Apophénie


    C'est la guerre et ne pouvant rien faire, je continue à apprendre des mots nouveaux, dès que j'en ai l'occasion.

Voici donc apophénie, que j'avais peut-être déjà croisé mais oublié, et (re)découvert grâce à Fanny Chiarello.

une apophénie est une altération de la perception qui conduit un individu à attribuer un sens particulier à des événements banals en établissant des rapports non motivés entre les choses. Tout lui paraît avoir été préparé pour lui ne serait-ce que pour tester s'il remarque ces bizarreries. (d'après article wikipédia)

Une autre définition ici. Percevoir des structures ou des relations dans des données purement aléatoires ou sans signification. Le terme a été formé en 1958 par Klaus Conrad, qui l'a défini comme " voir des rapports non motivés " ainsi qu'une " perception anormale de significations ". 

J'en profite pour redéposer ce lien vers quelques figures de styles (mots que je connais puis oublie, puis retrouve assez régulièrement). Et celui-ci vers la paronomase que j'avais oubliée mais que Samovar m'a remise en tête.


Shinrinyoku

Capture d’écran 2020-05-01 à 12.36.34J'étais bien triste d'avoir laissé s'envoler un rêve heureux dont peu après le réveil il ne m'est plus resté que l'impression de bonheur. Vous me direz, c'est déjà ça. 

Il n'empêche que cherchant un mot pour dire ça : le fait d'avoir un rêve heureux qui s'est évanoui fors l'impression elle-même, et de le regretter j'ai posté ma question sur les réseaux sociaux. Les ami·e·s m'ont gratifiée de jolis mots inventés et je voudrais ici les en remercier. Dont rêvider par Le Monolecte, qui se rapproche assez de la sensation que ça laisse de regret.

Au passage Thierry Noisette m'a mise sur la piste du réservoir de mots précis pour désigner des petites circonstances de la vie que constitue le japonais. Ce lien qu'il a partagé m'a permis d'en croiser ou recroiser quelques-uns, en tant que forte adepte du tsundoku j'en connaissais déjà certains, et j'y ai découvert le shinrinyoku. 

"Quand la vie est dure, oppressante et qu'on veut un peu de calme, on va prendre un "shinrinyoku" : "un bain de forêt". A prendre au sens propre, on va se poser dans forêt pour respirer au calme et se relaxer."

It's gonna make my day. 

 

PS : Concernant age-otori, spéciale dédicace pour consoler Nasiviru de n'avoir pu y aller avant que d'expérimenter.


Devenir "clients" c'est mauvais signe (dans certains cas)

 

    Pas mal de points m'ont marquée du nouveau film de Ken Loach "Sorry we missed you", outre qu'il montre la vie de tant de gens comme elle est, des gens de bonne volonté qui n'ont rien à se reprocher mais que le capitalisme mondial, sans contre-poids désormais, est en train de dévorer - moi comprise si la retraite n'arrive pas à temps -, mais des dialogues aussi, des détails du diable.

Ainsi cette phrase glissée discrètement parmi les remerciements, en générique de fin : 

"Thanks to the drivers and carers who shared the informations with us but did not want to leave their names"

Ainsi la mère de famille alors qu'elle tente de négocier auprès de l'agence de placement de personnel d'assistance à domicile dont elle dépend, qui proteste du fait de devoir appeler ses patients "clients". Elle a raison, il s'agit de personnes qui ont besoin de soins et il ne sont en rien libres de choisir comme le font de vrais clients d'un produit de consommation. C'est la même chose pour les usagers des transports en commun. On ne peut être clients que d'un truc que l'on choisit et dont on peut éventuellement se passer sans trop de dommages.

Cette phrase que le personnage d'Abbie Turner prononce, faisait écho de quelque chose. 

J'ai trouvé aujourd'hui. C'est dans "Le quai de Ouistreham" de Florence Aubenas page 31 de l'édition initiale chez l'Olivier, en 2010. 

Entre collègues, on parle d'abattage, tout le monde renacle à assurer le poste (1), mais les directives sont claires : "Vous n'êtes plus là pour faire du social, cette époque est finie. Il faut du chiffre. Apprenez à appeler "client" le demandeur d'emploi." C'est officiel, ça vient d'en haut. 

