Quand l'intuition précède de loin la compréhension - doc about ABBA

 

J'étais tombée sur ce documentaire il y a quelques jours, n'ai eu le temps de le regarder que ce soir. Il est truffé de micro-pépites y compris (ou peut-être surtout) pour qui n'apprécie pas l'ancien groupe plus que ça.

Les intervenants sont pour plusieurs inoubliables. J'adore le pianiste et le costumier (quand tu penses que tout ça c'était pour échapper au poids de la sexualité fiscalité). 

Peu à peu j'apprends et je comprends pourquoi très exactement me fait l'effet qu'il me fait ce groupe-là et aucun autre, ou peut-être, mais il n'est pas un groupe et c'est dans une moindre mesure et avec les ans l'effet s'est un tantinet tassé, Eros Ramazzotti

Attention, je ne suis pas fan. Incapable de l'être sauf éventuellement de chanteurs/euses d'opéra et encore je peux être subjuguée par leurs prestations et garder face à eux IRL un relatif sang-froid, voire ne pas même les reconnaître. Mais disons qu'Abba est un médicament dont j'use régulièrement - même si je préférerais avoir moins d'occasions de le faire que depuis huit ans -, que leurs chansons me sont restées, et qu'ils sont pour moi source d'une aspiration. On peut partager le triste car le plus souvent pour qui n'est ni séduisant(e) ni bien né(e) la vie le plus souvent l'est, mais qu'il y ait de la pêche, de l'humour - sans que l'autodérision n'obère l'émotion -, de l'énergie, que ça console ceux qui ont profité du partage. Et qu'un travail de création peut être populaire et accessible au plus grand nombre sans pour autant être mauvais, qu'il peut même inspirer ceux qui se veulent pionniers et soucieux seulement d'art - ce qui revient souvent à un abord plus compliqué -. I would like so much life to allow me to do my job here below before it's too late, I'm way too tired these days and afraid it's as for love the case.

 

PS : Ce serait bien que je me souvienne de Kevin, se dit la fille qui a toujours bien trop d'idées par rapport au temps et à l'énergie nécessaire pour les réaliser.

PS' : Note pour Satsuki : vrais éclats de Suédois inside (certes brefs, mais)

 documentaire The joy of Abba - Phil Ramey Ben Whalley BBC4 (samedi 28 décembre 2013)

 


Complètement cramé (18 ans déjà)

 

Dix-huit ans déjà que par un beau dimanche matin je reçus de Hong Kong un très étrange coup de fil d'un bon vieux copain de promo et qui disait : - "Dis Gilda, je crois que ton bureau est en train de cramer". J'ignore quelle heure il était chez lui, peut-être victime d'une insomnie, d'un petit coup de Heimweh, regardait-il les infos de Paris, "C'est sur France 2" m'avait-il dit. 

Je ne savais pas, ça alors. Ben je vais aller voir, merci, ai-je répondu en substance peut-être assorti d'un Hé merde bien senti. Je me doutais qu'un incendie, aux salariés n'apporterait que des ennuis. 

J'ai raccroché, j'ai dit J'y vais. Je ne sais pas pourquoi comme ça j'avais filé, ça ne changeait rien. Je crois que je voulais voir l'ampleur du désastre, savoir que faire au lundi, si c'était seulement l'agence bancaire au rez-de-chaussé où les étages qui étaient touchés. Je n'ai appelé aucun collègue, je voulais voir d'abord.

Et quand j'ai vu sortir un gros panache noir des fenêtres précises où étaient nos locaux, c'est à mon amis Pierre que j'ai téléphoné. D'une cabine (1). Les pompiers ou plutôt la police avait bouclé le périmètre. J'ai le souvenir d'une bonne dame équipée d'un cabas dont dépassait un poireau et qui tentait vainement d'obtenir l'accord pour retourner chez elle. Elle était sortie faire son marché et voilà qu'elle ne pouvait plus rentrer. Elle avait au moins de quoi manger.

L'incendie faisait rage, je me souviens de l'avoir très exactement pensé que j'avais sous les yeux l'illustration même de cette expression, qui se révélait (hélas) sans exagération. 

Je me suis revue le vendredi soir finir un peu plus tard pour achever une sauvegarde, étiqueter soigneusement la disquette, la ranger dans un boitier avec quelques autres déjà ordonnées, le boitier dans le placard derrière mon bureau, de ces placards professionnels hideux avec rideau coulissant gris, d'avoir fermé à clef, la clef dans le pot à crayons - pour le principe -, revenir sur mes pas alors qu'au seuil de la porte, car les fenêtres, élevées (par elle on ne voyait pas elles étaient au dessus et je souffrais énormément de cette sensation d'enfermement) étaient restées ouvertes. La manivelle, les refermer. Dès fois qu'il y ait un orage, sait-on jamais.

