Devoir se faire à l'évidence


    Je parviens à assumer le boulot, à tenir le cap et le rythme, par moment plus difficilement mais je pense décemment.
Je parviens à assumer une partie des entraînements nécessaires à ma vie de triathlète. Sans celle-ci je ne serais de toutes façons pas en état d'assurer au travail.

Je suis en bonne voie de parvenir à refaire mon retard en terme de suivis de santé et actes nécessaires (des soins dentaires actuellement).

Je peux, si ça n'est pas trop souvent, m'accorder une activité de soirée : réunion d'une association dont je fais partie, rencontre à laquelle j'assiste en librairie ...

Mais si un soir je sors, il devient impensable de trouver en rentrant l'énergie, plus que le temps, d'écrire ici. C'est illusoire.
L'âge c'est : devoir se coucher au plus tard à minuit afin de pouvoir tenir la journée de labeur qui suit.

L'écriture en prend un coup, la radio, de facto, c'est fini (et j'en suis si triste), la BNF me manque terriblement (mais je ne désespère pas d'y retourner). Et bien sûr les ami·e·s.

Je m'aperçois que de façon insensible mais visible à présent j'ai quasiment renoncé à l'alcool et aux viandes. Je n'en consomme plus guère que lorsque je fais partie d'un groupe, invitée ou au restaurant et parfois en Normandie, et nous y sommes, fors confinement, rarement.

Plus que trois jours et ma semaine de boulot sera finie. J'ai un entraînement de CAP demain matin, une séance de natation vendredi, une soirée samedi. Les choses, désormais, se décomptent ainsi.


Photo d'autrefois

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Cette photo, retrouvée dans les affaires de mon père quand j'ai rangé trié déménagé la maison de mes parents, me fascine. L'homme à gauche est mon père jeune, la photo date probablement des années 50 à Paris. Elle n'était pas dans un album, il n'y avait pas de noms, je ne sais rien de plus et plus personne n'est là pour pouvoir expliquer.

En fait j'ai l'impression qu'elle pourrait s'intituler : 

Mon père et des ami·e·s dans un roman de Modiano

ou peut-être 

The no-name café 

Je m'aperçois que je ne sais rien, ou très peu, des amis de jeunesse de mes parents.

Quelques bribes du côté de ma mère car nous avons gardé un lien fort avec La Haye du Puits où elle a grandi. Une de ses amies d'enfance est même venue à ses obsèques et je lui en sais gré.

Des anecdotes du côté de mon père qui me racontait dans ses bons jours volontiers "Quand j'étais petit" ou "Quand je venais d'arriver à Paris". Seulement mon père faisait comme je le fais quand je relate un épisode qui implique des tiers, il ne les nommait pas, ne divulguait d'elles ou eux que ce qui avait un sens pour l'histoire qu'il avait envie de raconter. Ou alors il donnait les surnoms, car en Italie avec l'usage des diminutifs sur les prénoms, c'est courant. Donc il y avait le copain qui était une armoire à glace mais était tombé KO au premier coup de poings (bagarres de fin de bal musette), l'autre pote qui était "une force de la nature", et ses exploits horticoles et athlétiques, en plus de son boulot d'usine, etc., toutes  personnes sans autre désignation. Des prostituées d'un hôtel où il logea un temps près de la porte maillot et qu'il semblait tenir en estime et réciproquement quand il avait installé sur le WC collectif à la turque un système rabattant et la plomberie qu'il fallait pour les transformer en douche quand on le souhaitait. Il s'empressait de préciser qu'il n'était pas client, et que contrairement à d'autres il les respectait. Il racontait que son dispositif avait eu un inconvénient par ricochet : parfois les toilettes étaient longuement occupées par quelqu'un qui se lavait. C'était l'après guerre en France et les installations sanitaires laissaient à désirer. 

Un nom demeure car il s'agissait d'un couple que mes parents ont fréquenté durant mes petites années : Peppino ; je crois me rappeler qu'ils étaient plus aisés que mes parents. Et que par ailleurs lui était mort, car plus âgé (mais pas tant que cela ?), que c'était pour ça qu'ils ne se voyaient plus. Ou parce que d'autres avaient vers la fin ses faveurs ?

De loin en loin nous allions chez des collègues de mon pères ou eux venaient à la maison. Mais ma mère manquait d'enthousiasme, au fil des ans ce type de fréquentations s'est effiloché. J'y ai sans doute involontairement contribué car on m'avait fait croire que j'avais peur des chiens. Alors quand on allait quelque part où il y avait un chien, ses maîtres l'enfermaient à cause de moi et ça me rendait malheureuse, le chien pleurait derrière une porte, tout ça devait plomber l'ambiance. Après la naissance de ma sœur je pense que ma mère refusait les déplacements du dimanche. S'est alors ouverte la période, tout le monde en voiture et on se promène en voiture, l'usage de la voiture comme une fin en soi, on est heureux d'en posséder une, tout le monde n'en possède pas (1) ; avec éventuellement trois pas dehors dans un joli endroit (L'Isle Adam, le château de Compiègne, Chantilly ...).

Voilà pourquoi je n'ai aucune idée de qui sont les personnes sur la photo, probablement des fréquentations de mon père entre son arrivée d'Italie et le moment où il rencontra ma mère, dans le bus pour aller au travail, qu'ils empruntaient régulièrement vers Nanterre aux mêmes heures, avant que le travail pour lui, puis pour elle, ne migre à Poissy (2).

