La mémoire perdue des vêtements (note pour quand j'aurai le temps)

 

    Comme suite à cet échange sur Bluesky (merci Faïza et Daisy Moon), il me vient l'impulsion d'écrire sur la mémoire perdue des vêtements, moi qui depuis le premier confinement et presque trois mois de vivre en Normandie dans ma petite maison, ne me souviens plus comme avant d'où viennent mes vêtements et nous (Le Joueur de Pétanque et moi) qui ne savons parfois plus à qui est tel ou tel habit, étant donné que nous en avons récupéré à l'arrache de la maison vidée de mes parents, et de ce qu'ont laissé nos enfants en allant vivre ailleurs. 
Ça a des côtés rigolo. 

- C'est à toi ?
- Non, c'était pas à toi ?
- Ah non

(message au fiston)

- C'était à toi, ce vêtement ?
- Non 

(e cosi via)

Mais bon, là j'ai trop pas le temps.


En marge du marathon (de Paris)

 

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C'était un jour orienté vers le sport même si j'en ai fait assez peu, seulement une séance d'endurance fondamentale d'un peu plus de 11 km en croisant une 500 Fiat (garée).

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On a testé à cette occasion les nouveaux trams qui vont jusqu'à la porte Dauphine mais aujourd'hui n'y allaient pas (pour cause de marathon, justement).

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Et le tout nouvel aménagement beaucoup plus agréable de la Porte Maillot avec un peu de la ville rendue aux piétons et aux circulations douces.

Avant de partir on avait admiré le marathon des championnes et champions puis il était temps d'y aller nous-mêmes (pas au marathon mais courir).

Je suis parvenue à bien caler l'heure et demie prévue, c'était pas mal pour une première - car nous allons rarement courir au bois -. Avec le tram ça sera plus fréquent.

Nous avons croisé des camarades qui faisaient le tour de la boucle de Longchamp, deux (à des moments différents) qui encourageaient d'autres gens, mais étions trop tard pour la Team Supporter et ceux qui courraient sauf l'ami Romain mais qui était loin. Nous avons encouragé celles et ceux qui passaient et finalement portés par l'ambiance chaleureuse, souhaitant y contribuer, marché du 37ème km à la fin en encourageant les marathonien-ne-s.

Puis le retour en RER C à temps pour voir la fin splendide du Paris - Roubaix hommes. 

C'est seulement après Stade 2 que j'ai reconnecté avec notre vie quotidienne et ses contraintes qu'il ne faut pas négliger sous peine qu'elles ne nous rattrapent et j'ai fait ce qui était devant être fait. Cette journée sportive m'avait bien requinquée.

 

 


D'arts et de sports (pleurs)


    Je profite de mon jour de congé pour regarder à retardement l'extraordinaire finale de tennis de table entre les frères Lebrun.
Le cadet, perdant quand il a pu croire un temps la victoire à portée de main, pleure à chaudes larmes et semble inconsolable.

Je me demande ce que les personnes peu habituées à la pratique sportive et au dépassement de soi peuvent comprendre à ces pleurs. Il me semble les reconnaître, pour avoir plusieurs fois fondu en larmes une fois des lignes d'arrivées franchie et tellement heureuse d'y être parvenue, aucun autre enjeu pour moi, que la thalassémie éloigne vis-à-vis des gens de pleine santé, de tout exploit.
Ce sont les pleurs de qui est allé au bout du fin fond de lui-même puiser les dernières ressources disponibles afin de tenter le tout pour le tout. Le corps liquéfie tout ce qui reste et l'on n'y peut rien du tout, seulement attendre que le fond de cuve qu'on est allé cherché s'assèche.
Respect, Félix ! Être capable si jeune d'aller puiser si loin est signe d'une force d'âme peu commune et qui portera loin.

Les pleurs d'épuisement, les pleurs du bout de soi sont souvent neutres, et n'ont rien à voir avec tristesse ou joie. En ces moments, on n'éprouve rien d'autre qu'un absolu épuisement qui balaye tout état d'âme.


On peut également pleurer sans chagrin face aux moments artistiques merveilleux, quand quelque chose touche une corde sensible. On peut alors ne pas même se rendre compte que les larmes coulent. L'opéra est fabuleux pour ça. Les voix viennent nous chercher par l'intérieur de l'âme.

Contrairement aux apparences, ces larmes d'arts ou de sports, sont de ce qui rend nos vies humaines plus belles et leurs donnent, brièvement, sens. 


