Un indicateur de fatigue

 

    Longtemps le radio-réveil fut calé sur 6h30, heure qui permettait aux un·e·s et aux autres de la famille de se préparer qui pour l'école puis le collège puis le lycée puis la fac, qui pour le bureau, plus tard aussi la librairie. Quand j'ai repris la natation en 2004, après avoir été contrainte à 10 ans à restreindre cette activité pour cause de rhumes récidivants, j'ai calé l'heure de l'enclenchement plus tôt. Après m'être inscrite au club de triathlon, encore un peu plus tôt. Le réveil est désormais à 6h17.

J'ai eu des 6h15 aussi, du temps heureux où nous participions certains vendredi à des files d'attentes collectives pour l'Opéra de Paris, avant qu'elles ne fussent de facto réduites à néant par les réservations en ligne et l'augmentation des tarifs pour les places abordables mais bonnes que nous convoitions.

Mon bref #NouveauBoulot a requis des réveils à 6h voire 5h45 pour les matins où j'ai embauché à 7h15 ou 7h30.

J'aime bien me lever tôt, davantage s'il s'agit d'aller nager que de filer à un boulot, il faut bien l'avouer, mais ça ne me pose pas de problèmes, dès lors que je n'ai pas veillé trop tard. Le tout est de pouvoir intégrer une sieste en début d'après-midi.

La différence se fait à la fin des contraintes. C'est là qu'on voit si elles nous faisaient mal ou pas. Cette année écoulée, où j'ai vécu de remplacements et où j'ai travaillé, en pure perte hélas, à un projet de reprise d'une librairie puis un projet de création dans ma ville, j'ai pu respecter mon sommeil, mes rythmes et même sans le recours à un réveil, étais calée sur 6h30 sauf le dimanche.

À présent que je reprends pied dans ma vie, après un mois et demi de travail à grand temps, je m'aperçois que du radio réveil qui s'enclenche à 6h17 je n'entends au mieux en premier lieu qu'une chronique qui se tient à 6h58. L'épuisement est si fort que le son pourtant proche met plus d'une demi-heure avant de parvenir jusqu'à mon cerveau.

La première émission que j'entends est un bon indicateur de fatigue. Est-elle proche du déclenchement ?, je n'ai pas trop de soucis à me faire pour ma santé.

J'ai jusqu'à la fin des congés scolaires et la reprise des entraînements pour retrouver mes réveils (presque) naturels matinaux. Et une fois mes forces reconstituées, me remettre à chercher du boulot (ou une solide subvention d'écriture).

 


"The radium girls" de Kate Moore

(Au départ un thread sur Twitter mais ça mérite bien un billet)
 
Alors comme le "Feel good" de @thomasgunzig m'avait donné la pêche et du courage et aussi pour éviter d'enchaîner avec un autre roman que j'aurais forcément trouvé fade, j'ai attaqué cette lecture-ci dans la foulée. C'est passionnant, mais quel coup de poing même en s'y attendant
 
 
Image
 
 
 
Il s'agit de la terrifiante histoire des jeunes femmes qui travaillèrent au début du XXème siècle dans des usines où l'on utilisait le radium en particulier pour créer des aiguilles fluorescentes sur différents appareils. Elles travaillaient au pinceau.
 
 
Pour davantage de précision et de rendement, et aussi parce qu'à tremper dans l'eau les pinceaux durcissaient, elles le passaient sur leur langue entre deux tracés.
Le livre relate leur long combat pour faire reconnaître comme maladies professionnelles les cancers et autres conséquences qu'elles subirent, et obtenir prise en charge des soins et dédommagements.
Dès le début certaines jeunes femmes s'étaient méfiées, assez vite des médecins consultés furent sur la bonne piste, l'un d'eux obtint même de visiter les locaux, mais on ne lui communiqua pas toutes les infos.
 
 
Le pire étant que leurs employeurs savaient, du moins à partir d'un certain moment, et d'ailleurs prenaient des précautions pour eux-mêmes, mais toute la structure hiérarchique prétendait que Mais non, vous ne craignez rien.
 