Il y eut bien sûr des fréquentations de voisinage - je me souviens des noms des voisins à Chambourcy alors que nous en sommes partis quand je n'avais que 5 ans 1/2 -, des fréquentations de parents d'élève - la famille Duval dont la petite Hélène était une grande amie de ma petite sœur, dont je me suis souvent demandée ce qu'ils étaient devenus -, des fréquentations via des activités, sportives en particulier, que ma mère pratiquait. Tout ça eut lieu plus tard, et peu de fêtes, sauf de famille avaient lieu à la maison. Les dimanche étaient de bricolage pour mon père, de sports dehors ou d'heures studieuses pour moi, ma sœur sortait peu et ma mère avait toujours quelque chose à faire. C'étaient des vies de travail, week-ends compris. La détente c'était : regarder la télé. Et donc personne ne venant qui aurait correspondu pour l'un ou l'autre de mes parents, aux années d'avant. 

Sur cette photo, qui sont les gens ? Quel(s) étai(en)t leur(s) lien(s) ?
Et où était ce café (potentiellement à Paris vers le XVIIème arrondissement) ? 

 

(1) rien à voir avec l'écologie ou le fait que les transports en commun suffisent. Tout à voir avec l'argent qu'il faut pour en acheter une. Le vélo est encore un moyen de transport comme un autre, mais qu'on rêve de laisser tomber pour l'auto ou, si l'on est encore jeune mobylette ou moto. Les scooters en France sont rares, mais en Italie très courants. 

(2) aux usines Simca  


Les souvenirs classés, les souvenirs vivants

    

    La vie n'ayant pas tout à fait été un long fleuve tranquille et m'ayant cet an dernier offert foule de temps rétroscpectifs, j'ai pris conscience de façon très aigüe qu'il y avait des souvenirs classés et d'autres encore vivants. 

Ou plutôt des périodes de vie closes et bien archivées quand d'autres semblaient encore en cours dans une vie parallèle. Je l'avais toujours constaté, mais le phénomène m'avait longtemps semblé respecter la chronologie. 

Je sais maintenant qu'il n'en est rien. 

D'une façon générale, ce sont les éléments de vie et les gens auxquels on tenait disparus brutalement qui restent encore en activité, comme si l'on allait reprendre le cours interrompu des choses. Sans doute l'équivalent mémoriel du membre fantôme chez les amputés. 

Pas toujours. 

Ainsi mon époque "à l'Usine" (1), stoppée violemment - for my health's sake, je ne reviens pas -, m'a pris 6 mois avant de refaire physiquement surface mais fut close aussitôt : je n'attendais que ça et avais l'intention de partir 2 ans et demi plus tard. Je n'avais pas encore signé ma rupture conventionnelle de contrat que déjà les souvenirs de cette période recouvraient une teinte passée, un air d'autrefois. Il s'est trouvé aussi qu'aucun des collègues avec lesquels je travaillais les derniers temps n'étaient des collègues de longue date et le management était passé par là pour rendre les gens méfiants les uns à l'égard des autres.  Du coup aucun lien affectif n'avait été brisé. 
Quant aux collègues et amis des services et époques passées, nous nous voyions déjà en dehors du taf. Mon départ de la grande entreprise où nous ne nous croisions plus, et encore, qu'à la bibliothèque, à la cantine n 'avait pas changé grand chose. 

Un temps qui aurait pu être très heureux pour moi, n'eût été la maladie puis la mort de ma mère, la période durant laquelle j'ai travaillé pour la petite très belle librairie Au Connétable dans le Val d'Oise, s'est close aussitôt : tout c'était passé comme si mon retour dans ma banlieue d'origine n'avait eu pour principale fonction que d'être à même d'accompagner ma mère en sa fin. Je me souviens d'une sorte d'étonnement amusé les premiers mois de mon alors nouveau travail, tandis que ma mère semblait certes vieillissante mais pas en si mauvaise santé, quelque chose comme Qu'est-ce que je fais [de retour] là ? Je n'avais de la région ni détestation ni nostalgie, ç'avait été une étape, l'enfance et l'adolescence, le choix de mes parents, lié au travail de mon père, de se fixer par là. C'était Paris l'important.
Et puis devoir aller si souvent à l'hôpital d'Eaubonne, proche de mon travail, devoir effectuer tant d'aller-retours à la maison de ma mère, avait donné une sorte de sens à ma nouvelle localisation. 
Du coup cette période s'est trouvée immédiatement fermée une fois les premières étapes du deuil franchies. Rangée sur les étagères du souvenir.
C'est très étrange.
Me manquent cependant certains clients et amis, et puis la personne avec laquelle je travaillais. 

La période durant laquelle j'ai travaillé dans le XVIème arrondissement et qui je m'en suis rendue compte en l'évoquant lors de récentes retrouvailles avec une amie, s'est fermée pour moi après l'attentat de Charlie Hebdo et les deux jours de folie tueuse qui ont suivie, même si je n'ai démissionné qu'en septembre et travaillé avec sérieux jusqu'à fin octobre 2015 , cette période XVIème arrondissement a été elle aussi aussitôt "classée" : j'y ai travaillé par nécessité, je devais refaire surface après la perte de mon "vrai" travail, à Livre Sterling et une rupture concommitante, dans ces cas-là on ne choisit pas. La première équipe avec entre autre Sébastien Detre, reste un bon souvenir de boulot. Mais peut-être que je ne m'y sentais que de passage (pensée rétrospective, sur le moment je m'efforçais seulement de m'appliquer, et tenir ; le présent était affectivement trop rude pour pouvoir se projeter vers quelques pensées d'avenir). J'en garde surtout un vaste fond d'anecdotes de "vie de libraire", la frénésie des décembre, la folie Trierweiler et la sensation d'être infiniment plus étrangère dans mon propre pays à certains de mes compatriotes qu'à la plupart des étrangers même de culture tout autre.

