Le film qui était drôle, et puis non, et puis si quand même
27/07/2012
De Noorderlingen - Les habitants - Alex van Warmerdam (1995)
Je me souviens d'avoir vu ce film à sa sortie, probablement via l'Institut Néerlandais dont j'avais suivi les cours depuis peu à l'époque.
J'en avais gardé l'idée précise de quelques séquences, Lumumba, le facteur inquiétant, les éléments si bien vus du comportement de petit village - ah toute la rue ou presque qui attend le bus pour aller à la messe -, la dévotion pour la dévote (1). J'en avais gardé l'idée que j'avais bien rigolé.
Je crois avoir revu ce film une fois, sans doute grâce au ciné-club dont je fais partie. Cette seconde vision ne m'a pas laissée de souvenir marqué. J'avais plutôt savouré les plans, le montage soigné.
Puis cette année à La Rochelle, nouvelle copie, j'y suis allée, réjouie. Le film m'a paru d'un humour si sombre qu'il en devenait poignant. L'impression de tragique surmontait le reste.
Est-ce parce que j'ai vieilli et qu'à présent je fais partie des humains que la sexualité chagrine et que ce charcutier que je prenais pour une grosse brute risible et ridicule à présent je le comprends ou la femme délaissée du chasseur fascisant ? Est-ce parce qu'entre temps à l'instar de Thomas qui subit sans la comprendre avant longtemps la disparition d'Agnès, j'ai traversé cette souffrance-là ? Est-ce parce que la bigote me faisait rire il y a 17 ans et qui à présent que le retour du pire des religions se confirme, m'effraie ? Est-ce la nouvelle version - pas de différence de séquences, pourtant - pourvu d'un son plus coupant, dur, et qui tirerait la perception vers davantage de cruauté, toute tendresse éteinte envers ceux qui sont moqués ?
Pour en avoir le cœur net, j'ai revu le film, à la BNF, à l'instant. Moral meilleur ? Violence atténuée par la taille réduite de l'écran ? Le drôle est réapparu. Pas à s'en déchaîner l'hilarité, mais quand même.
Note pour une fois d'après : C'est fou comme on peut oublier d'un film, des pans entiers, des aspects qui font que la balance penche d'un côté (drôle) ou de l'autre (drame), des éléments parfois importants (2), alors qu'on se souvient avec une précision d'horloger de détails d'une scène secondaire - un peu, au fond, comme dans la vie -.
De l'importance de la V.O. : peut-être qu'une part de l'humour que je ne percevais plus vient des dialogues, d'un décalage délicieux, au bord d'être culte pris au second degré. Quand j'avais vu le film pour la première fois, mon niveau de néerlandais me permettait de piger sans trop lire de sous-titre. Aux deux fois suivantes, j'ai dû au contraire m'appuyer sur eux, n'ayant pas le bonheur de vivre à Bruxelles, je ne pratique plus. En revanche à la BNF, écoute au casque donc son parfait et film suffisamment en tête pour suivre sans le parasitage du français, je retrouve leur charme.
(1) J'ignorais alors qu'il s'agissait d'une citation de "Théorème" de Pasolini
(2) Je me souvenais que Thomas, l'adolescent devenait l'ami d'un homme noir, rares en ces temps en ce qu'on imagine qu'est la contrée ; plus du tout que celui-ci était arrivé là accompagné de moines qui l'exhibaient comme une curiosité. J'avais oublié que les ennuis du facteur ne venaient pas tant de ce qu'on pouvait lui reprocher quant au traitement du courrier que du document qu'il feuilletait à l'instant d'être surpris ; ce qui arrive de bon à Thomas ; les visions d'oiseaux ; un crime, un viol tenté (rien que ça).
coefficient de mal de mer = 0/10 (caméra stable)
effets stroboscopiques : 0
La Rochelle vendredi 6 juillet 2012 14h Dragons 5
BNF vendredi 27 juillet 2012 11h15 P124
Les Habitants reste pour moi un film dont l'étrangeté le rattache à Jacques Tati mais un Jacques Tati sous anxiolytiques ! :-)
Rédigé par : Le_M_Poireau | 25/12/2012 à 18:42
Tati est quand même plus léger (pas la même époque tu me diras). Quand j'y repense le passage de folie religieuse collective est plus flippant que drôle.
Rédigé par : gilda | 25/12/2012 à 19:12