MPdPEP (Méga Problème de Pas Encore Privilégiée)

L'appellation de départ est d'origine @tellinestory controlée 

 

Détenir une maison "de campagne" alors qu'on est d'invétérés citadins c'est découvrir un peu chaque mois de nouveaux impôts. Ainsi cet "assainissement" dont nous ignorions l'existence et qui se rappelle à notre bon souvenir. N'empêche que tu te dis j'ai payé l'eau, le gaz, l'électricité, tutto bene et bim voilà l'assainissement. 
Globalement je reste impressionnée par le nombre de choses à payer. J'ai l'impression (fausse, j'en suis consciente) d'un fourmillement de factures. 

C'est apprendre aussi qu'il n'y a pas de service d'enlèvement des encombrants, chacun étant supposé disposer d'un tracteur et d'une remorque, I presume. C'est intéressant cette histoire d'encombrants aka monstres : 

À Paris tu appelles un service qui te donne un numéro que tu fixes sur les objets que tu déposes sur le trottoir et un service ad-hoc passe dans la demi-journée.
À Clichy c'est un soir par semaine. Tu déposes ton bazar et au matin plus rien (soit qu'il ait intéressé des récupérateurs en maraude soit que le camion du service officiel l'ait embarqué à l'aube)
Dans le Val d'Oise il y a un calendrier avec un passage une fois par mois et le droit de déposer la veille des objets, mais à la condition expresse que ça soit des encombrants qui n'encombrent pas trop.
Dans la Manche, tu as juste le droit d'apporter toi-même tes gros meubles ou objets périmés à la déchetterie, mon interlocutrice a eu du mal à comprendre ma question tellement un passage collectif organisé n'entrait pas dans ses habitudes. 

Je me suis inscrite sur donons.org afin de distribuer les meubles que nous ne pouvons pas garder. J'espère que ça fonctionnera. Ça va être une course contre la montre, malgré tout le travail que j'ai entrepris depuis mars dernier et que la maison était fort bien rangée - moins, le grenier -.

Ça n'est pas une surprise mais je m'aperçois que ce dont je ne sais me séparer ce sont les meubles faits maison (mon père était un bricoleur averti), ou aménagés maison, tout ce qui comporte des traces écrites de la main des défunts, et les objets qui ont une histoire - par exemple ce lustre que je ne trouve pas beau mais dont j'ai le souvenir précis de l'achat en Italie et qui venait d'un oncle par alliance qui les vendait ; je me souviens du dialogue des grands qui marchandaient, je me souviens que je comprenais ce qui se tramait -. 

Quand toute cette onde de choc sera absorbée, et les meubles et les objets casés, je me consacrerai à notre appartement qui n'en peut plus d'absorber les flux successifs d'affaires liées aux fins d'emplois et fins de vies. Et il faudra que je règle mon problème de livres. Ils sont beaucoup trop nombreux pour le volume de l'appartement. Un nombre important me tiennent à cœur. Mais certains n'étaient que des lectures d'un temps donné, il n'y a pas de raisons particulières de les conserver. 

 

 


Certains salauds seraient donc sincères (étonnements)

    

    Je poursuis donc dimanche après dimanche, lorsque rien de particulier tel qu'une course n'est prévue, la mise en carton des objets de la maison de ma mère. Le grenier avait été fait avant des travaux de remise au propre, les pièces du premiers étages sauf les placards fixes de la cuisine aussi - n'ayant aucune valeur mémorielle ajoutée sur les verres et les assiettes ou peu, j'eusse aimé déléguer cette tâche, mais mon premier assistant a fait n'importe quoi empilant ces choses fragiles comme si elles ne l'étaient pas -, j'en suis à la pièce du bas laquelle détient un grand placard mural qui m'occupe depuis deux fois.

Aujourd'hui ma progression méthodique m'a menée vers un angle où il y avait des livres, en particulier certains que j'avais offerts à ma mère.

Parmi eux une petite anthologie collective de poésie où se trouvait pour ma plus grande surprise un poème que j'avais écrit. Elle date de l'an 2000, vers le printemps.

