de jeu que ça n'est pas gagné. 
Paysages magnifiques. L'acteur principal qui est aussi le réalisateur est un peu trop présent un peu trop vieux pour le rôle et pour sa jeune femme, sinon côté interprétations, tout est parfait.
C'est un peu comme un conte, avec ses charmes et ses pesanteurs.
L'intérêt de ce film réside sans doute avant tout dans ce qu'il nous laisse à voir de la montée de l'intégrisme religieux dans des régions que le communisme était quand même un peu censées avoir protégées de ça. Le cinéma devenu une mosquée est un bel exemple de ce danger, plus qu'une métaphore. 
Le film semble aussi encourager les femmes à ne pas se laisser faire, ce qui est à porter à son crédit. Là non plus c'est pas gagné.
Sans doute que je me souvenais trop bien du film Vodka Lemon dont il est cousin, pour apprécier pleinement celui-là, que j'ai quand même beaucoup aimé.

 

 

 

 

 


samedi 4 novembre jour 1 : Trois premiers films

Belgian Disaster 

Un gosse d'ultra-riche rencontre brièvement une gamine pauvre mais libre comme peuvent l'être les pauvres dans les films tombe raide amoureux (alors qu'elle l'a déjà oublié dans les bras d'un autre) et déclare qu'Un autre capitalisme est possible.
Une sympathique pochade avec le défaut des comédies à la française : tous les gags ne sont pas très subtils et la lenteur du rythme fait qu'on insiste alors ça se voit.
Splendide jeux des acteurs, côtés légèrement militants, quelques réussites dans la manière de filmer : on passe un bon moment si l'on n'en attendait rien.

 

Borg Mc Enroe

À la veille de sa 5ème finale de Wimbledon, Borg doute et se douche, néglige sa sympathique et compréhensive fiancée qui parle avec lui suédois sans trop d'accent roumain, et tripote ses raquettes pour vérifier du cordage la tension. 
Je ne suis pas du tout la bonne cliente pour des biopics, surtout concernant des gens que j'ai pu voir en vrai (1). Celui-là, quoique très honnête, bien troussé, avec de beaux efforts dont la présence de fiston pour interpréter son papounet au même âge, ne déroge pas à la règle. Avec une musique très attendue et une dramaturgie sans surprise, pour souligner les moments forts, ça pèse son poids.
À éviter si l'on a plus de 35 ans et si l'on n'aime pas le tennis - les extraits de parties reconstituées sont quand même un peu longs quoique très corrects -.
Reste que ça donne envie de rejouer, de revoir les vrais vieux matchs et que ça me rappelle combien cet homme pris comme modèle pour vaincre l'adversité fut un solide support durant mes classes prépas.

 

(1) L'acteur pris pour jouer Mc Enroe n'a pas la même structure de visage qui était la sienne, et cela m'a gênée pour y croire un minimum. Le Borg en revanche n'est pas trop mal choisi.
Et puis difficile d'interpréter des sportifs de haut niveau même en ayant un corps qui semble entraîné et même si en ce temps-là ils ne ressemblaient pas encore à des animaux gonflés. Par exemple la dissymétrie des bras n'y est pas. Et puis l'acteur n'est pas assez explosif, même s'il joue très bien.

 

I'm not a witch (Zambie, 2017)

Étranges camps de travail pour femmes que leur entourage a déclarées comme sorcière. Une petite fille, Schula, se trouve embringuée dans cette drôle de vie qui suscite la crainte mais parfois la colère de parfaits inconnus. 
Grande beauté des images notamment avec les rubans blancs aux grandes bobines de bois, la plupart du temps piquées sur un camion (oui ces femmes sont attachées avec un ruban blanc dans le dos afin qu'elles ne s'envolent pas).
C'était en fait notre premier vrai film de festival, les  autres n'étant que d'amusantes mises en bouche hors de la programmation que nous préférons. On peut dire qu'il démarre bien.
Après : un peu trop lent, un peu trop "spectateur, imagine-toi l'histoire" sur la fin.