Les charmes orthographiques irrésistibles du français

 

    Les dictées spéciales virtuosités orthographiques ne m'ont jamais passionnée, l'enjeu étant souvent de connaître par cœur des tas de trucs (1), pour autant j'essaie de ne pas trop commettre de fautes, même si lorsque je l'utilise mon téléfonino s'amuse à m'en rajouter.
Alors quelle n'a pas été ma surprise ce soir, lorsqu'à la grâce d'un touite de La souris, Capture d’écran 2023-03-25 à 22.46.18

suivi d'un article du Figaro orthographe, j'ai à l'approche de ma soixantaine appris qu'une expression idiomatique courante ne s'écrivait pas comme je le croyais.

Ainsi sens dessus dessous ne s'écrit pas sans dessus dessous mais bien sens dessus dessous. 
Ça alors ! M'en voilà toute retournée. 

Dans quelle autre langue un locuteur natif peut-il à 60 ans encore découvrir au sein d'usages courant de telles subtilités ? 


(1) Le par cœur me rappelle irrésistiblement un passage très sarcastique et très drôle de Tom Sawyer au sujet des enfants qui apprenaient ainsi des quantités compétitives de versets pour l'école du dimanche, ce qui fait qu'au bout du compte à part les musiciens et chanteurs et leur partition et les acteurs et actrices et les longs monologues, je ne suis pas impressionnée. 

(2) Le joueur de pétanque proposait Sang dessus dessous (pour une scène de crime particulièrement saccagée j'imagine)


Contrecoup

(mercoledi)

    C'est aujourd'hui, ce qui ne m'étonne guère, j'ai souvent un temps de retard dans mes réactions car sur le moment mon côté vieille warrior prend le dessus, que je subis le contrecoup des événements du week-end, du plus petit (je me suis pris une intoxication alimentaire ou allergie féroce, me suis auto-boostée pour aller au plus vite mieux car je voulais à tout prix participer à mon épreuve de triathlon, et là je paie d'avoir forcé sur le mode, je vais très vite bien mieux), au plus violent (cette tempête, sa soudaineté, le fait qu'on l'a échappée belle, le fait que ça n'a pas été le cas pour tout le monde), en passant par la déception de n'avoir pu courir de triathlon (alors que compte tenu de divers paramètres, c'était le seul que j'avais prévu cette année, à mon grand regret).

Je m'efforce de croire que je trouverai un M pour septembre et qu'au boulot je bénéficierai d'une indulgence pour déposer quelques congés.
Je m'efforce de croire que mon accès, rare chez moi, d'indigestion n'est pas lié à la tempête (mais je commence à trouver les coïncidences troublantes, aurais-je un baromètre dans la rate ou le foie, de la même façon qu'il me semble avoir une boussole dans la tête ?).
Je m'efforce de croire que cette one second tempest (1) est réellement un phénomène rare, comme on n'en croise sous nos latitude qu'une seule fois dans sa vie. Je m'efforce aussi de croire que Le joueur de pétanque n'avait pas mesuré le danger lorsqu'il s'est réfugié à l'intérieur sans se soucier de si je suivais, et qu'il s'était probablement dit Bah, elle prend encore des photos. Parce que oui, mon premier réflexe a été de prendre une photo à la première rafale et une autre à la deuxième, et seulement ensuite de me hâter calmement, et en regardant bien autour de moi, vers le bâtiment.

Je ne peux m'empêcher de penser au malheureux kite-surfer, si jeune encore, et à ses proches. Car j'ai bien perçu la force du vent et que c'était si soudain qu'on n'avait le temps de rien faire, c'était imparable.
Je m'efforce de croire qu'il n'a pas eu le temps de se voir mourir.

Mais, même si j'ai assumé ma journée de boulot, ce soir j'ai une sorte de blues de fatigue, et une sensation de flou. Le fait que deux personnes que j'aime filent un mauvais coton et que plusieurs autres soient atteintes du Covid (même si de façon ne faisant pas craindre la nécessité d'une hospitalisation), parce que oui, c'est bel et bien reparti, n'arrange pas sauvagement les choses.

S'y ajoute la conscience que la guerre en Ukraine peut à tout moment se mettre soudain à nous concerner de près, et la quasi-certitude qu'on va sérieusement avoir froid, l'hiver prochain, car nos moyens de chauffage ne seront plus ceux qu'ils étaient. 

