Vélotaf - Je ne suis pas la seule -

 

    Je comptais bien vélotafer pour ce nouveau boulot (1), seulement peut-être pas tous les jours, ne serait-ce que pour pouvoir lire ; ce que les transports en commun autorisent lorsqu'ils sont empruntés dans de bonnes conditions, mais pas le vélo, pas très bien.

Voilà qu'avec la grève générale et des transports en communs parisiens en particulier, j'ai parcouru chaque jour environ 25 km. En deux fois sur un parcours presque plat, c'est très faisable, dès lors que l'on n'a pas d'ennui de santé particulier. J'en suis donc à 350 km environ cumulés et ma foi, si l'absence de possibilité de pointes sérieuses de vitesse empêchent que ça vaille pour entraînement de triathlon, c'est beaucoup mieux que rien.

Grâce à cet effort quotidien, je me sens en meilleure forme pour assurer le boulot, c'est particulièrement flagrant sur les début de journées de travail : j'arrive bien réveillée, bien échauffée, prête à soulever ce qu'il faut de cartons.

Je pense que bien des personnes que les grèves ont contraintes au vélo, si elles n'ont pas trop subi de mésaventures liées aux comportements des automobilistes pressés (2) et de certains 2RM, vont constater une réelle amélioration de leur condition physique et donc de leur quotidien et vont rester adeptes de cette belle façon de circuler.

Un billet de blog de Tristan Nitot rassemble bien les enjeux, n'hésitez pas à aller y lire : 

Le possible succès du vélo

 

Il n'y manque que la mention des petits bonheurs : le co-vélotaf, qu'il m'est arrivé de pratiquer (par exemple Coucou Sacrip'Anne) et les rencontres et retrouvailles.

Ainsi ce matin en allant bosser, j'ai croisé une belle petite bande de camarades de mon club de triathlon lesquels venaient de s'entraîner en course à pied, et même si je n'ai pas pu m'arrêter car arriver en retard au bureau peut se négocier mais arriver en retard pour tenir boutique signifie laisser des clients mal servis, nos saluts joyeux ont ensoleillé ma journée.

Il m'ont donné l'impression que la vie était belle, classe et facile comme dans les méthodes de langues ou les comédie musicale.

 

(1) À la librairie Les Mots et Les Choses, donc

(2) Not all automobilistes, il y a vraiment globalement un progrès. Seulement il suffit d'un gougnafier pour se retrouver en danger. 


En janvier un mardi

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Il a neigé sur Paris. 

Ça n'aura pas tenu la journée. 

Du matin au soir je n'ai pas arrêté. 

J'aime mon travail - aujourd'hui dans une de mes librairies préférées -. Être libraire sans frontière (Appellation Fiston Contrôlée) présente ce côté sympathique qu'on revoit régulièrement des personnes que l'on apprécie et que si par malchance on tombait dans des endroits moins sympas on pourrait tenir patiemment le temps de la mission. Pas le temps de voir le côté décevant des choses et des gens. 

Quand on a trouvé du boulot mais qu'il est toxique et pas si bien payé mieux vaut s'en aller - surtout si l'on est sujet à des tracas de santé dont une part de déclenchement peut être liée au stress -. Je ne dis pas ça pour moi mais pour quelqu'un qui se reconnaîtra peut-être en passant éventuellement par là. Et qui a pris ce soir la bonne décision, je crois.

Le shiatsu pratiqué par un bon praticien peut faire réellement du bien. Quoiqu'on pense de la théorie. 

Je voudrais écrire davantage seulement je dois me coucher tôt. Je n'en reviens pas d'à quel point je ne souffre pas trop du froid. Ça change la vie l'hiver. Les non-frileux n'imaginent pas avec quelle ampleur. 

 


Rencontre avec Thomas Gunzig : l'enregistrement

Je dois filer prendre un train pour préparer l'arrivée des éléments d'un déménagement, sans connexion stable sur place. Du coup je dépose ceci très vite ici avant : souvenir d'un excellent moment même si je n'étais pas au meilleur de ma forme (1), mais Thomas l'était qui a lu de façon merveilleuse sa nouvelle "La girafe", finalement en entier (c'était trop bien pour le laisser s'arrêter).

Merci à Hugues qui a mis en ligne très rapidement l'enregistrement.

