J'ignore exactement quelles substances contient le sirop contre la toux que le médecin m'a prescrit, mais il semble efficace, elle a cessé de m'arracher le haut des poumons / le fond de la gorge à chaque quinte pour devenir un gros machin profond qu'on peut interpréter comme un En voie de guérison. Il n'est pas sans effets secondaires.
D'abord c'est pour moi un redoutable somnifère. Mon corps croit en effet depuis notre plus tendre enfance que truc qu'on absorbe par en haut sorti d'une boîte venue d'une pharmacie = produit pour dormir. J'ai eu le plus grand mal à lui expliquer que le Guronsan, non. Mais je crois que c'est la seule exception qu'il a intégrée avec la vitamine C à laquelle il consent un effet de bienveillante neutralité.
Donc depuis jeudi je fais des nuit de dix et onze heures, me réveille le temps d'un brin de toilette, d'une esquisse de repas, d'observer sur les fils d'infos le monde se gorafiser (1) à très grande vitesse, et me recoucher avant le début de la prochaine guerre mondiale (2). J'ai hâte de reprendre le travail (3), outre que je ne suis capable de rien d'utile, c'est un mode de vie passablement anxiogène.
Ensuite il doit y avoir un pouillème de quelque chose qui fait voir la vie en rose (4), à moins que ça ne soit la vision de Ballet Schools videos en chaîne avec leur cinquième de désossés (5), mais je fais des rêves extatiques. Ça fait trois fois déjà que Barack Obama, avec le secours de l'armée où tous ne sont pas givrés, revient en super héros sauver les États-Unis et by the way, le monde entier.
Et puis ce matin j'ai eu la surprise de rêver ma mère avec un nouvel élan de santé, elle était chez elle, s'était relevée (6), du coup on s'empressait de réaménager sa maison pour une vie valide retrouvée. Dans le jardin passaient deux ados qu'un de mes amis libraire avait invitées, et elles venaient nous prêter main forte ainsi que des touristes anglaises dont l'une était une auteur fameuse mais qui profitait de voyager incognito alors je faisais comme si de rien n'était. À nous tous on remettait la maison en ordre normal de marche et ma mère nous préparait du thé.
(Elle n'était plus antisémite ni raciste comme elle l'a prétendu toutes ces dernières années).
Peu après j'étais dans Paris vers la rue Béranger et j'allais au théâtre voir un monologue dit par une actrice que j'admire et écrit par l'ancienne amie (7), puis en sortant j'allais au ciné voir un film d'un réalisateur qui m'émeut (il me semble que c'était Wim Wenders). En sortant et en attendant au passage piéton qui permet de traverser vers la rue Béranger (sans doute que nous allions vers le siège historique de Libé, retrouver Florence Aubenas), je me retrouve sans l'avoir vue avant auprès de l'ancienne amie, qui avait mis le même temps que la durée du film, à quitter le théâtre et parler avec ceux qui y travaillaient et elle me parlait soudain comme si nous ne nous étions jamais perdues. J'embrayais avec facilité, supputant que les explications viendraient plus tard, si tant est qu'un jour elles venaient, et sur le principe de Voyons ou ça va nous mener, je n'ai rien à perdre d'essayer (mais restons sur nos gardes cette fois). De toutes façons j'étais trop heureuse à l'idée de revoir Florence. Il y avait un beau soleil d'après averse, il ne faisait pas froid. C'était le printemps, sans doute.
Peut-être que ces rêves sont là pour me permettre de sortir de l'épisode malade, peut-être aussi pour indiquer alors qu'intellectuellement tout annonce que the dark times are coming and will last rather long - will we even survive ? -, il faut garder espoir en leur fin possible. Peut-être qu'il s'agit simplement d'un excipient du sirop contre la toux qui libère mon côté Bécassine Béate, qui au fond ne me quitte pas, même si ma lucidité froide le fait fréquemment taire. Désespérer ne sert à rien.
(1) Je pense que l'expression n'est pas de moi, j'ai dû la lire quelque part au passage, mais comme je dormais à moitié je ne sais plus bien la sourcer
(2) J'ai l'air de rigoler mais avec un fou au pouvoir aux USA je suis moins rassurée que durant bien des crises pointues de pendant la guerre froide
(3) Demain pour trois heures, ça devrait être jouable, si tout va bien
(4) N'y voir aucune allusion politique mais plutôt une référence en chanson
(5) J'ignore pour quelle raison - j'aime la danse, mais pas classique, j'y trouve les corps surtout les corps de femmes trop artificiellement contraints, le système archi-hiérarchisé flippant, et la répartition des rôles prodigieusement agaçante -, mais je leur trouve un effet apaisant. Sans doute le côté impérissable et international, malgré les soubresauts du monde. Et que ça bosse dur, et c'est réconfortant de se dire ça : rien ne résiste au travail, du moins tant qu'on a un certain nombre de capacités fournies au départ.
(6) de la semaine, je ne l'ai vue, mais les nouvelles prises indiquent l'inverse
(7) C'est réellement arrivé il y a quelques années.