Le poème n'est pas bon. Pas non plus de quoi avoir honte. 
Je l'ai reconnu et la mémoire m'est revenue de son écriture en le relisant. Le souvenir du fait d'anthologie est demeuré caché, voire inexplicable (Moi, postuler à une sélection POUR DES POÈMES ?).
Mon amnésie localisée peut s'expliquer : en l'an 2000 mes enfants ont 5 et 10 ans, je travaille comme ingénieure au faux temps partiel de 4/5 (OK pendant une journée, le mercredi, tu peux t'occuper de tes petits, mais la charge de travail n'est pas moindre que celle d'un temps plein donc les 4 autres jours sont de toute densité et les heures supplémentaires bénévoles la norme. Je chante dans une chorale, et il y a des concerts et des répétitions, en particulier pour l'un d'eux qui aura lieu au Champs de Mars pour Johnny Hallyday. Professionnellement la fin de 1999 a été exténuante, une course contre la montre pour désamorcer le "bug de l'an 2000" qui aurait bien eu lieu si plein de gens tels que mes collègues et moi n'avions pas passé en revue toutes sortes de vieux programmes dans tous les coins de tous les systèmes d'exploitation et aussi modifié toutes les bases de données dans lesquelles une valeurs d'année égale à 1999 servait de test pour déceler un enregistrement en erreur, voire était inscrite en dur pour certains calculs de durées. En mai je participe à un voyage glorieux de mon club de dégustateurs de whiskies. C'est seulement alors que je refais surface de l'épuisement. 
Du coup que ce petit poème soit passé à la trappe, écrit à un moment de ce séjour, dans un petit élan, ne m'étonne guère. La fatigue n'est pas l'alliée de la mémoire. Que j'aie oublié sa publication alors que j'avais dû en être fière sur le moment me surprend davantage.

Si on m'avait posé hier ou ce matin même la question : As-tu déjà publié de la poésie ?, j'aurais répondu en toute sincérité que non.  

Alors je comprends soudain comment peut fonctionner le déni que pratiquent si bien certains. Jusqu'à présent j'avais tendance, fors faits et gestes commis sous l'emprise de la boisson ou tout autre drogue ou personnes sujettes à des troubles psychiques, à croire qu'ils faisaient volontairement preuve de mauvaise foi. On fait ou dit un sale truc, on prétend comme un enfant, Non c'est pas moi.

En fait ils sont peut-être pour certains d'entre-eux parfaitement sincères ... et amnésiques de ce fait-là.

Si j'ai oublié mon petit poème et son impression alors que c'était quelque chose de joyeux que je n'avais aucune raison de souhaiter "perdre", il doit être d'autant plus facile et fréquent d'effacer de sa mémoire des éléments dont on pourrait avoir honte, que l'on souhaiterait oublier avoir dits ou faits.

Me voilà ce soir en train de repenser certains épisodes douloureux de ma vie, dont d'aucuns où celui qui me soutenait si fermement n'avoir pas dit ce qu'il m'avait confié que si je n'en avais pas eu de traces écrites je me serais crue devenir folle et laissée persuader d'avoir rêvé, à l'aune de cette nouvelle hypothèse : on peut parfois gommer entièrement quelque chose de sa mémoire, sans le vouloir, sans souhaiter tricher.

Je me demande ainsi ce qui est le plus triste : l'absence de fiabilité et d'exhaustivité de nos souvenirs ou d'avoir si longtemps cru à une cruauté volontaire de la part de personnes que j'avais tant aimées.

Contente, cela dit, d'avoir (re)découvert que j'avais un temps gambadé côté poésie. Contente de constater que ma mère l'avait pieusement gardé. 