Ce week-end : sport et repos. 
Et ces jours-ci, (tenter de) me coucher tôt.
Ensuite, ça ira mieux. 

Il faudra aussi que je trouve l'énergie d'écrire un CR de non-triathlon.

 

(1) "Carole Cuquemel, présidente de la protection civile du Calvados s'attendait à recevoir autant de personnes face à l'ampleur et la soudaineté de l'événement : "Le temps a changé en une seconde. Vraiment en une seconde. Donc il y a des personnes pour qui ça a été et c'est encore compliqué car il y eu beaucoup de hurlements, d’objets devenus des projectiles. Il y a même eu des enfants qui ont volé. C'est une scène difficile à imaginer. Donc c'est l'une des raisons pour lesquelles certaines personnes ont pu venir et la deuxième raison c’est malheureusement la personne décédée à Villers-Sur-Mer dans un contexte très particulier. Beaucoup de gens ont été exposé en direct à ce décès. Donc psychologiquement tout cela remue pas mal."" extrait de cet article de France TV région qui met des mots sur ce que nous avons vécu.


Les familles des coupables

    Alors qu'il est probable que la fin de la pandémie et le fait qu'un pays soit désormais aux mains d'extrêmistes - même si effectivement certains mouvements terroristes islamistes sont également leurs ennemis -, risque d'accroître le risque terroriste - il y aura de nouveau des foules à viser -, le sujet qui me taraude depuis des années, celui des familles, des proches de coupables de crimes, revient en force dans mon esprit. 
Je ne perds pas un seul instant de vue la détresse, le chagrin des proches des victimes, d'être une simple amie pas particulièrement intime, juste une amie d'un cercle d'amis joyeux autour d'une librairie, d'un des assassinés du 7 janvier 2015, m'a donné un aperçu de ce que ça pouvait être, de la lutte que c'est pour tenir le coup. 

Il n'empêche que mes pensées vont fréquemment vers les proches des coupables. Certains d'entre eux ont leur part de responsabilités : par exemple dans le cas d'enfants élevés dans des préceptes sectaires et qui finissent par prendre fait et cause au point d'en virer criminels. Il n'empêche que ce qui est frappant c'est à quel point dans la plupart des cas, les proches ont vu la personne qu'ils appréciaient dériver et n'ont rien pu faire (ont tenté en vain de calmer le jeu), ou n'ont carrément rien de rien vu venir. Ces personnes s'en veulent le plus souvent, et passent leur vie ensuite à se poser une foule de question, et à devoir faire face à un double deuil, celui d'avoir perdu leur proche, devenu quelqu'un d'autre puis meurtrier, celui de la tragédie provoquée. Dans le cas des parents, s'y rajoute d'être taraudés par le fait qu'ils ont engendré un monstre, et ils se sentent porteur d'une part de responsabilité, alors qu'ils sont aussi victimes.

À défaut de pouvoir faire quoi que ce soit d'autre tant que je travaille à temps plein et suis épuisée et ne disposant de ce fait plus de temps personnel consacrable à l'écriture, je prends des notes.

- Ici des interviews des filles de Lee Harvey Oswald, lesquelles ont dû porter l'opprobre de l'assassinat de JFK sans même avoir connu leur père ou pour l'aînée si peu (elle n'a sans doute aucun souvenir direct, étant donné l'âge qu'elle avait) ;
- Là un sujet de journal télévisé dans lequel témoigne la famille de Samy Amimour, l'un des tueurs du Bataclan ;

(je complèterai ce billet à mesure des documents que je croiserai).

- bien sûr, la nouvelle enquête-roman de Philippe Jaenada, "Le printemps des monstres" évoque aussi ce sujet là, parmi bien d'autres. Avec la différence que dans le cas du meurtre du petit Luc Taron, un doute solide est permis. 


Chroniques du confinement jour 27 : C'est terrible à dire mais quel bon dimanche (dans notre coin) !


    Les jours se suivent et l'écart se creuse entre notre vie pour le moment comme d'un étrange été, avec les corps reposés et détendus comme jamais et le monde extérieur, des personnes malades, des ami·e·s dont meurent les parents ou grands-parents. Je finis par vivre dans deux états séparés simultanés, un chagrin général perpétuel et une sorte de complétude absolue quant à ma toute petite vie tant qu'elle dure ainsi. Jamais je n'avais eu droit à vivre à mon rythme physique idéal si longtemps, jamais je n'avais eu le droit de me sentir de ce fait, en forme, jamais je n'avais été aussi peu stressée (1). Fallait-il un malheur collectif immense pour que la vie ait à mon égard quelques sollicitudes ? J'ai du mal avec ça ; je m'en calme avec la pensée lucide des difficultés qui suivront, le risque aussi que nous tombions malades après coup, victimes ultimes d'un déconfinement trop hâtif que l'économie réclamera (2).

