S'imposer (du foot pour les filles)

 

    À l'occasion de cette coupe du monde qui rend enfin justice au fait que les femmes peuvent jouer au foot aussi bien ou mal que les hommes, en courant juste un peu moins vite et en étant un peu moins brutales globalement, ce qui rend le jeu plus fluide et beau, je lis et j'entends beaucoup parler de filles qui voulaient jouer, par exemple dans la cour de récréation, et que les petits gars rejetaient (1).

De mon expérience personnelle qui date des early seventies du siècle dernier je peux témoigner que jusque vers 13 ans et que les gars nous mettent généralement 15 à 20 cm dans la vue, courent plus vite, sautent plus haut, deviennent plus brutaux ou peuvent être plus tentés par des gestes déplacés, on peut parfaitement faire jeu égal, en compensant par une technique plus fine la pointe de vitesse que l'on possède plus basse.

Je jouais beaucoup avec les copains du quartier. Avec eux zéro tracas : on jouait ensemble depuis nos 5 ans, sur la placette devant les pavillons de nos parents puis plus tard au terrain de foot de la cité, j'avais ma place égale dans la bande, et à part quand ils se battaient, car je n'avais aucun goût pour ça - souvent je ne comprenais pas ce besoin irrépressible qui leur venait de se foutre sur la gueule -, ou quand ils se montraient trop bêtes (2), je partageais leurs jeux, et dans une moindre mesure eux les miens (3). 

Jouer avec un ballon avec les pieds, c'est simple, ça allait de soi. 

Alors c'est certain, j'avais un atout : si dans des équipes qui se formaient pour jouer ailleurs figuraient certains de mes potes, ils disaient Elle joue bien et la question que j'étais une fille était mise de côté. 

Mais il m'est arrivé plus d'une fois de devoir m'imposer. Il est vrai que l'époque se prêtait moins à des formes de harcèlement et d'exclusion d'un groupe que maintenant, vrai aussi que je n'en avais rien à carré que l'on me traite de ou considère comme un garçon manqué, j'ai pigé très très jeune que de toutes façons si l'on veut avoir une belle vie il faut se contre-foutre de ce que racontent les gens, de toutes façons ils trouvent toujours à redire. Je crois que sans l'analyser je percevais la somme infinies d'injonctions contradictoires auxquelles les filles un peu plus que les garçons (mais eux aussi) sont soumises et que j'avais décidé une fois pour toute que pour exister mieux valait faire selon sa propre inclinaison dans les limites du respect d'autrui.

Donc, voilà, filles de maintenant, si vous sentez qu'en pratiquant un peu, le foot vous pourriez aimer, ne laissez pas les garçons vous dissuader. Les premiers temps seront rudes, ils ne vous fileront pas le ballon ça sera à vous d'aller le chercher, donnez du jeu collectif, soyez bien placées pour sauver les ballons, offrir des solutions à un coéquipier, n'ayez pas peur des éventuels chocs on s'en remet, hors des terrains et des jeux organisés passez du temps balle au pied. À partir du moment où vous serez meilleures que les garçons qui jouent sans trop aimer ça, ça sera gagné. Soyez au dessus des insultes et des remarques à la con. Un jour, elles cesseront.

Vous aimez les sports co, courir, taper dans un ballon, il n'y a pas de raison de vous laisser confisquer ce plaisir par les garçons.

(Et si vous n'aimez pas, vous pourrez toujours savourer le fait qu'aucune injonction de genre ne vous oblige à vous y intéresser)

 

(1) Par exemple ici dans cette émission de France Culture. Mais aussi le jeune père triathlète d'une gamine de maintenant. 

(2) Les défis stupides qu'ils aimaient se lancer. J'ai toujours été la résistance à l'effet de groupe incarnée.

(3) Ils se joignaient volontiers à une marelle ou à des jeux de cordes à sauter quand elle était collective et assez physique (celle longue que l'on faisait tourner à deux quand une troisième et parfois une quatrième personne sautait). Bon, on n'avait pas encore inventé le double dutch, c'était déjà le bout du monde d'avoir une seule corde assez longue assez lourde. 


"Et la parole des femmes [...]"

 

    Bel article de Zyneb Dryef dans Le Monde et qui fait le point sur ce qui aura marqué la fin de l'année 2017, 

Et la parole des femmes se libéra

Je crois que si plus tard je retiens une chose et une seule de l'automne 2017, à raconter plus tard à mes arrières-petits enfants (1), ça sera celle-là, la libération de la parole des femmes, qui n'en pouvaient plus de subir toutes sortes de conduites de pesantes à violentes et de fermer leur gueule soit par peur des conséquences, soit en pensant que c'était ainsi, et souvent en croyant subir une sale conduite isolée. 