Navalny


    J'étais en train de travailler, et sur l'ordinateur du travail, avec la version de Windows dont il est équipé, figure sur la barre des tâches en bas à droite un petit encart qui généralement indique la température extérieure et une indication météo. Parfois il y a une alerte de circulation (périphérique bloqué de telle porte à telle autre ...) et de temps en temps "alerte info".

C'est suffisamment rare pour que ce matin tout en travaillant, j'ai cliqué et l'alerte en question conduisait à une annonce de la mort d'Alexei Navalny.

Mon cœur est tombé dans mes pieds, sensation physique qui chez moi accompagne les très mauvaises nouvelles qui me concernent.
Or je ne suis pas personnellement concernée par cet homme, dont je me suis longtemps méfiée des prises de position - il me semble, je peux me tromper, qu'au tout début, il n'était pas si loin de l'extrême droite, mais peut-être à la manière d'un Limonov, car s'opposant au régime en place (?) -. J'en étais venue après son retour volontaire en Russie alors que la fois précédente s'était soldée par une sévère tentative d'empoisonnement, à admirer son courage. Et suivais son compte Instagram, sans trop savoir qui l'alimentait.
C'est triste pour lui et ses proches, mais au delà de son cas, et alors que le tyran semblait avoir opté pour lui laisser la vie sauve, cet assassinat (dont nous ne doutons à peu près pas), semble envoyer un message funeste au monde entier. Maintenant, fini de rigoler. On va voir ce qu'on va voir. Pas de quartiers (déjà que).

Fait rare, à ma micro échelle de petite vie de citoyenne à simple emploi, j'ai eu du mal dans la suite de la journée à me concentrer sur le travail. Quelque chose en moi était en alerte. On se souviendra de ce que l'on faisait ce jour-là. 

En attendant, respect à celui qui aura eu le courage de ne pas fléchir devant le tyran de son pays.

 

PS : Un article dans Le Monde, un documentaire sur Arte.


Varda in extremis

 

    Avec les camarades du vieux ciné-club dont je fais partie, je suis allée voir l'expo Varda à la cinémathèque la veille du dernier jour.
Je voulais écrire à ce sujet mais je n'en ai pas eu le temps dès en rentrant et à présent qu'il se fait tard, l'énergie me manque.
Bien des points n'étaient pour moi pas des nouveautés, j'appréciais Agnès Varda depuis fort longtemps, ainsi que son travail. Je connaissais ainsi son côté pionnier, et que les autres suivent mais qu'un "mouvement" n'est reconnu comme tel que lorsque les hommes s'y mettent à leur tour.
J'ai plusieurs fois été fort émue, malgré la foule - aller voir une exposition à Paris dans ces derniers jours est rarement à recommander ; seulement pour nous ça n'avait pas été possible avant -. Quand au dernier mur, en compagnie de Delphine Seyrig et Chantal Ackerman où elles expriment haut et fort combien les femmes manquent de place, il m'a profondément remuée. Ce qu'elles exprimaient c'était tellement ça. Le gag étant qu'alors que j'étais appuyée sans bouger au mur en face du mur écran, comme tout le monde le faisait, par deux fois des hommes ce sont littéralement collés devant moi sans même un regard à l'arrière. Au 2ème et comme j'étais encadrée par d'autres personnes qui m'empêchaient de me décaler, j'ai tapoté l'épaule avec un geste de Hé bah, lorsqu'il s'est retourné. 
- Oh pardon allez-y a-t-il déclaré contrit tout en se décalant, mais comme si j'avais demandé qu'il se pousse pour me mettre alors que je n'avais pas bougé.
C'était tellement typique de ce qui était dénoncé que j'ai échappé de peu au fou-rire.

Typique aussi la mauvaise humeur du Joueur de pétanque sur le trajet du retour, car pour une fois un samedi après-midi il ne jouait pas à la pétanque. Galvanisée par Agnès et ses sœurs de courage, je l'ai un tantinet recadré. D'autant plus qu'il avait apprécié l'expo et le déjeuner, même si par effet de groupe et de forte fréquentation de l'établissement (1) ce dernier avait duré longtemps.
Je n'étais responsable en rien de cet inconvénient, ni ne l'avais exhorté à venir.