En revanche reste encore "ouverte" l'époque de Livre Sterling. Je crois que je m'y suis sentie à ma place comme rarement dans ma vie, qu'il y avait avec le patron une sorte de tandem de boulot - le côté différents mais complémentaires, avec un tempo de travail similaire, et mon plaisir d'être au service de quelqu'un de charismatique et qui connaissait vraiment bien son métier - idéal. En tout cas pour moi. Ce fut aussi ma période bruxelloise, ce que mon temps de travail, un vrai temps partiel permettait. Je disposais de mes week-ends ce qui était un cadeau dont je n'avais à l'époque pas idée. Ce temps-là où je me sentais à ma place, où je tentais d'écrire, où je me sentais appréciée au travail, où je me sentais dans ma vie personnelle aimée, qui n'était pas si facile - le boulot était physique, parfois très rock'n'roll dans les situations, jamais sauf au cœur d'août, calme et reposant -, j'avais des peines, des désirs de bilocation, s'est trouvé interrompu à tout point brutalement. Alors c'est une période encore vive. Une part de moi traîne toujours par là-bas.

Très bientôt, question de semaines, s'achèvera la période "Taverny" de ma vie. J'ai quitté cette ville peu ou prou en 1981 même si j'y suis retournée quelques temps en 1983 puis à l'été 1984, malade, pendant plus d'un mois. J'étais appelée par Paris puis - pensais-je sans avoir tout à fait tort ni tout à fait raison - d'autres lieux. Il n'empêche que j'y revenais voir mes parents, puis ma mère seule et que j'y avais encore un morceau de grenier, plus d'affaires personnelles encore stockées là que je ne le croyais. Mon père, ses cendres, y étaient au cimetière. 

Tout ce qui reste de familial, est désormais en Normandie, ou bien un peu chez nous pour quelques meubles et objets. La maison où nous avons grandi ma sœur et moi sera à d'autres personnes. D'autres enfants, peut-être y grandiront. 

Je ne sais si cette période sera de type "vite close" ou "encore vivace". Je ne sais d'où j'en suis dans le deuil, que le surmenage - entre boulot très demanding comme disait l'ami Hamonic, et ce travail de tri, vidage, cartonnage, déménagement - m'a fait mettre sous le boisseau, sans compter l'épisode épique du voisin voleur, qui nous a entraîné dans de tout autres tracas - et n'est peut-être pas fini, que fera ce type une fois sorti de prison ? ne risque-t-il pas de revenir sur zone ? ne risque-t-il pas d'être encore plus déséquilibré et en plus revanchard ? -.

Reste aussi que la liste des absents sinon pour toujours du moins pour longtemps s'est beaucoup accru ces derniers temps, avec des séparations tristes, de celles qui font qu'on ne tient pas à revoir celui qui en a l'initiative, ou qu'on n'éprouve plus pour lui la moindre estime ; qu'une amie de jeunesse est morte sans que nous ne nous revoyions ; que bien des pages se tournent en même temps.

Je suis sans doute curieuse des temps à venir. Et je sais que je dois me donner du temps du écrire. La situation globale - du pays, de l'Europe, de la planète - n'est qu'une nappe d'inquiétude. La paix est fissurée. Que faire qui puisse aider pour [celles et ceux d'] après ?  

 

(1) Pour qui arriverait là sans connaître rien de moi : j'ai travaillé dans une grosse banque pendant 23 ans en tant qu'informaticienne. 


Envisager un semainier (sur une idée d'Anne Savelli)

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La dernière fois que j'ai eu la sensation d'avoir du temps personnel c'était après le 15 septembre 2016. Je travaillais avec bonheur Au Connétable à Montmorency : il y avait eu la permanence du mois d'août rendue intense par les manuels scolaires, et puis l'activité fiévreuse de la rentrée, et puis voilà, nous étions décidées Leslie pour qui je travaillais et moi à tenter d'organiser des rencontres littéraires et Marie-Hélène Lafon avait pour ma plus grande joie accepté d'ouvrir le bal. 

Alors ce fut ça : mon temps personnel dédié à des relectures qui me régalaient, afin de préparer. 
Après des années malgré moi mouvementées, ma vie semblait enfin accéder à une part de stabilité, de quoi pouvoir entreprendre enfin quelques choses de mon côté, écriture et librairie, faire enfin plus que de la survie. 
J'ai remis ça le mois suivant en l'honneur de l'ami Thierry, je garde de sa visite et du début de soirée en compagnie de l'homme d'ici et Anne un souvenir de bon moment parfait. Je me sentais à ma place comme rarement ça me l'a fait.  29903775470_76788d5a70_z 

Je démarrais le triathlon, avec entre autre un stage d'intégration qui m'avait redonné confiance en mon corps : même si j'étais la plus lente je parvenais à suivre, ce qui au départ n'était pas gagné.