De mon bureau lui-même il n'est rien resté : il s'est trouvé dans une partie du bâtiment qui s'était écroulée. Celui qui était à l'époque ma directe hiérarchie me confiait tous les documents importants : j'étais du genre organisée (essentiellement pour ne pas perdre ensuite du temps), lui non. Au moins dans ton bureau, on sait où ils sont. 

On savait désormais qu'ils avaient entièrement brûlé. 

Alors que son propre bureau sis dans la partie que les pompiers s'étaient acharnés à préserver - zone des hautes hiérarchies, œuvres d'art aux murs, et sans doute dans les coffres des secrets bien gardés - n'avait que peu été touché. Et qu'il récupéra l'intégralité de ses dossiers. Sous une couche de cendre noire poisseuse, sans doute un peu toxique, mais néanmoins.

J'étais rentrée peu auparavant de congé de maternité et n'avais pas encore eu ni le goût ni le temps de personnaliser ma place. Hormis une calculette, et un vieux dictionnaire de l'informatique, déjà vieux en ce temps-là et que je gardais pour les définitions d'appareils déjà alors obsolètes dont la description m'amusait, je n'ai rien perdu de personnel dans l'aventure. En revanche de précieuses archives professionnelles, dont des classeurs de dépannages informatiques où je m'étais constitué un stock très utile de "pannes vues", les symptômes et leur solution. Comme une partie de notre travail consistait à aider des utilisateurs parfois lointains, cette documentation sur mesure était très utile. Elle me manqua longtemps.

De même qu'au fil des ans et des demandes, des programmes, des fichiers, des documents qu'on prenait alors conscience d'avoir eux aussi perdus.

La perte d'intérêt du poste que j'occupais date de ce moment-là : au lieu d'être sur de nouveaux projets nous avons passé notre temps à combler ce qui n'aurait pas dû cesser d'exister. Quand ce fut éclusé nous avons dû nous gaver les modifs et tests de passage à l'an 2000 puis le passage à l'euro (et dans les fichiers et bases de données tout ce que ça impliquait).  C'est à dire des surcharges de travail mais uniquement pour des choses mécaniques, qui n'en appelaient pas à de la réflexion satisfaisante ni à un savoir-faire exceptionnel. Finies les journées bouclées en se disant, Mazette, j'ai résolu ce point délicat, je ne m'en serai pas cru capable ; et d'avoir un emploi fastidieux mais comportant d'un point de vue neuronal de stimulantes satisfactions. Ingénieur, quoi.

Nous avons été du lundi - oh la rencontre fortuite d'un bon ami d'alors, perdu de vue depuis, j'ignore encore pourquoi : il a cessé de venir aux week-ends du ciné-club puis n'a plus répondu à rien et qui me croise sur le trottoir à la hauteur d'alors Del Duca, Que fais-tu là ? - C'est mon bureau, il a brûlé et je montre le bâtiment et lui qui passait en se hâtant lève les yeux et voit l'étendue du désastre - au mercredi en chômage technique, dès le jeudi dans des locaux à la Défense à rebrancher des ordis qui étaient des périmés d'autres services, de ceux qu'on garde dans une réverve pour pallier une panne d'un plus neuf. J'ai un plutôt bon souvenir de la période Remontons nos manches et les mains dans le cambouis. J'aimais la bidouille, une liberté retrouvée. Loin du Siège Social nous subissions moins la pression hiérarchique, je me suis même autorisée à venir bosser en jean (ben oui quoi, on bricolait). Le jean étant pour moi le vêtement de travail parfait. Le bleu de travail. Tout autre tenue me voit moins efficace, fors le maillot de bain pour nager et le short pour le foot.

Je n'ai plus jamais retrouvé mon aptitude à ranger. L'appartement en témoigne. C'est l'année où les choses puisqu'elles n'étaient plus faites à mesure, ont commencé à déraper, les papiers à s'entasser, les vêtements et les chaussures à subir du retard dans leur indispensable tri Été / Hiver. (Les livres pour leur part avaient déjà tendance à proliférer, je ne crois pas que l'incendie ait modifié quoi que ce soit).