Je n'oublierai jamais, concernant Agnès Varda, la tristesse des habitants de son quartier lorsqu'aux jours suivant sa mort j'effectuais un remplacement dans une librairie voisine de la rue Daguerre. Elle y avait ses habitudes. Une commande l'attendait encore et ça m'avait serré le cœur.
Quelqu'un dont le départ définitif rend les gens "proches non-proches" tristes à ce point, ne pouvait qu'être une personne formidable presque tout le temps et avec tout le monde. Je me souviens d'avoir songé que si j'avais été de la librairie la détentrice, je me serais permis d'ouvrir un registre de condoléances que j'aurais ensuite remis aux enfants de la réalisatrice. Tant de personnes parlaient d'elles si bien.

Bien sûr j'ai quitté l'expo avec une furieuse envie de revoir ses films ou voir ceux que je ne me souviens pas d'avoir vus (2) et de relire "Décor Daguerre", aussi.

(1) L'auberge aveyronnaise, dont l'aligot est fameux.
(2) Concernant "Le bonheur" j'ai un doute solide. Vu et grandement oublié, ou pas vu et connu pour certaines séquences ?


Ne reste pas là

 

    Hier matin la ligne 14 était en rade aux heures de pointe des 9 - 18 jobs. Autant dire que j'étais en plein dedans.
La panne n'a pas été annoncée d'emblée (ou plutôt : il y avait dû y avoir un premier incident, considéré comme résolu puis ça a recommencé) c'est au temps long de stationnement en station qu'on (les passagers) s'est douté que quelque chose n'allait pas, puis à Satin Lazare on nous a sommés de descendre, trafic totalement interrompu des deux côtés.

Sans surprise : l'évacuation de tant de monde d'un seul coup n'était guère possible, du moins de façon fluide.

J'avais déjà par texto averti mon employeur d'un retard très probable, j'étais prête à prendre mon mal en patience et à remonter vers la surface en prenant le temps qu'il faudrait.
J'ai la chance de n'être pas agoraphobe même si par goût j'ai tendance à ne pas m'agglutiner. 
Seulement, je suis depuis un moment Fouloscopie, et grâce à Mehdi Moussaïd j'ai appris à repérer les différentes densités de foules et les alertes à prendre en compte lorsque celles-ci deviennent à risque.

Hier matin, dûment instruite par cette fréquentation ma voix intérieure m'a ordonné "Ne reste pas là !".

Alors, avant que la densité côté gare SNCF ne devienne trop forte, je me suis faufilée vers les quais de la ligne 9 et me suis exfiltrée vers une station plus loin afin de poursuivre mon périple du matin.

Toute la journée j'ai eu l'impression d'avoir participé à un test grandeur nature, une sorte d'exercice d'alerte incendie. Et d'avoir su choisir la bonne option grâce à mes (bonnes) fréquentations.


Écrire


20240101_131105      Je débute l'année totalement ensuquée, avec cette sorte d'inquiétude sourde qu'il y a quand on se dit, Heureusement que c'était un jour férié, je n'aurais pas été en état de travailler. 
J'espère que pour demain et les quatre jours qu'il faudra enchaîner, je serai remise sur pied.

Métallisée par le soleil, La Tour, ce matin me semble immense et presque menaçante.

Je parviens péniblement à faire trois choses à faire, rapport à une inscription à une course, et à la réactivation pour toutes les applis utiles, de mon téléfonino récupéré. Il me restera à effectuer dans les temps la restitution du téléphone de prêt. Et bien sûr, le truc machin bidule prévu pour sur le site de l'opérateur bugue en cours de route.

Je lis, c'est tout ce qui reste possible quand la fatigue physique prend ainsi le dessus. 
Dans l'ouvrage qui recense en français les écrits quotidiens de Patricia Highsmith, je tombe sur cette phrase qui ne s'applique pas du tout à mon cas : 

"Comme la plupart des diaristes, Pat avait tendance à écrire davantage pendant les périodes difficiles".

J'ai tendance à écrire davantage ... pendant les périodes où je dispose de temps libre. Ce qui élimine de facto : celles pendant lesquelles je fais trop de trucs trop bien (par exemple : semaine de stage de triathlon ou festival de cinéma) et celles pendants lesquelles il se passe trop de trucs trop difficiles et que tout le temps et l'énergie sont employés pour y faire face.
Lus par des descendants ultérieurement, mes diarii donneront donc l'impression d'une vie moyenne (c'est le cas) mais très lisse (ben non, en réalité). Les moments nombreux de maladies y seront moindres qu'en réalité, puisqu'aux jours d'être fiévreuse et clouée au lit, je n'écris guère.

