Una storia che fa bene da leggere o sentire (che c'è la video)

L'article de Simona Ravizza pour Il Corriere est

Pour ceux qui ne pratiquent pas l'italien : il s'agit d'un jeune homme de 15 ans qui en avril 2015 par une journée très chaude plongeait, avec une bande de copains, dans une rivière vers Milan pour se rafraîchir, mais l'un de ses pieds s'est trouvé coincé sous l'eau et il y a passé 42 minutes (1). Il doit la vie à la force de Rossella Giacomello, des équipes de secours d'urgence, qui a insisté à tenter la réanimation malgré ceux qui lui disait que c'était foutu, et aux médecins de l'hôpital où il fut emmené et qui ont eu l'idée de le brancher à l'une de ces machines cœur-poumon (que je crois utilisées plutôt lors de certaines opérations), un truc un peu fou, mais non seulement ça a marché, mais en plus le gars semble avoir récupéré ses facultés (2) [et en tout cas il cause avec une vivacité que bien des gens pourraient lui envier]. Dans l'aventure il a perdu un pied. Ce qui paraît un moindre mal.

 

En fait c'est un article qui évoquait la résolution du problème administratif qui l'empêchait d'obtenir une prothèse qui est arrivé jusqu'à moi et j'ai lu du coup le reste de son histoire, entre autre sur La Stampa.
Il faut garder à l'esprit qu'en cas d'issue fatale, la femme qui a tout tenté pour la réanimation alors qu'on lui disait d'arrêter et l'équipe médicale qui a pris la décision de tenter le tout pour le tout avec une machine prévue pour d'autres usages (plus calmes et prévus, le risque était là, et sans doute aussi une question de coûts mais qui heureusement ne les a pas arrêtés) auraient eu de sérieux ennuis. Parfois, ça vaut la peine de ne pas laisser faire et puis tant pis, parce qu'une infime chance existe il faut l'essayer. J'éprouve pour ces personnes, qui ont agi en leur âme et conscience, une grande admiration.

 

(1) J'avoue ne pas comprendre peut-être qu'il était terriblement encastré dans quelque chose (3).
(2) Il est dit dans l'article que théoriquement au bout de 25 minutes sans oxygénation le cerveau est foutu.
(3) Apparemment c'est bien ça, plusieurs ont plongé mais seuls les hommes-grenouilles des pompiers ont pu le décoincer.


Ce monde qui épuise les gens qui bossent bien


    En médecine plus qu'ailleurs, je veux dire dans les métiers de soin.

Jaddo, comme dab mais hélas (car on aurait préféré qu'elle n'ait pas à l'écrire) l'explique fort bien :

Injonctions paradoxales. Mes fesses

Je fais partie de ceux qui ont choisi une option "pas d'arrêt de travail" alors qu'ils auraient pu légalement y avoir droit, probablement parce qu'à deux moments particuliers (dont la mort de mon père) j'en ai eu dramatiquement besoin, alors je préfère qu'ils existent encore si possible pour le temps de travail de mes enfants et que donc si je peux faire autrement je fais autrement. J'ai donc démissionné d'un emploi que je ne parviens plus bien à assurer physiquement ou que j'assume mais qui me conduit à l'épuisement - mais si le boulot était moins physique (1) je pourrais, donc j'ai un peu tendance à considérer que ça ne relève pas de l'arrêt maladie mais que c'est à moi de trouver autre chose après m'être retapé la santé -. Ce qui fait que la part "empêcher les médecins d'accorder des arrêts de travail" me rend furieuse.  Nous sommes nombreux à aller les voir ... pour nous en passer et plutôt prendre au détriment d'autres morceaux de notre santé ce qui nous permettra de tenir. 

Et cette histoire de caméra cachée est une ignominie. Je souhaite à tous ceux qui ont participé à ce dispositif de tomber gravement malade sans pouvoir être bien soignés, ou en étant obligés d'aller bosser quand même. Que le soignant en face d'eux leur dise, Désolé mais j'ai déjà utilisé pour ce mois-ci tout mon quota d'arrêts, vous allez devoir continuer.

Enfin comme Jaddo, j'en ai marre d'un monde où ce sont ceux qui trichent, abusent de leur situation, truquent les chiffres à leur avantage, refilent aux autres les tâches ingrates, qui sont considérés parce que leurs statistiques joliment toilettées sont parfaites, comme de bons professionnels alors qu'ils gâchent le métier. 

Ce monde est épuisant pour les gens qui bossent bien.