J'avais éprouvé un profond plaisir à faire du sport du matin au soir et du soir au matin (non, ça j'ai passé l'âge), à retrouver une ambiance collective avec un groupe formidable pour moi d'une façon assez rare (1). Comme toutes les activités étaient organisées par le coach ou les aînés, il y avait pour moi qui tout au long de l'année suis "en charge" d'une maisonnée, un côté de détente insouciante qui m'a fait un bien fou. Nous n'avions à nous occuper que de nos corps et notre matériel. Pour la première fois depuis juin 2013 puis janvier 2015, j'ai durablement éprouvé une forme d'insouciance, de la joie.

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29913702573_10b2d8b53d_z

29913430973_ceb8009441_zIl faut dire aussi que nous étions dans une sorte de cadre idéal, un internat international, de quoi regretter de n'avoir pas grandi en pension. 

J'ai eu le temps d'entrevoir ma vie enfin telle qu'en elle-même et moi à l'aise dedans : une belle librairie au service de laquelle travailler les après-midi et le matin le sport ou l'écriture et le reste du temps félicité culturelle (les rencontres dans les librairies des autres, les rendez-vous d'éditeurs, le cinéma, un concert ou du théâtre parfois, une expo), et enfin ranger la maison.
Et puis il y a eu l'élection de Trump, sorte de point de départ du début d'une nouvelle période où je ne maîtrise rien avec la maladie de ma mère puis son décès, très peu de mois après celui de mon beau-père et plus tard le nouveau travail, une proposition qu'il m'était impossible de refuser car elle contenait du défit. Alors pour ces bonnes choses (un travail à ma mesure) et les plus terribles (l'accompagnement, le deuil d'un parent, puis la kyrielles de choses à faire induite par toute succession) et comme je m'efforce par réflexe de survie de maintenir un minimum de sport, tout temps personnel s'est trouvé englouti.

Il aurait pu y avoir les 15 premiers jours d'août dernier, mais ils auront été quasiment confisqués par le voisin voleur et les perturbations induites dans notre vie.

Et il y eut le Festival de Cinéma d'Arras, pour la première fois depuis des années parcouru sans aucun événement intime ou collectif pour le gâcher. Seulement la vie de festivalière est une vie faite d'horaires, et le temps libre restant fut consacré à tenir un carnet de bord (2). Il reste avec ceux des billets que j'ai pu par ici rédiger, la seule marque tangible d'une année avalée. La suractivité subie obère l'assimilation par la mémoire de ce qui s'est passé. Or j'éprouve le besoin pour ma santé mentale de conserver un minimum d'éléments (heureux ou malheureux) à l'esprit.

Depuis un an et presque trois mois le temps s'est donc ainsi trouvé replié, je ne sais pas d'autre terme, les jours se succèdent en folle vitesse et sans répit puisque le temps libre non dormi est consacré à la préparation du déménagement prochain des affaires et meubles de mes parents.

L'idée qu'a eue Anne de tenir un semainier de bord, me semble donc secourable, garder le cap, savoir d'où j'en suis, conserver la mémoire des jours même s'ils n'ont pas pu être consacrés à mon travail de fond. Et qu'il reste une trace de mes nouvelles aventures même si je me fais à nouveau voler mon sac, mes agendas, mon ordi.

Sans compter que la sur-occupation, mécaniquement, isole : pour un peu la conscience de la solitude croît alors que les moments de l'être, seule, mais au calme, se réduisent aux instants consacrés aux déplacements. 

Donc oui, un semainier, pourquoi pas, au moins pour voir où mes semaines sont passées. Ce qui n'empêchera pas par ailleurs de bloguer, si un sujet de billet me rattrape alors que j'ai un temps suffisant devant mon écran.

Et puis, du mardi au mardi car le mardi est le seul jour où je suis à la fois ailleurs qu'à la librairie et pas nécessairement sur le pont à chaque fois et d'ailleurs à la BNF dès que je le peux, OKLM comme disaient les jeunes.

 

(1) d'ordinaire dans les groupes constitués autour d'une activité commune il y a toujours quelques personnes dont la présence nous rend perplexe et probablement vice-versa : comment pouvons-nous aimer la même chose tout en étant à ce point antagonistes ? Par ailleurs lorsque l'on est une femme, on doit presque inévitablement supporter dans chaque échantillonnage mixte d'humains auquel l'existence nous fait participer, deux ou trois gros lourds, qui se supposent du charme et sont seulement pesants et graveleux. Hé bien là : non, tous les gars étaient classes (en tout cas en ma présence), non sans plaisanter mais en restant dans les limites qui font qu'on ne se sent pas gênées, qu'on n'a pas une fois de plus envie de lever les yeux au ciel en pensant "Ah ... boulet !".

(2) Début ici ; fin . Je crois n'avoir omis aucun des films vus (petit exploit !). 


Cinq avril


    Un des plus beaux jours de ma vie a cinq ans aujourd'hui, retrouvailles dans Paris, les enfants alors adolescents, une amie intelligente, Denis qui m'a sans doute oubliée depuis, l'hôtel qui, prétendra l'autre par hasard, a été choisi à deux pas de la librairie où je travaille alors, un tour pour saluer mon patron, et un moment heureux, malgré la fatigue, l'impression que c'est ma vraie vie, enfin, que tout a un sens, que ma place est la bonne, qu'après bien des péripéties, je vais enfin pouvoir donner ma pleine mesure - plutôt que de jouer perpétuellement en défense, passer mon temps, dépenser mon énergie à éviter pire ou le but encaissé final qui disqualifie -. 
Quelle illusion !