 

(1) note pour une prochaine fois : éviter de programmer une rencontre que j'anime moins de quatre jours après un événement sportif intense et long

Le chiant Jacques

(ces jours derniers, à la librairie)

 

D'ordinaire je mets à la librairie la radio sur FIP ou sinon du silence, plus rarement quelque chose généralement classique que je n'ai pas eu le temps d'écouter avant de partir de chez moi. FIP a ceci de sympa qu'elle n'a pas de publicité, zéro, rien du tout, un bonheur, une programmation éclectique mais rarement clivante, ce qui pour une boutique est bien, et un petit flash d'info au 50 de chaque heure ce qui permet quand on parvient à l'entendre (1) de ne pas être totalement coupée du monde, malgré plus de 7 heures sans dételer.

Parfois un-e client-e me demande, C'est beau cet air, c'est quoi ? Et je regarde sur le site pour pouvoir renseigner cette personne lorsque d'aventure c'est une composition que je ne connais pas. 
Souvent je m'attarde après la fermeture pour régler un peu de tâches administratives en écoutant Jazz à FIP. Tranquille.

Et puis voilà qu'hier ils diffusaient un Jacques Brel, certes l'un des plus pesants (2) mais après tout ça n'est pas totalement dépourvu de sensibilité même si l'humanité des fournisseuses n'est pas envisagée. Et qu'une cliente qui venait chercher un livre précis s'est fâchée après lui, qu'il est lourd ce Brel, c'est insupportable, puis craignant de m'avoir contrariée si d'aventure j'avais mis ce titre par choix personnel, C'est la radio ? J'ai répondu que oui sans pour autant renchérir (3), car bien que quelqu'un me l'ait gâché, et sa propre misogynie, il me reste une admiration pour le poète, pour ses capacités d'épingler les choses de la vie, pour son implication en scène. Ça fait quand même un bon vestige. 
Certains en font des caisses, c'est ainsi leur façon. 
De toutes façons le temps que je me demande si elle aussi avait eu un #anotherTed pour lui ôter du Grand Jacques toute admiration, un homme qui sans être prédateur sexuel l'avait traitée en pion à déplacer sur l'échiquier de sa vie, et la rendre ainsi féroce (entre temps elle y était revenue, Il est insupportable, mais qu'est-ce qu'il est chiant !), elle était passée à autre chose, la radio aussi, et je cherchais pour elle un autre roman à lui proposer.

Le lendemain matin, au troquet d'à côté, un homme chantait, et plutôt bien, Le port d'Amsterdam a capella pour deux ou trois copains. Je me suis dit que c'était quand même quelque chose. Avoir su écrire et interpréter des chansons qu'un type dans la rue, peut avoir envie de chanter, longtemps plus tard (4) à ses potes qui l'écoutent, attentifs. 

 

(1) Un jour il faudra que j'écrive un billet sur LE client de l'heure cinquante, comme s'il suffisait que résonne le jingle du flash d'info pour que quelqu'un entre.
(2) Au suivant 
(3) Par un mécanisme de la nature humaine qui m'échappe un peu, les gens que quelque chose mécontente quettent toujours l'approbation de leur interlocuteur.
(4) Ça fera dans un an quarante ans qu'il sera mort.


dimanche (un)

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Les montres de sport c'est parfois décourageant : une amie te parle du parcours sportif du parc de Sceaux qui fait 7 km (en fait tu as dû mal comprendre et confondre avec le grand tour), vous en faites deux, tu te sens fatiguée comme vous avez fait deux tours tu te dis que c'est normal après 14 km, mais en fait ... c'était 10.
Tu t'es octroyée une pointe de vitesse, et en fait tu faisais du 7 mn/km (8,55 km/h sauf erreur) ce qui en fait est lent. Il n'en demeure pas moins qu'il est extrêmement réconfortant d'être capable de faire à plus de 50 ans ce qu'à 20 on peinait de réaliser, en estimant l'objectif in-atteignable (1).

En résumé : 

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Une fois rentrée tu repousses l'épuisement pour prendre avant tout une bonne douche - non sans appréhension face à l'hiver à venir : tu sais l'énergie qu'il te faut pour tenir le froid en respect même si ça va infiniment mieux qu'autrefois ; et octobre, généralement c'est ça : prendre conscience de ce qui t'attend jusqu'à mars au moins -. 