 

PS : Rien à voir, mais lors de notre entraînement de course à pied en forêt nous avons croisé une meute de propriétaires de gros chiens nombreux (traîneaux, combats, bergers allemands ...), qui marchaient de conserve avec leurs animaux, beaucoup d'entre eux non attachés. Nous n'avons eu aucun problème nous abstenant simplement de courir le temps qu'ils soient passés, mais c'était très impressionnant. Un ou deux des chiens malgré leurs dehors féroces se sont même montrés affectueux et leurs maîtres nous ont presque tous salués comme il est d'usage en forêt, certains rattachant spontanément leur compagnon le temps de s'avancer. Mais qu'était donc cette brigade, comme des chasseurs sans fusils, qui cheminaient à trente ou vingt ? 


The not-so-secret Diary of Gilda, aged 13 5/12

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Quand j'avais lu Sue Townsend lors de la publication du tout premier Adrian Mole, j'avais adoré.

Apprécié sa façon d'écrire le faux journal d'un gamin de 13 ans 3/4

Voilà qu'à l'occasion de ce gros chantier de vider la maison où ma sœur et moi avons grandi et où vécurent pendant près de cinquante ans mes parents (du moins ma mère, mon père un peu moins, mort avant), je me replonge dans mes propres pages de carnet de bord de cet âge-là. À la différence qu'il écrivait pour s'épancher alors que je cherchais à noter des faits et considérais comme une faiblesse (et un danger en cas d'indiscrétion) d'exprimer des sentiments, à part pour le foot, bon sang comme ça ressemble et comme elle avait vraiment très bien su recréer le niveau de réflexion, d'écriture et de penser de quelqu'un de cet âge-là dans ces années-là.

En m'y replongeant, j'ai découvert au passage que mon diario 1976/1977 comportait une erreur d'impression (une page mars au milieu des février) qui m'était passée inaperçue. Amusant d'en prendre conscience quarante ans après. 

Je crois que je vais entamer la publication de quelques extraits. Orthographe et couleur du graphisme d'époque.

*                *                *

mercoledi 23 febbraio

 

Je fis du piano puis allai avec Maman, Élise, Tante et Tonton faire des courses. Je revîns avec deux paquets d'images de foot. (dont Janvion) et échangeai avec Jean-Mi et Philippe avant de jouer avec eux. Après manger je ressortis et jouais au ballon avec Jean-Mi mais il s'ennuyait et décidait de rentrer pendant que je restais avec Élise. Ensuite nous (la famille) partîmes en forêt, croisant Jean-Mi qui partait à la zone. Là-haut, je m'embêtais à se renvoyer la balle sur un terrain en pente. Enfin nous partîmes mais je ne trouvais pas mon copain. Après un copieux goûter je ressortis et retrouvais les autres. Nous jouâmes à la "balle aux prisonniers" et au circuit sur la place avant d'aller manger. À 20h30 il n'y eut pas de match à la TV : grève.

écrit le 23/02/77

 

notes de l'auteur devenue quinquagénaire : 

Les paquets d'images de foot ce sont les sachets d'images pour les albums Panini. J'en ai un (ou deux) de complets pour ces années là. 
La zone c'est pour "la zone verte" là où nous avions dans le lotissement pavillonnaire notre terrain de foot.
Il s'agissait visiblement d'une période de congés scolaires et nous avions la visite de mon oncle Étienne et de ma Tante Geneviève.
Jouer au circuit : sur du sable ou de la terre pas trop dure nous formions un circuit. Nous avions des billes et des petites voitures pour marquer les positions. Nous visions avec les billes et posions les voitures là où les billes s'étaient arrêtées. Ma spécialité était de bâtir sur les circuits les ponts.

J'adore la phrase de conclusion. OK c'est de l'humour de niveau 13 ans, mais c'est de l'humour et j'en souris à présent.

Sinon comme je disposais d'(au moins) un stylo quatre couleurs dont le noir et le bleu s'épuisait alors que les autres couleurs non, j'avais décidé cette année-là d'écrire en vert les pages dont l'impression était verte et en rouge celles qui étaient imprimées en rouge. En ce temps là, dans mon milieu social on gâchait pas (et donc ne voir dans ce choix aucune considération artistique)  


Trois mystères dont un (vraiment) mystérieux


    En vidant, rangeant, triant, les objets personnels qui dans la maison où vécurent mes parents restaient nous concernant, nous sommes tombées sur trois micro-mystères.