Dès années après il m'est encore arrivé de remarquer une perte que le feu avait occasionné. Ainsi ce matin en lisant ce billet chez Baptiste Coulmont, un début d'étude marginale que j'avais faite sur les fréquences par années des prénoms et comment les modes descendaient les niveaux hiérarchiques car j'avais remarqué cette tendance via quelques données (dont un sous-fichier pour l'arbre de Noël en l'occurrence, pour lequel j'avais été en désespoir de cause chargée d'ôter les doublons et triplons à la main (1) d'où l'attention sur les prénoms ; la rubrique "naissances" du journal interne, également). Voilà, 18 ans après je prends conscience de sa disparition. Mon petit chef, que ça amusait et qui trouvait qu'il s'agissait d'un excellent entraînement, m'avait à l'époque donné sa bénédiction à condition que ça soit fait sur les interstices quand les sujets officiels piétinaient.

Il y avait aussi une magnifique étude sur les temps de transports en Île de France dans les années 70 et qui était passionnante pour qui savait décrypter. Je l'avais un jour sauvée de la benne - les temps avaient changé, on ne se souciait plus du confort des salariés, au contraire, on avait bien envie de les décourager -.

Je n'éprouvais pas d'attachement affectif envers mon travail, c'était un gagne-pain et vécu comme tel. Je m'efforçais d'être irréprochable, effectuais mon travail du mieux que je pouvais, mais mon âme ailleurs vivait. Il n'empêche que tout perdre, brutalement, par le feu est une expérience qui reste, laisse des traces, et nous change. Je me suis souvent demandé comment des collègues qui eux "s'investissaient" et aussi ceux qui personnalisaient beaucoup leur poste de travail s'en étaient au fond tirés. Peut-être mieux que moi qui me croyais détachée, mais suis sensible aux infimes infinis détails du quotidien.

Il m'arrive encore de rêver du siège social tel qu'il était, en particulier le gymnase au sous-sol (que mes songes agrémentent volontiers d'une piscine), le jardin intérieur en soubassement (sans doute pour cela que celui de la BNF me "parle" autant), l'escalier en double révolution (revu depuis, il a survécu) et puis "l'entrée en tombeau de Napoléon" côté arrière, voulue par l'un des présidents, des années de lourds travaux ... partis en fumée.

 

(1) Il fallait veiller qu'un même enfant ne perçoive qu'un seul cadeau or certains pouvaient apparaître trois fois à la suite d'un divorce et d'un remariage au sein de l'entreprise, déclaré par la mère, le père, la nouvelle femme du père. Le gros des troupes filtrables par programme, mais toujours de somptueux cas particuliers. Certaines personnes ayant visiblement des existences agitées mais que ça n'empêchait pas de vouloir profiter même indûment de tous les avantages. Cette double aptitude au rock'n'roll doublé d'une capacité à examiner le moindre document administratif m'a toujours sidérée. Alors que ça n'est pas strictement contradictoire, en fait.

 

(1) Hé oui c'était au siècle dernier. D'un portable tout le monde n'était pas équipé.


L'année où j'ai déménagé sans bouger

 

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L'année 2013 / 2014, et je le note ici pour pouvoir le reprendre plus tard sans difficulté pour ma participation dans "Petits cailloux et ricochets", restera celle d'un déménagement. 

Pourtant je n'ai pas bougé et la petite famille loge toujours là au grand complet.

Mais j'ai cessé de vivre entre deux villes - en pratique depuis l'été 2012 c'était de toutes façons déjà fait -, le quartier où j'habite s'est énormément transformé (et ce n'est pas terminé), j'ai désormais à portée d'à pied trois parcs dont deux grands et un petit qui est comme notre jardin tellement il est à côté ; à la différence qu'il est peuplé et que je n'ai pas à me soucier de son entretien. Mais je peux à la belle saison descendre lire au soleil en n'emportant que le livre, des mouchoirs, de quoi noter et mes clefs. Il y a désormais une piscine nouvelle assez voisine (15 à 20 mn en vélib). Mes lieux quotidiens dans la vie ont changé ; jusqu'au petit supermarché où je vais parfois faire un complément de courses alimentaires. Même emplacement mais pas les mêmes produits ni les mêmes tenanciers.

Puis il y a eu ce nouveau boulot dans un quartier de même zone que le précédent (avenue Franklin Roosevelt alors tout en bas des Champs) mais qui se trouve être dans un quartier que je connaissais au plus mal au point que certains soirs en rentrant en vélib ou partiellement à pied, j'ai la sensation d'avoir changé de ville pour m'en aller bosser. Comme ma vie de toutes façons a mi-2013 brutalement changé, ce n'est ni désagréable ni une mauvaise idée et quand je passe au cimetière des Batignolles - dont l'environnement a été lui aussi radicalement bouleversé - je me dis qu'après tout c'est ce qu'Arthur a fait. Lever le camp. Bouger. Se confronter à d'autres choses.