Alors ce dimanche dans notre petit coin a ressemblé à un dimanche parfait. D'abord un temps d'été, qui devrait sans doute nous inquiéter mais que je suis incapable, tellement il me met en forme, de ne pas apprécier. Ensuite puisque c'est encore autorisé, un petit morning run sur la voie verte déserte. Pas un vrai entraînement, nous sommes limités par le kilomètre requis, et nous avions déjà couru la veille, mais un bon petit décrassage. J'ai enchaîné sur le défi abdos - squats -pompes et la journée était lancée. 

Comme c'était dimanche, pause au jardin et c'était bien. J'en ai profité pour répondre enfin à mes messages en souffrances, certains depuis le soir de l'accident devant chez nous. C'était comme si ceux auxquels je m'apprêtais à répondre à ce moment là étaient tombés dans une fente du temps, l'intention coupée dans son élan, l'élan plus jamais retrouvé.

JF s'est occupé des repas, tâche allégée par la réouverture du traiteur et les courses qu'il y avait faites la veille, mais cependant il a eu ce mérite que je n'ai pas eu à m'en soucier, et que j'ai pu vaquer à mes propres tâches jusqu'au dernier moment. 

Nous avons lu un moment au jardin en fin d'après-midi. Les vieux "Match" et "Miroirs du sprint" de mon grand-père font notre régal. D'une certaine façon il est bon pendant une pandémie (comment est-ce que tout cela va finir ?) de lire ce qui était écrit pendant une guerre mondiale (comment est-ce que tout cela va finir ?), même si tant de choses sont si différentes, et que non, quoi qu'essaie de nous en faire accroire les mâles politiciens, il ne s'agit pas d'une guerre, là, en ce moment. 

J'ai fait une sieste absolument somptueuse, en trois temps, lisant entre chaque moment de sommeil gagnant, n'ayant en rien besoin de lui résister puisque J'avais le temps. J'en suis sortie, toute fatigue bue. C'est quelque chose qui ne m'arrive presque jamais. J'en éprouvais un bonheur incommensurable. 

Pour l'heure je n'ai utilisé l'énergie que pour arroser délicatement les myosotis - car pour la Normandie cette période de beau temps que nous traversons n'est ni plus ni moins qu'une sécheresse -, et trier les journaux anciens par ordre chronologique inversé. J'ai aussi enregistré, après le dîner les chants d'oiseaux côté rue, ce truc absolument dingue quand on y pense.

Comme nous avons vécu fenêtres ouvertes et par moment au jardin nous entendions des bruits de conversation (pas de voisins immédiat mais deux maisons et deux autres maisons plus loin) et c'était presque une illusion de vie normale, d'un dimanche de vacances d'été sans la saison touristique assortie. 

À 19h j'ai suivi en direct sur Youtube le concert d'Andrea Boccelli donné au Duomo de Milan. Tout seul avec un organiste (et vaguement une silhouette (pour surveiller ?) dans un coin). C'était d'une grandiose irréalité. La voix n'était plus ce qu'elle a été, mais le moment méritait le détour. Il y avait des inserts avec des images des villes désertes. Celles d'Italie les plus touchées et aussi Paris, Londres et New-York. Il a chanté Amazing grace a cappella devant la cathédrale et c'était émouvant, on ne pouvait le nier. 

Boris Johnson est donc sorti d'hôpital et a tenu un discours qui est presque comme je l'avais rêvé, le gars qui prend conscience de certaines choses. J'en riais en me souvenant de nos discussions amicales en début de semaine, avec les amies qui me charriaient quand je disais, j'aimerais qu'il s'en sorte mais qu'il en sorte changé. Samantdi aussi doit être bien amusée qui me disait que notre Bécassine béatitude l'emporterait. 