 
La famille de la première victime décédée dans d'atroces souffrances, fut réduite au silence parce que des avis médicaux officiels prétendirent qu'elle était morte de syphilis, ce qui laissait planer des doutes sur la conduite de la défunte, qu'on aurait pu considérer à titre posthume comme une fille légère (par exemple de dissuasion aux éventuelles protestations). Et quand ça commençait trop à se savoir à un endroit que les jeunes femmes qui bossaient là ne faisaient pas de vieux os, une usine ouvrait dans un tout autre état. Salaires élevés, à côtés marrants (elles brillaient en soirée (au sens littéral)), et hop de nouvelles recrues réjouies arrivaient.
Un degré d'horreur supplémentaire est venu du fait que comme les ouvrières étaient ravies dans les débuts, car ce travail était mieux payé et vraiment moins pénible que la plupart des emplois d'usine, lorsqu'il y avait besoin de recruter, elles en parlaient à leurs sœurs et cousines et amies. Ce qui fait que des familles se sont retrouvées décimées ou des voisinages entiers.
 
De nos jours ça n'est plus le radium, mais je reste persuadée qu'on fait peu de cas de la santé des gens quand beaucoup d'argent peut être gagné par qui les emploie.
 
C'est un livre formidable ... dont je n'ose pas trop conseiller la lecture, tant il est dur, les pathologies déclarées atroces, et le cynisme des employeurs absolu. Avec en arrière-plan une façon de considérer que ça n'était pas (si) grave, ça ne concernait que des femmes et qui n'avaient pour la plupart qu'une éducation primaire. 

Récupération (note pour courses ultérieures)

 

5247_20190713_164843_168370978_socialmedia

Les 25 km du Trail de la Chouffe se sont achevés pour moi après 4h40 d'efforts, samedi vers 17h. J'ai enchaîné par une séance de piscine tranquille, environ 1250 m, dans l'idée de m'étirer et de détendre les jambes, et d'une brève séance de bains bouillonnants.

Au lendemain matin nous avons bénéficié de deux heures de Wellness : hammam, sauna, infra-rouge et bains de pieds bouillonnants.

Le mois dernier le trail distance M d'Hourtin était pour moi passé crème : pas d'épuisement juste après, une saine et légère fatigue, zéro courbatures ensuite, rien les jours suivants que ç'en était surprenant. Quinze jours plus tôt que le Trail à Houffalize, un entraînement un peu long sur La Haye du Puits - Lessay, suivi dans l'après-midi d'environ 500 m de nage en mer par solide courant, ne m'avaient pas laissé de traces. Tout au plus une fatigue diffuse, très supportable, dans les jambes.

Comme je n'ai eu aucun tracas pendant la course, à peine un début de crampe à un orteil du pied gauche comme il m'en vient parfois, et qu'il me semblait avoir pris les précautions nécessaires énumérées au début de ce billet (auxquelles s'ajoutaient une boisson  de récupération recommandée par un ami marathonien, donc fonctionne au moins l'effet placebo), je ne me méfiais pas. 

C'était un tort. 

Après une légère embellie grâce au Wellness, j'ai souffert des jambes à ne marcher que difficilement, et presque pas pouvoir descendre le moindre escalier du dimanche après-midi jusqu'au mardi soir. Ce n'est que ce matin, que j'ai pu me lever sans précautions particulières et me rendre sans arrière-pensée (1) là où je le devais. 

Le long trajet en voiture du dimanche, pour lequel j'étais passagère n'a probablement rien arrangé. Je me souviens que je souffrais. 

Donc voilà, tandis que de jeunes personnes athlétiques hésitent entre récupération passive ou active, je me note par ici pour la prochaine course plus longue qu'un semi de prévoir 72 heures sans trop d'efforts physiques, et si possible au moins une journée de sommeil du moins sans contraintes horaires et dans la proximité d'un lit douillet (2).

Prochain entraînement prévu : une séance de natation tôt le vendredi matin. 

Éventuellement un peu de vélo demain jeudi, si jamais je me réveille avec une énergie retrouvée. Et reprise douce de la CAP dimanche, 8 ou 10 kilomètres sans forcer avec assouplissements après.

 

(1) de type effectuer un détour pour éviter un escalier 

(2) Ce fut le cas ce lundi. J'aurais difficilement pu travailler (autre que l'écriture)


Que devient Budhia Singh ?