Tu as pris dans la matinée des nouvelles d'une ancienne amie, tu en appelles une autre en tout début de soirée pour préparer une rencontre qui aura lieu à la librairie jeudi. Un ami, par ailleurs, te donne l'impression de te fuir, seulement tu ignores pourquoi. L'impression de manquer d'une information capitale le concernant. Peut-être qu'il lui est arrivé quelque chose qu'il croit que je sais mais qu'en fait j'ignore et que du coup mes propositions joyeuses de soirées littéraires lui semblent odieuses. D'autres amis sur Twitter émettent des hypothèses dont certaines te font sourire (messe, amant-e ...), et ainsi ils atténuent la peine sourde de cette absence de plus.

Je sais que je suis moi-même absente à d'autres, parfois j'accumule des semaines de messages en retard. Mais généralement je trouve moyen d'envoyer à un moment un mot pour expliquer le trop pas le temps.

J'ai relevé les mails aussi, de la librairie. La semaine à venir sera très chargée et il ne convient pas de les laisser s'accumuler. 
C'est la première fois de ta vie qu'un travail m'est à la fois aussi fluide et avec des responsabilités qui font que je dois en dehors de mes heures veiller. J'aime beaucoup ça. 

(J'ai eu d'autres boulots bien aimés, notamment à Livre Sterling et Au Connétable mais j'étais dans les deux cas au service d'une personne et non la cheville ouvrière).

Tu as du pain sur la planche.
Ce n'est pas moi qui m'occupe du dîner et je savoure à sa juste valeur d'être allégée de cette tâche. Depuis plusieurs années le repas du dimanche soir est celui que prépare l'homme de la maison quand il n'a pas de concours de pétanque.

Je ne parle que de livres (ou de cinéma) (ou de triathlon) il ne parle que de ça. [hors conversation strictement utilitaires et hélas en cette année d'après les deuils, inévitablement nous en avons].

Demain il faudra se lever tôt : maison de ma mère, un rendez-vous d'entretien.

La vie est ainsi.

Je me demande comment on appelle le contraire de binge watching : je regarde seulement à présent le 12 ème épisode de la première saison de Thirteen reasons why. Série pour laquelle je me sens trop vieille, j'ai perpétuellement envie de leur dire, Mais vous en verrez d'autres mes pauvres chéris, qui est terriblement américaine - ce qui m'amuse ou m'agace -, truffée de grosses ficelles narratives, mais est bien filmée et montée (même si sans doute avec pas tant de moyens ?), les jeunes acteurs sont très bons mais pas toujours, mais équipés d'une telle envie de bien faire qu'ils en deviennent touchants, et dont le propos est louable - hé oui, les filles ne sont pas des objets -. Seulement j'ai très conscience de ne regarder que lorsque je veux me dé-saturer de lire ou plus précisément lorsque je dois remettre les compteurs émotionnels et imaginatifs à zéro entre deux lectures pro ou une personnelle et une pro.
Cette série me tient sur l'effet du deuil, et qui est très bien vue de ce point de vue là.

Je tente de me remémorer toutes les choses vécues depuis une quinzaine de jours (2), et m'aperçois que je mène une vie intéressante, intense et jolie. Pour autant que je parvienne par instants à faire abstraction de l'état du monde, mais c'est devenu nécessaire à force d'impuissance et de catastrophes enchaînées - telles la présence de Trump à un poste qu'on n'aurait jamais jamais dû lui confier -. Pour autant que j'oublie ce(ux) qui me manque(nt), morts ou vivants.
On dira(it) que j'attends les prochaines catastrophes assez sereinement. 

 

(1) Nous logions étudiants à la résidence universitaire d'Antony et les garçons allaient assez souvent courir au parc de Sceaux. Je bouclais un tour, grand max et très péniblement.

(2) En gros : depuis le dernier moment où j'ai fait le point mentalement. 

PS : Je vois passer chez Reflets et vers une image qu'on dirait moi (en plus jeune et plus fine, j'en conviens)  22222045_1402189166562632_3880081465751680389_n

 


Les jours heureux (au travail (pour le reste, un peu moins))


C'était une belle belle intense journée de boulot, de celles où tout s'enchaîne, de messages le matin jusqu'en soirée organisée. Avec le sentiment de pouvoir faire avancer les choses et un ami qui m'a fait une joie immense en acceptant de venir comme auteur invité alors qu'il viendra de pas sauvagement tout près.

Du coup les tracas immobiliers (vente qui tarde, diagnostic douteux), et ceux de victimes de vol (dans l'autre maison, en Normandie) ne semblent pas si forts. 