Ce qui ne laisse pas de me surprendre, c'est à quel point alors que je suis moi-même une femme, et pas née de la dernière pluie, et ayant aussi subi quelques effets de mauvaises conduites masculines - pas même forcément consciente de leur part, sorte de En toute bonne foi du colonisateur -, j'ai été justement surprise par l'ampleur du déferlement. 

Je crois que de n'être pas sexy, d'être sportive et vêtue le plus souvent à l'avenant, et d'être assez imperméable à la peur, celle qui fait qu'un début d'incident déplaisant peut soudain dégénérer et faire de nous une proie de choix, et prête à coller un bourre-pif à qui m'emmerde, quitte à me prendre un pain en retour mais au moins j'aurais essayé, m'a tenue à l'abri de bien des vicissitudes, jusqu'à l'âge auquel les hommes (hétérosexuels) nous mettent au garage même si nos corps ressemblent encore à ce qu'ils étaient. Je crois aussi que je me suis toujours sentie suffisamment libre pour ne pas me formaliser de certaines tentatives de drague un peu lourdes, dès lors que le gars ne devenait pas menaçant ni agressif devant ma réponse qui disait non, la Bécassine Béate en moi c'est toujours dit dans ces cas-là, Pauvre type comme il doit être seul pour tenter le coup jusqu'à une femme comme moi. Dès lors je n'ai pas perçu le peu que j'ai subi comme des agressions mais comme des moments tristes pour ceux qui ne se comportaient pas d'une façon élégante. Plus d'une fois des approches de drague de rue se sont transformées en conversations : des hommes seuls qui avaient besoin de parler et déjà heureux, et redevenus respectueux du fait que j'aie su écouter sans trop me formaliser de leur tentative déplacée.

Il n'empêche que je n'imaginais pas combien de mes consœurs avaient subi de saloperies et de coups et s'étaient senties ou se sentaient meurtries. Je crois que mon état d'esprit rejoint celui des hommes respectueux - il y en a -, atterré par ce qui fait le quotidien des autres, par l'ampleur des dégâts.

Je me méfie du retour de balancier, mais j'ai l'impression ou du moins l'espoir que puisque le courage a changé de camps : il est désormais du côté de celles qui osent parler et ne plus s'écraser, les choses s'arrangent vraiment et qu'un ré-équilibrage respectueux ait enfin lieu. 

 

 

(1) Comme Alice du fromage je pense que je tiens ce blog pour des lecteurs du futur qui le liront avec le même intérêt amusé (2) sur l'ancien temps que j'avais eu jeune femme à lire le journal de ce sacripant de Samuel Pepys, lequel aurait sans doute justement de nos jours des ennuis.

 (2) du moins je l'espère pour eux, et qu'il n'y aura pas eu deux ou trois apocalypses entre temps.


Ce qu'est être une femme

 

    "[...] j'ai découvert assez tardivement ce qu'est être une femme, en écrivant Le quai de Ouistreham. Car avant, pour moi, l'essentiel était gagné : les femmes votaient, avaient un compte en banque, travaillaient ... En plus, j'étais journaliste-reporter, je ne me voyais pas comme une femme, ce n'était pas la question, pas l'objet. 
Puis en faisant ce livre, en étant dans la peau d'une femme de 50 ans, seule, qui cherche du boulot, là, vous comprenez ce qu'est être une femme en France aujourd'hui. Ce regard condescendant sur les femmes, [...]" 

Florence Aubenas entretien dans Les Inrocks du 5 au 11 avril 2017

 

Je ne suis ni n'étais journaliste-reporter, seulement ingénieure et à présent libraire. Seulement il m'est arrivé peu ou prou la même mésaventure : dans un job ou je ne me percevais pas avant tout comme une femme, c'était un travail qui nécessitait du cerveau, j'ai avancé dans la vie avec un parfait aveuglement quant à ce monde des grands mâles blancs dans lequel, malgré de gros progrès du moins en Europe, dans les années 60 et 70, nous baignons.

