Le tri du dimanche (photos)


    Le dimanche lorsque je suis au calme, que j'ai pu faire du sport et dormir, mais que je suis trop fatiguée pour faire quoi que ce soit d'autre, je procède à du tri de photographies, et ménage, et sauvegardes.

Je pense que cela équivaut pour moi à une forme de méditation. Je procède volontairement avec lenteur. C'est cette lenteur qui rend l'activité reposante. Et me permet de retrouver quelques images qui me font plaisir, ou que le temps écoulé (j'ai quatre ans de retard, j'en suis à l'été 2018) ont rendu intéressantes, plus particulièrement dans ma ville en pleine mue.

 

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[25/08/2018 08:09:38 ; Cerisy-la-Salle]

Le 25 août 2018 j'étais à Cerisy-la-Salle pendant le colloque consacré à Hélène Bessette. Une des plus belles semaines de ma vie.
Mais une de mes tantes, laquelle vivait en Bretagne, est morte à ce moment-là. Alors j'ai quitté le moment magique pour retrouver ma famille pour un moment triste. Dans un certain sens quelque chose s'organisait bien : il y avait possibilité de prendre le train à une gare voisine, jusqu'à la commune où l'enterrement avait lieu, ou peu s'en fallait. J'ai pu retrouver ma sœur à la gare et nous avons pu effectuer ensemble le trajet. Et puis ce fut l'occasion de jolies retrouvailles.
Rétrospectivement, on a même pu se dire, étrange "consolation", que celles et ceux de la génération qui dans la famille nous précèdent, partis en octobre 2016, février 2017, et août 2018 auront échappé à une mort par Covid_19 dans le plus terrible isolement. 
Je suppose que j'avais pris la photo en sortant de la maison où se situait ma chambre, le matin de bonne heure avant de prendre le taxi puis le train.

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[26/08/2018 09:24:25 ; Cerisy-la-Salle]

Le lendemain, ce qui était déjà devenu un train-train quotidien, chaleureux et studieux, reprenait. C'était bien.

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[27/08/2018 11:35:00 ; Cerisy-la-Salle]

Seulement une semaine c'est court, alors très vite c'est la fin, la photo collective (où l'on me voit si heureuse, comme on peut l'être lorsque l'on a participé à quelque chose de collectif qui contribue au bien commun), le train du retour et l'un des plus somptueux fou-rire de ma vie, lorsque l'un des camarades me met en boîte avec humour au prétexte que la chambre que j'occupais était celle de Peter Handke avant moi.

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Le 31 août, celleux d'entre nous qui étions à Paris ou dans les environs, nous sommes retrouvés dans l'appartement de l'une des personnes organisatrices. J'avais vraiment apprécié cette attention, la façon de former une communauté à partir de personnes d'horizons variés, la littérature en commun, mais son côté humain.

Il m'en reste une photo que j'aime bien (et qui préserve l'anonymat des personnes concernées, c'est parfait).

 

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[31/08/2018 15:26:31 ; Paris]

 

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[31/08/2018 09:45:43 ; Paris, sans doute vers l'actuelle rue Rostropovitch]

Je retrouve des clichés dont le n'ai pas le souvenir précis, mais que je suis contente d'avoir prises sur le vif.

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[08/09/2018 08:38:44 ; Clichy la Garenne vers la cité Jouffroy Renault]

La vue depuis 2018 a passablement changé. Les petites maisons n'en finissent pas de pousser.

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[10/09/2018 19:10:58 ; Paris près de la BNF]

À l'été 2018 la librairie pour laquelle je travaillais a quasiment fermé, j'ai ensuite enchaîné les remplacements dans le cadre des Libraires Volants. Entre deux contrats, je fréquentais la BNF. Il y avait près de l'une des entrées de la ligne 14 cette œuvre sur un mur d'immeuble, magnifique, éphémère. Je suis heureuse d'avoir pu prendre cette photo avant qu'il ne disparaisse.

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[14/09/2018 18:09:44 ; Paris palissades du chantier de La Samaritaine]

Au titre des photos prises d'éléments éphémères, il y a ces palissades de chantier, conçues pour être belles, et exceptionnellement échappées de l'emprise publicitaires. Là aussi, je suis contente d'en avoir conservé la trace. D'avoir pris le temps lors d'un de mes trajets, probablement à Vélib, de m'arrêter pour le faire.