Nous avons récupéré quatre objets dont l'un n'était pas celui que l'on croyait. Par rapport à tout ce dont nous nous sommes faits dépouiller, c'est peu. Cette affaire nous aura coûté environ 1500 €, plus que ce que je gagne en un mois. 
Les propriétaires ont fait vider la maison qu'occupait le voleur, réparer la porte du type qui était cassée également et changer la serrure. Il est probable que l'homme ne reviendra plus. Je me dis que dans deux ans mettons il sortira de prison et qu'il sera sans affaires personnelles et sans toit. Alors il ira ailleurs et il recommencera. Ça semble sans issue. Il a eu sa chance avec cette femme de la petite ville qui l'aimait, qui a tenté de briser le cercle des poisses successives, qui se cramponne à son dur boulot. Mais il est incapable de rester stable bien longtemps. Et d'avoir le courage d'endurer un de ces jobs physiques de ceux destinés à qui n'est pas qualifié.

Je pense à ce cousin par alliance qui a si brutalement quitté la famille. Qui nous a raconté à chacun des craques à des degrés divers. J'ai l'impression que nous avons tous été victimes d'une escroquerie affective. À nouveau me revoilà en train de me poser la question de Comment cet homme-là a-t-il pu agir ainsi, prétendre ce qu'il a prétendu, se révéler si différent de celui qu'il était ?
C'est peut-être la quatrième fois de ma vie que ça m'arrive : avec V. dont l'amitié semblait si solide et sincère, avec le grand B. qui semblait si respectueux mais non, Emmanuel R. volatilisé. Il y avait eu aussi Bernard, mais son cas était différent (1).
D'autres m'ont aussi menée en bateau, mais disons que c'était d'une certaine façon prévisible, que ma confiance en eux avait su rester raisonnable. La révélation n'est alors qu'une pénible déception. Pas de ces moments qui font douter de tout et de tous. 

Difficile de ne pas songer à ce film de Woody Allen dans lequel le jeune qui se met à avoir des idées ultr-réac. est en fait atteint d'une tumeur au cerveau.
Ou à l'histoire de Jean-Claude Romand, et soudain on se surprend à se sentir soulagé que ça n'ait pas fini aussi mal.  

Je m'efforce de me dire que certains des moments étaient sincères, l'étaient vraiment et que c'est seulement à partir d'un instant donné que les choses ont pu dévier. Que la personne de maintenant avec ce qu'elle a fait ou déclaré n'est plus la même que celle qu'on appréciait mais que celle-ci a réellement existé. Qu'on varie tout au long d'une vie.
Il n'empêche que ça fait mal. 
Apprendre que celui qui m'avait si souvent donné des conseils si avisés et qui m'ont plusieurs fois aidée a pu se comporter comme un affabulateur et un bourreau affectif et que dans son travail il maquillait la situation de son entreprise, et que ce que j'avais pris pour un succès était un échec en fait (2), me laisse sciée. Et il y a suffisamment d'indications concordantes pour que je sache que ce que j'ai appris récemment n'était pas inventé.
Bon sang, mais pourquoi ?
Tout est-il tout le temps faux, dès lors qu'il s'agit d'humains ? 

 

(1) Il avait pendant des mois (années ?) prévu son suicide minutieusement. S'inventer une reconversion faisait partie du processus. Nous y avions tous cru. Elle était absolument inventée et il est allé mourir au premier jour théorique de sa nouvelle carrière.
Avait-il d'autre choix s'il voulait qu'on le laisse mourir en paix et également nous protéger de tout sentiment de culpabilité (nous sommes exemptés du fait de n'avoir pas su deviner, il avait tout tellement bien organisé pour faire écran de fumée).
(2) Dû pour partie à des repreneurs qui n'ont pas tenu leurs engagements. Il n'empêche que ça n'est pas l'exemple de succès qui de loin (je n'avais pas les mêmes aspirations, mais la recherche d'une dynamique) m'inspirait.

 

 

 


Il est des jours, parfois, qui ne nous appartiennent pas

Au fond ça aura commencé dès le matin, avec le réveil très très matinal de l'homme de la maison, lequel m'aura fait perdre un rêve.

Puis il y aura eu ce coup de fil alors que je partais. Un 06 inconnu après une sonnerie sur le fixe, que nous ne décrochons jamais : ceux qui nous connaissent ne l'utilisent pas, donc un appel du fixe c'est forcément une requête. Quelque chose me dit qu'il faut que je rappelle, même s'il n'y a pas de message. 