Je voyais aux discriminations des causes explicables, par exemple sur les salaires et les postes intéressants, il était clair que les congés maternités étaient pénalisants (1) et j'ai ainsi eu droit, pour deux enfants, à quatre année sans aucune progression, celles du départ ("Vous comprenez cette année pour vous sera tronquée, ce ne serait pas juste par rapport à vos collègues qui auront fait l'année en entier"), celles des retours ("Vous n'avez pas de prime [ni d'augmentation, faut pas rêver, et je n'en demandais pas tant] cette année, vous venez de reprendre le travail, nous n'avons pas pu vous évaluer"). Seulement voilà, absences il y avait eu, même si c'était rageant, c'était compréhensible.

Et puis les discriminations de type nipotisantes étaient fortes dans ce milieu où certains et certaines, aux diplômes prestigieux (2) ou (inclusif) pedigree parfait, étaient embauchés en tant que hauts potentiels et destinés à des passages rapides aux postes intermédiaires, tandis qu'à niveaux d'études équivalent d'autres étaient embauchés pour souquer, condamnés à rester longtemps sans progresser aux postes où leurs compétences bien souvent les piégeaient.
Du coup, le fait qu'être une femme fût mon principal handicap ne m'avait pas effleuré. Ou seulement par sa conséquence : celui d'être mère de famille et tiraillée sans relâche entre travail et famille. 

Les différentes occasions où je me suis trouvée confrontée à des impossibilités genrées (jouer au foot en équipe, travailler sur un chantier une fois le diplôme d'ingénieur Travaux Publics en poche), j'ai toujours cru, ô naïve, qu'il s'agissait de vestiges d'un ancien temps bientôt révolu. Que j'arrivais simplement un tout petit peu trop tôt. Et que si un jour j'avais une fille, elle penserait que je parlerais de temps reculés si j'en venais un jour à le lui raconter. 

Par ailleurs, je ne suis pas particulièrement séduisante ni jolie, et mon éducation de gosse de banlieue m'a appris à me battre un peu, ce qui sans doute m'a épargné bien des ennuis : les quelques fois où des hommes ont eus envers moi des débuts d'attitude prédatrice, j'ai réglé ça sans avoir eu le temps d'avoir peur, en faisant face ou en filant, et ce fut assez peu fréquent pour que je range ces épisodes dans le casier Bon sang ils sont relouds les mecs une fois bourrés. 
J'ai vécu en couple stable depuis mes vingt ans, et jusqu'à très récemment j'étais totalement inconsciente que ça avait constitué une forme de protection : la plupart des hommes respectent, en tout cas lorsque la femme n'a pas un physique ou une surface sociale de femme trophée une forme de pacte de non-agression.

Il aura fallu les blogs et les réseaux sociaux qui ont libérés les témoignages, que certains hommes se mettent à dépasser les bornes aussi (il y a eu en quinze à vingt ans, un méchant backlash) et qu'enfin je devienne proche d'un homme qui se révélera plus tard et malgré une grande sensibilité et une apparence de féminisme (3) être de ceux qui considèrent tout naturellement les femmes comme des êtres de catégorie B, présents sur terre pour se conformer aux aléas de leurs désirs et qu'ils ne respectent ou révèrent que lorsqu'ils sont, pour des raisons essentiellement d'apparence physique et de jeux séductifs (4), devenus amoureux fous, il aura donc fallu tout ce cumul en peu de temps, pour que j'ouvre les yeux à mon tour et comprenne dans quel monde en réalité nous vivions.

Un livre aussi, d'Henning Mankell (5), Daisy sisters, qui m'a fait découvrir qu'une égalité possible que je croyais effective dans les pays nordiques, n'était pour l'heure qu'une illusion. La situation et les rapports entre les unes et les autres était simplement un peu moins pire qu'en France ou en Belgique, mais (hélas) pas tant.

Sans le faire exprès, j'ai finalement pas si mal lutté puisque je ne me suis jamais laissé dicter ma conduite par cette pression sur les femmes qu'exerce la société. Jusqu'à mon nom que bien qu'étant mariée j'ai conservé. Simplement je n'avais pas conscience d'être un petit rouage d'un plus vaste combat. Et pour moi le combat est contre les normes sociales, contre le poids du conformisme (dont certaines femmes sont les premiers vecteurs), contre le patriarcat, et non contre les hommes, dont beaucoup font ce qu'ils peuvent entre leurs aspirations (et désirs) personnels et le poids des siècles, dont pour le meilleur et pour le pire ils ont hérité (6). 

Il faut donc plus que jamais tenir bon, expliquer, ne pas se laisser faire et continuer.

C'est pas gagné.