Le début de l'ouvrage porte sur ses notes de 1941 et je trouve moyen d'en lire une grande partie sans capter que c'est alors en pleine guerre mondiale - effectivement la vie quotidienne d'une jeune femme de 20 ans aux USA n'était pas violemment impactée -. Je prends aussi ainsi conscience de son appartenance à une génération qui précédait celle de mes parents, sans être pour autant de celle de mes grands-parents. Dans ma tête, elle était comme une légère aînée, comme si elle faisait partie de la génération de mes cousins-cousines dont deux seulement sont de mes âges et tous les autres d'un cran d'avant.
Peut-être que son antisémitisme venait pour partie de là, je me souviens de ma propre mère qui était si surprise qu'on lui dise qu'elle l'était. Elles étaient née dans des époques où certains préjugés étaient sans complexes institutionnalisés, étaient considérés comme des évidences. Leur façon d'y surseoir était d'avoir des ami·e·s de toutes origines, sans être freinées par ce qui fut inculqué.
Je me demande quels a priori de mon propre système de valeurs seront plus tard jugés inacceptables. J'espère que ça ne sera pas mon humanisme, alors que nous traversons une période de violent retours des nationalismes les plus étriqués.

Capture d’écran 2023-12-31 à 21.18.39    Je lis chez Lucette Desvignes ces phrases qui me redonnent courage : un écrivain "C'est quelqu'un qui écrit - pour soi, pour la postérité, pour la corbeille, peu importe : on écrit et c'est une grand chance de pouvoir continuer à avoir des idées et de pouvoir les exprimer, soit par la parole, soit par l'écriture, même quand on est entré dans les quatre-vingt-dix-huit".

Tout n'est pas perdu.

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   Non sans étonnement, je m'aperçois que ce blog a passé le cap des 5555 notes (1). Si mes calculs sont bons, la 5555 ème causait de speedcubing ; ce qui me plaît bien.

Vieillir c'est s'intéresser à des activités que l'on n'est plus ou plus tout à fait en mesure de pratiquer. Le speedcubing, le parkour et le cyclocross sont arrivés trop tard dans ma vie. Pour le triathlon, je suis heureuse de n'avoir pas raté le coche, mais il s'en est fallu d'un rien.
Et toujours quand on est une femme : NE PAS ÉCOUTER l'entourage qui les 2/3 du temps se montre décourageant et a vite fait de te considérer comme un peu fofolle, quand un homme dans les mêmes dispositions de se lancer dans une activité un tantinet tardivement, recevrait moult appréciations positives quant à son courage et son esprit d'entreprise resté intact. Pour une femme on parlera plutôt de velléités. Grumbl. Restons vivantes, soyons cinglées.

 

N'ayant trouvé aucun vœux par textos à mon réveil, j'en avais déduit que la coutume s'en était perdue, que ma vie métro boulot vélo dodo (et course à pied, et natation) m'avait coupée de trop d'ami·e·s, que la famille était désormais trop atomisée, dispersée, orpheline de la génération chapeau qui faisait le lien et des invitations de réunions, ou que l'année 2024 s'annonçait trop terrifiante pour qu'on se la souhaite bonne. C'était peut-être pour partie vrai, mais surtout lié au fait que WhatsApp semble avoir ramassé la mise. Ce que je découvre en réactivant mon "vrai" téléphone, celui qui vient d'être réparé, sur cette application (2). Je m'efforce de répondre scrupuleusement. 

Je le sais mais en constate pourtant la confirmation avec étonnement : les petits téléphones individuels ont pris dans nos vies une importance impressionnante. Retrouver "le vrai mien" me montre à quel point d'avoir été près d'un mois avec un fonctionnement restreint m'a fatiguée. Parce que je devais (un peu) réfléchir pour avoir accès à certaines fonctionnalités. Parce que je me passais de pas mal de petits services dont je n'avais pas conscience d'à quel point ils me facilitaient la vie.
Parce que le téléphone est devenu l'appareil photo (3). 
Ce qui est curieux, c'est que le téléphone de prêt avait un meilleur appareil photo intégré que le mien, mais que pour autant je suis soulagée de retrouver le fonctionnement du premier.

Je ne sais toujours pas si le fait d'être coupée des informations du monde pendant mon travail salarié me pèse ou me protège. Que je me pose la question, alors que je suis quelqu'un qui éprouve depuis l'enfance le besoin de suivre la pulsation du monde, est signifiant, nous vivons des temps sombres avec la quasi-certitude que la suite sera pire.

