C'est un billet chez Embruns, sur une idée de Karl La Grange , puis un autre billet chez Virgile qui m'ont donné envie de regarder dans ma mémoire ce que ça pouvait bien donner.
Ce ne sont pas mes lieux de travail salariés qui me sont venus à l'esprit, mais bien les lieux où j'avais étudié puis écrit. Au travail du gagne-pain, à part les toutes premières années, ce n'était pas vraiment moi ou même vraiment pas moi. J'étais la version zombie, mais fidèle à moi-même, de la personne que je suis. Je n'étais moi qu'en dehors de ces heures contraintes. Depuis deux ans seulement je suis presque la vraie, avec le sentiment très fort de l'avoir échappé belle (1). Presque, parce que des peines affectives sont venues plomber la fille solide et joyeuse que pendant longtemps aux heures de liberté j'ai été.
J'aimerais beaucoup qu'avant de mourir la vie m'accorde d'être à 100 % moi au moins sur une période. C'est pour l'instant un tantinet mal engagé.
N'empêche que je crois pouvoir être fière du chemin parcouru. C'était putain pas gagné.
(1) Ce billet de Chiboum m'y a refait penser.
PS : L'autre chose qui fait que mes lieux de travail salariés ne me sont pas venus spontanément à l'idée est que longtemps j'ai travaillé dans un siège social prestigieux et qui a brûlé. Partant de là nous (les salariés de l'endroit) nous sommes trouvés pris dans une valse de déménagements successifs, puis une fois l'urgent calmé, comme si le pli était pris de changer chaque année, quelque chose qui ressemblait à un mouvement brownien. Le billet serait interminable. Et mes anciens collègues désormais installés dans une proche banlieue encore plus loin de la plupart des chez-eux n'ont pas fini d'en baver.
* * *
La plupart des photos sont des captures d'écran de google street view ou des photos personnelles. L'une d'elles provient du site d'un des lieux habités en attendant que je retrouve une des miennes dans mes archives.

une cité "Barbu" dans le Val d'Oise
Jusqu'au bac, cité de pavillons. Avant, ailleurs (des immeubles en grande banlieue) mais j'étais trop petite pour les devoirs d'école. Pour savoir comment c'était lisez les romans d'Olivier Adam. Il est plus jeune que moi mais l'ambiance y était à peine moins plombée. Personnes pour la plupart d'un milieu modeste, rêvant d'un vrai "chez soi" par opposition aux immeubles où la plupart ont vécu après guerre, fiers d'avoir un jardin, et tout entiers dédiés à leur travail (pour payer ça) et leur famille. Les femmes travaillent à l'extérieur ou pas, les divorces sont relativement rares. Les enfants jouent dans la rue. Mais leurs parents, sont-ils heureux ?
Les parents avaient mis un point d'honneur à ce que ma sœur et moi ayons chacune notre chambre. Pour se faire mon père avait dû en aménager une pour eux au sous-sol, mais qui n'avait pas de vraies fenêtres. Seulement des vasistas.
Je passe dans ma chambre beaucoup d'heures à lire, écrire, étudier. Être malade, aussi. Mes hivers ne sont qu'une longue tousserie.

Foyer Saint-Louis, rue de Clichy, Paris
Le bac en poche, j'entre en classes prépa. Mes parents et moi nous sommes réjouis que je sois acceptée dans un lycée (Chaptal) situé dans la partie nord de Paris. Il n'y aura pas de frais d'hébergement.
Sauf que la gare est à 20 mn à pied de la maison, qu'on arrive gare du nord et que pour Saint Lazare il y a un changement (je crois à Ermont). Très vite et malgré leur secours (plus d'une fois on viendra me chercher en voiture à la gare de Cormeilles, celle qui est directe et pas trop loin), je craque. Grâce à un collègue d'origine italienne, mon père dégote une place dans ce foyer privé pour jeunes filles et tenu par des sœurs. Les chambres sont peu coûteuses mais pas individuelles. Je partage la mienne avec une grande fille effacée et timide, d'une gentillesse à toute épreuve. Elle persiste à dire que la lumière ne la dérange pas. Peu habituée à travailler "pour les notes" et donc avec efficacité, j'étudie souvent jusque vers 1h du matin quand ça n'est pas 2, alors qu'elle-même, étudiante en BTS de cuisine, n'a que peu de devoirs à faire et se couche fort tôt. Cette situation me pèse.