 

[je me rends compte en relisant que ça doit assez ressembler à ce que ressentent des personnes que leur orientation sexuelle ou leur couleur de peau conduisent à être traitées différemment dans nos sociétés et qui n'en aurait pas pris conscience tôt dans l'enfance pour peu qu'elles aient grandi dans un milieu d'esprits ouverts ; mais je ne saurais parler pour eux, blanche et hétérosexuelle chanceuse que je suis]

 

(1) D'autant plus que je travaillais dans le milieu bancaire où à l'époque et j'en fus ravie, ils étaient particulièrement longs, permettant de bien avancer le bébé dans sa vie avant de devoir le confier à des tiers pendant qu'on filait gagner notre vie.

(2) La hiérarchie entre Grandes Écoles, ça n'est pas rien.

(3) Même les plus grands chanteurs ou poètes lorsqu'ils se croient entre eux, en viennent à tenir des propos sidérants (et si décevants). 

(4) Certaines femmes sont très à l'aise dans ces partitions là. J'ai toujours pensé que ça revenait à prendre les hommes pour des cons. Et puis un jour j'ai mesuré à mes dépends à quel point c'était efficace.

(5) preuve parmi d'autres que certains hommes ont tout compris et son nos frères humains pas des ennemis.

(6) Par exemple me fatiguent les tâches ménagères, je peux donc parfaitement comprendre que c'était trop cool pour eux d'avoir comme si c'était naturel, les femmes qui s'en chargeaient. Je ne peux nier qu'à leur place j'en ferais autant. M'agace que si j'étais un homme personne jamais (et sans doute pas ma propre conscience) ne me reprocherait jamais d'être un mauvais ménager. 

 

 


Un si beau jour d'été

 

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C'était un si beau jour d'été : du boulot, pas mal, mais partagé, et agréable - j'aime la part physique de mon travail, je me demande parfois par quelle erreur d'aiguillage (en fait non, je le sais) j'avais terminé coincée dans un bureau -, une vraie de vraie de belle journée d'été, pas même un orage en soirée, ça me met en forme, je me sens libre.

En rentrant j'ai compris pourquoi : l'affichage alterné horloge - thermomètre de bord de périph oscillait entre 36 et 37°C. La poignée de jours par an où c'est le cas à Paris c'est le repos de ma peau : aucun boulot thermique à assurer, d'un côté comme de l'autre c'est la même chose. Et, à condition d'avoir à boire assez, le fait de n'avoir pas cette régulation à effectuer m'offre un regain d'énergie, comme si l'économie faite de laisser le corps poreux, de n'avoir plus comme job que de le délimiter, permettait de redistribuer une force.

Le hic c'est qu'on respire mal (depuis de nombreuses années en ville chaleur = pollution de l'air renforcée), que les hommes se traînent, que là aussi depuis de nombreuses années, la chaleur estivale semble désormais considérée comme une catastrophe naturelle (1). J'en suis réduite à une jubilation solitaire.

Et puis il se trouve que ce jour aura été assombri par une catastrophe naturelle, une vraie, un fort tremblement de terre en Italie, des pires : en pleine nuit. Les gens dans leur sommeil meurent ensevelis. 

J'étais légèrement inquiète pour une amie - pas nécessairement pile sur zone mais savait-on jamais, parfois on rayonne un peu, lors de villégiatures -, fus finalement rassurée. Ma famille vit plus au nord. Et pour l'instant les uns et les autres semblent à la mer, en Sicile par exemple, voire même en Chine. Pour autant, même sans être directement concernée, je me sens concernée quand même, de tant d'années passée un mois durant au pays, il me reste une proximité, un sentiment de fraternité, plus qu'un cousinage.

Il n'y a rien pour l'instant que je puisse faire, ni aider physiquement, impossible de quitter le travail et à quoi pourrais-je être utile ?, ni financièrement car notre situation actuelle, même sans inquiétude immédiate, est sans visibilité. Il n'y a aucun dieu que je puisse prier. Je pense à eux. Peut-être que quelque chose se dessinera dans les jours à venir, des propositions, des possibilités d'envois. Au moins s'en faire l'écho.