Des intégristes catholiques ont tenu une messe clandestine à Saint Nicolas du Chardonnet. Les cons. Il n'y a pas d'autres mots. Et (what a surprise) les forces de l'ordre qui ces jours-ci sont capables de verbaliser les personnes qui vont travailler à vélo parce que normalement Vous devez circuler en voiture, ont laissé les gens repartir chez eux et n'ont discuté qu'avec le prêtre, ou quelque chose de cet ordre. Une amende pour la forme. 

On approche des 15 000 morts recensés en France, et désormais, France ou Italie on en est à se féliciter qu'il n'y ait "que" 413 morts par exemple. C'est fou d'en être arrivés là. 
Un ami de Twitter qui devait nous faire une balade guidée virtuelle de Montmartre a son père qui est mort la nuit dernière. Je ne sais pas considérer les chiffres des malades graves et des morts comme seulement des statistiques et nous ça va alors tant mieux.  

Capture d’écran 2020-04-12 à 22.05.39 L'ami Xave m'a fait sourire. Dans le triste, comme presque toujours de nos blagues respectives depuis l'épidémie.

 

 

(1) Il faut dire que je bénéficie d'un concours de circonstances, ou plutôt d'un enchaînement calendaire des choses, particulièrement étrange d'un point de vue professionnel. Après, che sera sera car il y a bien trop d'inconnues quant à la sortie du confinement. Peut-être que tout sera à refaire. Mais au moins j'aurais pris des forces. 

(2) Je tiens cette crainte solide du sort de ma grand-mère maternelle morte peu après la Libération, des conséquences indirectes de tout ce qui avait précédé, et qu'elle avait pourtant surmonté. Elle avait su mener une grossesse à son terme en plein pendant ces mois du Débarquement, et accoucher, et le bébé se portait bien. Seulement voilà, elle n'a pas pu bénéficier des conditions d'hygiène qui auraient été nécessaires et leur mort à elle, puis à lui, s'en est suivie. 

 

 

Lien vers le site de la santé publique en France 
Liens vers des statistiques :

Wordometer covid-19 coronavirus pandemic (depuis quelques temps le plus complet, entre autre parce qu'il indique le nombre de tests ; un pays comme la France qui teste jusqu'à présent très peu a forcément moins de cas officiels que de cas réels)
Official Data from The World Health Organization via safetydectetives.com
Coronavirus COVID-19 Global Cases by John Hopkins CSSE
1 837 767 cas (dont : 113 312 morts (21 667 aux USA) et 421 508 guéris)


Des enfants qui jouent et des cigarettes qui changent [de nom]

 

    Ce matin des enfants du voisinage ont joué sur leur balcon. Comme j'avais la fenêtre ouverte, j'entendais des bribes de leur scénario. Rassurée qu'à l'heure d'une époque où l'on veut que chaque activité soit intentionnelle, la performance permanente et les jeux vidéos le loisir principal des jeunes, il reste encore des mômes pour trouver plaisir à s'imaginer des histoires et les incarner. 

Je me suis demandée, tentant de rassembler mes propres souvenir, d'à quel moment on perdait généralement cette faculté d'imaginer des petites histoires et de (physiquement) s'y projeter. Il me semble qu'être romancière ou romancier, c'est ne pas renoncer à cette capacité. Il n'empêche qu'on la met en mots au lieu de la vivre. 

Reste que certains adultes (relativement fortunés ?) se livrent aux GN et c'est peut-être une façon de prolonger ou retrouver cette capacité.

 

*                                   *                                    *

Je découvre ces jours-ci le métier de buraliste. La réponse à ma question des horreurs photographiques sur les paquets m'est donc parvenue en direct : on s'arrange pour que dans le stockage elles ne soient pas visibles et par la suite lorsqu'on les manipules comme on s'efforce de servir vite le client, on fait la mise au point visuelle sur le nom du produit. Il est évident que le métier devait être infiniment plus facile lorsque les paquets étaient identifiables.

Comme je ne fume pas et n'ai jamais fumé et vis dans un entourage non-fumeur, je suis d'une grande ignorance quant au nom des produits. Je me sens presque un peu comme le héros de Epépé , ou carrément comme Bill Murray dans Lost in translation,  arrivée dans un monde au langage qui ressemble à d'autres que je connais sans pour autant être rien de connu. 