 

(1) En fait j'ai depuis juillet un problème avec la station debout prolongée. Quatre heures ça va. Six j'ai du mal. Huit c'est une souffrance - même avec une heure de pause -.


Incrédule

Je n'arrive pas à croire que j'en ai fini avec le léger souci de conséquences imprévues d'éventuels actes amoureux. Je n'arrive pas à croire que je n'aurais plus à dépenser d'argent tous les mois. J'ai retiré de mon sac les protections de précaution. Je n'arrive pas à croire que je n'en aurais plus besoin. Je n'arrive pas à croire que je n'aurais plus ces douleurs épisodiques qui, certes, étaient par chance tout à fait supportables mais quand même épuisaient.

Je n'arrive pas à croire que je ne dépends plus d'aucun approvisionnement chimique en ce moment. Quelque chose en moi craint qu'une maladie n'arrive, histoire que j'ai quand même à nouveau un truc à prendre.

Comme je me sens en forme, du moins le plus en forme possible à mon niveau, je reste frappée d'incrédulité quant à la perspective d'une période sans aucun tracas et durant laquelle pour autant je serai encore parfaitement opérationnelle.

Je me sens au maximum de mes possibilités avec plus rien pour entraver.

Je n'arrive pas à croire que ça puisse durer.

Je n'arrive pas à croire que j'ai (si bien) survécu.


Toute première fois tou-toute première fois tou-toute première fois tou-toute première fois a-ha

Jusque-là je m'en tenais à une sorte de stupéfaction incrédule, malgré des résultats numériques objectifs inscrits sur une feuille noir sur blanc et la confirmation d'un professionnel dont les années écoulées m'ont permis d'apprécier le sérieux et la fiabilité.

Puis à une certaine forme d'allégresse : j'étais enfin tranquille tout en ayant échappé aux éléments pesants. D'une certaine façon c'était aussi une première fois : jusqu'à présent dans ma vie j'étais plutôt la personne qui se mange tous les effets secondaires possibles d'un traitement ou d'un état donné. Voilà que là, pas. C'est sans doute lié (et pour les causes et pour leur absence de visibles conséquences ou qu'elles furent masquées) au chagrin subi l'an passé. Une absence violente a rendue soudain obsolète ma capacité à devenir encore parent, même si de toutes façons trop âgés et déjà amplement pourvus de descendances (2) telles n'étaient pas nos intentions.

Claude m'écrit "ça arrive chez les danseuses" - voilà un des plus beaux compliments que l'on m'ait jamais fait - ; il est vrai qu'en étant archi-pas douée avec des difficultés de coordination monumentales (1) tout au long de ma vie d'adulte fors les grossesses et quelques maladies et l'hiver dernier la dèche, j'aurais dansé avec la plus grande régularité. Et qu'à force je suis passée de dramatiquement nulle à simplement mauvaise. Ce qui, vu de l'extérieur ne ressemble en rien à un exploit (il suffit de me voir sur une musique peiner), est une des plus grandes fiertés de ma vie : grâce à une prof de haut niveau et patiente je suis parvenue à m'extraire d'une impossibilité, à créer les connexions neuronales nécessaires (hélas il en manque) à force de m'acharner.

En attendant ce fut ce week-end la première fois d'amour sans précautions, vraiment la toute première car au siècle dernier dès le premier garçon j'avais fait attention. Et ça ne changeait rien à l'affaire, mais c'est seulement à ce moment-là que la prise de conscience a eu lieu qu'une étape de vie était belle et bien achevée et qu'une autre, plus insouciante sans doute (3), s'ouvrait. 

Ça n'est sans doute pas (si) anodin.

 

 

PS : Pour les moins de vingt ans que ce billet pour l'instant ne concerne pas, le titre vient d'une chanson à succès de Jeanne Mas (1984) (si un des symptômes de l'autisme asperger est de savoir par cœur trente ans après toutes les paroles des chansons à succès d'une époque ancienne y compris et surtout de celles dont on se contrefoutait et qu'on n'écoutait jamais exprès, je suis aspie à n'en pas douter)

(1) D'où enfant ma prédilection pour le foot : que les pieds.
(2) Si ça tombe ... non, rien. Le vrai écart entre hommes et femmes d'orientation hétérosexuelle est là : les hommes peuvent très tardivement devenir à nouveau pères. Qu'est venu stimuler le viagra.
(3) et moins soumise à l'anémie, mais ça, wait and see. J'ai trop peur d'être déçue.