Heureusement que la BNF demeure, et l'ancrage amical sans lesquels en ce moment je me sentirais plutôt désorientée. Grâce au lieu fixe et aux amis, même si je les vois moins, horaires contraints obligent, je peux me permettre de conserver le côté grisant d'une période nouvelle, d'un autre environnement.

Et je songe que dès qu'un peu d'énergie me revient, il serait sans doute sage de faire les tris et les rangements qui correspondent en général aux vrais déménagements. Je suis lassée de ne pouvoir proposer à personne de venir ne serait-ce que prendre un café, tellement l'appartement d'années de difficultés en moments d'épuisements s'est trouvé encombré, d'inondations mal remédiées et de livres en excès.

Je me demande si je parviendrai à retrouver un jour une vie normale (matériellement et physiquement) avec l'écriture en bonne place sans que ça ne rende le reste chaotique et le compte en banque dévasté. La vie quantique (être riche et dans la dèche, amoureuse et presque asexuelle, âgée déjà et débutante dans les métiers qui me vont, dans l'opulence culturelle et le dénuement du concret, en bonne santé aux dernières nouvelles mais solidement anémiée) ne manque pas de charme, c'est l'aventure à chaque instant, mais j'aimerais bien un temps d'apaisement, un moment cohérent. Pouvoir enfin écrire pour du long sans avoir systématiquement à m'interrompre pour écoper de l'eau qui inonde, de l'argent qui fuit, et l'amour aussi, côté santé familiale de lourds soucis, un parent âgé qui ne fait plus que peser. J'ai enfin compris que pour me concentrer sur un ensemble long, une écriture autre qu'en vignettes ou billets, pour structurer, j'avais besoin d'un avenir à environ un mois. Or depuis le printemps 2013 dès lors que la librairie précédente devait fermer, mais sans qu'une date ne puisse être fixée - et quand elle le fut ce fut pour apprendre que par ailleurs l'on me quittait -, il s'est réduit à une ou deux semaines au mieux de visibilité, puis après la rupture subie, au jour le jour (il fallait tenir, ne pas sombrer), puis vers la rentrée à nouveau par semaine au plus loin, et paradoxalement avec le nouveau travail et le retour majeur des problème de santé des uns et des autres, au jour le jour encore. Le au jour le jour comportant ce défaut que lorsque vient enfin une journée à l'écriture dédiée il y a de forte chance qu'elle corresponde à un jour sans, consacré en pratique à récupérer d'épuisement. Ou que le chagrin, même presque vieux d'un an, vienne encore accabler et accaparer, rendant pourrissant de tristesse la brève production. Comment parvenir à trouver un rythme enfin dépollué ? 

En attendant, je me souviendrai que cette année j'aurais déménagé sans bouger. Et que la vie est décidément composée d'éléments extérieurs sur lesquels nous n'avons pas prise et qui s'imposent à nous. Parfois pour le meilleur (des parcs et des piscines, un nouvel emploi (1)) parfois pour du moins doux (un quartier gentrifié) ou carrément brutal (la fin d'une belle époque, la fin enfin d'une relation essentielle qui profondément comptait).

 

(1) OK le nouvel emploi ne tombe pas tout cuit dans l'escarcelle, mais il dépend de bien d'autres éléments que notre simple effort de le dégoter. En particulier très souvent d'une conjonction temporelle précise entre le besoin de l'employeur et notre proposition de service.


Cet instant où mon corps t'a cru mort

 

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Un avantage de l'âge et donc de l'expérience (il y en a) est que l'on finit par savoir quoi tenter de faire en cas de chagrin, même si ça ne fonctionne qu'au bout d'un temps certain. 

Ainsi mener une vie intense et presque plus intéressante (au moins intellectuellement) que celle qu'on aurait eue avec qui nous a abandonnées est une option salutaire. D'autant plus qu'épuisées on dort ensuite de plomb ce qui diminue le nombre de rêves érotiques avec le bien-aimé envolé (par exemple) ou de temps heureux partagés avec la grande amie, la presque sœur et qui nous a plantée là, Ce serait mieux qu'on ne se revoie pas (1). 

C'est efficace sur des lots d'heures, par exemple samedi soir en la compagnie de très bons amis et de camarades de l'internet que je rencontrais enfin en pour de vrai, j'ai oublié ma peine, ma place était juste auprès d'eux et donc à Paris. Elle n'a même pas osé me rejoindre sur le chemin du retour, c'est dire si la soirée avait été heureuse.