Je fais bien : il s'agit d'un des officiers de police judiciaire chargé du cas de notre voisin voleur, lequel a reconnu les faits ... et doit passer le lendemain en comparution immédiate.

J'ai des papiers à signer, qu'il me faudra scanner et renvoyer. Une foule de questions se posent : faut-il se constituer partie civile, prendre un avocat ? 

La librairie n'attend pas, il me faut y passer chercher un carton de retours, le déposer à l'un des comptoirs de diffuseurs, y prendre une commande.

L'après-midi passera comme ça, entre librairie et appels liés à notre polar personnel et qui au vu du très courts délai ne peuvent être différés.

Pour finir un appel de l'homme alors que je me dirigeais vers le métro.

Au fond je n'aurais eu "à moi" que le temps du trajet, que j'emploierai à la lecture du roman d'Erwan Larher, "Le roman que je ne voulais pas écrire". 

Une fois à la maison, et contrainte par le manque de temps de manquer une soirée de fête en l'honneur d'un excellent roman, c'était reparti  pour une session de paperasses, avec une lettre plutôt délicate à tourner, celle pour tenter d'expliquer à un président de tribunal qu'on ne souhaite pas engager des poursuites de ouf à l'encontre du contrevenant mais en revanche recouvrer notre (légitime) paix et que les intrusions cessent.

Il y aura eu aussi des nouvelles sombres de la famille - se souvenir une fois pour toute que lorsque les gens se montrent silencieux c'est le plus souvent qu'ils ont du sérieux tracas -, un petit coup de harcèlement de rue (j'ai plus de cinquante ans, je n'en reviens pas), un autre de dysfonctionnement de  ligne 14 celle-qui-n'a-jamais-de-problème mais là si, un souci d'allocations Pôle Emploi qui n'arrivent pas (1), un paquet coincé dans la boîte à lettres, les propos divaguants de l'homme comme à chaque fois que dans l'affaire du voisin voleur il y a rebondissements (2), des appels d'agents immobiliers auxquels je n'ai pu répondre, un repré qui reviendra (nous nous sommes curieusement manqués par deux fois), quelques textos réconfortants amicaux.

Comment peut-on traverser une entière journée avec si peu de temps personnel que : deux trajets, un café, et l'écriture de ce billet ?

 

 

(1) pas pour moi 
(2) à croire que la pression exercée par la situation l'a rendu fou.

 

PS : Merci infiniment à Nicole Masson ainsi qu'à son ami avocat qui a bien voulu prendre de son temps pour m'expliquer la procédure.


Bilan de l'an (2016 / 2017)


P6242099_2Pour moi les années depuis l'enfance n'ont jamais cessé de fonctionner selon le découpage des années scolaires. Tant il est vrai que fréquemment et aussi pour le métier que j'ai adopté (ou qui m'a adoptée, devrais-je dire), les rentrées sont dites de "septembre" (1), les choses fonctionnent ainsi. Janvier n'est pas le début d'une nouvelle phase mais le deuxième trimestre d'une "saison" du théâtre de la vie.

 

2011/2012 commencée encore un peu triste d'un chagrin de l'hiver d'avant avait eue une fin merveilleuse. Et 2012/2013 avait été une des plus belles années de ma vie sauf sur la fin où le cumul d'une rupture subie avec la perte d'un emploi avaient été rudes. Au bout du compte le vrai mois de vacances (dont j'ignorais qu'elles allaient être mes dernières d'avant longtemps) lié à la fin de mon travail me permit sans doute de ne pas sombrer. J'ai fait du sport. J'ai dormi autant qu'il le fallait. Lu, aussi. Et puis j'étais dans ma Normandie qui en ce temps là était encore un havre de paix.
2013 / 2014 avait été une année difficile même si au printemps j'avais retrouvé du travail, problèmes de santé pour l'un des membres de la famille, qui engloutissent des brèves vacances - ce qui est très secondaire mais marque le début de plusieurs années sans plus de vraie période de récupération -. 2014 / 2015 alors qu'à l'automne on reprend espoir (mais que l'automne est marqué par la mort d'une de mes tantes) tombe l'attentat du 7 janvier et ceux des jours suivants.