Un an et deux mois plus tard tout s'effondrera, ces deux là qui comptaient fort, n'auront plus besoin de moi, peu après la librairie elle-même disparaîtra. Je n'ai rien décidé, rien voulu, peu vu venir à l'avance (1), voire rien du tout. Ainsi va la vie qui nous balance dans tout autre chose que ce qu'on croyait en cours, ce pour quoi on travaillait (s'il s'agissait de travail, par exemple).

Plus tard, il y a eu le 7 janvier 2015 et là c'était l'époque entière qui venait de changer.  Par rapport à une peine personnelle, c'est bien pire.

À présent que de nouvelles perspectives de travail stimulantes se dessinent, et après un dimanche merveilleux qui me laisse croire que la collection "plus beaux jours de ma vie" est loin d'être finie, malgré le contexte politique affolant, je crois à nouveau à de bonnes choses possibles. 

En cette date anniversaire, que tous les autres protagonistes auront oubliés, peut-être pas la jeune fille, peut-être pas Noé, qui sait, peut-être pas mon ancien patron, pas tout à fait - nous ne nous sommes pas perdus de vue, j'espère que nous nous reverrons même si, scotchée à un lieu de travail (même si celui-ci change), limitée par le manque d'argent, je ne voyage presque plus -, je mesure qu'il m'aura fallu cinq années avant de reprendre les forces qu'il fallait. Could have been worth. 

 

 

(1) pour la librairie, ça s'est plié en trois mois : le redémarrage de mars qui n'avait pas eu lieu.


La fin d'une vie

 

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Au termes de deux mois d'une lente descente vers l'extinction ma mère est donc morte ce matin. C'est à la fois trop long et néanmoins inattendu. Son état s'était soudainement dégradé entre jeudi et vendredi.

Elle était née en 1932 en Normandie et avait vécu les conséquences civiles du débarquement. Jeune adulte elle avait eu ce cran de "monter" à Paris. Plus tard elle y avait rencontré puis épousé un étranger, mon père, qui faisait alors partie de ces cohortes d'ouvrier que l'industrie française recrutait dans leur pays par le biais séduisants de contrats tout compris (le premier logement, une formation, du soutien logistique pendant tous les premiers temps, des cours de français sans doute aussi). Ma sœur et moi sommes donc d'une génération issue des conséquences d'une guerre. Jamais ni l'un ni l'autre n'auraient quitté leur région d'enfance et de prime jeunesse sans la pression féroce et stimulante de la nécessité.

Quand elle s'est sentie libérée de ses devoirs de mère, elle s'est mise (ou remise) à la poésie. Longtemps je lui ai tapé ses textes à la machine puis saisi sur l'ordi, avant que les turbulences (littéraires finalement aussi) de ma propre vie me rendent indisponible. Ma fille a pris un temps le relais. Ma mère m'avait signalé certaines de ses publications, offert quelques-unes. Je n'avais pas mesuré la réelle ampleur de son activité. 

Ce soir, j'en ai trouvé quelques traces numérisées. 

Quelques formes brèves : dans Traces 158
L'annonce d'une publication dans Poésie sur Seine n°45

Des petits cailloux éparpillés par là

Ma mère n'utilisait ni ordinateur ni aucun internet (pas même le minitel qui l'avait précédé), je n'avais donc pas songé à chercher des éléments de son travail dans ce coin-là. 

Mes parents et leurs frères et sœurs et les conjoints de chacun formaient un ensemble de vingt personnes. Trois seulement vivent encore. Quant à mes grands-parents, le dernier à rendre l'âme l'a fait en 1982, et je le connaissais finalement assez peu.
Le XXIème siècle aura réellement débuté en 2016. 
Nous sommes déjà les nouveaux anciens.

Non sans regret car elle avait la constitution pour devenir une vaillante centenaire, on peut considéré que ma mère est bien allé jusqu'au bout de sa vie, cycle complet, tous bonheurs et malheurs accomplis. Jusqu'à la perte de son énergie vitale, de l'élan.  

Ce soir nous sommes soulagés, c'était une tension difficile à soutenir que celle de savoir la malade seule sauf aux passages de soignants prévus et quand nous pouvions nous tenir (et encore, si impuissants), à ses côtés. Très vite nous serons épuisés. Puis viendra la conscience de l'éternelle absence et sans doute un fort chagrin.
Lorsque je lis ce soir certains de ses poèmes que je ne connaissais pas, j'avoue éprouver également une forme de fierté.

[photo : tout à l'heure, un arc-en-ciel en son jardin]


J'attends


    J'ai ces jours-ci la sensation de passer tout mon temps à attendre (tout en m'activant, ça ne veut pas dire que je me tourne les pouces).

J'attends des nouvelles d'un vieil ami qui s'est mis aux abonnés absents, ce qui, compte tenu du contexte (chacun de notre côté quelqu'un de gravement malade) m'inquiète. Pour autant je suis incapable de lui téléphoner (après son absence de réponse à quelques textos habituels) ... je n'ai que des choses terribles ou tristes à annoncer. Et donc si son silence c'est que de son côté ça ne va pas non plus, je me dis que ça n'est pas le moment. Alors j'attends.

J'attends un document.

J'attends que quelque chose se passe concernant ma mère, une évolution dans un sens ou dans l'autre de son état ou au moins de sa situation de personne clouée au lit dans une maison vide sauf lorsque quelqu'un passe.