Le travail que j'ai trouvé, parce qu'il me va et me plaît et que les collègues sont agréables à fréquenter, aide aussi pour toutes les heures que j'y passe - sauf quand mes yeux tombent sur un certain guide touristique, mais bon, à force je vais m'insensibiliser -. Sauf qu'il tend à rendre les autres et particulièrement celles du retour du soir et de la pause déjeuner, redoutables. C'est comme si ta silhouette d'absent me guettait et telle une ombre ne me lâchait plus.

J'ai donc pris le parti d'avoir une pause active le midi. Une amie est déjà venu me voir, ce qui m'a permis ce jour-là de ne pas penser à toi que je suis sommée d'oublier. Si le temps le permet je sillonne le nouveau quartier : il m'est inconnu, je n'y mettais les pieds que pour le théâtre de Chaillot auquel je me rendais avec La Vita Nuda aujourd'hui disparu je ne sais où (2). C'est bien aussi pour le travail : je pourrais bientôt renseigner les personnes qui passent et nous demandent différents lieux ou des rues. 

Enfin, dès que le climat le permettra je pourrais goûter les joies de lire dehors, dans les jardins du Troca. Avoue qu'il y a pire vie.

Hier cependant il faisait beau mais trop froid. J'ai donc rempoché mon livre, à regrets (3) et m'en suis allée explorer le cimetière de Passy où je n'avais pas souvenir d'être jamais entrée. J'ignorais d'ailleurs que quelques patrons de prestiges y étaient enterrés, j'avais oublié jusqu'à l'existence de Marcel D., père de Serge ; ne peux pas dire que ça manquait. Ni le souvenir de ce boss de BTP qui portait ton prénom.

J'étais dans la curiosité de découverte d'un lieu nouveau. 

C'est mon cœur qui ratant un battement m'est tombé dans les pieds et je n'ai pigé qu'après. Sur l'une des tombes pesait un semblant de vase, sans plantes poussées, mais dûment pourvu de tes initiales.

Alors que mon cerveau pensait à tout autre chose mon corps t'avait cru mort. Le premier n'avait pas eu le temps de compléter l'information par mes yeux enregistrée. Le plus terrible en fait était de constater qu'alors que je te sais désormais un fameux saligaud de l'oubli, je n'ai pu que constater que je n'en avais pas fini te t'aimer. 

Constatation dûment accompagnée de son corrolaire : si tu venais à mourir, sans doute ne l'apprendrais-je que plus tard, et trop pour venir accomplir mes adieux à toi qui auras tant compté, même si tu as toi aussi (4) pour une belle fausse blonde décidé illico de m'effacer (5).

Il m'a fallu des clients particulièrement adorables, et le quiproquo hier évoqué, pour cesser de me sentir moralement plombée (6). 

 

 

(1) J'en ai un peu assez d'être quittée pour des actrices, là.

(2) Et le blog et son tenancier. Or c'était un bon camarade. Pourquoi s'est-il envolé ?

(3) "Ombre et soleil" de Dominique Sylvain un excellent cru d'Ingrid et Lola.

(4) Ce n'est guère que la troisième fois. Dieu que les hommes sont influençables.

(5) Ou pire, d'envisager que je resterais tranquillement à tenir la chandelle. Je peux comprendre qu'un homme a besoin de davantage que moi, je sais bien que vous avez besoin d'une plus jolie pour bander facile et vous exhiber bien accompagnés, mais la répartition à l'autre le sexe et les jeux de l'amour, à moi les affinités électives strictement intellectuelles dans les interstices que la vie maritale de l'autre laisse, me paraît un tantinet insoutenable, tu vois.

(6) Il faut dire que les problèmes de santé au niveau familial global mènent une nouvelle offensive. Et que ceux financiers ne vont pas via le doux gagne-pain que j'ai trouvé immédiatement cesser. C'est une lutte de chaque journée pour surnager. 


