"Je n'y peux rien"

 

    C'est ce billet de Couac ou plutôt un détail dans ce billet qui m'y a refait penser ; elle est la première personne que je lis raconter un accouchement d'une façon qui me fait sourire, chapeau bas. Mais là n'est pas la question pour ici pour l'instant. Ce qui m'a déclenché un souvenir c'est cette phrase-ci : 

"L'infirmière qui poussait la chaise me demandait si c'était le premier puis me disait une chose dont je ne me souviens plus mais me donnait la mesure de ce que j'étais en train de vivre et me filait un peu froid dans le dos."

Il m'est arrivé aussi que l'on me dise quelque chose dans un moment si intense, ou quelque chose de si important que je ne sois plus capable de m'en souvenir mais uniquement de l'effet fait.

C'était en décembre 2005, ma fille était à la maison, malade, en attente d'une hospitalisation prévue mais il fallait qu'un lit se libère. À un jeu concours, que je l'avais peut-être poussé à faire histoire de lui changer les idées (1) elle avait emporté une BD, mais il fallait aller la chercher à un salon du livre bizarre qui se tenait à la préfecture (ou à la mairie) de Nanterre. 

Je récupère la BD, en fait c'était clairement un truc promotionnel pour tenter d'attirer les jeunes à acheter d'autres trucs, mais en expliquant qu'elle était malade, j'ai pu avoir l'objet. 

V. (2) faisait partie des auteurs invités. Mais c'était ce genre d'endroit où l'on entasse pleins d'auteurs avec une pile de leurs bouquins et une pancarte à leurs noms et où la plupart d'entre eux n'ont personne pour venir les voir alors que quelques-uns attirent tout le monde. Elle n'était pas seule il y avait une professeure à la classe de laquelle elle avait rendu visite peu de temps auparavant et qui passait l'en remercier. Nous avons échangé quelques mots par après, brefs, d'autres personnes s'approchaient et je voyais bien qu'elle était malheureuse d'être là à perdre son samedi après-midi. Moi-même je n'étais pas très bien car quand j'avais téléphoné pour dire à ma fille C'est bon j'ai ton bouquin !, j'avais appris que son père estimant qu'elle allait assez bien pour ne pas faire de malaise s'était absenté pour aller à son sacro-saint club de pétanque et qu'en gros c'était le petit frère, 10 ans, qui veillait. Alors j'avais dû dire à V. que je passais juste pour faire la bise - depuis un moment on devait se voir, mais elle avait fait un voyage en Inde puis obtenu un prix, et ça avait été le tourbillon et de mon côté pour les raisons médicales évoquées plus d'autres, plus un moment malheureux dans notre vie de couple, plus des moments pas faciles au boulot, ça avait été le tourbillon aussi (mais d'un autre genre) ), que ma fille était malade, la BD, tout ça, mais que je devais vite rentrer.

Elle m'a répondu quelque chose que je n'ai pas compris ou plutôt que j'ai oublié aussitôt qu'il fut dit, mais qui m'a peinée, semblé glacé, et comme pour l'infirmière de Couac, fait froid dans le dos. C'était quelque chose qui ne lui ressemblait pas.

De toutes façons on se disait au revoir, j'ai vite filé. Ou juste pris le temps d'acheter deux livres pour des cadeaux précis (une amie en Californie, ma nièce en Normandie).

Les jours d'après, une fois passée cette période interminable de l'attente de l'hospitalisation, j'ai encore attendu, mais de l'amie, un message qui n'arrivait pas ; il me semblait pourtant qu'elle m'avait dit qu'on allait se voir, Je t'écris. 

J'ai tenté de me souvenir de ce qu'elle m'avait dit d'autre. Cette phrase qui m'avait peinée. Mais rien, blanc complet. Peut-être quelque chose comme "Je n'aurais pas le temps avant le mois d'après" ?

Quand les santés se sont arrangées, j'ai envoyé un mot pour dire, tout va mieux. 

Pas de réponse. Et la rupture deux mois après, lors de retrouvailles dans un lieu professionnel collectif (où là non plus je ne venais pas spécialement pour ça ; je l'ignorais alors, mais je préparais ma reconversion).

Il n'y avait eu aucun signe avant-coureur si ce n'était ce ou ces messages annoncés jamais envoyés (3) et cette phrase qui m'avait peinée, que je n'avais pas comprise - je me souvenais d'avoir pensé Mais pourquoi me dit-elle ça ? - et qui s'était effacée.

J'ai eu d'autres difficultés, un virage de boulot à 90 degrés à accomplir, et si l'absence a brûlé pendant encore longtemps, je n'ai plus pensé aux mots envolés.