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L'écart parfois long entre le dernier jour avec et le premier jour sans

 

C'était donc aujourd'hui depuis 32 ans mon premier jour vraiment sans - il y eut à deux périodes une dizaine de mois sans, très volontairement, mais il n'y avait jamais eu d'autres interruptions. Et peut-être une seule fois (ou deux ?) un oubli, qui correspondait (allo Dr Freud ?) à une journée bruxelloise (hélas ?) sans aucun risque.

Le dernier jour avec fut la semaine d'avant et c'était fort curieux, précisément ce décalage. Car finalement le dernier jour avec ne marque pas une fin alors que le premier jour sans, si.

Le premier jour sans fait bizarre, je n'ai pas encore l'habitude de l'insouciance absolue. En fait et en l'absence de symptômes, je n'y crois pas vraiment. J'ai l'impression d'avoir atteint un nouveau niveau dans le jeu de la vie. Un niveau où plus grand chose ne devient très risqué, ni n'a vraiment d'importance - le risque que le désir créé un indésirable tend désormais vers zéro -, mais où l'espoir de faire l'amour n'existe plus trop non plus.

Je remarque alors que bien d'autres couples (dernier jour avec, premier jour sans) fonctionnent dans une existence (et plus particulièrement une vie de femme) avec des écarts de temps.

Le dernier jour avec le bien-aimé fut de plusieurs mois loin du premier sans lui lequel précédait de très peu des retrouvailles prévues. D'où qu'il s'est sans doute résolu avant qu'un paparazzo ne le saisisse en scooter sortant de chez sa nouvelle conquête quand il a su que je perdais l'emploi qui me rendait utile à son travail, à me prévenir à ce moment précis. Il se doutait que je ne ferais pas défaut pour un petit boulot que j'effectuais pour lui à titre affectueux la semaine suivante, parce qu'il concernait deux autres personnes qui n'étaient pour rien dans son comportement. Et que je suis du genre qui ne fait pas faux bon.

Le dernier jour de mon boulot d'"Usine" précéda de trois mois mon premier jour officiellement sans - un 1er avril, ça ne s'inventait pas -. Mon dernier jour avec l'amie qui tant comptait précéda de huit mois le premier jour sans elle dans ma vie - "Je n'imagine pas la vie sans [Biiiip]" a déclaré plus tard celle qui m'avait succédée et à laquelle je devais, sans qu'elle n'en sache rien, mon éviction ; je n'imaginais pas plus qu'elle, j'ai été en danger -. Elle n'était déjà plus là, la grande amie, la presque sœur, que je la croyais toujours proche, et simplement trop prise par tout le boulot qui l'accaparaît.

Le dernier jour avec mon père précéda d'au moins trois mois d'une terrifiante agonie le premier jour vraiment sans lui. Il n'était plus lui-même, tout cerveau dévoré.

Je pourrais continuer cette liste plutôt triste encore longtemps. Même s'il doit bien y avoir en particulier dans les moments de convalescence, un tel écart possible de façon positive.

Je me demande ce que la suite me réserve. Je ne parviens pas à croire que je ne vais plus saigner. Qu'un certain nombre de petits tracas physiques périodiques me seront désormais épargnés.

Au moins cette fois, le premier jour sans n'était pas une accablante surprise, puisqu'au dernier jour avec je le savais prévu. 

Mon premier geste du matin est désormais d'ouvrir "La Recherche" et d'y lire environ deux pages et demi. Rituel que j'avais mis en place avant de savoir que celui de la chimie protectrice allait prendre fin. Cette chance du "juste avant" qui m'aura sauvée si souvent. Puisse-t-elle perdurer. 


Cheveux blancs

(billet comme suite à une conversation avec @NommerAimerEtc qui évoquait chez elle leur répartition)

(billet non relu pour l'instant, I've got to go)

 

Je ne parviens pas à comprendre cette société qui veut à tout prix nous faire croire qu'être vieux (ou pire : vieille) c'est mal.

Au contraire ayant été une enfant fragile et une jeune femme souvent malade (pas grave mais fièvres et toux et clouée au lit), je suis tout épatée et fière d'être arrivée à l'âge que j'ai. Alors je considère mes cheveux blancs comme le signe d'une victoire de plus en plus apparente sur l'adversité.