Des pensées sans doute bizarres, alors que ma TL sur Twitter a fait se voisiner des images de villes syriennes fraîchement bombardées et de villages italiens effondrés : à quel point une fois écroulées nos lieux de logements humains se ressemblaient. Peu de couleurs vives (à se demander où passent nos objets en plastique lors tout s'éboule), pas de signe de modernité. La différence : l'absence de femmes dans l'un des deux cas, alors que dans l'autre on en voit parmi les secouristes mêmes. Et puis cette autre, totalement incongrue, et mal venue - pourquoi penser à ça, pourquoi penser à moi dans un moment pareil ? -, mais qui s'est faufilée : les deux personnes qui m'ont quittée avec brutalité, repensent-elles à moi lorsque survient quelque chose qui ramène mon deuxième pays dans l'actualité, ce pays qu'elles semblaient aimer (2). Quelle place occupe encore dans celui qui l'efface, la personne effacée ? J'ai beau traîner mes guêtres sur cette planète depuis un demi siècle, je n'en ai aucune idée. Il est grand temps que mes ami-e-s reviennent. Je pense un peu trop aux absents.

Plus tard je me rappellerai sans doute de ce jour comme étant également celui où des photos ont fait le tour des réseaux qui montraient ce que donnaient au concret ses décrets interdisants les vêtements tout habillés pour les femmes sur les plages, au prétexte de lutter contre l'islamisation - comme si le terrorisme tenait à ça -. J'avais mal compris, n'ayant suivi que de loin les débats, et cru qu'il s'agissait de ces tenues dans lesquelles les femmes sont entièrement camouflées, parfois même les yeux derrière une sorte de grillage de tissus. Pour moi, question de sécurité générale, personne, homme ou femme ne doit sur l'espace public circuler masqué à moins de forces armées casquées ou forces de protections en interventions - ou cas médicaux très particuliers -. Il faut qu'on voie le visage de qui on a en face. C'est du bon sens élémentaire. Mais pour le reste, on en serait donc là : dicter aux gens et aux femmes particulièrement comment s'habiller ?
Et quelle violence, ces hommes armés en train de demander à une femme qu'elle se dévête ne serait-ce qu'un peu. En plein soleil, alors que sa tenue, au fond, y est adaptée et que ce sont les gens dévêtus (attention : je ne réprouve en rien la nudité, c'est notre état naturel, c'est simplement souvent moche et pas des masses pratique) qui s'exposent à un danger qu'on semble persister à ignorer (3). 

Enfin, on se souviendra peut-être qu'il y avait l'annonce de la découverte d'une exoplanète potentiellement habitable. L'impression que ça n'est pas la première fois qu'on nous parle de quelque chose comme ça. Et que peut-être ça ne serait pas un cadeau pour cet endroit de l'univers si une part de nos représentants futurs s'y établissaient. 
Et d'ailleurs, comment devraient-ils et elles s'habiller ? (pour commencer).

Tant qu'on en est dans la vêture, noter pour en sourire plus tard ou au dur de l'hiver tenter de garder la mémoire de l'été, que j'ai revêtu pour dormir ma chemise de nuit de Californie. Photo du 24-08-2016 à 23.47 

En fait un très très long tee-shirt acheté sur place en novembre 1989, coton de qualité qui en vingt-sept ans n'a pas bougé, et que je ne mets (j'ai conservé mes habitudes du temps où j'avais froid) que les nuits des jours où même la nuit est chaude. Le coton confortable absorbe la transpiration.

Le souvenir de notre dernier grand voyage (rendu possible par mon amie Carole et sa famille), juste quelques mois avant que naisse notre premier enfant, ce si beau moment de nos vies, ajoute au bonheur des temps chaleureux.

 

 

(1) Mes souvenirs de 1976 sont qu'on ne se paniquait pas de la chaleur qui semblait normale (c'était l'été) mais bien de la sécheresse : les cultures dépérissaient, il y eut un impôt pour financer des indemnisations et aussi des rationnements d'eau ; plus le droit d'arroser son gazon, ni de nettoyer sa voiture, du moins dans quelques régions. Mais les habitants étaient encore considérés comme des adultes responsables capables de boire et se mettre à l'ombre sans qu'on n'ait à le leur dire.  

(2) Au point pour l'un d'y faire s'achever un de ses derniers romans, le dernier avant l'effacement.

(3) Ou du moins on croit que des produits à étaler sur la peau en protège alors qu'ils sont certainement porteurs d'autres toxicités.


Des Jambes Interminables on ne se méfie jamais assez


""Pour la énième fois depuis qu'elle était montée à bord, Gina croisa ses jambes, des jambes galbées et qui semblaient interminables. Le crissement soyeux des bas nylon mit John au supplice.""

avec quelques lignes plus tard le, de fait inévitable, "turgescent" (le taux de corrélation entre interminabilité des jambes et turgescence du membre étant, sauf chez certain auteur belge, proche de 1) : 

"" Gina glissa une main experte dans le pantalon de John à la recherche du sexe turgescent.""