C'est un an et demi ou deux ans après que lors d'un déjeuner avec une ancienne collègue, que mon départ précipité de "l'Usine" ensuite m'a fait perdre de vue (je n'avais que son adresse professionnelle sur mon carnet de contacts de la messagerie du bureau et dans le même temps elle est partie en retraite). Je lui disais que lorsque j'avais dû m'absenter pour accompagner ma fille à l'hôpital on m'avait répondu Si tu dois y aller, vas-y, mais tu prends tes responsabilités (4). Alors elle me racontait la difficile période qu'elle avait traversée après le suicide totalement inattendu de son conjoint (au point qu'eût-il été politicien ou homme d'affaires, des doutes auraient pu naître) et son hiérarchique de l'époque à qui elle avait demandé certaines disponibilités, parce qu'elle ne pouvait pas autrement faire face, et qui lui avait répondu quant au drame qui la frappait un très peu réconfortant "Je n'y peux rien".

Et l'effet fait par le voile qui recouvrait l'unité de mémoire qui soudain se déchire et qu'on sait que c'est ce qu'on avait soi-même entendu, dans d'autres circonstances, mais qui avaient quoiqu'en moins grave, blessée. Et aurait pu présager de la suite. Du moins au moins d'une incompréhension (5). Je ne sollicitais rien, je disais simplement que je n'allais pas m'attarder parce que la petite allait mal.

Je crois que parfois notre corps nous protège en refusant d'entendre ou de mémoriser ce qui dépasse notre entendement, ou qui ferait trop de peine (dans le cas d'une rupture unilatérale qui s'annonce) ou de peur (dans le cas de l'accouchement que Couac évoquait) et risquerait de nous empêcher d'agir alors que la situation exige de notre part du répondant.

 

(1) Le genre d'idées naïves qu'on a, parents, quand on voit qu'un de nos enfants va mal très sérieusement. Comme si ça pouvait suffire pour distraire la douleur.

(2) Comme j'ai plusieurs amies qui se prénomment Véronique et qui écrivent je tiens à préciser que le vrai prénom de V. ne commence pas par un V.

(3) Ou en tout cas jamais reçus.

(4) Il y avait du boulot urgent à faire. Mais il y avait toujours du boulot urgent à faire. Les effectifs avaient diminués plus vite que la somme de travail à dépoter.

(5) Alors que nous nous étions toujours comprises au quart de tour. Un peu comme des sœurs qui seraient très proches.

 

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La fin de Twitpic (et la subséquente réapparition de la piscine de mes rêves)

Hier ou avant-hier en voulant partager une photo via twitpic, je me suis trouvée face au message suivant : 

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C'était au départ l'outil de partage d'images associé (je l'ai du moins longtemps cru) à Twitter et qui a dû ne pas pouvoir continuer longtemps après que ce dernier avait offert la possibilité d'en publier directement.

Lequel Twitter qui non content de ressembler de plus en plus à un facebook sans les événements, est en train de se saborder (merci @Le_M_Poireau pour le lien) ; à force nous n'aimerons plus y partager nos mots instantanés. Ce soir, à l'instar du Poireau je suis d'ailleurs allée sur Tsû qui semble posséder quelques charmes du Twitter des premiers temps. Mais le risque est que chacun au bout du compte migre dans un coin différent du voisin que l'on avait plaisir à côtoyer ailleurs que sur l'incontournable FB.

 

Ce qui est curieux c'est que je m'étais posée récemment la question de la sauvegarde des images ou copies d'écran que je déposais sur Twitpic. Voilà qui est fait. J'ai exporté mes données. 

Et récupéré d'une part mes photos ... de l'autre leurs légendes. 

Aux heures perdues dont je ne dispose pas, je reprendrais donc peu à peu leur réassemblage. 

Le blog est créé

Sauvegarder le téléchargement général a été l'occasion d'entrevoir les clichés, certains avec le sourire - la plupart des images rassemblées là ont ce but pour l'essentiel -, et d'autres le cœur étreint. En 2013 les hommes ont tourné une page de ma vie dans laquelle j'avais l'espoir d'un jour pouvoir être bien et sans laquelle j'ai été atterrée. Le temps (tic-tac), la petite famille, les amis m'ont aidée à me relever. Tomber quatre fois, se relever cinq, comme dirait Philippe. Chaque fois pour des ruptures subies cumulées avec des périodes de fréquentation assidue des hôpitaux pour accompagner quelqu'un - pas toujours la même période, heureusement -. Cumulées avec des difficultés professionnelles et financières. Les liens entre tous ces points n'étant pas si évidents, comme s'il s'agissait à chaque fois d'une tempête générale. J'ai beau avoir recommencé à pousser mon petit rocher vers le haut de la colline, je commence à me lasser.

Par exemple, revoir la piscine de mes rêves n'est pas encore anodin. Elle est toujours la piscine de mes rêves en fait. Quand y retournerais-je ? 

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PS : Lu aujourd'hui l'édifiante histoire de Stephen Hawking dont je connaissais pour partie les travaux, ou du moins la vulgarisation qui en fut faite, mais non la vie privée et le rapport avec la maladie. D'habitude je ne m'intéresse que de très loin à la vie privée des gens que je ne connais pas, mais j'ai trouvé que quelque chose dans son cas était édifiant - ceux qui ont choisi de faire son biopic comme ils disent (dont j'ai vu la trace ici), ont dû supposer l'édification potentiellement rentable -. Passé leurs égarements les hommes reviennent parfois. Mais dans quel état.