  • Une "boîte" de feutres sans marque des années 80 encore en pleine forme d'état de marche 

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  • Ma calculette du temps des premières un peu perfectionnées, dont je m'étais finalement peu servie car à mesure que j'avançais dans mes études les autorisations s'agrandissaient. Le droit à la calculatrice aux examens, était passé de la simple, à la pourvue de fonctions mathématiques assez complexes, jusqu'à sa cousine programmable. 
    J'avais donc passé la mienne à ma sœur au moment où la programmation entrait en jeu. Elle l'avait utilisée jusqu'à son bac, une bonne calculatrice Casio FX180. Le bachot c'était en 1987. Et voilà qu'en poussant machinalement sur le bouton de mise sous tension ma sœur constate que l'outil fonctionne.  P7142085
    Trente ans après, la pile même pas HS (ce qui est stupéfiant).  
    Il fut un temps où l'obsolescence programmée n'avait décidément pas encore été inventée.

 

  • - Dix-huit diapos du Mexique. Des paysages, une vue urbaine avec mention du PRI, aucun doute (sauf pour une qui fait davantage Cordillère des Andes), c'est bien du Mexique qu'il s'agit. 
    Elles se trouvaient dans le bureau (meuble) de ma sœur, laquelle n'y a jamais mis les pieds ni personne de ses proches connaissances. 
    Nos parents, jamais n'ont voyagé si loin. Ni non plus moi. Aucune des vues ne permet de voir quelqu'un de notre connaissance. 
    Ce sont de bonnes photos (mes reproductions ici en sont mauvaises), quelqu'un qui avait la technique et un plutôt bon regard. Certaines sont des kodachrome, et leurs couleurs sont resplendissantes. Quelques unes portent une inscription "SEP 81"  d'autres "OCT 83" d'autres rien. Il y a une vue aérienne, or aucun d'entre nous à ces dates n'avait encore pris l'avion. Pas d'inscription sur la boîte qui est de plastique jaune d'or (celui des dias Kodak).
  • Bref, nous n'avons aucune idée d'où elles sortent, de pourquoi elles sont là, de qui aurait pu les confier à ma mère ou ma sœur ou mon père (auquel cas : pourquoi se seraient-elles retrouvées parmi les affaires personnelles de ma sœur ?) ni pourquoi.
    Elles pourraient être à l'un de mes cousins, alors fameux voyageurs. Mais pourquoi ont-elles atterri là ? 
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Nous voilà donc avec un fameux "Mystère des photos du Mexique" pour lequel le secours du Club des Cinq, du Clan des Sept, de Mick Chat-Tigre ou de Sherlock Holmes seraient le bienvenu.

Dernier jour [de travail] là haut

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J'ai réglé mes dettes sous un ciel flamand, j'avais un peu trop craqué sur les derniers livres - comme si je n'allais pas précisément continuer à travailler en librairie, un peu étrange comme comportement - ; reçu mon dernier salaire pour cet emploi-là, qui m'aurait fait tant de bien si la maladie puis le décès de ma mère n'étaient venus nous faire à nouveau sombrer dans les peines et les difficultés. Il m'aura au moins permis de traverser ces épreuves, qui ne sont pas tout à fait finies, restent leur part matérielle, le moins mal possible et de bénéficier d'une proximité géographique troublante : tout se sera passé comme si j'étais retourné dans le Val d'Oise le temps de pouvoir plus facilement aider. Une fois ceci achevé, la vie m'entraîne ailleurs. 

Il y a une cohérence à tenter mon premier triathlon à proximité. Mais celle-ci comporte une part de "volontaire" de "fait exprès". 

Je suis un peu triste de quitter L. et sa petite famille. J'espère que nous trouverons le temps de nous revoir. 