Triste salon mais heureusement

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J'ai d'abord cru que c'était moi: moi qui suis heureuse mais fatiguée par la reprise du rythme de travail salarié (1), et qui parviens d'autant moins à sortir du chagrin qui depuis l'été dernier m'enserre, que dans le monde des livres trop d'éléments m'y ramènent ; ainsi voulant passer saluer une amie au stand de son éditeur je tombe sur les portraits de ceux qui y sont publiés dont celui de la dulcinée du bien-aimé qui pour elle m'a brutalement jetée.
Passer devant la maison d'édition pour laquelle il bosse, même si ceux qui tiennent le stand sont adorables et que je connais bien un peu l'une des femmes qui pour eux travaillent, me rappelle à ma peine (du coup je n'ai pas même eu la force d'aller la saluer, alors qu'elle n'est pour rien dans l'affaire), passer au stand de qui l'éditait était aussi à éviter : j'y aurais sans doute retrouvé les romans pour lesquels j'ai soutenu celui qui défaillait, tout ça pour que ça aille mieux au point d'aller séduire la belle fausse blonde flatteuse.

Cette année pour moi le salon était miné.

Et je n'ai pu que constater que ces derniers mois, alors qu'il me semblait durant l'automne avoir enfin avancé, je n'ai fait aucun progrès quant à tourner la page d'une relation qui pour moi aura tant compté.

Alors j'ai cru que c'était moi, simplement moi, qui n'allait pas.

J'ai cru aussi que c'était à cause du dimanche.

Il me semble que ça fait un moment que je fréquentais les lieux plutôt le vendredi (tout le monde encore frais) et le lundi (pour des présentations professionnelles, généralement fort intéressantes pour qui comme moi n'est pas blasé d'en avoir trop organisées ou écoutées). Il n'y avait aujourd'hui qu'une seule dédicace à laquelle j'aurais souhaité spécifiquement allée car j'avais un cadeau à faire, envie d'offrir ce livre précis, et relativement peu de chance de croiser rapidement l'auteure par ailleurs : celle de Florence Seyvos pour "Un garçon incassable". Mais elle fut annulée (rien de grave j'espère).

Et le dimanche après-midi, c'est un peu le festival des signatures "pipoles" : ces gens qui drainent une foule qui soudain fait croire que la lecture est encore appréciée, avant qu'on ne constate qu'il s'agit d'un politicien, d'un(e) acteur/trice, d'une star du sport ou de la télé, de l'ex-femme d'un ex-président de la République. Jusqu'à des personnes dont je n'avais jamais entendu parler dont une américaine pour jeunes femmes ou filles (2) et une journaliste médium. On en est soudain reconnaissant à Catherine Pancol d'attirer son monde : qu'on apprécie sa production ou pas, ce sont des histoires racontées et elle est connue à cause d'elles.

Heureusement restaient quelques personnes que j'aime bien et qui attiraient trop de monde pour que j'ose passer les saluer, ce qui me rappelait au passage que Serge, un des absents, m'avait un jour traitée de Bonne Mascotte. Le destin d'une bonne mascotte qui réussit est de se retrouver seule au bout du compte, pas besoin de médium pour prédire l'issue des relations de camaraderie une fois le succès établi. C'est une simple question de temps disponible rétréci.

Des absents nombreux : les petits éditeurs souvent venus d'un peu loin ne sont plus que peu. Les stands régionaux offrent encore un semblant d'illusion d'une diversité qui si elle persiste peine à exister mais également à prendre place dans un lieu dont les grandes parties vides  P3230190

 laissent à penser que le ticket d'entrée est chaque année vraiment plus élevé.

Je n'ai pas vus mes amis de Borborygmes. Seulement quelques-uns de leurs petits livres sur une parcelle d'un stand collectif. Ça n'est pas sans m'inquiéter.

J'ai voulu aller parler avec le monsieur de Monsieur Toussaint Louverture mais des amis à lui (ou son épouse ?) sont passés le voir juste à ce même moment, et j'étais en lutte contre une bouffée de chagrin, alors nous n'avons échangé que quelques mots. J'espère que ce n'est que partie remise : c'est une maison qui représente un peu d'espoir : la qualité des textes, le courage des livres exigeants, le travail sur les objets - qui est le seul avenir du livre en papier (à part les poches qui se vendront toujours parce qu'on utilise toujours des allumettes malgré l'invention du briquet), que ce qu'on tient entre les mains ait une apparence, une texture, un quelque chose de l'ordre de la sensualité que l'écran n'aboliera jamais. Je dois beaucoup à la lecture d'"Enig Marcheur" et j'aimerais un jour remercier.

Et puis il y a ceux qui sont présents mais désormais séparés. Et comme j'apprécie les deux hommes et que j'aimais le travail qu'ensemble ils accomplissaient, quelles que soient les raisons de ce divorce professionnel, il me laisse désemparée.

Je ne supporte plus les ruptures.  