Un des éléments les plus surprenants pour le ou la novice, est que les consommateurs énoncent des noms, le plus souvent anglais qui ne correspondent pas aux noms, le plus souvent anglais, figurant sur les paquets. J'ai fini par capter une bribe d'explication : il y a un paquet de temps les cigarettes surtout celles produites par les fabricants anglo-saxon avaient des noms très chics en anglais. Puis il y eu en France un décret qui obligea à vendre les produits avec un nom français. Alors ils se sont mis avec plus ou moins de bonheur à rebaptiser leurs paquets. Les consommateurs, pour leur part s'en tenaient à l'ancien nom. Par la suite les fabricants durent se plier à la contrainte du paquet unique avec photo pour faire peur mais libérés de la contrainte anti-anglophone. Alors ils ont remis des noms en anglais. Mais pas forcément les mêmes. Quant aux consommateurs, à part les nouveaux candidats à l'encrassage personnalisé de poumons, ils s'en sont toujours tenus à la première dénomination, celle de leurs débuts. Du coup voilà les buralistes devenus champions interprètes, pour lesquels il va de soit qu'une Machin Blue est une Machin Gold, qu'une Bidule Extra est une Bidule Slim. Quand tu débarques là-dedans, il y a de quoi se sentir un tantinet largué·e.

Il n'y a presque plus de fumeurs de pipes. Et pas mal de gens qui prisent. Ce que j'ignorais complètement, croyant cette coutume fixée aux temps des très anciennes chansons. Je n'ai pas osé poser pour l'instant la question du tabac à chiquer. J'ai découvert l'existence des tubes et des machines à intuber (j'ignore si c'est le bon terme), étrange intermédiaire entre les clopes prêtes à porter et celles que l'on roule.

Je serais fort curieuse de voir ce que ça donnerait si la légalisation du cannabis intervenait soudain durant ma période dans ce travail. Voir le côté En direct sur le terrain.

Globalement, je suis surprise par les budgets que l'ensemble des gens parvient à consacrer à fumer, jouer aux jeux d'argent et boire des coups dans les cafés. Comme j'ai toujours gagné par un dur labeur - fors quelques périodes malencontreusement chômées - tout juste de quoi boucler le budget familial au mois le mois, je me demande vraiment comment les autres font. 


"The radium girls" de Kate Moore

(Au départ un thread sur Twitter mais ça mérite bien un billet)
 
Alors comme le "Feel good" de @thomasgunzig m'avait donné la pêche et du courage et aussi pour éviter d'enchaîner avec un autre roman que j'aurais forcément trouvé fade, j'ai attaqué cette lecture-ci dans la foulée. C'est passionnant, mais quel coup de poing même en s'y attendant
 
 
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Il s'agit de la terrifiante histoire des jeunes femmes qui travaillèrent au début du XXème siècle dans des usines où l'on utilisait le radium en particulier pour créer des aiguilles fluorescentes sur différents appareils. Elles travaillaient au pinceau.
 
 
Pour davantage de précision et de rendement, et aussi parce qu'à tremper dans l'eau les pinceaux durcissaient, elles le passaient sur leur langue entre deux tracés.
Le livre relate leur long combat pour faire reconnaître comme maladies professionnelles les cancers et autres conséquences qu'elles subirent, et obtenir prise en charge des soins et dédommagements.
Dès le début certaines jeunes femmes s'étaient méfiées, assez vite des médecins consultés furent sur la bonne piste, l'un d'eux obtint même de visiter les locaux, mais on ne lui communiqua pas toutes les infos.
 
 
Le pire étant que leurs employeurs savaient, du moins à partir d'un certain moment, et d'ailleurs prenaient des précautions pour eux-mêmes, mais toute la structure hiérarchique prétendait que Mais non, vous ne craignez rien.
 
 
La famille de la première victime décédée dans d'atroces souffrances, fut réduite au silence parce que des avis médicaux officiels prétendirent qu'elle était morte de syphilis, ce qui laissait planer des doutes sur la conduite de la défunte, qu'on aurait pu considérer à titre posthume comme une fille légère (par exemple de dissuasion aux éventuelles protestations). Et quand ça commençait trop à se savoir à un endroit que les jeunes femmes qui bossaient là ne faisaient pas de vieux os, une usine ouvrait dans un tout autre état. Salaires élevés, à côtés marrants (elles brillaient en soirée (au sens littéral)), et hop de nouvelles recrues réjouies arrivaient.
Un degré d'horreur supplémentaire est venu du fait que comme les ouvrières étaient ravies dans les débuts, car ce travail était mieux payé et vraiment moins pénible que la plupart des emplois d'usine, lorsqu'il y avait besoin de recruter, elles en parlaient à leurs sœurs et cousines et amies. Ce qui fait que des familles se sont retrouvées décimées ou des voisinages entiers.
 