 

    J'étais en train de lire des articles ou reportages vidéo au sujet de Caster Semenya et les autres athlètes hyperandrogènes et des développements récents des décisions fluctuantes les concernant  - la question se pose vraiment, faire justice à ce dont elles sont dotées de par la naissance et les efforts qu'elles ont consenti pour s'en sortir malgré tout, ou faire justice à l'ensemble des femmes athlètes ? sans parler des incidences médicales d'injection d'hormones et du contexte général de dopage répandu (qui rend étrange de s'en prendre à des caractéristiques naturelles fussent-elles exceptionnelles -. 

Est alors apparu en autoplay un reportage au sujet de Budhia Singh ce jeune garçon indien né en 2002 dans un bidonville, vendu par sa mère parce qu'ils mourraient de faim, récupéré par un coach de judo, Biranchi Das, lequel avait repéré ses qualités d'endurance et en avait fait une sorte de wunderkid du marathon. Jusqu'à ce qu'à pousser l'exploit trop loin il mène à des défaillances de l'enfant et l'intervention de services de protection de l'enfance, qu'il avait peut-être déjà exaspéré par ailleurs ou auparavant, car ce fut contre lui un déchaînement. Au bout du compte l'enfant lui fut retiré avec une interdiction pour lui de recourir un marathon avant l'âge de 17 ans, le guru-entraîneur fut assassiné un an après, officiellement par un voyou qui lui reprochait d'avoir offert abri à une jeune fille qu'il convoitait (sans doute pour la prostituer), lequel (si j'ai bien compris des articles pas uniquement en anglais) aurait été libéré sous conditions en 2017. Plus tard l'enfant s'est trouvé pris en charge dans un sport études, où il a étudié avec motivation mais était malheureux des entraînements courtes distances auxquels il était limité - tout en n'étant pas considéré comme très bon, puisque ça n'était pas son truc, le sprint -. Plus récemment on le retrouve lors de la promo du biopic le concernant, alors que jeune adulte il ne cesse de clamer qu'il ne souhaite qu'une chose : qu'on le laisse courir des marathons au plus haut niveau et d'avoir un entraîneur. 

Là aussi, difficile de se faire un avis : selon les témoignages, l'entraîneur est un bourreau ou un sauveur, l'enfant une victime ou un héros, les services de protection de l'enfance le bras armé d'un pouvoir politique désireux de dégager un indésirable ou des sauveurs d'un petit qui se faisait surexploiter. 

Un point intéressant reste que l'adolescent continue de parler de son gourou et coach avec respect et reconnaissance. Il semble considérer qu'il a vu en lui le champion qu'il était.

La seule certitude est qu'un monde où un enfant ne serait pas sommé de choisir entre courir de longues distances au point de mettre en danger sa santé, ou mourir de faim serait bien. 

L'autre est que les choses étant survenues et irréparable, il semble qu'il reste au jeune homme une furieuse motivation persistante pour son sport. Et qu'il est en âge de prendre ses décisions, alors lui donner sa chance serait bon. 

Je serais curieuse de savoir ce qu'il adviendra. On aimerait tellement qu'il s'en sorte.

PS : Au vu de différents articles glanés ici où là il semblerait qu'avant 16 ans et en gros une croissance déjà plus ou moins sinon complète du moins avancée d'aussi longues distances que le marathon serait déconseillé. 

 


L'importance de la voix


    Réveillée entre autre par le journal d'informations de 6h30 sur France Culture et où la voix qui doublait Trump (à partir de 6'13") bien timbrée et comme triste, de quelqu'un de cultivé, donnait presque l'impression qu'il n'enfilait pas des horreurs à l'emporte-pièce comme à son ordinaire. 

À ce point c'était impressionnant.

Dans la même journée lu / écouté ceci au sujet des règles qui gênent les chanteuses lyriques.  Je n'ai jamais pensé que ça pouvait influer comme ça. À mon faible niveau d'amateure le temps que je pratiquais (1), ça influait en terme de fatigue (les 2 jours avant et les 2 jours du début), sans doute à cause de mon anémie ; de petites maladies aussi, puisque ces jours de relative faiblesse étaient ceux de choper des rhumes, qui ne sont pas les grands amis de la voix chantée. J'ignorais qu'il y eût un effet sur la teneur de la voix elle-même. 

Et pour finir, la voix de Jacques Brel, cet affreux misogyne (2), cependant si poète, et zbeul émouvant.