Un jour un de mes cousins qui habite dans le quartier me fait l'heureuse surprise de venir après son travail me visiter. Il ne peut monter, nous en sommes réduits à aller au parloir, près de l'entrée. La situation l'avait amusé, mais j'en conserve encore un souvenir d'humiliation.
En ce temps-là, pas de place pour les filles en internats de prépas parisiennes. En revanche il existe dans le XVIème, rue du Dr Blanche, un foyer des lycéennes, aux tarifs du public (quoique plus chers que pour les gars logés dans leur propre lycée). Dès que j'en apprends l'existence, je m'efforce d'y aller. Il faudra quelques mois, et convaincre les parents : le XVIème est loin du lycée. J'ai probablement été chiante sur ce coup-là, les obligeants à des démarches que j'aurais dû faire (je venais d'être majeure, mais en même temps il fallait des papiers de revenus des parents). J'obtiens la place. Je me crois sauvée.

Ce sont enfin de bonnes conditions de travail, il y a même des salles de musique, de sport (j'ai redécouvert en triant des papiers que j'y suivis des cours de danse, ce que j'avais totalement oublié), une cantine ce qui évite de se préparer à manger, une bibliothèque ce qui est formidable en ces temps d'avant l'internet. On imagine mal, même en l'ayant vécu, tout ce temps qu'on perdait à rechercher des données, des informations, des explications complémentaires à des cours mal compris.
L'été qui suit je rencontre à Oxford (2) lors d'un séjour linguistique que j'ai arraché à mes parents, mon premier amour. Évidemment il habite loin, et me quittera pour une plus près bien plus conforme à son idée de la vie d'adulte, jeune homme sérieux à la recherche "d'un projet partagé de vie" (2bis), quand je ne crois qu'au présent et à s'aimer. En attendant j'accomplis un premier trimestre de spé fabuleux. Énergique et heureuse comme une femme aimée ... sauf qu'on ne se voit jamais. Où trouver l'argent de payer les trajets alors que l'un comme l'autre sentons nos parents réticents ?
Il me quitte en janvier, aussi proprement que peut le faire un gars de 20 ans, en venant me le dire, honnêtement. Et sans mégoter sur les câlins, ce qui me vaudra vis-à-vis du paternel une de nos pires empoignades. Ô tempora ô mores ?
Ça sera la première fois d'une triste collection de litiges et violents reproches pour quelques choses ou quelques-un(e)s que j'ai perdu(e)s. Curieux phénomène, je ne sais pas comment je me débrouille, mais ça se répêtera. Je suis la championne de me faire reprocher ce qui me manque avec cruauté, de me faire reprocher le contraire de ce qui est.
La rupture d'avec mon bien-aimé me mettra KO pour toute la fin de spé, révisions et concours. En surface je suis présente, assidue, exemplaire. Mais rien ne s'imprime vraiment des heures passées à apprendre. Les nuits déjà courtes sont consacrées à pleurer. Heureusement j'ai de bons amis et il existe par petits lots une bonne solidarité, alors pour les devoirs à préparer "chez soi", on ne me laisse pas tomber. Et je parviens à être efficace quand on travaille en groupe.
Je rate copieusement tous mes concours, avec cependant des résultats honorables à Centrale qui reste un bon souvenir : nous sommes logées sur le campus, chambre de 3, les deux autres sont sympas, je me souviens que l'une d'elle lisait pour se détendre des San Antonio. Ce changement de cadre me fait une belle diversion au chagrin. Le parc de Sceau, tout près. Un midi, entre les épreuves j'écris à mon encore bien-aimé. Comme il n'est plus question de lui parler d'amour, je lui raconte ce que je vois, et les concours, tout ça, comment c'est. Déjà cette tendance à aimer trop profondément pour parvenir à me fâcher. L'autre femme est mieux que moi, même sans alors la connaître je n'en doute pas (3), c'est dans l'ordre des choses.
Je passe une partie de l'été suivant à potasser en vue d'examens d'équivalences en fac, à tenter de me faire à l'idée de rempiler pour une spé., à écrire en montagne un récit torride du peu d'expérience sexuelle que m'a valu cet amour brisé. C'est très curieux, je suis la 3ème d'une équipe constituée de deux amies d'enfance, et que ça dépannait de partager les frais, mais je supporte mal l'altitude (4) alors l'après-midi pendant qu'elles partent en cueillettes variées et s'extasier des fleurettes, je reste enfermée et j'écris. Mal. De l'érotisme par quelqu'un qui n'en a ni l'expérience ni celle d'écrire. Ce projet était audacieux. Mais ce document, retrouvé relativement récemment n'est pas sans intérêt : me sentant mourir de chagrin j'y fais quand même de l'humour et surtout j'écris pour celle que je serai plus tard si jamais je survis, je le dis, je me tiens ultérieurement compagnie. Et le plus beau c'est que ça fonctionnera.