De nos jours ça n'est plus le radium, mais je reste persuadée qu'on fait peu de cas de la santé des gens quand beaucoup d'argent peut être gagné par qui les emploie.
 
C'est un livre formidable ... dont je n'ose pas trop conseiller la lecture, tant il est dur, les pathologies déclarées atroces, et le cynisme des employeurs absolu. Avec en arrière-plan une façon de considérer que ça n'était pas (si) grave, ça ne concernait que des femmes et qui n'avaient pour la plupart qu'une éducation primaire. 

Photo d'autrefois

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Cette photo, retrouvée dans les affaires de mon père quand j'ai rangé trié déménagé la maison de mes parents, me fascine. L'homme à gauche est mon père jeune, la photo date probablement des années 50 à Paris. Elle n'était pas dans un album, il n'y avait pas de noms, je ne sais rien de plus et plus personne n'est là pour pouvoir expliquer.

En fait j'ai l'impression qu'elle pourrait s'intituler : 

Mon père et des ami·e·s dans un roman de Modiano

ou peut-être 

The no-name café 

Je m'aperçois que je ne sais rien, ou très peu, des amis de jeunesse de mes parents.

Quelques bribes du côté de ma mère car nous avons gardé un lien fort avec La Haye du Puits où elle a grandi. Une de ses amies d'enfance est même venue à ses obsèques et je lui en sais gré.

Des anecdotes du côté de mon père qui me racontait dans ses bons jours volontiers "Quand j'étais petit" ou "Quand je venais d'arriver à Paris". Seulement mon père faisait comme je le fais quand je relate un épisode qui implique des tiers, il ne les nommait pas, ne divulguait d'elles ou eux que ce qui avait un sens pour l'histoire qu'il avait envie de raconter. Ou alors il donnait les surnoms, car en Italie avec l'usage des diminutifs sur les prénoms, c'est courant. Donc il y avait le copain qui était une armoire à glace mais était tombé KO au premier coup de poings (bagarres de fin de bal musette), l'autre pote qui était "une force de la nature", et ses exploits horticoles et athlétiques, en plus de son boulot d'usine, etc., toutes  personnes sans autre désignation. Des prostituées d'un hôtel où il logea un temps près de la porte maillot et qu'il semblait tenir en estime et réciproquement quand il avait installé sur le WC collectif à la turque un système rabattant et la plomberie qu'il fallait pour les transformer en douche quand on le souhaitait. Il s'empressait de préciser qu'il n'était pas client, et que contrairement à d'autres il les respectait. Il racontait que son dispositif avait eu un inconvénient par ricochet : parfois les toilettes étaient longuement occupées par quelqu'un qui se lavait. C'était l'après guerre en France et les installations sanitaires laissaient à désirer. 

Un nom demeure car il s'agissait d'un couple que mes parents ont fréquenté durant mes petites années : Peppino ; je crois me rappeler qu'ils étaient plus aisés que mes parents. Et que par ailleurs lui était mort, car plus âgé (mais pas tant que cela ?), que c'était pour ça qu'ils ne se voyaient plus. Ou parce que d'autres avaient vers la fin ses faveurs ?

De loin en loin nous allions chez des collègues de mon pères ou eux venaient à la maison. Mais ma mère manquait d'enthousiasme, au fil des ans ce type de fréquentations s'est effiloché. J'y ai sans doute involontairement contribué car on m'avait fait croire que j'avais peur des chiens. Alors quand on allait quelque part où il y avait un chien, ses maîtres l'enfermaient à cause de moi et ça me rendait malheureuse, le chien pleurait derrière une porte, tout ça devait plomber l'ambiance. Après la naissance de ma sœur je pense que ma mère refusait les déplacements du dimanche. S'est alors ouverte la période, tout le monde en voiture et on se promène en voiture, l'usage de la voiture comme une fin en soi, on est heureux d'en posséder une, tout le monde n'en possède pas (1) ; avec éventuellement trois pas dehors dans un joli endroit (L'Isle Adam, le château de Compiègne, Chantilly ...).

Voilà pourquoi je n'ai aucune idée de qui sont les personnes sur la photo, probablement des fréquentations de mon père entre son arrivée d'Italie et le moment où il rencontra ma mère, dans le bus pour aller au travail, qu'ils empruntaient régulièrement vers Nanterre aux mêmes heures, avant que le travail pour lui, puis pour elle, ne migre à Poissy (2).

