Documentaire "Mères à perpétuité" de Sofia Fisher
15 octobre 2024
Si vous vous sentez assez solides en ce moment, foncez voir (disponible sur YouTube jusqu'en décembre, et sans doute sur le site d'Arte) :
documentaire de Sofia Fisher, au sujet des femmes qui commettent des infanticides. Il est passionnant et permet de comprendre comment, poussées à bout et si l'on a un point ou un autre de fragilité, on peut en venir à tuer pour protéger du danger. À tuer pour ne pas qu'un autre, violent et agressif, fasse pire.
Voici ce qu'en écrit Catherine Pacary dans Le Monde.
J'aime quand une œuvre, un travail, qu'il soit film, pièce de théâtre, livre, musique permet de comprendre ou d'approcher à la compréhension, de ce que l'on ne comprend pas.
Il se trouve que je suis née avec au fond de moi une force et une stabilité, qui n'a vacillé qu'en deux fois, face à des actes de revirement de personnes que j'aimais. Et jamais je n'aurais pas de mal à autrui au cœur même du vacillement, lorsque ce qu'on subit dépasse l'entendement. Je n'y ai aucun mérite, je crois que je le tiens des lignées de femmes fortes qui m'ont précédées, Ernestine et Berthe d'un côté et aussi côté italien une arrière-grand-mère ou arrière-grand-tante qui avait tenté de se soigner elle-même d'une maladie dangereuse, m'a-t-on rapporté. Ma grand-mère paternelle, était, j'ai l'impression, pas mal non plus, dans le genre qui ne se laisse pas abattre et qui quoi qu'il advienne, cuit pour tout le monde des spaghetti - l'équivalent italien du comforting tea britanique -.
Alors je comprends mal certaines pertes de repères de mes contemporaines (1).
Ce documentaire m'a éclairée.
Je me sens très reconnaissante envers les personnes, qui sont parfois les proches des personnes concernées, et qui ont accepté de témoigner.
Et je me dois de réfléchir aux missives envoyées par des femmes à des juges, en prévision d'un procès pour infanticide (il se trouve que c'était en Belgique). J'ignorais que l'on puisse faire ça, tenter d'apporter sa pierre à l'édifice, de s'adresser en direct aux autorités. Il y a peut-être un enseignement à en tirer.
(1) Les contemporains, je n'en parle même pas, je suis d'une génération grandie dans l'idée que la violence des hommes leur était constitutive et qu'il fallait apprendre à faire avec et s'en défendre lorsque nous devenions son objet. Que les guerres sont l'état normal, et l'exception la paix. Donc il n'y avait les concernant rien à comprendre, c'était comme ça.
Je suis heureuse de voir les nouvelles générations femmes et hommes intelligents, et aussi personnes non binaires, s'atteler à tenter de faire changer les choses, même si je crains qu'elles ne parviennent à avoir gain de cause qu'au moment où la planète sera épuisée et nous engloutira dans l'effondrement des ressources et du climat que l'humanité dans son ensemble aura provoqués. Resteront des bribes tribales de survivants et ça sera un retour à la case départ, la loi du plus fort, la violence pour l'appropriation du peu d'aliments et d'eau potable disponibles, car la survie des paisibles et des doux n'est concevable que dans un monde équilibré. Je vois l'avenir comme dans Enig Marcheur , quelque catastrophe nucléaire permettant éventuellement comme c'est le cas dans le roman, de devancer d'appel.
nb : note pour quand j'aurais du temps personnel (Mouarf se marre mon cerveau pensant), les interventions de Mathieu Lacambre étaient fort éclairantes. Aller lire ou écouter de plus près son travail, ce qui en est disponible auprès du grand public, pourrait être une bonne idée.