Matin tranquille à Clichy (octobre 2012)

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Trop fatiguée pour l'écriture longue, je poursuis calmement mes sauvegardes de photos et leurs tris.

Ce petit travail personnel m'apaise exactement comme celui des "Photos volées" de Dominique Fabre. C'est aussi une façon de ne pas se sentir arraché de sa propre vie. Expropriés par les événements subis.

J'en suis donc à octobre 2012, deux ans après. Il est donc assez peu surprenant que je ne me souvienne pas du tout de la raison pour laquelle j'avais pris cette photo un vendredi de bon matin (vers 8h20) en filant vers le métro pour me rendre à un petit-déjeuner littéraire. Est-ce parce que la silhouette de l'homme à la sacoche venant vers moi me rappelait quelqu'un ? En tout cas ce n'était pas pour l'homme au chien. Il n'y figure que parce qu'il est encore plus délicat de demander aux passants de se pousser que d'obtenir leur accord pour être photographiés. 

Peut-être avais-je voulu saisir la paix de ce matin d'automne. Avoir eu conscience que tout était tranquillet et que ça ne saurait durer.

[photo : vendredi 19 octobre 2012 vers 8h20, Clichy la Garenne, place des Martyrs]

 

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"Plus tout ça s'emmêle ..."

 
 En lisant ce billet chez @docteurmilie je viens de prendre conscience que ça avait fait dix ans cet été que j'avais commencé à bloguer (1). Et qu'au début, oui j'avais éprouvé un brin ce qu'elle décrit, comme isolement par rapport au milieu professionnel ou amical ancien, comme hésitations. Sentiments de faire partie d'un lot de pionniers.
Sauf qu'à la différence du cas des médecins, avec mon job de l'époque il n'y avait pas de secours à attendre, et que les seules interférences eussent pu n'être que dommageables, étant donné qu'on entrait dans les entreprises à l'ère totalitaire : même hors du boulot il ne fallait pas véhiculer une image non conforme, uniquement ressembler à ce que les agences de com voulaient faire croire qu'on était - alors que déjà aussi de plus en plus de tâches se trouvaient externalisées : et donc si tant est qu'il y eut jadis une culture d'entreprise elle était en voie de disparition -. 

Il n'en demeure pas moins que les étapes : vie parallèle puis enfin mélangée, l'incrédulité des amis et connaissances puis le fait que peu à peu ils s'y mettent, j'ai connu ça aussi.

Bien sûr il y a de nombreux dangers d'interférences défavorables, ne serait-ce que parce qu'en publiant en ligne même la plus anodine des photos de famille on s'expose et que si quelqu'un à un moment veut nous nuire (2), ou vous veut trop de bien (3), il peut alors le faire d'autant plus facilement. Mais pour l'instant et en dix ans je n'ai été responsable que d'un seul #fail public et encore parce que j'étais par conséquence de ce que j'avais subi en plein désarroi et qu'il y avait eu un enchaînement de circonstances improbable par là-dessus (4).  P6213430

 Il y a eu les amis, des incrédules du début - comment, tu te commets, toi adulte et responsable, avec des choses de l'internet, ce lieu de perdition des adolescents ? -, qui ont disparu de ma vie. Certains autres qui comprenaient pour partie mais pour lesquels il existait des frontières excluantes (twitter c'est bien facebook c'est mal ou l'inverse ; facebook ça va encore, mais bloguer, quelle idée insensée ?).

Pour la plupart d'entre eux les perdre par progressif éloignement a peu compté face à l'enrichissement de ma vie que les rencontres très vite effectuées liées à la vie de l'internet qui n'était pas si coupée de l'autre que les effrayés le croyaient, ont permises. Ce fut l'accès dont je me régale tant qu'il peut perdurer, à une immense chambre à soi (la Grande Bibli), ce fut tout ce(ux) qui a (ont) changé en bien ma vie, ce(ux) qui me sauve(nt) dans les périodes où les difficultés s'accumulent comme les nuages très gris. Ceux avec qui j'ai partagé et partage encore même si ma #viedelibraire et le déglingage de chez moi limite les possibilités d'heureux et joyeux moments. 

La semaine passée, encore un opéra (par exemple).

Alors oui, tout comme @docteurmilie je pense en souriant que "plus tout ça s’emmêle, plus je trouve ça chouette…"

 

[photo : 21 juin 2013 devant la cinémathèque, les majorettes taïwanaises #monfailétaitsomptueux ]

(1) Dix ans en septembre que mon père est mort et j'avoue n'y avoir pas pensé, vaguement en août à un moment calme. Parents, ne mettez pas la pression sur vos mômes, laissez-les vivre et faire leur propre chemin, quitte à les ramasser quand ils se sont plantés, le vrai boulot de parents est d'être un bon secours et indulgent. Sinon voilà, votre disparition si elle précède celle de vos descendants sera perçue avec plus de soulagement que de chagrin.
C'est triste. 