Il y eut bien sûr des fréquentations de voisinage - je me souviens des noms des voisins à Chambourcy alors que nous en sommes partis quand je n'avais que 5 ans 1/2 -, des fréquentations de parents d'élève - la famille Duval dont la petite Hélène était une grande amie de ma petite sœur, dont je me suis souvent demandée ce qu'ils étaient devenus -, des fréquentations via des activités, sportives en particulier, que ma mère pratiquait. Tout ça eut lieu plus tard, et peu de fêtes, sauf de famille avaient lieu à la maison. Les dimanche étaient de bricolage pour mon père, de sports dehors ou d'heures studieuses pour moi, ma sœur sortait peu et ma mère avait toujours quelque chose à faire. C'étaient des vies de travail, week-ends compris. La détente c'était : regarder la télé. Et donc personne ne venant qui aurait correspondu pour l'un ou l'autre de mes parents, aux années d'avant. 

Sur cette photo, qui sont les gens ? Quel(s) étai(en)t leur(s) lien(s) ?
Et où était ce café (potentiellement à Paris vers le XVIIème arrondissement) ? 

 

(1) rien à voir avec l'écologie ou le fait que les transports en commun suffisent. Tout à voir avec l'argent qu'il faut pour en acheter une. Le vélo est encore un moyen de transport comme un autre, mais qu'on rêve de laisser tomber pour l'auto ou, si l'on est encore jeune mobylette ou moto. Les scooters en France sont rares, mais en Italie très courants. 

(2) aux usines Simca  


Une tragédie et ailleurs un retour

 

    Après une journée bien remplie j'étais en train de récupérer en attendant l'heure de bricoler et manger un dîner, quand parce que depuis le tour de France et The Cycling Podcast, je suis un certain nombre de cyclistes sur Twitter, j'ai vu apparaître les premières alertes au sujet d'un accident grave sur le tour de Pologne. Le nom de Bjorg Lambrecht apparaissait en trending topics en Belgique, et très vite des touites indiquaient, héliporté à l'hôpital (ce qui fut l'intention mais n'eut pas lieu d'après ce que j'ai lu après), réanimation et très vite après le très vite des touites de personnes qui avaient visiblement appris la pire mauvaise nouvelle mais tentaient d'apprendre qu'elle était fausse, n'y pouvant croire. Un touite de l'équipe ou de la direction de la course qui disait il est à l'hôpital, opération en cours (ou envisagée, je ne sais plus, je me souviens d'avoir pensé, incurable optimiste que c'était bon signe dans le terrible, que ça signifiait qu'il pouvait peut-être ou sans doute être sauvé) et  

puis 

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C'était un touite de son équipe, le compte semblait bien le leur de façon peu contestable, plus aucun doute hélas ni espoir n'étaient permis.

J'ai cherché à en apprendre un peu plus, mais que faire à part penser à ses proches, famille, ami·e·s ou collègues et parmi eux coéquipiers. Je me souvenais d'autres décès prématurés de cyclistes. Bjorg Lambrecht semblait particulièrement prometteur et si jeune, même sans le connaître son sort peinait.

Je n'étais pas la seule à me souvenir, quelqu'un a émis une sorte de touite récapitulatif comme un RIP général et un ancien coureur (je crois ?) a alors ajouté quelque chose comme Sans parler des blessés si graves qu'on les a cru perdu, ou qu'ils le sont pour le sport professionnel et il a cité Stig Broeckx, si gravement accidenté en 2016 qu'on l'avait cru perdu, à ceci près qu'il était revenu d'un coma de plus de six mois, et depuis, ce que j'ignorais, progresse pas à pas pour recouvrer des capacités. J'ai même trouvé une video récente, où il est présent lors d'un prix créé à son nom afin de récolter des fonds pour les structures de soins ou rééducation, et c'est impressionnant comme il semble énergique et compréhensible pour quelqu'un revenu de si loin. 

Il est dit dans l'article qu'il avait un black out total de ses souvenirs des cinq années précédent son accident et qu'une conséquence de l'accident avait été la séparation d'avec sa compagne devenue pour lui une inconnue (1).

Quoiqu'il en soit, le voilà sauvé au moins pour un temps. Ça faisait du bien de le constater.