Notre maison de Normandie sera d'ailleurs peut-être un jour qui sait, et du vivant de la descendance (sinon du mien), une résidence de rivage, et le Cotentin (re?)devenu une île. Séparée du continent à la hauteur du MacDo. 

 

 

(1) Nombre qui revêt pour moi une importance particulière car le premier roman auquel j'ai participé était une œuvre collective écrite en classe de 5ème sous l'égide de monsieur Compain notre professeur de français et que le titre, collectivement choisi en était : "Le clipper de l'an 5555 ou inquiétude chez les dieux". Hé oui il s'agissait d'un roman d'anticipation. 

(2)  Je m'inquiétais d'un mot de passe oublié : en fait il suffit de relancer l'appli, rentrer le numéro de mobile et un code de confirmation nous est envoyé. En revanche l'historique des conversations revient de façon qui semble imprévisible : des très anciennes ressurgissent, des nouvelles restent perdues dans les limbes de l'appareil intermédiaire. 
Note pour plus tard : si quelque chose est dit ou indiqué par cet outil et qui semble digne d'être conservé, prendre soin de le sauvegarder sur un autre support. 
(3) Ce qui m'embête un peu. J'avais une belle relation avec les miens. Et les réglages flashy par défauts des téléfonini ne me conviennent pas tant. 

 

 

 


Née en exil


    J'y repense en suivant une video de course à pied de Roxane Cleppe, mais ça pourrait être en lisant un roman, et ça l'est chaque année quand je retourne dans les Ardennes pour le trail de La Chouffe, et ça l'a été très fort quand j'ai fait ma tentative de marathon à Bruges, mais voilà, alors que certaines personnes souffrent de dysphorie de genre, j'éprouve pour ma part un décalage entre la nationalité que j'ai par ma naissance et celle que je ressens comme la mienne ; c'est vraiment curieux car je ne sais pas pourquoi. Je me sens belge, donc et depuis mes 19 ans (1), lorsque rencontrant quelqu'un j'ai eu la sensation de retrouvailles.
Et de rentrer chez moi en lui rendant plus tard visite. À la fois rentrer chez moi et un délicieux dépaysement, comme si j'avais grandi dans une lointaine colonie et qu'étudiante je découvrais la métropole. J'ai pris des cours de néerlandais, afin d'au moins comprendre pour partie le flamand.
Ça ne s'est pas arrangé par la suite.
En général, grâce à l'Europe, je le supporte sans problème. Je me sens européenne, voilà tout.
Seulement la pandémie de Covid, qui nous a recollé des frontières à grands traits car les obligations et contraintes et soins et chance ou non de s'en tirer, n'étaient pas les mêmes selon le pays où l'on était, m'a redonné le blues de la nationalité. Et puis des mouvements politiques nationalistes ont partout le vent en poupe, les dirigeants de la Russie soutenant tout ce qui peut torpiller une Europe forte. Le risque de retomber en des temps où on sera assigné fortement au pays de ses papiers redevient fort.

Même si après 2013 pour un triste cumul de raisons (dont : c'était la dèche, globalement), je suis restée longtemps sans aller en Belgique, à présent que j'y vais à l'occasion de courses, j'ai toujours cette sensation de retour au pays. Très voisine de celle que j'éprouvais enfant, quand pour les vacances d'été nous allions en Italie, retrouver ma famille paternelle.

Il y a quelque chose de la poésie, de l'humour et d'un brin de folie, celui qui pousse à monter soudain dans un tram à Bruxelles sans savoir où il va mais simplement parce que c'est le tram 33, qui m'est natif du coin. Quelque chose dans le regard photographique, une joie des choses décalées. Mais je reste sans raison objective à mon ressenti.

À moins que mon père, venu d'Italie, n'ait eu autrefois pour projet de ne pas s'arrêter à Paris, mais de poursuivre plus au nord. Et qu'il soit resté en la capitale française parce que ma mère était rencontrée et qu'aussi un boulot stable y était, où à défaut de s'épanouir, il gravissait au sérieux les échelons. Il est mort il y aura bientôt vingt ans. C'est beaucoup trop tard pour lui poser la question. M'en resterait cette impression que la cigogne distributrice, remontant vers le nord, avait lâché trop tôt son baluchon.

Ça n'est pas une question d'apparence physique, je n'ai un air d'appartenance avec aucune région précise, femme moyenne, brune à la peau claire. J'ai longtemps cru que j'avais les yeux noirs, mais ils sont un peu marron clair un peu verts. On me prend à peu près partout pour quelqu'un du coin. J'ai une tête à chemin.

