Depuis quelques temps je m'efforce de suivre l'émission de fin d'après-midi "LSD la série documentaire" de Perrine Kervan sur France Culture, dont les enquêtes disent beaucoup de nos vies d'aujourd'hui, en laissant, me semble-t-il respectueusement, la parole aux gens "qui font".
Celle de cette semaine qui reprend, si j'ai bien compris, un travail antérieur, portait sur le travail de la police scientifique à Paris et ses alentours.
J'ai cru écouter d'abord comme lectrice et autrice potentielle de polars, et très vite j'ai été captivée comme on peut l'être avec presque n'importe quels métiers dont le quotidien concret nous était étranger. Toutes celles et ceux qui témoignent sont impressionnant•e•s de calme, s'efforçant d'expliquer de sur une scène de crime ou d'accidents ou de catastrophes, lorsqu'ils doivent prendre en charge des cadavres techniquement, c'est le boulot qui prime, la concentration, qu'il faut cloisonner, éviter de songer à l'humain vivant que fut la dépouille. Plusieurs répètent, c'est le travail, c'est comme ça. On n'est pas des héros, vous savez on s'habitue. Et puis il y a ceux qui n'ont pas de tracas à s'occuper des carcasses mais ne sauraient faire face aux proches, celle qui en revanche parvient à mettre la compassion de côté et se met en écoute attentive pour parler aux familles lors de la collecte d'éléments pour aider aux identifications.
Il est question aussi du cadavre de trop, le moment, différent pour chacun où la distanciation professionnelle ne tient plus et qui signifie que l'on doit changer de poste avant que d'être moins efficaces ou se laisser dévorer - comme quoi ça n'était pas si facile, en fait, ces métiers -.
Et puis il y a cette émission particulière dédiée au travail consécutif aux attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Surtout n'allez pas l'écouter si vous ne vous en sentez pas le courage. Mais si vous le pouvez, d'une façon terrible, ça fait du bien : même s'il y eut des cafouillages - dus à des ordres et contrordres et délimitations de périmètres d'interventions pas assez nettes, en haut lieu ; ainsi qu'au fait qu'on n'avait jamais eu tant de victimes d'un seul coup à Paris depuis les combats de la Libération (1) -, les professionnels de la police scientifiques ont fait un boulot énorme et qui force l'admiration. En particulier la façon dont comprenant qu'il se passait quelque chose, quelques-uns étant au Stade de France à suivre le match de foot de ce soir-là, avant même de recevoir des ordres ils s'étaient déjà mis en contact avec leur service et s'étaient avertis. Et puis les heures de travail sans relâche qu'elles et ils se sont enfilées. Une femme témoigne qu'elle fut loin de chez elle pendant 10 jours après un bref repos le samedi après-midi. Il y a aussi celui qui pendant des semaines a eu pour tâche d'analyser l'enregistrement audio qui du fait qu'il s'agissait au Bataclan au départ d'un concert est devenu celui de la tuerie. C'est particulièrement intéressant et impressionnant ce qu'il dit.
La question est également abordée du surcroît de travail consécutif pendant plusieurs mois dû non pas tant aux tâches directes mais à tout ce qui n'avait pas pu être traité d'autre de l'activité d'en temps normal et qui s'était accumulée.
Et puis toutes et tous, d'insister, je n'ai fait que mon travail. De toutes façons il fallait bien le faire, on l'a fait. Grande gratitude envers eux.
À retenir pour le cas de prochaines attaques, éviter de tenter de joindre la personne pour la vie de laquelle on s'inquiète, ça peut risquer de la signaler aux agresseurs si elle est encore vivante à ce cacher. Et puis en cas plus tard de non réponse envoyer un SMS indiquant Ce téléphone appartient à ... , notre identité, ce qu'on est pour la victime potentielle, et comment nous joindre.
PS : écoute fortement conseillées à toutes celles et ceux qui écrivent des polars ou des scénarii de séries policières.
(1) Et aussi que jusqu'à présent les plans d'urgence en cas d'attentats étaient orientés "attentats à la bombe", car ce type d'attaques où les gens se font tirer dessus puis les terroristes se font exploser n'avait pas en France encore de précédent.