Chance que n'aura pas eue son compatriote. Et c'était une autre terrible étrangeté que d'apprendre de relativement bonnes nouvelles de l'un par ricochet de la pire mauvaise nouvelle de l'autre. 

Je pense aux proches de Bjorg Lambrecht, ce soir, et aimerais tant pouvoir faire quelque chose qui permettrait de soulager leur douleur. Mais il n'y a rien qui me vient. À part témoigner ici d'une sorte de chagrin commun à qui apprécie le sport qui était sa passion mais l'a finalement tué.

 

(1) un autre reportage le montre pourtant avec quelqu'un ; mais ça doit effectivement être profondément étrange de trouver des personnes pour qui on semble compter mais dont on n'a pas le souvenir. 

PS : Deux de mes amies traversent des jours difficiles et je ne sais, non plus, comment les aider dans ces moments si rudes à traverser. Que faire au concret ?

 


des noms sur un monuments (Ce ne sont pas que)

 

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Après une petite séance d'entraînement artisanal à la piscine Montherlant, je cherchais un vélib de maintenant afin de rentrer chez moi (1).

Je traversais donc le Square Lamartine quand une plaque à attiré mon attention. Entre 2013 et octobre 2015 j'ai travaillé dans ce quartier et je ne l'avais jamais remarquée. 

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Elle est édifiée à la mémoire de tout jeunes enfants qui habitaient le quartier avec leurs parents quand les rafles anti-juives de la seconde guerre mondiale eurent lieu. D'enfants qui furent déportés si petits qu'ils ne connurent jamais la scolarisation. 

De retour à la maison j'ai tapé les deux premiers noms de la liste sur un moteur de recherche, Antoine Baur et Francine Baur. 

La photo que je me permets de publier en avant de ce billet apparaît en premier. Elle provient d'un site de recherches généalogiques. J'ignore qui l'a prise ni de quand elle peut dater. En revanche, les dates et lieux de naissance et de mort figurent sur le site. 
Il s'agissait donc d'une famille qui comportait quatre enfants, Pierre, Myriam, Antoine et Francine Baur. Respectivement 10, 9, 6 et 3 ans, quand ils sont morts, ainsi que leurs parents, à Auschwitz le 19 décembre 1943. Aucune d'entre elles, aucun d'entre eux n'aura survécu. Leur seule culpabilité était, aux yeux du régime nazi, leur origine juive.

Personne en aucun lieu en aucun temps ne mérite d'être assassiné pour une appartenance à une origine, une religion, une couleur de peau ou quoi que ce soit qui ne relève de sa part d'aucun choix. L'être humain ne sait éviter la violence, on l'a hélas compris, mais qu'au moins on se cantonne à ce qui tient de conflits entre adultes et d'éléments relevant d'un choix, d'idées à défendre, d'appartenance volontaire à un parti. Mais pas ça, pas se saisir d'un groupe donné pour en faire des boucs émissaires et de façon plus ou moins raffinée les massacrer.

Je n'ai pas poursuivi mes recherches pour les autres noms, j'avais à avancer dans ma journée, je ne pouvais davantage consacrer de temps au passé.

Mais j'aimerais que l'on n'oublie pas, qu'on ne les oublie pas et qu'on évite, moins d'un siècle plus tard, de repartir dans les mêmes criminelles dérives. 

 

(1) N'en ai trouvé aucun d'opérationnel, j'ai dû rentrer en RER C


Voter sans savoir ce qu'ils ont programmé ?

 

    Force est de constater qu'à une semaine des élections européennes à un tour, nous (Île de France et quelques provinces) n'avons toujours pas reçu l'ombre d'une profession de foi. Or on nous a annoncé 33 listes, en tout cas les panneaux électoraux, pour l'instant peu garnis, sont prévu pour ça. 

Comment faire un choix citoyen et réfléchi si l'on ne dispose pas des programmes des partis, pardon mouvements ?

De plus les débats dans les médias mainstreams ne portent pas sur le fond, mais sur des fights et des buzz, Untel a dit ci, Machin a dit ça, et l'extrême droite dit C'est la faute aux immigrés islamisés (le C'est portant sur à peu près tout). Ils se font bien l'écho aussi des querelles de personnes. 

Pour le reste ? Rien, rien de construit. En gros : Votez pour moi pour que je passe la fameuse barre des 5 %.

Les candidats au concours de l'Eurovision avaient dans leur paroles presque davantage de programmes militants.