Un peu bizarrement mon dernier moment de librairie sera un fou-rire mal contenu (j'ai dû filer aux toilettes avant qu'il n'explose) devant un homme qui n'est pas quelqu'un que l'on connait, n'achète pas de livres (il n'est donc pas même un client) et qui s'était lancé à nous narrer par le menu son manuscrit, lequel n'était pas sans me rappeler The Walking Deads raconté par un récent et sympathique stagiaire que les péripéties passionnait. Mais il avait 15 ans et le monsieur 60. Et qui bien sûr mettait au premier plan des femmes avec leurs névroses - ah les névroses féminines vues par les hommes, ce méta-poème infini -. Ma remplaçante m'a trouvée bien cruelle envers lui, et c'est là que l'on voit que l'expérience joue.
Restera un regret de n'avoir pas terminé sur du conseil, du bon, du vrai.

Ensuite j'étais en vacances pour une soirée jusqu'au lendemain 10h. Les hasards du calendrier, comme disent les commentateurs, faisaient que j'allais les passer au théâtre. Un voyage comme un autre.

 


Test d'étanchéité

 

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Pour mon avant dernier jour là haut sur la colline, le ciel nous a fait le coup de la grosse grosse drache qui se prépare pour mieux se libérer pile à l'heure de la sortie et n'en faire surtout pas le meilleur moment de la journée-é-euh .

J'avoue, elle a bien fait le métier, ne nous a pas ratées,  20170518_191958

. Comme je ne suis pas née de la dernière pluie, j'avais prévu mon coup, non mais.

Seulement ce fut si fort et si durable, que les équipements furent soumis à rude épreuve.

Un test d'étanchéité de toute efficacité.

Afin de m'en servir pour de prochaines intempéries : 

  • le blouson-veste noir imperméable l'est en pour de vrai, avec une faiblesse toute parisienne aux jointures des épaules.

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  • le sac à dos vélo compatible est assez remarquablement costaud. Il ne fut que vaguement humide sur le haut vers la fin (dernier tronçon Porte de Clichy - maison)

20170518_201237- les anciennes chaussures amphibies, le sont davantage et donc (nettement) moins

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  • la capuche de mon blouson belge (bon sang, quand retournerais-je acheter quelques habits chez le boutiquier hypermnésique ?) était trempée intérieur compris mais dessous mes cheveux étaient restés secs.
  • Ma montre de sport que j'avais oubliée de retirer après l'entraînement de natation, est étanche et l'a encore prouvé 

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Bientôt je n'aurais plus à me préoccuper de la météo que pour le sport et de très courts trajets métro - lieu de destination. Peut-être est-ce cela qui me fera le plus drôle, même si je peux me faire confiance pour me faire drincher lors de parcours que je ferai à vélo.

Je n'ai pu m'empêcher de me souvenir de ce jour de juillet 2012 où j'allais chercher des livres à convoyer et où il pleuvait autant et où par égard pour mon degré de trempage, le chauffage avait été allumé (oui, en juillet).

Curieusement, le fait d'être rentrée douchée, m'a comme dispensée du travail (administratif et ménager) d'en ce moment du soir. Je ne sais pas expliquer pourquoi, un bizarre sentiment du devoir accompli, un comme évident "Ça suffit pour aujourd'hui". 

Alors, au lit !


Oiseaux volants sur lac gelé

Laissés en jachère depuis novembre et la maladie de ma mère, mes appareils électroniques, photos, ordi, téléfonino ont tous leur mémoire saturée.

Au normal de la vie je prends soin d'eux chaque jour, comme un pêcheur relève ses filets, notes glanées, films, sons, vidéos, je trie, sauvegarde, jette aussi, chaque soir avant de m'en aller coucher. Mais la vie quotidienne a été bouleversée, surchargée, submergées, je n'en ai pas même fini avec les démarches consécutives au cambriolage et au décès, et les outils crient leur saturation.

Alors je prends le temps de tenter de rattraper une partie du retard, ne serait-ce que pour pouvoir continuer.

C'est ainsi que je retrouve cette video d'il y a environ deux mois : le lac d'Enghien gelé. Venue par le bus 138 je traverse Enghien les Bains pour me rendre près de la gare ferroviaire, à l'arrêt du 15 qui me conduira à mon lieu de travail en haut de la colline. Le lac est glacé, les oiseaux s'y posent. C'est d'une beauté qui me donne envie de ne pas me cantonner aux images arrêtées.   