Retour fin août en région parisienne, petit récit bouclé, bonnes copines dissuadées de me reproposer quoi que ce soit, une piètre ménagère et qui écrit tout le temps. Persuadée que j'ai tout raté, je ne vais pas même, pour les concours, à la pêche aux résultats et c'est mon amie Carole, au téléphone qui en me demandant "Alors finalement tu fais quoi, 5/2 ou tu y vas ?", qui m'apprendra que j'en ai réussi un. Je veux, que j'y vais.
En plus l'école est à Paris, ça évitera les frais d'un hébergement (bis repetita).
Cité universitaire Jean Zay, Antony
Très vite il apparaît que le trajet est intenable, une partie de l'école est en banlieue sud, contrairement à une légende bien établie, en école d'ingénieur il y a quand même du boulot pour qui ne souhaite pas pipoter.
Et puis j'ai rencontré quelqu'un. Il semble fou amoureux fou de moi. Souffrant de haute solitude, je l'accueille avec plaisir. Nous sommes l'un comme l'autre un peu perdus dans ce milieu de gosses de riches, fonctionne immédiatement une solide solidarité, bientôt 30 ans qu'elle dure malgré bien des tempêtes. Ou peut-être et pour partie à cause de. Il rêve déjà d'une belle blonde. Je soupire à l'époque encore après mon premier amour trop vite perdu. Nous nous voulons du bien et beaucoup de consolations. Très vite nous emménageons dans une chambre "pour couple" que la résidence déjà en ce temps-là dans un état terrible de délabrement possède. Il y avait une chambre de célibataire. Nous passons à la mairie d'Antony en compagnie de copains de promo établir un certificat de concubinage qui au fond est un faux puisque nous en avons précisément besoin pour obtenir la possibilité de concubiner. Je deviens amoureuse.
Il y a une pièce avec un grand lit, une autre avec les deux bureaux, le tout fourni en mode antique et déglingué par l'administration, une toilette-salle d'eau avec la douche sans bac, l'eau s'écoulant directement dans le sol. Pour de jeunes amoureux nous passons quand même beaucoup d'heures rivés, studieux, à nos bureaux. Et nos week-ends sont sinistres : retour chacun chez papa-maman, lesquels ne conçoivent pas que nous n'y soyons pas. De mon côté je passe en plus le samedi à donner de petits cours de maths qui sont mon gagne-pain.
Rétrospectivement je me demande pourquoi nous acceptions d'assujetir tant de nos pauvres heures de loisirs à des obligations familiales qui nous mettaient le moral bas - ce n'était réjouissant ni chez les parents de l'un ni chez ceux de l'autre -. Je crois qu'en ce temps et dans ce milieu-là, tout simplement ça ne se discutait pas, en plus que chaque famille prenait en charge le demi-loyer, la carte orange, l'avance des frais de scolarité (5) et un peu de liquidités.
Trois ans plus tard et peu d'embrouilles, nous voilà l'un comme l'autre diplômés.
rue Dulong, Paris XVIIème
Le garçon en ce temps-là doit au pays un service militaire. Je n'ai pas trop de mal à persuader le gringalet qu'il était à tenter plutôt sa chance pour une coopération, certes plus longue, mais tellement plus intéressante que d'aller jouer les bidasses et perdre son temps.
Le hic : j'ai trouvé du travail à peine les cours achevés (terminés un vendredi, le lundi j'étais salariée) et c'était nécessaire puisqu'il y a des prêts étudiants à rembourser.
Le poste qu'il décroche est au Burkina Faso. Pour un gars qui n'avait que très peu voyagé c'est le bout du monde. Je sais que ça lui fera du bien, je le pousse et secoue. L'aide à envoyer place de la Bourse le télex qui auprès de l'école qui va l'employer communiquera son CV résumé. Du temps de l'internet, on ne sait plus imaginer ces difficultés et coûts de communications qu'on avait parfois.