Décidément, de nos jours, devenir "clients", c'est mauvais signe, dès lors que l'on n'achète pas.

(1) celui qui nécessite d'assurer le premier rendez-vous avec celleux qui viennent s'inscrire, inscription initiale avec sa kyrielle de documents nécessaires, et orientation


Bug

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Ce touite d'Atlas Obscura a été pépié pile à l'instant où je me délectais de la lecture du Nouveau dictionnaire Marabout de la Micro Informatique.

Je me suis donc fait un plaisir d'aller voir sa définition.

 

Bug 
en français Insecte ou vermine

C'est une erreur dans la programmation (tout programme au départ comporte toujours un certain nombre d'erreurs). Ce terme, devenu une interjection, vient des premiers "âges" de l'informatique où les ordinateurs étaient alimentés par des lampes qui attiraient les insectes. Ceux-ci engendraient des courts-circuits et des erreurs de programmation.
Ainsi, débugger est l'opération qui consiste à reprendre un programme pour en enlever les erreurs de programmation. On a proposé également les néologismes déboguer, déverminer, et plus récemment (Seymourt Papert) : désosser. Le plus français serait encore de chercher la bulle !
(voir aussi bogue)

Marrant ce qu'on en disait en 1991 (Il ne faudrait jamais inscrire "nouveau" sur la couverture d'un dictionnaire en papier)

 


Chamade (battre la)

 

    Lancée sur les traces de cette expression par Jean-Yves Jouannais et son encyclopédie des guerres, voilà que je la retrouve chez Saint-Simon que François Bon évoque régulièrement : 

 

"Il n'y eut rien de grande remarque pendant les dix jours que ce siège dura. Le onzième de tranchée ouverte, la chamade fut battue, et la capitulation telle, à peu près, que les assiégés la désirèrent."

Saint-Simon, mémoires, chapitre 1er 1692

Le signe d'une capitulation est devenu le battement [du cœur] sous l'effet d'une vive émotion. Sans doute aussi que l'amour est une forme de capitulation.

J'aime suivre la façon dont une langue vit, ce qu'elle nous apprend de nous-mêmes. Merci les amis.

 

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Variante


    Chez un auteur classe, la présence des sempiternelles fausses-blondes à jambes interminables destinées dans un roman guerrier à assouvir les nécessités de détente d'un belligérant aux désirs formatés par l'occident, ça donne par exemple :

"Il est déposé au Radisson Blu Downtown, où il a réservé une chambre. En début de soirée il grimpe à la Terrasse, le bar plein air de l'hôtel [...] décoration à la sobriété mondialisée, juste ce qu'il faut [...] pour créer l'illusion de ne dépayser personne. Le traitement post-FOB idéal.
Il y a peu de monde, des voyageurs d'affaires et des petits princes locaux déguisés en branchouilles. Deux perches court-vêtues, au platine zéro-défaut, patientent à une table en sirotant des cocktails [...]"

("Pukhtu", DOA, série noire p 110)

Comme quoi, lorsque le cliché est inévitable (elles sont là et leur présence a un sens), il y a toujours moyen d'en jouer. 

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Moules à gaufres (et autres bachi-bouzouks)


Il se trouve que mon cerveau peine parfois à effectuer des liens, comme s'il était constitué de petits compartiments étanches. Je crois que c'est à cause de mon côté Meursault, le gars qui s'accomodait de toutes sortes de situations et répète à l'envi "Ça m'est égal". J'espère néanmoins ne pas finir comme lui. Ce qui fait que je tends à mémoriser les informations sans nécessairement les raccrocher à d'autres ni les hiérarchiser.

J'ai mis je crois huit mois à percuter que le film "Sarah" dont me parlait une amie parce que ça nièce y jouait n'était autre que le "Sarah's key" dont me parlait une autre qui était heureuse que son roman soit adapté à l'écran.

Je n'ai intégré qu'à l'occasion de "l'année du dopage" (1998 avec l'affaire Festina sur le tour de France) dans le cyclisme que les noms des équipes étaient ceux de marques ou d'entreprises. Précisément parce qu'elles manifestaient leur mécontentement, preuve manifeste qu'elles existaient.