"Le lecteur du 6h27" de Jean-Paul Didierlaurent (Au Diable Vauvert p 109) 

 

On pourra au lire de ces extraits se dire que dans le genre, c'est terrifiant et qu'il s'agit d'un mauvais roman

MAIS ATTENTION :

le passage cité est extrait d'une lecture à voix haute qu'effectue l'un des personnages à partir des feuilles sauvées hasardeusement du pilon. La scène est drôle : il se trouve à lire devant un parterre de personnes âgées, mais comme la façon de faire consiste à prendre dans le désordre et sans tri les extraits sauvés, voilà qu'il tombe sur celui-ci, qui enchaîne à tire larigot tous les clichés de scènes sexuelles vulgaires et sans sensualité ; et songe à en interrompre la lecture (en plus à ce moment-là faite par une tierce personne fort respectable) avant de constater à quel point l'audience est subjuguée.

Il s'agit donc de citation d'une citation. L'auteur s'en est visiblement donné à cœur joie pour en rajouter et je ne serais pas loin de le soupçonner d'avoir travaillé un jour comme relecteur pour un éditeur, on pressent qu'il sait.

Ce sont donc des Jambes Interminables, mais au second degré. On ne se méfie jamais assez.

 

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Au sujet des violences faites aux femmes (et par extension à tout groupe minoritaire supposé moins musclé)

Une très intéressante intervention qui circule sur twitter et qui m'est parvenue via @Mar_lard.

 

(et c'est là que je me rends compte que mon expérience personnelle m'a esquintée, pas pu m'empêcher de penser, J'espère que cette non-violence physique correspond aussi à une façon respectueuse de traiter (moralement) ses partenaires dans la vie ; je crains de traîner ce genre de pessimisme désespérant tout au long de ma vie restante ; ce brillant orateur n'y est pour rien, à part peut-être de se présenter si bien en défenseur, que le même mécanisme pourrait être à l'œuvre ("Enfin un homme à qui faire confiance et qui me comprend") qui m'a à nouveau mise cette année en danger)

L'art du politiquement incorrect (ou comment j'ai touché ponctuellement un tarif horaire intéressant)

 

En période de vaches maigres, les réunions de consommateurs peuvent être des sources d'un peu d'épinards dans l'assiette. C'est très aléatoire - il faut correspondre au coup par coup à des critères précis -, limité - sinon ceux qui les organisent ont des ennuis et potentiellement on en aurait aussi, il faudrait que ça soit déclaré comme travail - et pour les femmes souvent remarquablement inintéressant dans les sujets de sélection : la bouffe, le ménage, les enfants. 

Une fois au siècle dernier, le sujet de la réunion fut le whisky (youpi !) mais ils ne voulaient que des hommes : j'avais donc soufflé les réponses de sélection au téléphone à mon mari.

Cela dit elles m'ont sauvées plus d'une fin de mois lorsque les enfants étaient petits - beaucoup de réunions sont organisées au sujet des produits les concernant - et quelques-unes avaient été l'occasion de bien manger, de découvrir de vraies choses utiles et de faire quelques rencontres amicales. Certaines furent ludiques et drôles. 

Depuis un moment je me suis donc mise à nouveau sur les rangs pour d'éventuelles sélections. Mais la vie de peu de dépenses que j'ai choisie en quittant le monde de l'entreprise a fait de moi une piètre consommatrice (déjà que). De plus en plus souvent je ne connais même pas les produits dont l'usage habituel sert d'objet à la sélection. En plus d'être devenue inéligible à l'amour, je le suis en consommation. Sans réels regrets pour ce dernier point, en fait.

Par ailleurs, les lieux des réunions tendent à s'éloigner de Paris intra-muros sans que soit pris en compte un dédommagement pour le déplacement de qui en vient. Une réunion compensée par 30 € si 11,20 € passent dans l'aller retour en zone 5, ça paie tout juste son coup.

Sur celle d'aujourd'hui coup de chance : j'avais le bon âge et les bons enfants, il fallait pouvoir faire la réunion en anglais posséder un smartphone et pratiquer les réseaux sociaux ; les horaires et le lieu proposés étaient compatibles avec mon emploi du temps, je pouvais participer. Il était fait mention d'un blog ultérieur éventuel. J'ai eu la naïveté de me dire Chic alors, il va être question d'un peu de l'internet et je vais gagner de quoi rembourser quelques coups à boire aux amis que j'y ai (1).