 

(1) interrompue par ce que les horaires d'une #VieDeLibraire sont peu compatibles avec des répétitions de chorales et que les cours de chant classique n'étaient abordables que tant que je bossais à l'"Usine" et qu'ils étaient pour partie financés par le comité d'entreprise. 

(2) Tiens, comme Simenon, assez.


Les conséquences persistantes

 

    Ça fera trois ans en janvier l'attentat contre Charlie Hebdo, cette journée entière passée entre espoir et attente d'une mauvaise nouvelle, et de toutes façons déjà fracassée par ce qui s'était passé quand bien même l'ami, le camarade, lui s'en sortirait. La journée de boulot accomplie malgré tout (comment ai-je tenu ?), l'errance le soir à Répu, croiser les gens qui grelottaient, se rendre compte alors que moi si sensible au froid j'étais anesthésiée, après la mauvaise nouvelle, finir la soirée chez l'amie commune, bien plus que moi touchée. 
Ça faisait du bien de parler.

Le retour à Vélib en criant mon chagrin.
J'ignorais qu'un coup sordide m'attendrait le lendemain. Et que Simone me sauverait du vacillement compréhensible face à une réalité qui dépassait l'entendement. 

Les soirées passées avec les amis, notre seule façon de tenir. Mais combien ce fut efficace.
La grande manif du 11, qui nous donna la force, après de continuer.

Et pour moi : l'absence de ressenti intérieur du froid, et qu'elle perdure. J'en avais tant souffert, du froid perçu jusqu'aux tréfonds des os, c'était comme un cadeau. 
L'absence aussi de "frisson dans le dos". D'où que Poutine ne me faisait plus peur, alors qu'une simple photo de cet homme déclenchait jadis chez moi une réaction épidermique - de proie potentielle sur le qui-vive devant un prédateur -.

D'où que je ne percevais plus ni les regards sur moi, ni les présences derrière moi.

Quelque chose est resté débranché depuis tout ce temps-là. Je m'efforce de me préparer à une éventuelle réversibilité, mais j'en suis de moins en moins persuadée.

Ça change encore mon quotidien.

Je dois veiller intellectuellement à ne pas me mettre dans un froid persistant, car si je perçois moins le froid, mon corps en est traversé, l'absence d'alerte ne signifie pas l'absence de symptômes. Je m'enrhume davantage (1).  

J'ai dû m'habituer à cette sensation si nouvelle pour moi : avoir chaud. D'accord j'avais chaud par temps de canicule ou après le sport au sauna, mais c'était pour moi si rare, je savourais. J'apprécie encore, à ce titre l'été dernier m'a terriblement frustrée, à peine quelques jours à frétiller pleine de l'énergie reçue. Pour le reste grisaille et être habillée comme en demi-saison.
Ce matin encore en arrivant à la BNF, quelques secondes pour comprendre : ah oui, j'ai chaud là. C'est chauffé [chez nous toujours pas, seulement à partir du 15 octobre je crois]. Et je me souviens alors qu'en ces lieux la température est maintenue constante, j'y portais l'été des pulls légers et à partir d'octobre des pulls épais ou des gilets, tout en me disant C'est sympa les lieux publics mais ça n'est pas très chauffé et la clim l'été quelle plaie ! On a froid. En vrai : c'est tempéré, stable, et plutôt bien réglé. 

Ce matin aussi : ne pas avoir sentir sur l'escalator que quelqu'un me talonnait - du coup avoir failli, de surprise quand je l'ai constaté, foncer dans la personne immobile sur l'escalier qui me précédait (2) -. Avoir laissé se rabattre une porte au nez de quelqu'un d'autre : comme j'étais un peu pressée j'avais omis le coup d'œil de vérification avant de la tenir ou non. Je me souviens très bien d'un temps où je n'avais pas besoin de regarder, je percevais si quelqu'un me suivait. 
Combien de fois sur les trottoirs des trottinettes me frôlent, leur pilote persuadés que je les ai sentis venir et fais ma mauvaise tête mais vais m'écarter. Si l'engin est silencieux et leur coup de propulsion, je ne me rends pas du tout compte de leur présence. 
Et quand je suis perdue dans mes pensées ou que le #jukeboxfou de dedans ma tête me passe une musique assez fort, je n'entends même pas ce qui serait audible. Du coup dans la foule, je bouscule ou me fais bousculer, j'ignore des présences, j'écrase parfois des pieds.