La vie ne sera plus jamais pareille. Par ricochet je perds une seconde fois quelqu'un qui avait tant compté pour moi, en plus d'avoir perdu un ami assassiné. 
Je crois que c'est le moment de mon existence où l'expression "ne plus savoir à quel saint se vouer" prenait tout son sens, car plus rien n'en avait. C'est le moment, après un problème à un pied qui était sans doute une fracture de fatigue mal diagnostiquée, où je prends, c'est rare, une décision, celle d'arrêter un job que je ne parviens plus à tenir avec efficacité et qui ne parvient pas à me laisser payer les factures. Je m'impose un épuisement qui n'a pas de sens, de mois en mois se creuse notre manque d'argent.

2015/ 2016 c'est l'année d'une nouvelle tentative de se relever après avoir été mise KO par l'adversité. J'avais grâce à une amie, une jolie perspective professionnelle toute neuve et qui me plaisait bien - en plus qu'assise à un bureau, ce qui convenait à mon état physique boitillant d'alors -, en compagnie d'une personne avec laquelle je m'étais immédiatement sentie bien. J'allais apprendre de toutes nouvelles choses dans le traitement de la photo. 
Les attentats du 13 novembre pulvériseront cette perspective : celle qui aurait pu être ma future collègue était au Bataclan, s'en sort mais non sans séquelles et par conséquence de conséquences le poste prévu est supprimé.
C'est très étrange d'être par deux fois parmi les victimes de 3ème ou 4ème niveau d'attentats dans la même année. Impactée par les ondes de choc d'événements enchaînés. Ce n'est rien par rapport aux réelles victimes et à leurs proches. Mais c'est loin d'être rien. 
Heureusement, l'année civile 2016 débute par une formidable rencontre professionnelle puis par un bel emploi dans un petit havre de paix en haut d'une colline avec quelqu'un que j'apprécie. Il n'en demeure pas moins que depuis le 7 janvier 2015 parmi les séquelles de l'étrange état de choc subi, je traîne une forme d'hypersomnie qui confine à la narcolepsie. Ça sera au point de faire une investigation d'apnée du sommeil. Laquelle sera négative. 
Rétrospectivement, je crois que c'est simplement mon corps qui réagissait fort sainement à tout ça.
À l'été 2016 la plus grosse inquiétude est la santé de la compagne de mon meilleur ami, atteinte par une infection rare et grave et qui restera entre la vie et la mort un (long) moment. Elle s'en sortira mais ensuite il semble n'avoir plus de temps ni d'énergie pour rien d'autre que pour le travail et rester auprès d'elle. Old adult's life is not friend's friendly.

2016 / 2017 aura ainsi été une grande année de pertes : un ami qui n'a plus de temps, ou plus l'envie, un cousin par alliance qui se sépare d'une de mes cousines. De tous ils m'étaient les plus proches, qui ne se connaissaient pas mais que les circonstances auront sortis au même moment de ma propre vie. Et puis surtout nos ascendants, celui de l'homme de la maison, et ma propre mère dont la santé se sera dégradée d'un grand coup, alors qu'elle semblait partie pour faire solide centenaire.

Avec l'élection de Trump et le Brexit, dans une moindre mesure l'élection présidentielle française aussi, cette histoire de fou qui met au pouvoir un ultralibéral ultracommuniquant, la perte aussi d'une croyance pleine et entière en la démocratie.


C'est une proposition d'emploi d'amis qui cherchent une remplaçante libraire pour qui de leur équipe s'en va qui me sauvera à plus d'un titre : tourner la page de ce retour au Val d'Oise qui avant la maladie de ma mère tendait à me charmer, après, n'était qu'un rappel des temps envolés ; devoir mobiliser toutes mes forces pour tenir ce nouveau travail qui est très complet et à ma mesure.

Une autre chose me sauve : le triathlon. 

Décision de 2011, octobre, prise alors qu'au marathon de Bruxelles nous encourageons l'ami Pablo. Cinq ans pour parvenir, entre manque de temps, manque d'argent, et recherche de place dans un club, à accéder à la possibilité d'essayer. 
La maladie de ma mère et au printemps le changement de boulot auront passablement obérée ma capacité d'entraînement. Ça n'était vraiment pas prévu comme ça lors de mon inscription effectuée alors que j'avais, croyais-je, enfin un travail stable et heureux, et que ma famille semblait elle aussi stabilisée, les santés et les voies professionnelles (ou fin de travail pour l'un, mais sans trop d'urgence financière) des uns et des autres. Tout semblait dégagé pour que je puisse me consacrer à ce nouveau défi pour une fois personnel et volontaire. 
Las, le syndrome de George Bailey aura encore frappé.