Je n'ai aucune envie de me coller de la chimie dans les cheveux. D'une façon générale je suis persuadée que les cosmétiques ne nous font pas de bien (1) à part ceux qui soulagent directement (un baume contre les gerçures des lèvres, une crème hydratante, surtout en hiver), mais pour le reste je n'éprouve pas le besoin malgré la pression sociale et certaines déceptions amoureuses, d'essayer de ressembler à ce que je ne suis pas : si j'ai les yeux cernés par suite d'une soirée joyeuse et arrosée ou d'une nuit coquine TANT MIEUX ! Si j'ai des rides aux coins des yeux parce que je rigole le plus souvent que je peux, c'est bon signe.

Pour moi le maquillage ou la teinture ou tout ce qui vise à modifier ostensiblement l'apparence est lié à des engagements précis : être sur scène, devant des caméras (sans fond de teint la peau blanche paraît blafarde), jouer un rôle. Je n'ai rien contre. J'étais super maquillée pour chanter avec Johnny :-) ou lire des textes dans une émission au moment de l'enlèvement de Florence Aubenas. Dans la vie je joue mon rôle, je n'ai donc pas besoin d'artifices ou pas plus que pour ne pas ressembler au Yéti - je ne cherche pas non plus délibérément à faire fuir -. 

Par ailleurs je suis cycliquement désargentée donc je n'ai pas de budget à dépenser dans des artifices. 

Comme je viens d'un noir corbeau, je ne vois pas quelle couleur coller. Pour le bleu turquoise il me faudra attendre d'avoir passé avec succès mon diplôme de fée, pour l'instant je suis seulement sorcière avec différentes options qualifiantes en gentillesse mais mon humour noir qui est féroce m'a fait recaler. Et puis le monde enchanté est encore sexiste un tantinet, et une fée footballeuse ça la fout mal (pour l'instant) (mais je ne désespère pas de faire évoluer les mentalités).

Je trouve aussi que c'est bien foutu : on commence à avoir des rides en même temps que des cheveux blancs ou globalement gris ce qui lorsqu'on est brun(e) adouçit et en plus ça tombe au moment où l'on voit moins bien de près, ce qui permet de continuer à trouver beau notre vieil amoureux pour peu qu'il ne se soit pas laissé pousser la bedaine (2). Alors pourquoi essayer de surpasser ce qui semblait bien combiné ? 

Enfin mon côté scientifique est curieux de voir comment tout ça évolue. Comme il n'y a jamais de meilleur cobaye que soi-même (3), toujours à disposition, j'observe. Pour commencer j'ai été surprise par le dézonage de l'arrivée des cheveux blancs. Contrairement à ce que signalait pour son cas ma camarade de touites, les miens ne viennent pas par nids. Ils sont répartis sur l'ensemble. Je regrette de n'avoir pas noté l'arrivée du premier remarqué. 

L'autre surprise est qu'ils ne sont pas en augmentation linéraire avec franchise dans le temps. Ou du moins en apparence. Comme mes cheveux frisent, j'ai l'impression que les blancs (plus légers ?) que les noirs se montrent davantage aux jours d'humidité ou bien en bords de mer. Peut-être aussi qu'il tombent par période plus les uns que les autres (4). Les deux photos qui suivent sont séparées de deux ans exactement, d'accord l'une est prise par jour de grand soleil, l'autre non, il n'empêche c'est curieux que la plus récente ne soit pas la plus blanchie.

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Photo du 06-10-13 à 13.21

Enfin j'ai mon petit espoir personnel : si je parviens à tenir jusqu'à l'âge des cheveux blancs, on s'apercevra enfin que j'ai les yeux clairs (5). Un seul pour l'instant y fut attentif et qui ne m'a pas voulu de bien, in fine. Alors j'aimerais qu'enfin ça se voie de façon plus générale. Comme ça, ça me protégera.

 

(1) Un jour ou l'autre des études prouveront que tel ou tel produit était en fait cancérigène, que l'épilation favorisait les infections, que certaines caractéristiques de nos corps n'étaient pas simplement là pour faire joli ou moche, selon les modes, mais que ça protégeait de différents ennuis potentiels.

(2) Qui est pour les hommes comme les femmes le seul vrai problème esthétique du vieillissement. Avec pour les femmes les seins qui perdent de leur tonus, mais si on les avait petits, ça ne se voit presque pas.

(3) N'est-ce pas, Sophie

(4) Probablement pour cause d'anémie, j'en perds beaucoup. 

(5) et que je ressemble à Ingrid Bergman, ce dont une seule personne de toute ma vie s'est aperçue ... et qui (pour l'instant ?) n'y est plus.