Étrange héritage qui me met à la fois à l'abri enfin, et aussi en (léger) danger.

 

(1) Même processus avec l'ivresse : l'absence de signes doit être compensée par une vigilance accrue - ne pas dépasser certaines quantités -.  
(2) C'est l'ennui de ces longs escalators mono-voie. Si quelqu'un s'arrête tout le monde est bloqué.


C'est quoi ce rhume ?


    Jeudi soir nous recevons Gilles Marchand à la librairie, et c'est un moment où je fais partie de ceux qui présentent, je me sens bien, je suis à l'intérieur de l'action, aucune subroutine du cerveau qui part dans d'autres directions (1). Tout au plus lors d'un bref passage que je lisais à voix haute ai-je eu l'impression que ma voix était légèrement voilée, pas comme d'habitude. Le genre de choses que l'on se dit après coup, mais qui sur le moment se remarquent à peine.

Vendredi matin réveil pourvue d'un gros rhume déjà bien avancé, tous les symptômes y sont, nez qui coule, état fiévreux, voix rauque, toux, respiration avec efforts. C'était comme si d'un seul coup j'étais au 3ème jour d'un mal déjà déclaré.

Vendredi et samedi, capable de bosser mais sans élan, avec du mal à parler (sympa pour les clients), la fièvre facilement tenue en respect par les anti-rhumes courants.
Dimanche matin, sans doute un accès de fièvre si fort que je suis au bord du malaise - passé l'étourdissement et un moment de sommeil je me réveille comme si le rhume n'était qu'un mauvais souvenir -. Je parle encore un peu du nez, le son de la voix voilé.
Dimanche et lundi à part un peu de toux au réveil le lundi matin et qui disparaît avec la verticalité, je me sens certes un peu fatiguée comme après avoir été malade, mais guérie. Comme si le rhume avait une semaine.

Mardi matin à nouveau l'état grippal, comme si j'en étais revenue au samedi, comme si les deux jours de mieux n'avaient pas eu lieu. Pas pu pratiquer de sport, et d'ailleurs des courbatures même sans. Je me hasarde jusqu'au stade où j'aurais dû avoir un entraînement de course à pied, mais rien que de parcourir en marchant les 800 m qui m'en séparent, j'ai la tête qui tourne. Les jambes sont en coton douloureux depuis le matin.

Les autres membres de la famille depuis ce week-end sont tous aussi plus ou moins toussoteux. Rhinopharyngite a dit le médecin à celle qui est allée le voir.  Je nous suppose atteints par la même affection. 

En attendant c'est quoi ce rhume qui va qui vient, qui s'abat d'un coup, semble guéri mais non ? 
Je suis allée voir mon kiné, il m'a au moins remis le corps dans l'ordre (2).

J'irai bosser demain, pas question de ne pas. Mais dans quel état ?
(je crois que je suis en train de payer l'absence de repos lors de mes brèves vacances liée au voisin voleur ; et le cumul familial des chagrins, les révélations successives (qui ne la concernent pas directement) autour de la mort de ma mère, du simple fait que les obsèques ont fait qu'on devait les uns et les autres se voir, les personnes dont je croyais qu'elles allaient bien que leur vie suivait leur petit bonhomme de chemin alors que non, que pas du tout)

 

(1) En période de deuils c'est toujours un risque
(2) La fièvre, les états grippaux me donnent souvent l'impression d'avoir les vertèbres dans le désordre, les membres ailleurs qu'à leur place, d'être un Picasso tardif ambulant


Ce que je souhaiterais (pour ma mère)

Ce que je souhaiterais pour ma mère puisque l'hôpital n'a pas ou plus pour rôle d'accompagner la fin de vie des patients (1), c'est qu'elle puisse aller dans une unité de soins palliatifs.

Seulement voilà il faut qu'elle soit d'accord, or là elle ne voit pas trop le problème, elle est chez elle et du monde passe, parfois elle est seule, ne se sent pas bien elle déclenche l'alarme et les pompiers viennent, ce qui lui semble parfaitement normal ; il faut aussi que le médecin référent à l'hôpital soit d'accord pour remplir le dossier et tenter l'admission, il faut, je le suppose, passer par l'assistante sociale de l'hôpital qui s'est bien débarrassé d'elle (selon les protocoles en vigueur, on ne peut pas le leur reprocher) mais dont elle dépend, et il faut enfin qu'il y ait une place qui se libère, pour une prise en charge de la fin de vie. Sachant qu'on ne sait pas trop - si elle peut avoir un temps de mieux, si tout sera fini en quelques jours / mois / années. Elle n'exprime pas le désir d'en finir. C'est un entre-deux très étrange (2).