Nous ne pourrons garder en banlieue la maison que ma mère occupait. Depuis avril je consacre une part importante de mon temps libre si réduit à ranger, trier, jeter, préparer un déménagement. Je retrouve d'anciens documents. C'est émouvant, parfois marrant, régulièrement étonnant, toujours finalement éprouvant. Ma chance est d'aimer la photo, et de trouver du sens dans les images, peu importe que l'on y connaisse ou non les gens. J'aime ce qu'elles disent d'une époque, d'un temps. Mes trouvailles m'aident en fournissant une part de beauté, un peu d'enchantement.

Histoire d'accentuer le deuil, il y aura à partir de février 2017 l'épisode du voisin voleur au passé de psychopathe possiblement violent et qui en Normandie videra à plusieurs reprise la petite maison de denrées et équipements. Nous volera aussi de l'électricité tant qu'à faire. Au delà du préjudice financier (entre 1700 et 2000 € à ce jour), moral (trouver la maison cambriolée vitre arrière fracassée, tout jeté sens dessus dessous alors qu'on arrive tard un soir de février pour enterrer sa mère le lendemain, on a beau en avoir vu d'autre, ça atteint), c'est notre havre de paix qui est pulvérisé au moment où l'on en avait fort besoin. Et de nouvelles brèves vacances qui volent en éclat : visites des gendarmes, dépôts de plaintes, réparations à entreprendre, achats de remplacements, virage obsessionnel de l'homme de la maison et ses accès de colère induits (2). Zéro détente fors dans les livres, heureusement excellents, les Sadorski de Romain Slocombe, la Serpe de Philippe Jaenada. En plus que je suis heureuse dans mon nouveau travail, si stimulant qu'il a fait reculer mon hypersomnie et que j'ai l'impression de revivre, je n'avais jamais repris le boulot après des congés avec autant d'appétit. 

L'année 2017 / 2018 démarre donc par une arrestation, celle du voisin indélicat, par du sport, beaucoup de sport et ça me fait un bien fou, par des nouveaux tracas de santé familiaux qui se profilent par beaucoup de pluie (3), par ce beau défi professionnel et un vaste point d'interrogation financier (4).

Je ne manque pas de rêves et de projets, c'est fou comme un emploi qui vous convient peut donner des ailes, seulement je crains que les circonstances, générales comme individuelles ne soient pas favorables. 

 J'aimerais du calme pour pouvoir avancer, dans le sport, dans le travail, dans l'écriture, enfin. Je crains de plus en plus que ça soit un vœu pieu. J'aimerais la force pour pouvoir avancer malgré l'absence de calme.

Les activités ont toutes repris ou le feront la semaine prochaine. Allez hop, c'est reparti. Puissent les guerres et les grands tourments nous épargner encore. Nos aînés ont tant donné. 

 

[photo : ma plus belle photo de l'année, lors du triathlon de Deauville ; celle qui encourage et celui qui participe, alors en plein effort, sommet d'un raidillon]

 

(1) même si en pratique en août.

(2) J'aime les romans d'Ariane Bois entre autre pour leur qualité à présenter des hommes qui en cas de coups durs savent parfois être un soutien. Mon fils l'est par moment, seulement la différence d'âge et d'expérience et que c'est à rôles inversés, limitent cet effet, mon meilleur ami savait l'être, mon cousin déclassé également, mais très partiellement. Je n'ai connu et ne connais sinon que le cas où l'homme face aux coups durs est principalement un facteur aggravant, voire carrément la source même, pour certains et certains chagrins.  

(3) J'ai l'impression qu'à part une poignée de journées caniculaires il n'y aura pas eu d'été. Et depuis plusieurs jours, il pleut sans beaucoup discontinuer.

(4) Tant que la succession n'est pas dénouée, c'est très juste, entre les frais liés au décès maternel et ceux liés aux cambriolages successifs que l'assurance n'a pas couvert (entre restrictions lorsqu'il s'agit d'une maison de campagne et notre manque de factures, puisqu'au départ ça n'était pas notre maison). 

PS : Se rappeler que 2017 au printemps Mastodon est apparu comme une alternative non marchande à Twitter, avec respect des niveaux de confidentialité.