Il fait bizarre de se dire qu'à l'heure où je les filmais ma mère encore vivait, pouvait communiquer. Et que nous ignorions combien de temps (semaines, mois ou année(s)) la mort prendrait pour achever l'approche irrémédiable qu'elle avait entamée.

C'est toutefois moins étrange que lorsque l'on retrouve des images saisies peu de temps avant une rupture subie, un accident fatal, un fait de guerre ou une catastrophe naturelle et qu'on se revoie, sujet ou opératrice, dans la totale inconscience de ce qui va nous advenir et modifier plus ou moins définitivement le cours de notre vie.

Consciente de la plus ou moins grande imminence d'une issue fatale, concernant quelqu'un dont j'étais proche de par la naissance au moins, j'étais fort triste au moment où j'ai filmé. Pour autant les oiseaux, le lac lui-même en sa configuration hivernale sont beaux. 

Je crois en de possibles rémissions par la beauté du monde, tant qu'elle existe encore.

 

 


La fin d'une vie

 

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Au termes de deux mois d'une lente descente vers l'extinction ma mère est donc morte ce matin. C'est à la fois trop long et néanmoins inattendu. Son état s'était soudainement dégradé entre jeudi et vendredi.

Elle était née en 1932 en Normandie et avait vécu les conséquences civiles du débarquement. Jeune adulte elle avait eu ce cran de "monter" à Paris. Plus tard elle y avait rencontré puis épousé un étranger, mon père, qui faisait alors partie de ces cohortes d'ouvrier que l'industrie française recrutait dans leur pays par le biais séduisants de contrats tout compris (le premier logement, une formation, du soutien logistique pendant tous les premiers temps, des cours de français sans doute aussi). Ma sœur et moi sommes donc d'une génération issue des conséquences d'une guerre. Jamais ni l'un ni l'autre n'auraient quitté leur région d'enfance et de prime jeunesse sans la pression féroce et stimulante de la nécessité.

Quand elle s'est sentie libérée de ses devoirs de mère, elle s'est mise (ou remise) à la poésie. Longtemps je lui ai tapé ses textes à la machine puis saisi sur l'ordi, avant que les turbulences (littéraires finalement aussi) de ma propre vie me rendent indisponible. Ma fille a pris un temps le relais. Ma mère m'avait signalé certaines de ses publications, offert quelques-unes. Je n'avais pas mesuré la réelle ampleur de son activité. 

Ce soir, j'en ai trouvé quelques traces numérisées. 

Quelques formes brèves : dans Traces 158
L'annonce d'une publication dans Poésie sur Seine n°45

Des petits cailloux éparpillés par là

Ma mère n'utilisait ni ordinateur ni aucun internet (pas même le minitel qui l'avait précédé), je n'avais donc pas songé à chercher des éléments de son travail dans ce coin-là. 

Mes parents et leurs frères et sœurs et les conjoints de chacun formaient un ensemble de vingt personnes. Trois seulement vivent encore. Quant à mes grands-parents, le dernier à rendre l'âme l'a fait en 1982, et je le connaissais finalement assez peu.
Le XXIème siècle aura réellement débuté en 2016. 
Nous sommes déjà les nouveaux anciens.

Non sans regret car elle avait la constitution pour devenir une vaillante centenaire, on peut considéré que ma mère est bien allé jusqu'au bout de sa vie, cycle complet, tous bonheurs et malheurs accomplis. Jusqu'à la perte de son énergie vitale, de l'élan.  

Ce soir nous sommes soulagés, c'était une tension difficile à soutenir que celle de savoir la malade seule sauf aux passages de soignants prévus et quand nous pouvions nous tenir (et encore, si impuissants), à ses côtés. Très vite nous serons épuisés. Puis viendra la conscience de l'éternelle absence et sans doute un fort chagrin.
Lorsque je lis ce soir certains de ses poèmes que je ne connaissais pas, j'avoue éprouver également une forme de fierté.