D'accord d'accord c'est de la publicité (mais je la trouve excellente)

(oui ça m'arrive)

C'est une réclame d'une société de biotechnologies qui  commercialise des tests et des systèmes de diagnostics destinés aux laboratoires d'analyses médicales (entre autres). Elle a été faite je crois en 2007 (j'ignore pourquoi c'est en 2013 qu'elle a rebondi par camarades touitons interposés jusqu'à moi), et évoque ce qui était alors un clip promotionnel pour de nouveaux réactifs de PCR (ou réaction en chaîne à polymérases). Ne pas avoir peur, c'est expliqué tout bien ici chez le biologeek Jay.

(et là le fiston va me dire : - Mais maman t'étais vraiment obligée de mettre plein d'explications relouds avant la video ? Et je vais répondre : - Oui mon enfant. Parce que c'est encore plus drôle quand on comprend (tout) (ou presque))

PS : Cela dit j'espère que je n'ai pas compris de travers et du coup mal expliqué ou transmis de douteuses approximations.


Un homme qui a changé ma vie

  

J'apprends ce matin la mort de Lucien Neuwirth. Nous ne nous connaissions pas, mais il fait partie de ces hommes (et femmes) qui ont changé ma vie, et sans l'action desquelles je ne serais peut-être plus là pour en parler. La plupart de ceux-là font partie du corps médical (ceux qui ont mis au point les antibiotiques (auxquels je suis désormais allergique mais qui m'ont sauvée la mise plus d'une fois dans l'enfance), certains vaccins, la pillule contraceptive), certains de la technique (j'adresse chaque matin en allumant mon ordi un remerciement muet à tous ceux qui ont permis et l'appareil et sa connexion au monde et songe encore souvent aux concepteurs des réfrigérateurs et machines à laver le linge), mais celui-ci faisait partie des législateurs sans lesquels l'accès à certains soins aurait été impossible ou trop tardif.

Je sais que la bataille qu'il dut livrer, et pour grande partie contre son propre camp (il était conservateur, de droite, mais de ces gaullistes que les extrêmistes décomplexés que l'on a désormais nous font bien regretter - une droite décente et relativement sociale, moins axée sur le profit à tout prix et le mépris, des gens sûrs de leur supériorité mais traitant humainement le petit personnel s'il lui est dévoué -), fut homérique, qu'il fut en quelque sort la Taubira de ce moment-là (palsambleu que ce pays est rétrograde et qu'il est difficile d'en faire évoluer les mentalités). 

Je sais que si j'ai vécu dans la sérénité mes premières amours et que si mes enfants sont en nombre raisonnable, la planète est surpeuplée, et venus parce que nous étions leur père et moi tout prêts à les aimer c'est en partie grâce à la lutte que mena cet homme-là. D'autres l'auraient sans doute fait tôt ou tard s'il ne s'y était pas dévoué. Mais le "ou tard" serait peut-être venu trop tard pour les femmes de ma génération.

Mes grands-mères ont mené à leur terme respectivement six et onze (ou treize !) grossesses, sont devenus adultes échappant à la guerre et aux maladies trois et sept de leurs enfants. Ces existences vouées à la conception et au travail familial sont assez proches de moi pour que je mesure l'importance du progrès accompli. Les deux grossesses que j'ai vécues m'ont suffisamment épuisée pour que je sache le prix de ce à quoi j'ai échappé. Le droit de disposer de mon cerveau et que toutes mes forces vitales ne soient pas tout au long de ma vie fertile happées par la reproduction et son service après vente qu'on tente d'ennoblir en l'appelant éducation.

Bien sûr et de nos jours il existe d'autres moyens de contraception efficaces (1), de gros progrès ont été faits quant aux DIU ; plus jeune de dix ou quinze ans et non équipée d'une permanente anémie, j'eusse sans doute opté pour cette méthode. Il n'en demeure pas moins qu'au vieux monsieur qui vient de quitter ce bas monde, je dois une fière chandelle, un accès à un soin malgré mon manque chronique de moyens financiers (2) et des moments de bonheur et d'exultation dépourvus d'appréhension.

Monsieur Neuwirth, merci infiniment.

 

PS : Davantage de précisions par exemple dans cet article du Monde datant de 1994 ou avant et joliment réactualisé. J'espère qu'il n'est pas réservé strictement aux abonnés.

 

(1) du préservatif seul, se méfier. 
(2) Il y aurait sans doute eu moyen de se débrouiller pour ce procurer des contraceptifs mais il était important qu'une loi passe afin que l'usage, réglementé, plus sûr car encadré, puisse n'être pas trop coûteux (voire, les premières années totalement remboursé).