Le même début que la fin

 

    Il aura été curieux que ma première journée dans ma nouvelle librairie de travail (1) démarre exactement comme la dernière de celle que j'ai dû quitter : une personne venant nous "vendre" son manuscrit alors que nous ne sommes pas éditeurs (2), dans les deux cas, trop empressée de nous raconter son histoire, alors que raconter par le menu les péripéties donne immédiatement le sentiment que ça doit être fort mal écrit, puisque sinon à quoi bon nous noyer dans une telle débauche d'actions. L'autre point commun étant que la personne semble très fière de son idée alors que dans les deux cas c'était du rabâché du 150000 fois déjà fait.
Celui de la veille y ajoutait une grosse dose de mainsplaining au moins aujourd'hui il s'agissait d'une femme partant probablement d'éléments autobiographiques, ce qui est moins pire.

Dans les deux cas, l'apprenti-e écrivain-e nous interrompant lors d'un passage de témoin et c'était curieux ça aussi d'être en transition d'un versant à l'autre (celle qui explique, celle à qui l'on explique), tout en étant témoin passif impliqué dans une semblable situation.

J'oubliais : le point commun entre ces deux importuns était qu'ils n'achetaient aucun livres, l'une faisant semblant d'esquisser un achat avant de lancer sa réclame, l'autre même pas, et considérant d'emblée que nous devrions être flattées qu'il consente à tenir notre avis pour valable.

À part ça, quelle belle journée et comme c'est étrange pour moi après tant d'années difficiles d'entrevoir la possibilité d'un relatif bonheur, de me sentir the right person in the right place. Je crains seulement quelques interférences les premiers mois avec la fin de mon épisode 2016/2017 du syndrome de George Bailey ; il va falloir que je cloisonne sévère. Et ça sera compliqué tant que les successions n'auront pas été effectives puis le déménagement des meubles et affaires de ma mère vers la Normandie (en gros, même si certaines choses iront ici ou là, qu'une répartition se fera).

J'aimerais tellement que côté État général du monde ça se calme un peu - après la destitution de Trump, par exemple, rêvons donc un peu -. Un peu comme si je souhaitais que les politiciens et autres dirigeants fassent correctement leur boulot afin que je puisse me consacrer aux miens. Douce illusion.  

 

 

(1) Je crois que je suis une polyamoureuse de la librairie, il y a toujours celle où je travaille et puis d'autres qui comptent beaucoup aussi, y compris parfois parmi celles qui n'existent plus (Livre Sterling pour ne pas la nommer).
(2) Certains libraires le sont aussi, on pourrait alors comprendre. Mais là, dans les deux cas : non.


Dernier jour [de travail] là haut

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J'ai réglé mes dettes sous un ciel flamand, j'avais un peu trop craqué sur les derniers livres - comme si je n'allais pas précisément continuer à travailler en librairie, un peu étrange comme comportement - ; reçu mon dernier salaire pour cet emploi-là, qui m'aurait fait tant de bien si la maladie puis le décès de ma mère n'étaient venus nous faire à nouveau sombrer dans les peines et les difficultés. Il m'aura au moins permis de traverser ces épreuves, qui ne sont pas tout à fait finies, restent leur part matérielle, le moins mal possible et de bénéficier d'une proximité géographique troublante : tout se sera passé comme si j'étais retourné dans le Val d'Oise le temps de pouvoir plus facilement aider. Une fois ceci achevé, la vie m'entraîne ailleurs. 

Il y a une cohérence à tenter mon premier triathlon à proximité. Mais celle-ci comporte une part de "volontaire" de "fait exprès". 

Je suis un peu triste de quitter L. et sa petite famille. J'espère que nous trouverons le temps de nous revoir. 

Un peu bizarrement mon dernier moment de librairie sera un fou-rire mal contenu (j'ai dû filer aux toilettes avant qu'il n'explose) devant un homme qui n'est pas quelqu'un que l'on connait, n'achète pas de livres (il n'est donc pas même un client) et qui s'était lancé à nous narrer par le menu son manuscrit, lequel n'était pas sans me rappeler The Walking Deads raconté par un récent et sympathique stagiaire que les péripéties passionnait. Mais il avait 15 ans et le monsieur 60. Et qui bien sûr mettait au premier plan des femmes avec leurs névroses - ah les névroses féminines vues par les hommes, ce méta-poème infini -. Ma remplaçante m'a trouvée bien cruelle envers lui, et c'est là que l'on voit que l'expérience joue.
Restera un regret de n'avoir pas terminé sur du conseil, du bon, du vrai.

Ensuite j'étais en vacances pour une soirée jusqu'au lendemain 10h. Les hasards du calendrier, comme disent les commentateurs, faisaient que j'allais les passer au théâtre. Un voyage comme un autre.