Je sais qu'étant celle qui reste sur place, je serai la chagrinée. Je sais qu'il y a un risque non négligeable qu'il succombe aux charmes des femmes de là-bas. Je sais aussi qu'il a besoin de s'aguerrir, d'être indépendant.
La seule chose que je parviens à faire pour moi c'est de négocier auprès de mon employeur la possibilité de prendre dès la première année quelques congés sans soldes afin de le rejoindre là-bas une douzaine de jours tous les 3 mois.
Il nous faut libérer la chambre en cité U. Par un lien familial indirect (belle-famille d'une de mes cousines, je crois), je dégote une chambre de bonne rue Dulong dans le XVIIème. Ironie du sort, elle est tout près du lycée où j'étais en prépa et l'avoir à l'époque m'aurait beaucoup aidée. Pour la première fois de ma vie, je savoure l'entière liberté de mes soirées : pas de cours à potasser, pas de projets à rédiger. L'endroit étant tout petit, pas ou peu de ménage. Je fonce dans le sport afin de combler le manque de sexe. Et aussi parce que j'ai pigé que ma santé étant fragile je me devais de maintenir la meilleure condition physique possible pour espérer m'en tirer. Rencontre avec ma prof de danse, qui est quelqu'un qui va compter : son enseignement est de grande qualité, avec une barre qui permet d'échauffer soigneusement chaque élément du corps. Elle m'accepte dans ses cours malgré un niveau catastrophique : je pige vite, mais la carcasse a un mal fou à suivre. Quelque chose dans mon cerveau est mal branché. Mais elle accorde sa chance à cette sorte de fille mal coordonnée, qui fait tache dans le groupe de gens habiles et aisés de mouvements, elle accorde sa chance parce qu'elle a perçu que j'étais du genre à bosser jusqu'à ce que ça puisse passer.
À l'époque ce que j'écris ce sont des lettres à mon amoureux. Lui-même fait aussi l'effort. La chambre de bonne est louée meublée, seules les étagères à livres à présent dans ma cuisine, sont à moi. J'écris sur une petite table blanche en formica, laquelle peut se replier. En gros si le canapé lit est déplié pour dormir, la table doit être repliée et si je veux l'ouvrir vraiment il me faut remettre le lit en position canapé.
Deux ans et quelques péripéties plus tard, l'Homme revient vivre à Paris. Par le biais du 1% patronal puisque je suis salariée d'une grosse entreprise, j'obtiens après plusieurs mois d'attente un appartement à Clichy. C'est assez amusant, long silence puis un coup de fil un jour, il faut visiter le soir même et donner son accord dès le lendemain.
rue Martre, Clichy la Garenne
Nous y vivrons 3 ans, chassés par l'établissement d'un sur-loyer qui aurait fait doubler ce que nous devions payer. Il est vrai qu'entre-temps, nous sommes deux jeunes cadres dynamiques (!) à travailler.
Nous avons placé une table dans notre salon-salle à manger, près de la cuisine. À l'époque plutôt ordonnés, nous la débarrassons à chaque fois selon qu'il est l'heure du repas ou celle d'autres choses. J'écris des lettres à mes ami(e)s lointains, dépote toute la correspondance administrative, parfois tient un brin de journal lequel ne résiste pas au surmenage professionnel, prépare des albums photos. Notre fille naît alors que nous habitons là. L'été est difficile, trois fenêtres sur rue large et passante, irrespirables aux heures de sorties des bureaux + coucher du soleil.
J'aime qu'il y ait une deux chevaux sur le google street view. Nous avons une 205 junior à cette époque-là. Qui nous sera volée dans les parkings, puis retrouvée et remise en état. Les commerces en revanche, ont changé.
Quand tombe la nouvelle du sur-loyer, nous nous mettrons en recherche d'une autre habitation. Pour tout un lot de raisons professionnelles, familiales, de coût du logements (6) et de garde d'enfant (mes parents nous aident un temps pour un jour par semaine, sans quoi je travaillerai à perte) nous cherchons, cette fois volontairement, à ne pas quitter Clichy.
Aucun trois pièces en location. C'est donc sous la contrainte d'une pénurie que nous décidons d'acheter. Apport personnel ridicule. Taux des prêts élevés. Nous ne les obtenons que parce que je travaille dans une banque et grâce à la générosité de quelques-uns qui nous aiderons à toiletter l'absence d'apport - et que sauf mes parents nous avons vite remboursé, eux, plus lentement -.