Dans les allées de bordures, là où il était fréquent de découvrir des petits nouveaux, je n'ai croisé que des entreprises qui frôlent l'auto-édition ou le compte d'auteur et rien n'a attiré mon attention (3). Du rêve auto-financé. 

Ici et là on m'a dit qu'il y avait nettement moins de monde que les années qui précédaient. Dans la plupart des stands on sentait comme une tension. La crainte tangible pour ceux qui travaillaient de ne pas rentrer du tout dans leurs frais.

J'ai croisé également davantage de personnes excessivement raisonnables, et qui (moi la première) notaient quelques titres plutôt que de se laisser tenter à les acheter pour les faire ensuite découvrir au travail, qui dans une médiathèque, qui dans une librairie. J'ai vu une jeune bibliothécaire à deux doigts de se laisser tenter par une dédicace personnelle de Françoise Héritier, puis renoncer et qu'elle prendrait le livre pour son établissement - mais j'ai bien vu qu'elle en était navrée, de ne pouvoir s'accorder un extrat -. Les gens en repartant avaient tous au moins un sac. Mais il était assez souvent assez plat. Où sont passés les lecteurs fous d'antan qui repartaient, j'en fus, chargés comme des mulets un jour de foire aller. Je croyais que le dur de La Kriz était l'an passé mais on serre tous encore nos budgets.

L'impossibilité d'une rencontre

P3230195Cet homme mince et séduisant qui signait ses livres, sur les régimes pour maigrir. Je l'ai légèrement taquiné - il était lui-même une parfaite réclame pour ce qu'il proposait -, il avait du répondant. C'est moi qui étais vide, plus rien à offrir qu'un début de boutade et éviter d'encombrer davantage. Pas l'envie de m'entendre à nouveau dire un jour, ou écrire "Tu n'es pas attirante pour moi". Quelque chose d'immensément décourageant de ce côté-là. Les plus beaux mots d'amour on me les a déjà envoyés. Pour me dire ça une fois leur effet fait. Alors que faire après ? Que croire des regards quand les plus beaux mentaient ? 

 

Heureusement, les amis.

À commencer par Eduardo qui a animé une très réconfortante rencontre entre Françoise Héritier et Alain Rey. Ils parlaient de l'amour des mots. Je me sentais moins seule, moins désaxée. J'eusse aimé les écouter des heures, ils tenaient mon chagrin en respect. Quand les hommes peuvent se défiler, les mots, eux, s'ils séduisent, savent se laisser aimer. P3230204

Puis ceux qui tenaient des stands. Je me suis aperçue que je n'avais pas assez dit avoir retrouvé du boulot. Or tous semblent pour moi sincèrement heureux. Alors pourquoi me retenir d'annoncer cette nouvelle qui n'est mauvaise pour personne ?

Entre ne pas savoir me vanter - j'ai bien compris que cette société requérait qu'on le fasse, mais je ne sais pas m'y prendre - et ne pas oser y croire tout à fait (trop de coups précédents encaissés, trop de confiance meurtrie, trop l'habitude d'une certaine poisse affectivo-professionnelle sans que je sache ce que je pourrais bien me reprocher à part de n'être pas une de ces belles femmes qui font les hommes rêver). Alors j'ai tenté de penser à prévenir (4).

Enfin, si j'ai perdu Eduardo en chemin - dommage nous aurions pu de conserve entreprendre celui du retour puisque nous sommes presque voisins -, j'ai retrouvé une amie dont j'ignorais qu'elle y serait aussi et ce fut un plaisir de se parler un peu (à la fois trop (il n'y avait pas assez de monde qui la sollicitait) et trop peu (il y avait un peu de monde quand même)) et de se confirmer un rendez-vous très prochain.

Je suis ensuite repartie sans tarder. L'envie de rester sur du bon. Profiter de l'élan du sourire amical.

En rentrant et alors que l'homme de la maison (5) s'activait pour le dîner, un billet d'Aux bords des mondes, m'a prise au dépourvu et offert un ancrage. Il ne pouvait mieux tomber. J'étais rentrée un brin désespérée sur l'avenir d'écrire - en général, pas le mien en particulier - et voilà que d'être ainsi lue et très exactement pour les raisons profondes qui jours après jours me motivent malgré sommeil, peines et fatigue, me redonnaient courage. S'il y a une seule personne que ma perception - transmission brute des choses peut mener vers des pensées plus élaborées ou amuser, ça vaut la peine de lutter, repousser le premier chaque soir de quelques minutes, tenir les deuxièmes en respect, et faire comme si la troisième n'était pas là. Certains jours je n'y parviens pas. Je suis limitée dans mes capacités. Mais je ne dois pas renoncer à transmettre vers d'autres qui eux, pourront.