[photo : tout à l'heure, un arc-en-ciel en son jardin]


Quand ça veut pas ça veut pas (mais quand faut y aller faut y aller quand même)


P6020007Les petites galères du quotidien démarrent souvent d'un rien.

Par exemple : tu vas à l'entraînement de piscine tôt le matin, tu te fais drincher léger, tu changes de pantalon histoire d'être bien au sec pour la journée de boulot et la soirée prévue. Mais le pass navigo, coquin, se blottit dans la poche du premier et te laisse partir démunie.

Par exemple : tu n'avais pas eu de vélo depuis si longtemps que tu ignorais les deux normes désormais en vigueur pour les valves de pneus d'où que tu n'as pas la bonne pompe pour regonfler les roues de ton vieux biclou rénové bien-aimé.

Par exemple et de toutes façons il fait trop mauvais pour vraiment circuler à vélo. 

Par exemple comme vous étiez deux pour fermer la librairie la veille, tu n'as pas effectué ta routine habituelle de fermer presque le temps d'aller aux toilettes et revenir pour remettre les clefs des annexes et fermer complètement avant de filer. Ce qui fait que tu as gardé celles-ci. Alors tu souhaites arriver dès l'ouverture de l'après-midi pour qu'elles soient disponibles. 

Par exemple, à cause de la grève ou de dysfonctionnements autres et indépendants, les portillons d'accès porte de Clichy sont débloqués pour laisser passer sans valider.

Alors tu arrives pour prendre le RER d'avant celui qui en théorie t'accorde déjà une marge. Alors que tu es sur le quai, l'annonce est faite d'un retard dû à des problèmes de signalisation en gare de Saint Michel en raison de la montée des eaux. 
De tout à fait raisonnable, le retard annoncé passe peu à peu à nettement plus gênant. Mais tu n'es finalement qu'en train de prendre sur la marge large que tu avais prévue.

Et puis il arrive.

Mais le bus que tu espérais prendre à Ermont, celui d'avant celui d'habituellement, est déjà parti lorsque le train retardé y parvient.

L'écart avec le suivant te permet tout juste de résoudre le problème du Navigo manquant, billet à l'avance pour le soir, où tu seras pressée car tu as rendez-vous à Levallois avec un groupe d'amis, tickets pour le bus, après avoir été mal renseignée par une employée au guichet, sans doute surmenée par les demandes pour cause de grève dont elle était submergée, problème de n'avoir pas de liquide sur soi, même en période de crue, un comble, de devoir trouver un distributeur (ça y est, je sais désormais où ils se trouvent dans les environs immédiats) et toute cette cavalcade alors que je suis chargée d'un paquet à transmettre lors de la soirée.

Miracle : le bus est presque à l'horaire prévu et je parviens à le prendre.

[temps de travail, sans poisse particulière, c'est déjà ça, je parviens même à faire découvrir Jón Kalman Stefánsson à une dame venue pour des polars islandais, je n'ai pas perdu ma journée]

Au retour, surprise, une jolie petite feuille fixée à l'arrêt de bus, qui nous averti qu'à partir de 17h en raison d'un critérium cycliste dans la plaine, le trajet des véhicules sera dévié et le sens de circulation des arrêts inversé. Heureusement ils ne sont distants que d'une trentaine de mètres, le premier qui passe est dans le sens qui normalement serait le bon mais le chauffeur confirme d'un ton rogue à la poignée de voyageurs que nous sommes qu'il va vers l'autre terminus effectivement, ça n'a pas l'air de l'enchanter, mais nous n'y sommes pour rien, hé man. Passe plus tard celui dans l'autre sens qui lui va dans le bon et la conductrice s'enquiert pour chacun de nous de notre destination, indique à chacun l'arrêt modifié le plus proche de son but, parfois des personnes font leur job avec classe et intelligence.

Comme c'est joli sur la colline, malgré l'abondance de murs, la déviation n'est pas désagréable. C'est juste que vers la gare ferroviaire finale, la course cycliste a provoqué un embouteillage - à moins que ça ne soit toujours l'absence d'essence, depuis la montée des eaux l'étiage des cuves est passé au second plan ou a été résorbé -, et le bus tarde à l'atteindre. 