Quelque chose était louche : les organisateurs étaient sur notre présence vraiment très insistants. Deux relances pour la confirmer dont une 10 minutes avant. 

La salle était munie d'une glace sans tain comme pour les identifications des Usual Suspects et de usual cameras mais nous n'avons pas eu droit à la courtoisie de l'avertissement quant au fait d'être filmées. Nous n'étions que des femmes, c'était mauvais signe - en plus que sans espoir de rencontre romantique -. Il a été dit rapidement qu'il s'agissait en fait d'une pré-sélection en vue de constituer une communauté de consommatrices sur l'internet, le but de la manip étant qu'on teste des produits ou du moins qu'on en parle genre comme entre amies mais sauf qu'en étant "récompensées" (2) par les marques concernées.  

C'était deux fois une embrouille : rien de tel n'avait été évoqué lors de la sélection pour la réunion, or ce n'est pas la même chose de venir s'entretenir d'un sujet que d'être embarquée dans un recrutement et quand bien même je leur plairais il était hors de question sauf à crever de faim que je participe à ce genre de sournoiseries. 

J'ai failli dire que Désolée, je n'avais pas compris ça, que ça ne m'intéressait pas, au revoir ; me lever, m'en aller.

Puis j'ai pensé que si je faisais ça mon dérangement ne serait pas même dédommagé. J'étais aussi  curieuse de voir un peu ce que ça pourrait donner. Mais pas trop longtemps. Je me suis dit qu'il devait être assez facile vu comme ils insistaient sur le mother way of life, de ne pas leur convenir, qu'en étant moi-même à fond ça le ferait : ils souhaitaient visiblement des femmes formatées et je n'en suis pas. 

Sur quatorze nous n'étions que deux ou trois à avoir nos vrais cheveux. Toutes les autres étaient teintes.

Il a fallu s'aligner par ordre de notation que l'on avait donné de 1 à 10 pour exprimer notre bien-être, comment on se sentait. Pour le coup c'était vraiment Round Up the Usual Suspects. J'ai été déçue : j'étais la seule apparemment à retenir un fou-rire. Pourtant il y avait parmi nous une réalisatrice.

Il fallait dire notre marque préférée et celle qu'on détestait. Déjà ça ne m'avait pas effleuré qu'on puisse dans l'absolu avoir une marque préférée : un produit précis dans un domaine défini oui (3). Mais je tenais du coup le bon moyen de ne pas m'attarder.

Sur quatorze, trois ont cité Apple et je crois qu'elles étaient sincères : c'est effectivement une marque qui a une identité en tant que telle et ses afficionados ou - nadas ont un vrai truc d'identification. Je n'aurais cependant pas pensé dans cette proportion-là. Je suppose que comme la sélection c'était faite sur téléphones et utilisation des réseaux sociaux, elles pensaient que c'était bien adapté de parler des outils d'accès, des téléphones les plus utilisés.

J'ai parlé d'une marque de whiskies (4). Pas très bien, j'étais fatiguée and my english was getting rusty. 

Les autres, toutes les autres, se répartissaient entre cosmétiques, fringues et petits délires gourmands (chocolats trucs ou machins, trop addictifs, trop bons). Une des participantes a même évoqué une chaîne de supermarchés (?!) (5). Pour certaines j'ignorais jusqu'aux noms des enseignes ou produits dont elles parlaient.

Concernant la marque détestée j'ai dit en ce moment Barilla et expliqué pourquoi. Ce qui a stupéfié plusieurs femmes : elles n'avaient pas eu écho des déclarations de ce cher Guido.

Première pause et ça n'a pas traîné : les trois férues d'outils informatiques et moi avons été appelées. Nos choix pas girly comme il fallait - même si ça n'a pas été dit, un tirage au sort (6) a été évoqué -.

J'avais pu répondre au sujet de Barilla, pendant le début de pause. Ce qui fait qu'en plus je n'avais pas perdu mon temps. J'ai trouvé cependant cavalier que nous n'ayions pas non plus été prévenues qu'il s'agissait d'une sélection directe par élimination (même si personnellement je m'en étais doutée).

Je pensais en revanche qu'on aurait encore un petit boulot à faire avant de partir et j'ai failli laisser mes affaires dans la salle pour les récupérer après. Même pas : direct dehors, avec quelques mots d'explication pour l'une des quatre qui semblait éberluée, alors que je retenais mon hilarité. 30 € pour 35 minutes de présence. Je crois que ça faisait longtemps que je n'avais pas été si bien rémunérée en tarif horaire et pour quoi que ce fût.