Il faudrait quand même que je (re)prenne l'habitude de relire mes billets. Et de conserver ceux qui sont trop introspectifs au secret.

 

 

 [photo : à 15:25 au salon même]

(1) En fait je crois que je traîne toujours une fatigue résiduelle supplémentaire de cette semaine de fin janvier début février où j'ai été si violemment enrhumée puis tousseuse, quelque chose d'un équilibre n'est pas d'équerre depuis.

(2) Sur le moment j'ai cru à un accès d'incompétence de ma part (par profession je suis censée être avertie des phénomènes éditoriaux, que je les goûte, conseille ou non), mais toutes les personnes auxquelles j'ai posé la question ignoraient qui elle était (soulagement).

(3) Il m'est arrivé parfois d'entrevoir par là quelques apprentis prometteurs, mais là, non.

(4) Et du coup j'ai peut-être gavé tout le monde. Comment savoir ?

(5) Je tiens à préciser ou plutôt me sens désormais tenue de préciser que je n'utilise pas cette expression dans le sens que lui donne Édouard Louis. Pour moi il s'agit simplement de dire celui qui partage encore la vie quotidienne, les choses de tous les jours, de la maison et qui aide en partie pour partie des corvées. Entre autre, le dimanche soir il prépare le (bon) dîner. 


Les plus belles photos sont celles que je ne prends pas

 (tombe de sommeil, as usual ⇒ pas relu)

Je suis assez coûtumière du fait : les plus belles photos sont celles que je ne prends pas. Et c'est quasiment volontaire même si non intentionnel. Il y a ce moment où je suis parfaitement placée, bien équipée, il ne tiendrait qu'à moi de saisir l'appareil afin d'immortaliser l'instant auquel j'ai le privilège d'assister. Mais je ne le souhaite pas, je me contente de saisir par mes yeux et ma mémoire la photo que j'aurais prise, probablement en souriant ou comme ce soir en tentant de ne pas perturber le moment par une trop visible émotion.

C'était donc dans une splendide librairie du VIème arrondissement, Philippe di Folco dédicaçait, après une fort belle lecture, son livre "L'Empereur du Sahara", lequel narre l'histoire édifiante de Jacques Lebaudy, un de ces humains qui nés riches, ont tenté de faire de cette fortune un tantinet autre chose que ce que la société attendaient qu'ils en fassent. Et voilà que se sont présentés des descendants d'un proche cousin, apparemment la seule branche restante (1) et qu'ils avaient tant de choses à se dire, chacun portant à l'autre des éléments manquants (2). 

Il s'est trouvé que comme j'avais réglé mes achats avant de venir vers la table des dédicaces, et que j'étais juste après ce grand monsieur élégant et très vivant, et qu'il y avait un bon petit monde (d'où qu'il n'était pas très envisageable de m'éloigner afin de les laisser entre eux se parler), j'étais moi aussi réceptrice de l'échange - et d'ailleurs très vite, émue, je n'ai plus songé à bouger, saisie par l'instant -. Et je n'ai donc pas pris la photo qui s'imposait, le biographe du grand-cousin et la famille reconnaissante (3).

J'espère qu'ils ne m'en voudront pas de n'avoir pas proposé. Il m'a tellement semblé qu'au contraire un tel instant méritait de rester intime pour toujours et à jamais.   

 

PS : Un des rares précédents que j'ai pris la peine d'écrire :

Vous ne verrez point là Juliette

Ne pas gâcher l'instant par la photo. Le vivre pleinement en sachant que seule la mémoire, éventuellement aidée par les mots, pourra le restituer.

 

(1) à moins que je n'aie pas tout suivi. Mais le tout jeune homme qui vint rejoindre son père fut présenté à l'auteur comme étant "le dernier des Lebaudy".

(2) Ç'en serait presque à espérer un tome II 

(3) Car cette biographie est pleine de tendresse et bien documentée. Tous les entrepreneurs et visionnaires ne réussissent pas dans leur(s) entreprise(s), mais un certain courage mérite d'être salué, même si la posterité n'aime à retenir que les success stories.


À Moulinsart (ce week-end)

 

Nous n'en savions rien, car simples membres du ciné-club nous nous étions inscrits par disponibilité de dates, mais en arrivant nous avions découvert qu'on nous avait organisé rien moins qu'un week-end à Moulinsart.

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Ne manquait que Milou.

addenda du 22/03/14 13:10 : ce n'était pas qu'une boutade il y a vraiment de ça  Photo413