Pourtant je savais que Crédit Agricole était une banque, La Française des Jeux l'organisme qui gérait le loto et autres façons ludiques de payer un supplément d'impôts, Casino des supermarchés, mais voilà pour moi ça restait comme des noms de codes, séparés. Le fait que pour certaines marques je ne connaissais pas les objets associés (j'ignorais que Festina fût une marque de montres, en fait j'en étais restée à Lip, puis Swatch parce que longtemps j'en ai eu une qui tournait à l'envers du sens classique et ça m'allait bien mieux (1)) n'arrangeait rien. Seule Big Mat Auber me faisait songer à autre chose (2). 

Voilà que ce soir à la lecture d'un article évoquant quelques solécismes (3), je (re)prends conscience qu'anacoluthe n'est pas seulement un juron du capitaine Haddock, ce qui m'allait très bien comme définition ; je n'avais d'ailleurs jamais fait gaffe que moules à gaufres désignait un objet pas si rare (je le comprenais, je crois, comme une seule entité moulagaufr) et viens donc avec délice de découvrir que les bachi-bouzouks étaient des cavaliers mercenaires

Qu'ils s'agisse des mécènes du tour, comme des injures de l'ami de Tintin, je tenais leurs noms comme des fins en soi. À présent, c'est bon, j'ai connecté.

À cinquante ans, il était temps.

(Riez, ça me consolera)

 

(1) Quelqu'un de mon entourage qui s'inquiétait de me voir afficher tant d'anticonformisme m'en a offert une classique et costaude, d'une marque que j'ai oublié ce qui est injuste au vu de son usage à présent long.

(2) En l'occurrence le groupe Téléphone. Je ne suis pas toujours d'une grande élégance dans mes associations d'idées.

(3) Mot dont je connais le sens depuis la lecture du "Temps des secrets" de Marcel Pagnol, quand on est enfant on apprend partout, sans arrêt, tout le temps.


Ironie du sort sémantique - QCDSM #3

Pourquoi faut-il que ce soit lorsque l'on est fauchés qu'on procède à des réparations de fortune ?

(allusion à ceci et à ce qu'on s'apprête à faire pour y remédier : 

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qui sera moche et malcommode en attendant d'avoir les sous de refaire une vraie étanchéité)

 


Ça passe crème

Ceci est un billet pour tenter de répondre à un #Gné? de l'ami @Tarvalanion 

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Je ne sais plus qui a attiré mon attention sur cette expression, mais c'est récent et mon fiston qui s'est mis le même jour à l'utiliser pour m'expliquer que son absence au lycée pour cause de journée citoyenne de service non-militaire, grâce au justificatif officiel c'était passé crème.

Une amie enseignante revue grâce à François Morel (1) après nos périodes maladives de saison respectives, qui avaient reporté un premier rendez-vous, me signale que cela fait plusieurs années que ça circule parmi ses étudiants, d'origine banlieusarde pour la plupart, et mon fiston me dit, offusqué que je le croie suiveur d'une mode, qu'il dit ça depuis 2009 au moins.

Un dico de l'internet confirme et le sens (ça passe bien, ça le fait, c'est nickel) et que depuis 2007 elle est usitée. Le très chouette world reference et ses forums vivants (parmi les rares que je pourrais passer du temps à lire), en atteste l'usage en 2009

En fait on est dans l'instant où une expression sort de son cercle d'usage pour gagner le grand public (d'où qu'elle arrive à présent jusqu'à une vieille comme moi) alors que ses premiers utilisateurs l'abandonnent pour cause d'usage trop répété et que, C'est clair, Ça le fait plus.

La plupart du temps je m'efforce de lancer les modes, comme ça, brut de décoffrage, et d'éviter celles qui circulent. Mais il se trouve que Ça passe crème, me plait.

Et tant pis si à l'utiliser alors que d'autres la trouvent déjà ringarde, je serais toute saucée

 

(1) Le name dropping, chez moi, ça passe crème

PS : Oui parce que mon fiston me donne des cours, l'air de rien. Je tiens malgré mon vieillissement à parler (et écrire) le français vivant.