J'attends qu'une lessive sèche pour sortir la suivante de la machine que j'ai déjà fait tourner. La maladie, ça salit.

J'attends la fin de la vague de froid avec une sorte de stupide illusion qu'après ça ira mieux. Sauf qu'en fait à part que je devrais récupérer un peu d'allant puisque mon corps aura moins besoin de chauffage intérieur, je ne vois vraiment pas pourquoi tout devrait s'arranger dès lors que l'air n'est plus glacé.

J'attends en bouillant d'une sorte de rage désespérée de retrouver du temps pour écrire. Chaque fois que je me relance, un élément survient qui me confisque temps personnel ou énergie, et pas des bricoles : depuis quatorze ans, maladie et décès de mon père, enlèvement de Florence Aubenas et Hussein Hanoun (participation à leur comité de soutien), faux diagnostic d'une maladie grave, esquisse de rupture subie, vraie maladie chronique sérieuse d'une personne de la famille, rupture subie et stupéfiante d'une amitié fondatrice, rupture conventionnelle d'un contrat de travail mais suite à une prise à partie brutale - six mois pour refaire surface -, reconversion (ça, c'est positif mais les débuts dans un métier ça saisit l'énergie, et puis mon corps devait se former (efforts physiques des heures d'affilées, station debout)), solides ennuis financiers à force de déficit de mois en mois creusé [en 2012 une pause dans les malheurs et comme par hasard c'est là que quelque chose enfin mérite publication], manifs répétées pour soutenir la loi pour le mariage pour tous, perte de l'emploi pour cause de fermeture de la belle librairie, rupture affective au même moment subie (comme si l'annonce de la fermeture de la librairie avait déclenché que quelqu'un qui comptait tant pour moi m'annonce de dégager, qu'il avait trouvé mieux) - à nouveau six mois pour refaire surface -, nouvel emploi mais particulièrement exigeant physiquement (un peu comme pour les ennuis d'argent, de mois en mois je vais, sans m'en rendre immédiatement compte, et croyant bien faire, faisant de mon mieux, m'enfoncer dans l'épuisement), rechute d'un des malades chroniques, gros ennuis professionnels de l'autre, attentat du 7 janvier 2015 et ce qui s'ensuit, dont une sorte de sur-rupture par dessus la rupture précédente, démission comme suite à une blessure de fatigue (1), avec un bon espoir d'autre poste en vue, moins physique, différent, attentats du 13 novembre et parmi bien des conséquences bien plus graves, volatilisation de l'emploi envisagé et gros problèmes financiers (concours calamiteux de circonstances dont un foirage de la poste qui mettra quinze jours à nous présenter un recommandé), CDD (très chouette, très beau décembre 2015 en librairie, mais très prenant aussi), recherche d'emploi active (ce qui englouti le temps, vraiment), nouvel emploi très bien mais prenant également (trajets et périodes à temps pas si partiel), licenciement économique de l'homme (après longue longue longue période d'incertitude), décès de mon beau-père, maladie incurable de ma mère. L'ensemble avec depuis 2013 ou 2014 en basse continue l'affaire de la fuite d'eau invisible pour bien nous pourrir et les finances familiales et la vie.

Il y aura eu deux périodes de respiration début 2010 et en 2012. À chaque fois, même si je me suis plutôt mise au service des autres, j'ai bien avancé mes propres chantiers. 

Serait-ce trop demander que d'en avoir à nouveau une en 2017, une fois achevé le malheur en cours et qu'il n'engendre pas trop de contre-coups ? Il y a de belles perspectives. Mais j'ai besoin de pouvoir enfin disposer de ma propre existence pour les concrétiser.

En même temps tout à l'heure, demain, un type dangereux sera nommé à la tête de l'une des plus grandes puissances mondiales et une guerre finale pourrait très vite arriver. L'Europe ne fera plus partie des pays à considérer. Et donc, même si dans nos vies personnelles certaines choses s'arrangent, c'est collectivement que nous risquons de morfler. Le pays où je vis risque à partir d'avril en plus de se trouver fort mal embarqué.

Comment faire pour écrire quand rien ne se calme jamais ? Comment faire pour créer ? Comment y sont parvenus ceux et celles qui nous ont précédés (et connaissaient de largement aussi rudes difficultés) ?

 

(1) C'était sans doute une fracture de fatigue pas tout à fait bien diagnostiquée liée au fait de pousser en m'aidant d'un pied de lourds chariots pour des livres vendus à l'extérieur de la boutique ; je ne suis vraiment guérie et sans aucune douleur que depuis octobre, soit un an après. J'ai été trop consciencieuse je suis allée travailler alors que je boitais.


Encore une idée (vouée sans doute à la jachère)

 

    Je me suis réveillée avec une nouvelle idée de roman, un truc simple, un peu grave un peu marrant et qui à mesure que j'y réfléchis me semble cohérent, tenir la route. Pas de la haute littérature - en serais-je capable même si je pouvais disposer de ma vie ? - mais quelque chose que des personnes comme j'étais avant de tomber dedans pourraient lire avec intérêt, plaisir ou amusement. Et, si je réussis mon travail, après y repenser et glaner quelques pistes de réflexions, de voir certaines choses différemment, se poser quelques petites questions.

Comme dab j'ai vite posé les jalons. Je sais que mon temps d'écriture est limité, la première étape consiste donc à ramasser le matériau et les points de repère pour ne surtout pas oublier le gisement entrevu.

Seulement voilà : c'est la rentrée. 