(2) Je pense ce matin plus particulièrement @pierrehaski à nouveau la cible comme certains de ses collègues l'ont été (le sont encore ?) d'un hacker aux attaques insensées. Et comme il nuit de loin, il semble impossible à arrêter.

(3) Dans un registre bien moins grave je songe aussi à la personne qui s'était mise à me stalker (il manque un mot je crois en français) et combien, alors qu'elle ne semblait pas pourvue de mauvaises intentions, ça devenait flippant - et ce d'autant plus que je ne suis pas une personne publique ni équipée d'aucun pouvoir de par ma place (et d'ailleurs quelle est-elle ?) dans la société, il n'y a donc aucune raison à vouloir se faire passer pour un(e) de mes ami(e)s -.

(4) La réalité a infiniment plus d'imagination que ce qu'on imagine. Le coup de la grève CGT à la BNF suivie de la démonstration de majorettes taïwanaises, je n'oublierai pas.


Parfois j'ai du mal

IMG_6907Parfois j'ai du mal à cacher mes origines suédoises italiennes.

 

(en fait j'étais en train de dire aux collègues Ma che, avete gia finito ? mais en français ; c'était vers le 8ème km sur 10 et eux étaient déjà tout rhabillés en train d'encourager les coureurs lents dans mon genre ou les mal entraînés)

[crédit photo : quelqu'un du groupe, mais pour l'instant j'ignore qui]


D'un avantage mignon du sous-équipement

(one year ago at last)

 

C'est curieux ce besoin qu'a ma vie de se remplir toute seule. Je m'étais aperçue que lors de ma période sans travail salarié j'étais suis aussi peu chez moi au calme assise que lors de ma première session de #viedelibraire 

D'où que je consultais sur mon petit téléphone les messages que j'avais reçus plus souvent qu'à mon tour. Son écran est à l'ancienne (c'est-à-dire pas bien grand) . Et ne permet pas vraiment, contrairement à celui confortable de l'ordinateur, de les afficher en entier.

J'avais rencontré quelqu'un ... qui semblait un fameux cinéphile. Il m'avait confié son adresse électronique pour pallier un trou de mémoire collectif une fois rentré d'un dîner où l'on était voisins. Lui aussi mène une vie bien remplie. Il m'avait répondu en décalé de quelques jours d'une question à laquelle je ne pensais plus tant - ne veux plus croire à rien, plus faire confiance à personne, plus jamais souffrir à ce point de l'avoir par trois fois au moins accordée à des personnes qui me l'ont bousillée -, mais entrevoir même en tout petit le titre cherché était réconfortant. Ainsi donc il n'avait pas oublié.

Ce n'est qu'au moment d'éteindre l'ordi et où ça m'a pris de vouloir me le rappeler, ce titre, que j'ai ouvert le message sur la machine ad'hoc en entier ... pour y découvrir que le début du message n'était que le prélude d'une grande liste complète et personnalisée, avec d'autres œuvres du même ordre que celles que nous avions cherchée.

Ce n'était pas la première fois que mon sous-équipement m'accordait de jolies joies à retardement.

Et que des personnes dont je n'attendais pas grand-chose, au mieux une info promise et qu'elle soit effectivement un peu plus tard livrée, se montraient attentives et secourables. Tentons donc de n'attendre rien le plus longtemps possible et retarder ainsi la prochaine déception, ou qu'elle ne soit pas si cruelle que ses aînées.

En attendant vive les outils rudimentaires qui nous accordent la fraîcheur de bonnes surprises à l'heure du coucher. J'avais pu rêver délivrée.

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Toute première fois tou-toute première fois tou-toute première fois tou-toute première fois a-ha

Jusque-là je m'en tenais à une sorte de stupéfaction incrédule, malgré des résultats numériques objectifs inscrits sur une feuille noir sur blanc et la confirmation d'un professionnel dont les années écoulées m'ont permis d'apprécier le sérieux et la fiabilité.

Puis à une certaine forme d'allégresse : j'étais enfin tranquille tout en ayant échappé aux éléments pesants. D'une certaine façon c'était aussi une première fois : jusqu'à présent dans ma vie j'étais plutôt la personne qui se mange tous les effets secondaires possibles d'un traitement ou d'un état donné. Voilà que là, pas. C'est sans doute lié (et pour les causes et pour leur absence de visibles conséquences ou qu'elles furent masquées) au chagrin subi l'an passé. Une absence violente a rendue soudain obsolète ma capacité à devenir encore parent, même si de toutes façons trop âgés et déjà amplement pourvus de descendances (2) telles n'étaient pas nos intentions.

Claude m'écrit "ça arrive chez les danseuses" - voilà un des plus beaux compliments que l'on m'ait jamais fait - ; il est vrai qu'en étant archi-pas douée avec des difficultés de coordination monumentales (1) tout au long de ma vie d'adulte fors les grossesses et quelques maladies et l'hiver dernier la dèche, j'aurais dansé avec la plus grande régularité. Et qu'à force je suis passée de dramatiquement nulle à simplement mauvaise. Ce qui, vu de l'extérieur ne ressemble en rien à un exploit (il suffit de me voir sur une musique peiner), est une des plus grandes fiertés de ma vie : grâce à une prof de haut niveau et patiente je suis parvenue à m'extraire d'une impossibilité, à créer les connexions neuronales nécessaires (hélas il en manque) à force de m'acharner.