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[samedi 22/09/2018 ; Beauvais]

Le 22 septembre 2018 notre fiston partait en vacances pour l'Italie par l'aéroport de Beauvais avec des amis. Nous avions donc accompagné les jeunes et voilà qu'en repartant nous étions arrivés au moment d'une manifestation liée au Carnaval de Venise. C'était d'autant plus magique que totalement inattendu. Et j'étais heureuse pour une fois un samedi de n'être pas une "veuve de la pétanque".  

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[dimanche 23/09/2018 ; Vincennes]

Le 23 septembre 2018 je l'ai passé au Festival América. C'est typiquement le type de souvenirs qui m'ont été mélangés de par la pandémie : j'y suis allée fréquemment, et toujours avec plaisir et pour assister à des rencontres intéressantes, mais tout se confond désormais en un seul souvenir indistinct des ans, fusionnés sous un label "avant Covid".


Journée de récup

(lunedi)

 

Impossible de faire quoi que ce soit d'autre : mentalement, je souffre d'usure, il n'y a pas eu de relâche depuis l'automne 2016 pratiquement, entre les choses auxquelles il a fallu faire face dans la vie familiale (maladie finale de ma mère et tout ce qui s'en est suivi, en plus du deuil lui-même), puis le contexte général (la pandémie, la guerre à présent) avec un nouveau changement de métier (le 4ème, en gros, en fait) et ça n'est pas comme si ç'avait été de tout repos avant, l'année 2015 et ses attentats, ayant été terrible entre toutes.

physiquement, alors que je n'ai pas couru le dimanche mais seulement encouragé les autres, je suis dans le même état qu'après une session longue, c'est assez curieux. Comme si les copains m'avaient refilé leur fatigue d'après course et leurs courbatures

Fullsizeoutput_1e1dAlors je dors puis je regarde une vidéo de Rhys Mclenaghan dans laquelle il retrace son parcours jusqu'aux Jeux Olympiques.

Il y a là de quoi puiser tout courage, et presque pouvoir par ailleurs imaginer ce que pourrait être une vie sans l'épuisement de la thalassémie, une vie où l'on peut aller plus loin de soi sans le payer ensuite par deux journées clouée au lit. 

Adversité : trois blessures dues à l'intensité des efforts incessants (deux fois aux poignets, une fois à l'épaule), une éjection de club (l'impression qu'il a été la victime collatérale d'un conflit entre son entraîneur et le club qui était celui où il avait grandi, mais au résultat, fin violente, expulsion), pandémie qui repousse les jeux, oblige à s'entraîner dans son jardin en ayant construit son petit abri, et plus jeune des tracas scolaire que l'on devine à travers quelques mots.

À chaque fois, il revient, et encore plus fort.
(puiser courage dans cet exemple-là)

L'installation d'entraînement dans le jardin n'est pas sans me rappeler lorsque j'avais dégagé un simili terrain de pétanque in our own backyard. 


Rêve des temps fatigués - dodo therapy


    Si je n'ai pas de contrainte particulière, entre l'arrivée du temps hivernal et l'époque aux relents guerriers avec les menaces des extrémistes de tous les côtés, je dors ces jours-ci 14h/24, sans jamais vraiment cesser d'être ensommeillée. À croire que mon corps procède en interne à une forme artisanale d'automédication, et fabrique en circuit fermé une sorte de somnifère. Seuls le sport, le travail [pour d'autres] et certains rendez-vous me permettent d'y échapper. Ma semaine à venir dans une belle librairie sera la bienvenue qui devrait me sortir de ces heures sans issues. 

Du coup, je rêve.

Comme souvent je crois être réveillée, et que ça y est enfin, je vais pouvoir me lever, je me souviens de certains songes, juste avant de replonger. 

Ils se trouve que je connais chacun des lieux ou des rues ou des quartiers que les attentats et la traque conséquente ont fait nommer et pas seulement le Bataclan, mais les rues vers Répu, Saint Denis, Montreuil, les zones de Bruxelles mentionnées, y compris ceux d'un attentat prévu et déjoué. Les rêves retravaillent cette géographie et la violence qui l'a traversée.