J'espère simplement que les femmes qui ont répondu par les nunucheries attendues des produits exprimant avec grâce leur féminité l'ont fait exprès.

 

(1) J'en ai un peu assez de vivre au crochet de mes amis. Quand on traverse une mauvaise passe, c'est d'un réconfort formidable de pouvoir compter sur eux. Quand elle se prolonge, ça devient gênant.

(2) "rewards" was the word.

(3) Par exemple parmi les cosmétique telle crème hydratante qui empêche la peau de vous tirer.

(4) Après avoir hésité avec une marque de serviettes périodiques ou de tampons hygiéniques, mais j'ai eu pitié de celles qui étaient peut-être dans leurs mauvais jours et que ça aurait pu rappeler douloureusement à leur intimité. Mon mauvais esprit serait redoutable s'il n'était pas si souvent par mon bon cœur limité.

(5) Elle a quand même réussi à dire avec le plus grand sérieux l'équivalent réactualisé de Ma marque préférée c'est Prisunic. Et l'animatrice d'en prendre note avec non moins de plus grand sérieux.

(6) Le sort était contraire à qui avait prononcé "Apple", il faut croire.

 


Petits avantages collatéraux espérés (issus potentiellement du mariage pour tous)

 

En plus que j'espère avoir quelques occasions de faire la fête, je viens ce matin grâce à ce post sur "vie de meuf", de me rendre compte que j'attends quelques améliorations de mon sort de (faible) femme grâce au mariage pour tous qui permettra à certain(e)s ami(e)s de convoler en justes noces.


Il m'a en effet fait me souvenir d'un truc qui m'a passablement agacée - et dont j'ai d'ailleurs peut-être parlé, je ne sais plus -.


Parce que j'étais plus efficace, organisée et, avant d'encaisser un peu trop de déceptions pour rester au taquet, bien plus fiable dans l'exécution des corvées (1), c'est moi qui malgré mon absolue détestation de tout ce qui tient de la paperasse, remplis chaque année la déclaration d'impôts (2) et le fait depuis les débuts de la vie commune avec le père de mes enfants soit bien avant la fin du siècle dernier.


Ce qui fait que ça a commencé loin avant l'internet. 


Il y avait deux colonnes : "Vous" et "Conjoint". Comme c'était moi, moi, je mettais mes émoluments dans la colonne "Vous" et ceux de mon conjoint dans la colonne "Conjoint". Je me demande bien pourquoi, mais ça me semblait logique.


Puis sont arrivées les déclarations en ligne et je ne sais plus pourquoi une mention quelque part m'avait fait entrevoir que dans le cas d'un couple le "Vous", implicitement, c'était le monsieur. J'avais vaguement cru que c'était lié au fait de saisir en se connectant, un truc du style : celui des deux qui se connecte c'est le mâle, forcément.

 

Plus récemment il y a eu les déclarations qui sont pré-remplies lorsque l'on est salariés. Et là, plus de doutes possibles : le "Vous" c'est le mec et le "Conjoint" sa nana. Du coup j'ai été tentée d'abandonner la corvée au monsieur puisqu'il en était titulaire, mais la peur de la pénalité de 10 % m'a fait renoncer.


J'espère bien que le mariage pour tous fera que la déclaration d'impôt deviendra pour un couple asexuée et que "Vous" pourra devenir tout naturellement "Celui ou celle des deux qui s'y colle de remplir ce putain de papier". Qu'au moins soit reconnu le mérite de l'accomplissement d'une corvée.


J'espère aussi que l'absence d'obligation de changement de nom sera aussi actée - j'imagine qu'un homme en épousant un autre n'aura pas nécessairement envie de voir modifiée pour cette seule raison son identité -.


Bref, de ce qui a été enfin accordé à tous, il se pourrait qu'en tant que femmes on puisse faire quelques pas de plus pour sortir de cette sorte de "catégorie B" dans laquelle même nos sociétés qui sont parmi les plus progressistes nous tiennent encore enfermées.

 

(1) Ça appelle un billet ultérieur au sujet de ces compétences qu'on acquiert à un niveau supérieur précisément parce qu'elles concernent des choses que l'on déteste faire (et que donc on apprend à s'y montrer ultra-efficaces - le danger étant qu'ensuite on se retrouve piégé(e)s par un "Oh toi qui sais faire ..." et à prendre en charge pour d'autres précisément ce qui pour nous représente une suprême corvée -).

(2) J'en fais même généralement deux mais c'est une autre (et triste) histoire et pour rendre service.