En attendant ce fut ce week-end la première fois d'amour sans précautions, vraiment la toute première car au siècle dernier dès le premier garçon j'avais fait attention. Et ça ne changeait rien à l'affaire, mais c'est seulement à ce moment-là que la prise de conscience a eu lieu qu'une étape de vie était belle et bien achevée et qu'une autre, plus insouciante sans doute (3), s'ouvrait. 

Ça n'est sans doute pas (si) anodin.

 

 

PS : Pour les moins de vingt ans que ce billet pour l'instant ne concerne pas, le titre vient d'une chanson à succès de Jeanne Mas (1984) (si un des symptômes de l'autisme asperger est de savoir par cœur trente ans après toutes les paroles des chansons à succès d'une époque ancienne y compris et surtout de celles dont on se contrefoutait et qu'on n'écoutait jamais exprès, je suis aspie à n'en pas douter)

(1) D'où enfant ma prédilection pour le foot : que les pieds.
(2) Si ça tombe ... non, rien. Le vrai écart entre hommes et femmes d'orientation hétérosexuelle est là : les hommes peuvent très tardivement devenir à nouveau pères. Qu'est venu stimuler le viagra.
(3) et moins soumise à l'anémie, mais ça, wait and see. J'ai trop peur d'être déçue.

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La première course à grande affluence


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(minuit, tomber de fatigue, billet non relu)

Nous avions déjà participé à un 10 km officiel mais c'était dans notre ville, zéro vestiaire, gambader puis rentrer chez soi, tranquilles. Quelques centaines de participants.

C'était il y a 18 mois et tant de choses ont depuis changé pour moi.

À présent et suivant un mouvement d'inscription lié à l'entreprise de l'homme de la maison (1) (2), il était l'heure de passer à de grandes courses organisées. À défaut de pouvoir me lancer dans le triathlon peu compatible avec ma #viedelibraire, j'espère dans environ un an devenir capable de semi-marathon mais une telle distance se tente mieux en courses, il me faut donc m'habituer à ne pas seulement courir en liberté.

Le problème du nombre, comme je m'y attendais, était celui des consignes. J'ai commencé à mourir de froid en attendant après la course de récupérer mon hoodie, mes mains sont restées glacées et insensibles au moins vingt minutes après l'attente, malgré le bon refuge dans un chaud café. L'homme avait opté pour l'attitude Je suis un super-héros qui ne craint pas le froid et était parti de la maison en short et tee-shirt. Ne disposant que de l'option Je suis une wonder-woman qui frétille par temps de canicule, je ne pouvais en faire autant. Nous rendre sur place en voiture ne nous avait pas effleurés un seul instant. Je meurs de froid très facilement. J'appréhende l'hiver en librairie.

Ce n'était vraiment pas de chance, un temps idéal la veille et aujourd'hui si froid. #myluckylife.

L'ambiance course était sympathique, des touitons me l'avaient dit, ils avaient raison. 

J'ai couru seule la plupart du temps. Par rapport aux camarades collègues de l'homme, mon rythme est lent. 

Lent mais constant alors c'était drôle après avoir été dépassée par bien des gens de les doubler vers les derniers kilomètres. J'ai découvert à cette occasion que pour des personnes jeunes et de pleine santé, faire 10 bornes sans préparation n'est pas un problème du moins à envisager. Après, ils ou elles finissent dans des états de fraîcheur variables. J'étais loin d'être dans le rouge de ma jauge de fatigue supportable.

"Allez maman" disait ce beau drapeau tenu fièrement par deux bambins (à vu d'œil, 3 et 5 ou 6 ans) tandis que le ou la plus jeune riait aux anges dans sa poussette et que le père, fier (d'eux, d'elle, de lui même qui avait été capable de les mener en deux points successifs du parcours sans tarder), tenait.

"Pour Françoise" indiquait un dossard (un vrai : dans le dos) que portaient chacunes trois femmes qui courraient côte à côte. Je me suis prise à espérer que Françoise se battait contre un cancer actuel et que ce "pour" ne signifiait pas "à la mémoire de". 

Bon, alors ça allait que nous courrions dans un bois, parce qu'il m'aura fallu improviser une pause-pipi afin de répondre à une envie intempestive à laquelle l'attente préalable (3) dans le froid n'était pas étrangère. J'espère que pour les courses de pleine ville des toilettes sont prévues. 

Même en courant je trouve des objets perdus ou jetés (en l'occurrence : un mouchoir).