Bon, en attendant je pose le lien là afin de le retrouver en un clic si d'aventure les choses venaient enfin à évoluer et que je puisse avoir, qui sait, à un moment donné enfin voix au chapitre. Et la liste des conditions d'admission est ici

 

(1) Je suis suffisamment âgée pour me souvenir d'un temps où l'on considérait qu'il fallait dans les hôpitaux suffisamment de lits et de soignants pour pouvoir prendre en charge les personnes malades et non pas l'inverse (on dispose de tant de lits pas plus et il ne faut pas admettre plus de monde et donc s'arranger pour qu'il n'y ait pas davantage de patients directement présents.

(2) Comment serons-nous quand notre tour viendra (si toutefois le monde n'est pas détruit d'ici là) ?


Grand âge

20161122_151010

Elle dit Je veux bien manger mais je n'en éprouve pas le besoin. L'esprit est encore vif. Mais le corps dénutri.

Elle ne semble pas avoir l'intention de quitter la vie, mais alimenter ce corps lui semble superflu. 

La diversité du personnel hospitalier la fait s'abstenir de proférer les remarques racistes ou du moins xénophobes qui me l'avaient rendue étrangère. 

L'alcool, source intarissable de nos disputes, semble avoir disparu comme l'alimentation. Et puis à l'hôpital, le problème ne se pose plus.

Tu sais gré à l'homme de la maison d'avoir agi comme il convenait, appelé les secours quand il le fallait, et (ce que tu n'aurais pas su faire sans une certaine violence désespérée) convaincre la patiente qu'il le fallait. Tu es éperdue de reconnaissance envers sa patience lorsqu'il a fallu attendre (les brancardiers) puis attendre (l'admission aux urgences) puis attendre (qu'une consultation ait lieu), répondre à nos SMS inquiets alors qu'il n'y avait pas grand chose de concret à nous communiquer. 

Il y a un soulagement lorsque quelqu'un qui vit seul.e et va mal et tend à refuser les secours et le soins, se trouve hospitalisé. Nous savons que ce soir, cette nuit, demain sans doute aussi, il y aura des professionnels prêts à répondre à de nouveaux malaises, à prendre soin. La partie de notre cerveau qui menait en sourdine une veille incessante consent à une (très provisoire, sans doute) désactivation. Ça redonne de la vitesse et de la vitalité aux autres gestes et pensées. Nous savons aussi que la personne qui rejetait nos propositions d'assistance avec la dernière énergie, respectera sans doute assez l'autorité que confèrent les compétences médicales pour consentir à quelques efforts. Dont celui de l'alimentation.

Tu ignores si un diagnostic sera établi qui expliquera cette forme gérontologique d'anorexie. Ou si c'est tout simplement un phénomène d'usure, une fatigue définitive de l'humaine plomberie.

Pour l'heure tu admires la gentillesse du personnel, ils semblent avoir tous une kyrielle de tâches à très vite accomplir, pourtant plusieurs d'entre elles (c'était des femmes) prennent le temps de venir nous parler avec une bienveillance que nous ne réclamions même pas. Je songe alors qu'au travail il faudra au moment du rush des fêtes, lequel s'amorce déjà un peu, que je devrais tenter d'y parvenir.

Dans les jours à venir, malgré des emplois du temps chargés nous allons tenter de nous relayer à son chevet.

Plus tard tu appelleras celle de tes cousines qui était venue aux nouvelles. Vous constaterez, sans pouvoir déterminer s'il s'agit d'un effroi ou d'un réconfort, que vos mères respectives suivent le même cheminement vers leur fin.


Tellement c'est mieux sang, j'y pensais même plus


    C'est une nageuse chinoise, Fu Yuanhui, qui en expliquant simplement qu'elle n'était pas au mieux de sa forme lors des finales parce qu'elle avait ses règles, a porté la question sur la place publique, et je pense que c'est franchement bien. Rien qu'en étant une sportive amateure ou plus simplement en menant une vie quotidienne classique on peut s'en trouver gênées, y compris pour qui n'a pas de syndromes menstruels compliqués, il est bon qu'enfin on puisse avouer que certains jours malgré nous ça n'est pas tout à fait ça.