Même si je travaille à temps partiel, compte tenu des trajets et de la période spécifique, active et chargée, ça suffira à me garnir l'emploi du temps et employer l'énergie.

Il y a pas mal de choses à faire d'un point de vue vie quotidienne. Traditionnellement période d'inscriptions, de démarches, d'aller chez le coiffeur, de faire les révisions médicales d'usage, de quelques achats d'équipements.

Il y a à l'appartement des urgences de travaux, de rangements.

Plus que jamais cette année : reprendre les entraînements.

Il s'agit d'une fiction. J'en avais déjà une sur le feu. Ça demande non seulement du temps mais une forme de disponibilité d'esprit que je ne parviens jamais à maintenir sur la durée : il n'y a pas de période assez calme, il se passe toujours des tas de trucs - quelqu'un malade, des catastrophes collectives, des fuites d'argent ou d'eau, des tâches pour lesquelles on se retrouve requises sans l'avoir cherché -, et je ne sais toujours pas comment cloisonner, le fait est que je suis sévèrement atteinte par le syndrome de George Bailey. 

Comment font les autres ?

Mes prochaines vacances seront actives : c'est le festival de cinéma d'Arras, emploi du temps garni.

J'ai réussi à réduire mon temps de sommeil mais il reste assez grand. Et je sais qu'en la matière forcer ne sert à rien car on peut se retrouver debout mais inefficace et totalement embrumée.

Bref, encore une idée qui risque de se lyophiliser alors qu'il y avait matière à faire.

Je ne suis pas jeune, et le temps file.

Mes deux atouts sont l'oloé parfait (1) et le fait que celui-ci des chantiers ne nécessite pas de documentation fors quelques coups d'œil dans mes archives personnelles. Mais une fois la période de sa fermeture annuelle franchie je ne pourrai m'y rendre que deux ou trois demi-journées par semaine. Combien de temps me faudra-t-il pour dans ces conditions aller au bout d'un simple premier jet ? Pourrais-je le faire sans perdre l'élan ? Avant le printemps qui s'annonce pour le pays si désespérant (2) ?

Une fois de plus je me demande par quel sentier parvenir à destination, permettre à ce projet de se concrétiser, lui réserver des heures fructueuses, sans pour autant laisser le reste aller à vau-l'eau. Il faudrait sans doute que je prenne exemple sur mon amie Samantdi qui parvient à faire place à son Américain, tout en menant et gagnant sa vie.

 

 

(1) que constitue la BNF
(2) Je sais d'ores et déjà que j'aurais un grand coup de découragement après les élections dont le résultat telles qu'elles s'annoncent ne pourra à mes yeux être qu'un cauchemar ou un écœurement. Si seulement pouvait surgir une sorte de Barack Obama homme ou femme avec un programme respectueux de l'environnement et des gens et qui serait crédible dans une tentative de mise en œuvre éventuelle.

 


À l'orée d'un nouveau Salon


(mercredi 16 mars 2016) À l'orée d'un nouveau Salon, je reste une partie de la matinée à la maison, il y a beaucoup à faire et je sais qu'avant lundi je n'y serai guère. C'est le temps des lessives, des factures et des poubelles, d'un peu de correspondance administrative ou professionnelle.

Malgré moi je suis inquiète pour les événements bruxellois récents, j'y ai encore de bons amis, je perçois encore cette ville, ainsi que Torino, comme un autre "chez moi" - alors que ça fait des années que je n'y suis pas retournée pour cause de persistante impécuniosité, du coup je regarde la conférence de presse accordée par les autorités et que la RTBF retransmet. Le retard transforme tout d'abord l'exercice en un sketch de caméra cachée dans lequel des gens se rajustent, téléphonent, selfisent, et rajoutent sans arrêt de nouveaux micros, testent ceux qui sont installés. Buster Keaton n'aurait pas renié. La conférence est efficace et sobre, glaçante en cela même. Un type est mort d'une trentaine d'année et alors que je n'éprouve pour lui aucune compassion si ce n'est celle pour ceux qui mal nés ont emprunté The wrong way, croyant se sauver, ou être héroïques, crédules, je songe qu'il y a peut-être quelque part une femme, sa mère, qui a dans les années 80 du siècle passé été fière de donner naissance à un garçon, s'en est occupé, le nourrir, le tenir propre, accompagner ses premiers progrès et qui si encore en vie désormais pleure, peut-être fière si elle a été contaminé par les mêmes convictions assassines, peut-être écrasée de stupéfaction et se demandant sans fin où ça a donc bien pu foirer, à quel moment il s'est fait confisquer aux siens et à lui-même. Je pense aussi aux policiers qui s'attendaient sans doute à devoir faire face à autre chose qu'à de la facilité mais probablement pas à se faire flinguer et semble-t-il d'assez près. Même si l'on est entraîné, ça doit un brin secouer.

Je reste encore sous l'emprise d'un dernier rêve de la nuit, directement issu des infos lues hélas avant de me coucher ; quelqu'un, un passant, s'était fait tuer dans des échanges de tirs consécutifs. Je l'avais bien connu. Me rendais à ses obsèques.
Charmant !

Traverser Paris en milieu de journée du lendemain d'une chasse à l'homme terroriste bruxelloise, c'est observer l'expression "La police est sur les dents" parfaitement incarnée. Je pense que même des fous amoureux fous effectuant le même trajet s'en seraient rendu compte. Je suppose que c'est autant pour donner l'illusion à la population d'être protégée que par réel souci d'efficacité.