J'ai un peu regretté de n'avoir pas le tee-shirt de la course afin de participer à l'harmonie d'ensemble  Photo1157

Partie avec retard pour cause de file d'attente aux consignes et que la couleur de dossards qui était la mienne n'avait pas de file dédiée, je n'ai pas vu comment fonctionnaient les sas de départ, on nous a fait passer directement. La densité de coureurs n'a donc été une gêne à aucun moment et je ne crois pas avoir gêné qui que ce soit. 

Curieux comme lorsqu'ils ont un service à demander, les gens s'adressent parmi un lot d'inconnus directement à moi. Je sais que j'ai une tête à chemin et j'aime rendre service mais c'est parfois lassant (à force) (lorsqu'en l'occurrence on ne peut pas aider, à moins de se compliquer l'existence ce qui n'est pas mon activité préférée - elle est souvent pour moi bien assez compliquée -). 

Les orchestres sur le long du parcours, c'était dansant, c'était bien. 

Le nombre de personnes qui courent avec des oreillettes et des gros appareils de statistiques corporelles et temporelles m'a impressionnée. Comme disait l'ami Hugues, bientôt la société de consommation n'aura plus un seul nouveau terrain de chasse. Pour une activité aussi simple que courir il n'est besoin que d'une bonne paire de chaussures (du moins si l'on ne pratique pas le "pieds nus"), le reste vous a été rendu indispensable et vous y avez cru (4). L'homme de la maison comme les autres qui ne court plus vraiment avec moi depuis qu'il a sa montre qui mesure tout.

Les passages anxiogènes des véhicules de secours. Et une jeune femme à oreillettes qui devait écouter à très fort volume puisque ce sont des coureuses proches qui lui ont fait signe de s'écarter alors que la sirène nous vrillait les tympans.

Les personnes qui en attendent d'autres et les engagent à tenir bon. Il faut être très fort pour courir à un autre rythme que le sien. Y compris inférieur.

Les collègues qui m'ont encouragée vers la dernière boucle, je n'en revenais pas : à la fois qu'ils soient déjà là (tout rhabillés tout pimpants) et qu'ils aient pensé aussi à moi, l'élément rapporté et de peu de prestige, rythme lent. Ça faisait plaisir.

L'excellente idée qu'avait eue Adrien de nous faire repérer le parcours quinze jours plus tôt.

Il est difficile de faire comprendre que l'on peut agir lentement sans être en difficulté. Ça vaut dans cette société pour toute activité. Qui peut encore comprendre qu'on va lentement par choix ou décision murie ? #frenzysociety 

Se trouver un moment à courir le long d'un homme à la silhouette proche de celle de F. avoir l'illusion un instant que c'était lui et comme je ne m'y attendais guère (ou : avoir l'illusion parce que je ne m'y attendais guère), j'ai manqué un souffle ou deux (ou trois) puis je me suis reprise. Putain de chagrin qui ne lâche (encore) rien. 

Les kilomètres qui ont suivis j'étais très seule (malgré la petite foule qui avançait à petites foulées).

Plus tard, j'ai retrouvé un ami. 
Encore plus tard je me suis rendue compte que j'en avais sans doute perdu un autre en raison des péripéties de sa vie. Sans doute que je joue une fois de plus le mauvais rôle de "la femme qui en savait trop". Comment dire à ceux qu'on apprécie Ne m'en racontez pas trop afin de ne pas le regretter après et me rayer de vos (nouvelles) vies comme une menace potentielle ?

J'ai entendu d'étranges ou douces bribes de conversations. Dont un homme qui expliquait à ceux du groupe avec lesquels il courait, Ne le prenez pas mal mais quand je cours je ne parle pas.

J'ai songé, C'est un peu comme moi. Je conçois l'exercice physique comme une forme de méditation pendant laquelle l'écoute au corps est primordiale (sous peine de malaise plus que pour une recherche de spiritualité). Mais si l'on me parle, je réponds. 

- On pourrait faire du co-voiturage (proposition d'un trajet à pas cher car un éloignement familial semblait causé par le coût du déplacement).
- Oh je ne m'entends pas avec ma belle-sœur (en fait il ne s'agissait donc pas d'argent). 

J'ignore mon temps de parcours. Le chronomètre général indiquait 1h26 mais à partir du départ des premiers. Or nous n'avions franchi la ligne de départ qu'un quart d'heure ou vingt minutes après.

Sur ma montre dont j'oublie la marque sans arrêt j'ai mis 1h10 environ. Soit mon temps habituel. Un peu moins si l'on décompte les instants photos et la pause pipi.

J'admire ceux et celles qui courent malgré un certain embonpoint. J'ai déjà tant de mal avec mes propres kilos (dont quelques-uns depuis deux hivers en trop), comment font-ils pour développer l'énergie nécessaire à déplacer leur masse ?

J'aime ceux (celles aussi, mais c'est moins fréquent) qui donnent l'impression de courir lentement car leur foulée est longue, mais vont vite en fait. Généralement des hommes fins aux jambes interminables (5). 

L'homme était ravi de son temps et d'approcher les 12km/h. Bientôt nous ne ferons plus que partir ensemble lors des entraînements.