Après, il paraît que ça peut être un atout dans certains sports, ce que j'ai du mal à croire, n'ayant pour ma part pas connu l'aspect "sautes d'humeur", ou uniquement la part, déprime de fatigue (et vraiment dans ce sens : le fait d'être encore plus fatiguée qu'à l'ordinaire et donc peu capable de faire ce qui était devant être fait induisant un découragement, un sentiment d'injustice aussi). Et puis, dans les jours suivants on peut bénéficier d'un regain d'énergie, comme toute personne qui sort d'avoir été moins bien (ça le fait aussi après un rhume, ou n'importe quelle bricole de santé qui met patraque mais pas totalement hors jeu). 

Il n'empêche qu'aux jours mêmes ou aux 24 heures avant, il y a ce "moins bien", un manque d'allant certain. Et je crois bien que c'est général, que peu de femmes y échappent.

À titre personnel je suis reconnaissante envers cette jeune femme de m'avoir fait prendre consciente d'à quel point c'est un soulagement quand vient la fin de ces temps rythmés plus ou moins irrégulièrement par des tracas de saignements. J'en suis sortie depuis deux ans et c'est devenu si agréable si vite (malgré une sorte de rechute après le 7 janvier 2015, le corps lui-même était déboussolé) de n'avoir plus à se préoccuper de ça du tout et d'être soi-même au fil du temps sans oscillations périodiques, que j'avais complètement oublié tout ça, le côté matériel (devoir se pourvoir en protections (1)), les moments de déceptions - on aimerait tellement pouvoir être au mieux de sa forme, au moment de tels examens, telles compétitions, telles retrouvailles et vlan ça tombe à ces jours précis -, ceux d'inquiétudes quand du retard imprévu survient (2). Et que le mieux ressenti, malgré pas mal de fatigues dues à un job trop exigeant pour moi physiquement, était tel que de nouvelles ambitions sportives m'avaient saisies et très sérieusement, que je compte pouvoir concrétiser prochainement. Que le temps (tic-tac), lui aussi, paraît plus grand, qui n'est plus morcelés en jours avec et jours sans, chaque période d'insouciance et de ventre sans douleur n'étant plus le répit avant un nouveau lot de cinq jours d'amoindrissement. Le "en forme" est devenu l'état permanent, sauf problème (autres et inattendus). Le "pas en forme" ayant disparu des prévisions, des obligations de se préparer mentalement à devoir accomplir telle ou telle chose malgré la gêne. Et je parle en temps que privilégiée qui déjà n'avait pas trop à se plaindre de conséquences réellement invalidantes. Je ne peux qu'imaginer l'ampleur du soulagement pour mes consœurs qui souffrent ou ont souffert chaque mois pendant toute la durée de leur fertilité.

Grand merci donc à Fu Yuanhui et pour les femmes encore jeunes qui grâce à sa déclaration se sentent moins seules à se être régulièrement amoindries et pour celles de mon âge ou plus grand qui grâce à elle prennent conscience d'à quel point, c'est vrai, on se sent mieux ... sans ce sang.

 

 

(1) Il paraît que les coupelles sont une bonne solution, c'était déjà un peu tard pour moi pour m'y mettre alors que je trouvais déjà les progrès effectués depuis mon adolescence en solutions jetables déjà remarquables. Du coup jusqu'au bout j'aurais connu la corvée de devoir faire au bon moment les courses qu'il fallait.
(2) Pour ma part j'ai peu connu, je suis de la génération qui est devenue femme alors que la contraception était légale et répandue et que même dans un milieu non favorisé à demi immigré on pouvait sans problème demander à aller voir un médecin qui pouvait conseiller. C'était avant le Sida, le préservatif ne faisait plus guère partie de la panoplie. Et le fait que l'avortement soit légal et possible offrait soudain à toutes un filet de sécurité. Des cousines et des sœurs aînées étaient là pour nous confier et nous faire prendre conscience d'à quel point c'était une chance et une sécurité. Pour la plupart d'entre nous, il était peu possible de savoir si nous étions des enfants subis ou souhaités, ce confort rassurant qu'ont pu connaître les générations d'après, même si c'est semble-t-il redevenu compliqué.