La BNF est un havre de paix, malgré ses contrôles depuis 2015 renforcés. Une fois installés en salle de travail on peut s'accorder le luxe d'oublier.

Je m'amuse à effectuer sur mon propre blog la recherche par mot clef qu'Anne (Savelli) aujourd'hui a choisi : "salon". Curieusement c'est sur un billet évoquant le Salon du Livre jeunesse de Montreuil que je tombe en premier. Puis effectivement on part au Salon du Livre de Paris avec l'histoire en 2008 d'une alerte à la bombe (dont le changement d'habillage du blog a rétroactivement rendu la mise en page hasardeuse) ; en ce temps-là on pouvait encore se permettre de plaisanter devant l'annonce d'un potentiel danger. Il est aussi brièvement question d'Alain Bashung, d'autres salons (dont celui aux Jardins d'Eole où il m'arriva d'aider), d'un souvenir ému avec Daniel Pennac, d'une virée à Draveil, et de l'annonce sidérante de la mort d'une jeune amie, en plein salon 2009 - pas besoin de retrouver une trace écrite, je me le rappelle avec une précision extrême -. Je retrouve une photo retrouvée, liée d'une façon déjà alors mystérieuse au Salon du livre de Genève. Je retrouve également d'anciens Instantanés, qui me font encore sourire (pour certains). Un billet cryptique mais dont j'ai encore les clefs (sourire triste, j'y ai cru, j'y croyais). Il est même question de mes cheveux, toujours hirsutes pas encore blancs il y a cinq ans. Parce que salon ... de coiffure.
Rien sur le salon du livre de Bruxelles qui a la bonne idée de s'appeler Foire. À quoi ça tient, les choses.

Lorsqu'on atteint ce point où la mémoire du blog est supérieure à la nôtre, bloguer prend tout son sens. Merci, Anne, de me l'avoir ainsi rappelé.

Il est plus que temps de retourner à l'écriture longue. Ce soir ce sera l'inauguration. Il sera sans doute curieux de m'y rendre en étant entre deux boulots, libraire sans librairie, à quelques lots de jours près. Mais au moins j'aurais cette bonne nouvelle du travail bientôt repris à annoncer aux amis.


Deux ans de sur-place, un peu (si au moins il n'y avait eu que ça)

 

Capture d’écran 2016-03-15 à 18.11.12

 

En cherchant autre chose je suis tombée sur une appli qui rappelle d'anciens fichiers du même jour mais d'autres années. Je ne sais pas trop comment j'ai fait, mais alors que je ne le souhaitais pas plus que ça, j'ai dû activer une fonction de rappel et voilà qu'on me ressert celle-ci de mes photos horodatée précisément du 15 mars 2014 15:36 et que je viens (j'avais en partie oublié) de prendre sa presque jumelle (4 mars 2016 16:52).  20160304_165147

 

Il y a infiniment pire que de se retrouver deux ans après dans le même lit à baldaquin, à l'occasion d'un week-end de ciné-club. Il n'empêche qu'en ce qui concerne le travail j'ai l'impression d'avoir beaucoup donné pour un résultat décevant. J'ai rencontré quelques personnes, certains anciens collègues (essentiellement ceux qui ne se sont pas non plus attardés) sont devenus des amis, l'expérience de dépaysement fut rude mais formatrice. 
Financièrement, j'ai sauvé les meubles en bossant à gros rythme ces deux années - mais sans être pour autant mieux rétribuée -, puis en choisissant de quitter à ma liberté (1) j'ai replongé.

Je suis à nouveau en position d'espérer prochainement stabiliser à nouveau le déficit (et rembourser ma dette de dèche). À nouveau dans l'optique de retrouver un rythme de vie permettant de concilier l'écriture et bien bosser comme libraire. 

Les chantiers d'écriture ont l'un après l'autre été mis en jachère par des événements extérieurs qui combinés au travail qui passe toujours en premier, ont englouti le temps et l'énergie. Il y a eu un deuil, d'un genre qui m'avait jusqu'alors été épargné, et dont il est long de se remettre vraiment. Je crois que ça ne sera le cas que lorsque j'aurais écrit, pas l'écriture d'urgence et de survie mais quelque chose de plus posé, que les mots précis parviennent à délimiter la peine et qu'enfin elle cicatrise.

Avec un projet supplémentaire (sportif) un peu fou mais auquel je tiens de plus en plus. Et qui sera parfaitement compatible avec mon nouvel emploi ... si je m'y rends en vélo. 

Bref, au monopoly de la vie j'ai fait pour cette récente partie de deux années écoulées une sorte de "retournez à la case départ, ne touchez pas 20000, passez par le lit à baldaquin".
Et tout ira (enfin) bien ?

(Quand même assez fière qu'on ait tous les quatre de ma petite famille survécu à ces deux années dangereuses, il nous restera ça, dirait le Grand Fabien)

 

(1) Et quand même bien aidé par la poste qui oublie pendant quinze jours de présenter un recommandé - et répond tranquillou à un mot de protestation qu'un recommandé ne présente aucune garantie contractuelle de délais - et par les attentats de novembre qui m'ont laissée trop accablée pour surveiller les finances familiales. Qui m'ont aussi indirectement fait manquer une opportunité professionnelle prometteuse - parfois j'ai un tantinet la sensation de faire concurrence à Hélène Bessette ... mais pas dans le domaine qu'il faudrait -.