Je crois que ce jour à Bruxelles où nous étions venus encourager Pablo dans son marathon n'est pas étranger à notre transformation en coureurs à pied. Quelque chose dans l'ambiance ce jour-là nous portait, donnait envie de ne pas se contenter d'être au bord de la route. Merci Pablo.

J'ai subi d'autres influences, Tarquine, Thierry ... et la nécessité particulièrement en Normandie de trouver une alternative à la pratique de la natation laquelle nécessite un plan d'eau à température supportable, mais une étincelle date de ce jour d'octobre 2011.

Sans la pratique régulière de la course à pied je ne sais si je pourrais faire face à l'engagement physique de ma #viedelibraire. Il s'est trouvé que c'est venu à point nommé.

Mon numéro de consigne était le 409  PA050003 - Version 2

et celui de mon dossard 29973. Pourquoi est-ce que je m'en souviens ?

Les distributions de flyers à l'arrivée, pour d'autres courses dont un relai. Cet homme qui annonce l'une d'elles "pour lutter contre le cancer de la prostate". Nous venions de gambader au profit de la recherche contre les cancers du sein, j'ai cru qu'il plaisantait.
Il semblerait que non. 

- Si vous attendez pour recevoir un sac, regardez, ici, une dame en distribue.
(reconnaissance éperdue envers cette inconnue qui a réduit mon attente dans le froid ; peut-être que j'étais bleue).

Parmi les goodies, des serviettes périodiques. Évidemment.

Et une lessive "spécial sport" afin de "préserver la technicité des fibres". C'est ce qui s'appelle de la segmentation.

Cet étrange mécanisme de ma vie à Paris qui me fait toujours aller successivement deux fois dans un même lieu (je parle de ceux où je n'ai pas mes habitudes, de quartiers éloignés) : ainsi j'étais à nouveau dans le café qui nous accueillis, joyeux, avec entre autre Christopher Boucher et son père et Benoît et sa mère lors du festival America. Il me semble déjà d'une saison passée. Ça m'a fait plaisir même s'il le faisait avant tout pour lui, que l'homme de la maison me propose cette étape avant de repartir, moins frigorifiés. J'avais retrouvé l'usage de mes mains.

Somme toute et donc, et même si j'ai essuyé un fameux coup de blues en redescente, le froid induisant un surcroît de fatigue laquelle s'est empressée de faire entrer le chagrin, une très bonne expérience que je renouvellerai volontiers. 

 

PS : Retour à la maison avec une solide envie de sieste, mais voilà que c'était la fête au jardin d'en face PA050001dûment agrémentée par un crooner au vibrato pataud et qui défilait un à un tous les succès des années 70 et 80 du siècle dernier. J'ai été à deux doigts de m'en aller trouver refuge au ciné, ou plutôt deux pas que je n'avais plus la force de faire. Il faut bien qu'il existe quelque inconvénient d'avoir un jardin d'en face. #myluckylife 

 

(1) Ça m'embête parce que cette expression depuis le livre d'Édouard Louis peut être interprétée différemment. Or je n'y mets aucun jugement, l'expression m'était plutôt venue par antithèse d'une autre qu'employait Anne Savelli dans son "Décor Lafayette" et pensée dans une acception affectueuse.

(2) Mais j'ai payé à titre personnel mon inscription. Ce qui fait qu'au bout du compte j'étais dans la situation de courir aux couleurs de l'entreprise tout en n'ayant pas le tee-shirt "Odyssea" et en ayant une inscription individuelle. Pas étonnant que j'aie une sorte de phobie administrative : quoique je fasse pour quoi que ce soit je ne rentre jamais tout à fait dans les cases. 

(3) de celui qui était la veille allé chercher les dossards. Et des collègues qui souhaitaient partir ensemble.

(4) Oui je sais vous tenez à améliorer votre performance, votre temps, à éviter une crise cardiaque, rythmer votre course, mais à moins de viser le haut niveau est-ce à ce point important ?

(5) plaisanterie privée ;-) (mais n'empêche, c'est vrai).


Longtemps je n'ai pas eu la télé

(mais je ne me couchais pas spécialement de bonne heure : je lisais).

 

Entre 1981 et 1988 avec l'apparition du câble dont notre ville était pilote, je n'avais pas la télévision, déjà elle me semblait superflue alors que l'internet grand public n'existait pas. Le câble m'a permis de regarder des chaînes étrangères, des séries américaines de qualité, "Arrêt sur images", "les Guignols" et des émissions du vendredi soir tard sur la mer et la planète (la vie des gens sur).

Quand je suis tombée dans l'écriture, je n'ai plus eu le temps, il me restait quelques séries (dont NYPD Blue et 6FU, la dernière que j'ai suivie), et puis en 2005 à partir du Comité de soutien qui ne me laissait avec le job à l'"Usine" plus aucun temps disponible, plus rien.