En attendant, je m'applique à faire avec ce qui est : une vie de française à Paris, ville de convergence, ville où presque tout le monde finit par passer, ville que mes parents en s'y rencontrant m'ont léguée. Il existe pire destinée (2).

 

(1) Je n'avais jamais eu l'occasion d'y aller avant, je ne sais que : Bruxelles, Brel, l'Atomium et Tintin, une direction géographique ("plus au nord") et ignorais presque tout de la Wallonie et de la Flandre, c'était avant l'internet, chacun était assigné dans son coin, chez les peu fortunés, et on n'avait que les transmissions parcellaires des médias officiels.

(2) Même si je m'y sens comme un peu d'ailleurs.


Double masterclass

Vous prendrez bien un peu de masterclass mêlée, écriture et course à pied ? Cécile Coulon et ceux qui l'ont invitée, nous font ce cadeau.


 


Grand sentiment de sororité (à part que aheum, j'apprends au passage que j'ai l'âge de la mère de Cécile, ou quasiment). Meme si je n'en suis pour l'instant qu'à l'étape où courir me permet simplement de recentrer ma vie sur ma propre vie (et mon corps et ma condition physique, mon rythme, ma respiration), et non pas de mettre de l'ordre dans mes pensées créatrices, puisque j'ai dû les mettre en sommeil, le temps de tenter d'assurer mes vieux jours.

Merci aux concepteurs et conceptrices des algos de Youtube à qui je dois pas mal de (re)découvertes. 

Et puis ce seul point de divergence : du fait de pratiquer le triathlon je constate que bien des plus jeunes y viennent et pas  des enfants poussés par leur parents, des plus âgés en fait. Donc je ne partage pas l'impression que les moins de 25 ans dédaignent les sports classiques - mais peut-être que le triathlon n'en est pas un, justement ? -. 


Shenanigans

 

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Il y a quelques mois notre portemanteau de l'entrée s'est effondré. Il est à demi tombé dans un angle et comme je ne suis pas en état de m'en occuper (je tiens le coup au travail, je tiens le cap de mes entraînements et pour le reste c'est sur le temps et l'énergie résiduels).

Tout à l'heure, au creux d'un samedi non travaillé, j'ai reçu un message indiquant qu'une livraison avait été déposée dans la boîte à lettres.

J'ai terminé ce que j'écrivais puis j'ai enfilé les premières chaussures qui traînaient dans l'entrée et le premier vêtement sur le porte-manteau, et j'ai descendu nos poubelles, vidé le verre et récupéré mon colis. 

Il se trouve que le vêtement attrapé au vol était mon vieux caban, probablement remis sur le dessus de la pile après l'écroulement. Poussiéreux, carrément.

J'ai mis les mains dans les poches, en pensant, Tiens, qu'est-ce qui peut traîner dans un manteau d'avant les confinements (1) ?
À ma plus grande surprise, c'était plein d'écrits. 
Ils dataient de 2008 et 2013 (?!?), un plan d'un salon du livre de Paris d'il y avait dix ans, et une invitation pour la fête de sortie d'un livre d'Edgar Hilsenrath dont je me souviens bien, un message d'invitation d'une amie perdue de vue qui nous rassemblait en l'honneur de Pablo (qui a disparu des réseaux sociaux, et ne donne plus de nouvelles, ce qui m'inquiète ; il fait partie de ceux grâce auxquels je me suis mise à la course à pied et j'aimerais le remercier). 

Engluée dans un quotidien métro boulot vélo dodo et sport aux marges, dans un ultime effort pour sauver une éventuelle retraite (si je survis), j'oublie parfois que j'ai eu une vie et qu'elle a été souvent bousculée (2) mais vraiment intéressante, et beaucoup plus que tout ce que j'aurais pu, vu mon genre et mon milieu d'origine raisonnablement espérer.

Retomber sur la time capsule de mon vieux caban, une time capsule d'il y a dix ans, m'a fait un bien fou.

 

 

(1) Clairement, depuis le Covid, ce qui traîne au fond des poches ce sont les masques et les mouchoirs. 
(2) Clairement, si ce caban était resté ainsi délaissé, c'était probablement comme suite à deux coups durs majeurs qui m'étaient tombés dessus en juin et juillet 2013 (dont : la fin de mon travail à la librairie Livre Sterling qui allait fermer)