L'appartement est un coup de foudre et d'intuition que j'ai eu, grâce à une grande professionnelle d'agence immobilière. Un "C'est là !" auquel je me dois d'obéir.
Pour écrire, d'abord pas grand-chose puis mes révisions et devoirs de maths, l'année d'une tentative de CAPES sous Fongecif à temps partiel, puis des bribes de journal, puis un carnet de bord à la naissance de mon second enfant, j'occuperai d'abord un joli secrétaire à l'ancienne dans notre chambre de jeunes parents. À l'arrivée enfin d'un ordinateur, un vrai, une table dans le salon près de la télé que je commence à ne presque plus regarder. Puis à l'arrivée de l'écriture, la vraie, et de l'acquisition de mon premier ordinateur portable conjuguée avec l'apparition du wi-fi, la table de la cuisine.
Les enfants pour leur part ont annexé le salon, pour leur propre ordinateur et la télévision.

Je commence à écrire le 7 novembre 2003 à 0h45, et c'en est fini d'une vie bien rangée.
L'Usine me pèse de plus en plus. Même à temps partiel, elle me deviendra insupportable après février 2006. Sans l'amour ni la grande amitié, ma vie n'a plus de sens, et certainement pas celui de ces longues journées contraintes passées à faire du boulot de Shadock aussi dépourvu de sens qu'il est fastidieux. Je trouve donc régulièrement refuge entre les midi dans un cyber hall du quartier de travail salarié. J'essaie généralement d'y écrire au moins un billet de blog, un article pour Voice of a City, bref quelque chose qui prouve que malgré tout je suis encore en vie.
D'autres jours il m'arrive de me réfugier vers une cyber-box rue d'Hauteville. J'y suis tombée un soir après la danse, cours dans un lieu voisin, et m'y suis trouvée bien, en plus que le quartier me rappelle que j'ai été un jour heureuse, qu'il fut un temps où l'on me voulait bien. Sur des claviers incertains je rédige des billets de blogs et réponds à mes messages un peu.
Je ne vais presque plus en ces lieux, liés à ce travail alimentaire que j'avais et qui me rendait malheureuse. Il m'arrive cependant quand l'emploi du temps s'y prête d'aller au cyber-hall, déjà un peu vieilli. Mon abonnement, renouvelé juste avant de quitter l'Usine y est encore valable.
Quant à la rue d'Hauteville, elle perd peu à peu de son pouvoir évocateur. Il m'arrive même parfois de l'emprunter sans y penser, puisqu'elle est très pratique pour certains lieux que je fréquente et que sa station Vélib est une des "à 25 mn" de chez moi. Et d'avoir un serrement de cœur quand un souvenir, de fait inattendu, m'y saisit soudain.
BNF vue de l'autre côté (photo prise le 8 avril)
En juin 2010, ou à peine après, voilà que la possibilité m'est donnée d'être inscrite à la BNF (7). Pour la première fois de ma vie depuis l'enfance et la petite chambre séparée, ou le Foyer des Lycéennes mais son chagrin trop lourd, je retrouve un lieu à mon travail personnel entièrement dédié sans personne de proche pour interférer, ni lessive à sortir, poussière à chasser, repas à préparer. L'interférence viendra d'autres travails confiés, et d'un nouveau chagrin, celui qui me fait regretter que le prochain lieu studieux et pas seulement, ne soit pas pas celui-là, et que ça soit désormais plus qu'archi-confirmé.
J'aurais dû au fond intituler ce billet De mes lieux de travail et d'inconsolabilité.
(2) déjà ce sens du romanesque. Quel snobisme !
(2bis) L'expression vient de "Tout passe" de Bernard Comment, p 28.
(3) Et effectivement, il n'y avait pas photo. C'est quelqu'un d'une intelligence supérieure. Quelqu'un qu'on peut admirer.
(4) Plus tard j'apprendrais que l'anémie dont je souffre possède cet effet. À l'époque je mets les essouflements, les étourdissements, les bords du malaise sur le compte du chagrin amoureux.
(5) Il y avait des bourses mais elles n'étaient payées qu'en fin d'année scolaire quand les frais étaient prélevés dès l'inscription ou peu après.
(6) L'homme travaille en banlieue sud où nous cherchons un peu, ce qui nous vaut de visiter un truc étrange, trois petites pièces au bout d'un très long et large couloir, vrai décor de film ou roman. Mais les prix sont trop élevés.
(7) Merci encore @cgenin