Je n'ai jamais repris. L'apparition de la télé-réalité a achevé de me détacher de son support. Parfois je regarde sur l'internet une émission qui concerne des ami(e)s. Difficilement en DVD un film. Un peu le sport mais plutôt sur sites, via l'ordi et sans les commentaires franchouillards insupportables (et assez peu techniques, pour le foot c'est flagrant d'avec les commentaires italiens ou anglo-saxons).

Ce qui fait que je ne connais pas certaines choses que la plupart des gens connaissent. C'est d'ailleurs avec l'absence de permis de conduire (ou de son usage) quelque chose d'assez parisien - la plupart des personnes que je fréquente n'on pas la télé ou ne la regardent pas : l'offre culturelle est si forte et les journées de travail si longues pour ceux qui ont des postes d'encadrement -.

Là où c'est plus amusant c'est que correspondant à mes premières années sans, j'ai des zones inconnues, un peu comme si j'avais vécu tout ce temps dans un pays lointain.

À la grâce de l'internet je redécouvre ainsi soudain des video-clips de chansons que je connaissais bien, sans en avoir jamais vu les images ou si fugitivement qu'oubliées. Par exemple celui-ci 

 

 

qui a vraiment beaucoup vieilli (ç'en est presque attendrissant). Ces clips des années 80 sont intéressants comme témoignage d'un temps sans l'internet ni téléphone portables. On mesure à quel point ces objets ont changé nos vies (avec la photo numérique pour ceux qui s'adonnaient à la photographie).

Au fond mon boulot aura toujours été de capter l'air non-télévisuel du temps.


L'écart parfois long entre le dernier jour avec et le premier jour sans

 

C'était donc aujourd'hui depuis 32 ans mon premier jour vraiment sans - il y eut à deux périodes une dizaine de mois sans, très volontairement, mais il n'y avait jamais eu d'autres interruptions. Et peut-être une seule fois (ou deux ?) un oubli, qui correspondait (allo Dr Freud ?) à une journée bruxelloise (hélas ?) sans aucun risque.

Le dernier jour avec fut la semaine d'avant et c'était fort curieux, précisément ce décalage. Car finalement le dernier jour avec ne marque pas une fin alors que le premier jour sans, si.

Le premier jour sans fait bizarre, je n'ai pas encore l'habitude de l'insouciance absolue. En fait et en l'absence de symptômes, je n'y crois pas vraiment. J'ai l'impression d'avoir atteint un nouveau niveau dans le jeu de la vie. Un niveau où plus grand chose ne devient très risqué, ni n'a vraiment d'importance - le risque que le désir créé un indésirable tend désormais vers zéro -, mais où l'espoir de faire l'amour n'existe plus trop non plus.

Je remarque alors que bien d'autres couples (dernier jour avec, premier jour sans) fonctionnent dans une existence (et plus particulièrement une vie de femme) avec des écarts de temps.

Le dernier jour avec le bien-aimé fut de plusieurs mois loin du premier sans lui lequel précédait de très peu des retrouvailles prévues. D'où qu'il s'est sans doute résolu avant qu'un paparazzo ne le saisisse en scooter sortant de chez sa nouvelle conquête quand il a su que je perdais l'emploi qui me rendait utile à son travail, à me prévenir à ce moment précis. Il se doutait que je ne ferais pas défaut pour un petit boulot que j'effectuais pour lui à titre affectueux la semaine suivante, parce qu'il concernait deux autres personnes qui n'étaient pour rien dans son comportement. Et que je suis du genre qui ne fait pas faux bon.

Le dernier jour de mon boulot d'"Usine" précéda de trois mois mon premier jour officiellement sans - un 1er avril, ça ne s'inventait pas -. Mon dernier jour avec l'amie qui tant comptait précéda de huit mois le premier jour sans elle dans ma vie - "Je n'imagine pas la vie sans [Biiiip]" a déclaré plus tard celle qui m'avait succédée et à laquelle je devais, sans qu'elle n'en sache rien, mon éviction ; je n'imaginais pas plus qu'elle, j'ai été en danger -. Elle n'était déjà plus là, la grande amie, la presque sœur, que je la croyais toujours proche, et simplement trop prise par tout le boulot qui l'accaparaît.

Le dernier jour avec mon père précéda d'au moins trois mois d'une terrifiante agonie le premier jour vraiment sans lui. Il n'était plus lui-même, tout cerveau dévoré.

Je pourrais continuer cette liste plutôt triste encore longtemps. Même s'il doit bien y avoir en particulier dans les moments de convalescence, un tel écart possible de façon positive.

Je me demande ce que la suite me réserve. Je ne parviens pas à croire que je ne vais plus saigner. Qu'un certain nombre de petits tracas physiques périodiques me seront désormais épargnés.

Au moins cette fois, le premier jour sans n'était pas une accablante surprise, puisqu'au dernier jour avec je le savais prévu. 

Mon premier geste du matin est désormais d'ouvrir "La Recherche" et d'y lire environ deux pages et demi. Rituel que j'avais mis en place avant de savoir que celui de la chimie protectrice allait prendre fin. Cette chance du "juste avant" qui m'aura sauvée si souvent. Puisse-t-elle perdurer.