 Aujourd'hui, ils étaient davantage d'épuisement. Et pour la première fois depuis douze jours, j'en ai fait un presque joli. Alors le voici.

Dans le rêve lui-même, je suis épuisée. Mais il n'y a pas d'urgence particulière, je semble en congés, ou peut-être suis-je enfant et ce sont les grandes vacances. C'est l'été ou du moins une saison chaude, l'air est sec, dans les intérieurs on voit la poussière voler dans les rais de lumière. 

À un moment donné je suis allongée dans le grenier de la maison de ma grand-mère maternelle (1), j'ai dû mettre vaguement un matelas par terre et j'y suis bien. Peut-être même lis-je un bon bouquin. Ça dure un moment le rêve comme ça. Je n'ai aucun souci immédiat, pas même de me soucier du repas. 

Puis j'entends ma mère dans les étages du bas, et je me dis que si je reste là je vais être enrôlée pour ci ou ça ou vais devoir entendre des propos que je n'aime pas, ou qu'elle trouvera un reproche à me faire, bref, c'est une menace potentielle à mon îlot de paix intérieure alors je sors par les toits - je ne sais pas comment, mais dans le rêve il suffit d'enjamber une fenêtre inclinée et alors qu'on est au deuxième étage on est aussi dans la rue de plain-pied -. Je vais vers un terrain de football qui ressemble à celui qui est près de la piscine à Clichy. 

Mais il n'y a personne. Les autres sont sans doute en vacances. De toutes façons je suis trop fatiguée pour m'agiter. À nouveau je m'allonge. Mon corps est las mais pas douloureux et je ne suis pas trop ensommeillée. Il fait toujours beau et chaud. Je regarde les alentours. Vers la place qu'occupe la piscine par rapport au terrain de foot d'en vrai, il y a des maisons qui ressemblent à celles de cette rue à Uccle que je connais bien. Mais elles sont plus hautes. À un balcon, je crois reconnaître quelqu'un que j'aimais bien, tel que je l'avais vu un jour alors que j'arrivais chez lui et qu'il fumait en m'attendant. Comme dans la réalité d'alors j'ai un doute dû à la distance. Mais je suis très consciente dans le songe même que c'est très agréable comme préoccupation. Je cligne des yeux et joue avec les effets de l'éblouissement du soleil. Il fait divinement bon (2). 

C'est alors que j'aperçois sur le côté gauche du terrain de foot désert un arbre, c'est tout à fait normal qu'il y ait des arbres sur les terrains de foot c'est pour apprendre à mieux dribbler (!). Et celui-ci est tout droit sorti des dessins de Claude Ponti, ceux du livre Ma Vallée (3). Je suis contente de retrouver un ami et qu'il soit venu me rendre ainsi visite (4). Le vent se lève et il en profite pour faire le clown comme si ça le chatouillait. J'éclate de rire et me sens moins fatiguée. C'était le seul souci de ce rêve de devoir rester allongée.

Mais je sais que ce vent annonce probablement un orage et qu'il va me falloir rentrer. Je savoure très consciemment un dernier instant d'être là puis je me réveille.

Je remarque qu'à part la silhouette de l'homme et la voix ou des bruits diffus maternels, il n'y a aucun humain et que pour autant je ne me sens pas seule. En très grande paix entre des éléments urbains agréables et de la nature. J'ai oublié de mentionner les oiseaux, ils sont assez nombreux et je les écoute (5). Peut-être de loin en arrivant au stade un chat, un chien. Bref, une ville dans la touffeur délicieuse de l'été, sans contrainte horaire et sans trop d'êtres humains.

 

(1) que je n'ai pas connue elle est morte en novembre 1944 de conséquences indirectes de froid et logement de fortune (et sans doute manque de médicaments) après le débarquement. Dans le rêve je suis dans le magnifique grenier de la maison où elle est morte et qu'il m'est arrivé un jour de pouvoir visiter.

(2) traduire : 28°C au moins.

(3) Il y a dans la vraie vie, non loin de la piscine de Clichy un arbre que j'aime beaucoup.

(4) Ça va parfaitement de soi que les arbres puissent être des amis des humains et leur rendre visite.

(5) Je pense que cette émission entendue ce matin avec des extraits de textes de René Char (Le paysage et la nature font la contre-terreur) n'est pas étrangère à ce songe.