Nous sommes trois ou quatre à filer immédiatement vers les quais du RER C. Il est écrit sur les écrans, que le trafic est totalement interrompu dans Paris intra-muros, et de prêter attentions aux annonces par haut-parleurs. Un train pour Paris-Nord s'en va, je me dis que j'aurais peut-être dû le prendre. Je regarde s'il y en a un pour Satin Lazare. Oui. Mais comme c'est la grève, attente 40 minutes. 

 Un RER arrive qu'on annonce terminus alors qu'il devait aller à Pontoise, un beau Bombardier attend tout exprès sur un autre quai afin d'être complété par les voyageurs déroutés et il y a une petite foule de personnes en gilets rouge présentes pour aider les voyageurs, sur ce point, belle organisation de gestion de crise.

On nous distribue des horaires indicatifs pour le lendemain, mais sur les autres lignes [que le RER C].


Je prends (nous prenons, d'autres personnes attendent) l'espoir que le RER après un moment reparte dans l'autre sens, mais non. On nous annonce que le trafic est interrompu totalement et qu'il convient de prendre les correspondances.

Le premier train à aller vers Paris se dirige gare du nord, je suis soulagée qu'il existe. J'ai simplement perdu une quarantaine de minutes, comme sans doute d'autres personnes, à attendre vainement.

Les métros feront leur boulot, pas de colis suspect, d'accident ou de malaise voyageur, ni problème de signalisation, un vrai miracle, et je parviendrai à destination avec "seulement" une heure trente de retard, contre 35 à 40 minutes que mon horaire de travail laissait à prévoir si tout s'était déroulé normalement. Heureusement les téléphones portables permettent d'avertir des tracas intempestifs et les amis, sympas, m'avaient laissé de quoi déguster pour me consoler. 

De la soirée, je suis rentrée paisiblement, à pied. Mes jambes n'ont ni protestée ni dysfonctionné, c'est vraiment formidable un corps en bonne santé.

Je vous laisse, je dois aller bosser. Douze kilomètres, après tout, avec des bonnes chaussures, ça fait une randonnée, à condition qu'il ne drache pas trop. 

Une pensée pour les parents de jeunes enfants qui en plus des difficultés de transports ont des horaires précis de retrouvailles à respecter, rentrer retardés n'est pas trop grave quand on n'a personne qui risque de se sentir abandonné, dans le cas contraire c'est rude et bien plus compliqué.


La persistance rétinienne des souvenirs de cinéma


Stahm-house-pierre-koenig-1En cherchant à me documenter sur un livre qui n'avait rien à voir, je suis tombée sur cette photo non sourcée et qui m'a intriguée. 

Quelques touites plus tard (merci @bladsurb et @GuillaumeTC) j'ai su qu'il s'agissait d'une image de Julius Schulman qui en a pris d'autres toutes assez impressionnantes. 

J'ai aussi pigé grâce @bladsurb d'où me venait que parmi d'autres l'image m'avait frappée : j'ai cru pour avoir vu (et revu) "La mort aux trousses" que je connaissais l'endroit. Même si la maison n'est pas celle-là, la réminiscence a fonctionné. Comme s'il s'agissait d'un souvenir personnel. 

Ce qui me laisse troublée.

(C'était ma rubrique : des effets secondaires de la cinéphilie)

PS : Si j'étais libre de mon temps, il me semble que je pourrais à partir de la conversation entre les deux femmes démarrer un roman.

Quelqu'un de sujet au vertige se retrouverait sans l'avoir choisi dans cette demeure et ça le rendrait fou. Tandis que les autres seraient simplement ravis de la vue et de se sentir une belle bande de privilégiés. Comme dans les meilleurs livres fondateurs religieux, tout ça finirait bien sûr par quelque catastrophe naturelle qui mettrait à mal l'humaine présomption. Mais il resterait un souvenir merveilleux pour qui avait participé à la construction du bâtiment spectaculaire.

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