Les risques du métrage

2034, Pacy sur Eure, maison de retraite "Bel Arc-en-Ciel" (cinq étoiles au Guide M. des hébergements pour le très grand âge)

 

Emma, 22 ans, est impressionnée par cette très vieille dame qui désormais vivote dans l'aile du vaste bâtiment dont elle est en charge, en tant qu'aide soignante, des patients. Elle a beau être usée par les ans, il lui reste des pointes d'énergies, une grande autorité, quelque chose d'inflexible qui ne laisse pas de rendre ses interlocuteurs obéissants. Elle tient parfois des propos étranges. Emma s'est souvent demandé s'ils tenaient des défaillances de l'âge ou de convictions d'un autre temps. 

On lui a dit que la dame avait fait partie de ceux qui dirigèrent un temps le pays, au début du siècle. C'était une époque bizarre où l'on a cru que les femmes étaient aussi fortes que les hommes. Depuis, les choses sont rentrées dans l'ordre. Emma sait que lorsqu'elle aura un époux, elle cessera de travailler pour se consacrer aux enfants qu'ils auront et à la bonne marche de la maison. Heureusement que les femmes de maintenant savent tenir leur rang. 

A propos de mariage, on lui a dit des choses bizarres sur la vieille dame et un de ses cousins. Mais on lui a aussi raconté tant de choses sur la dépravation des mœurs à la fin du siècle dernier, des choses des années 1970 qui la font rougir quand elle y repense. Elle imagine mal sa très vieille patiente, même jeune, être mêlée à des trucs pareils. Ses enfants, d'ailleurs ont l'air de bien l'aimer qui se relaient régulièrement pour la visiter. Le père n'a plus l'air d'être de ce monde. Emma n'a jamais osé poser la question, elle préfère dans le dossier des résidents ne consulter que le strict minimum médical et attendre que la relation se noue pour apprendre d'eux ce qui est personnel directement.

Mais avec madame B., parler reste compliqué. On ne sait jamais trop quelle réaction on va déclencher.

Emma vient d'emménager avec son fiancé dans un petit deux pièces fort agréable au centre de Pacy. Si elle veut elle peut aller traveiller à pied. Le mariage est prévu pour l'année d'après, il n'a pas été facile de devancer le fait de cohabiter. Les parents de Nathan en particuliers étaient méfiants, Vous n'allez pas faire comme ces traînés des années 80 ? Ils trouvent Emma trop indépendante avec ce métier qu'elle exerce. S'occuper des personnes âgés, quelle idée ! 

Mais voilà, Nathan est loin d'avoir fini ses études alors il faut composer. Matériellement il est indispensable que la jeune femme assure au jeune ménage un revenu.

Il faut convenir que la maison où elle travaille est de très grand standing. D'ailleurs il se raconte que certains des pensionnaires sont d'anciennes gloires du show-biz ou du pays. En particulier cette madame B. dont elle parle souvent et qui semble avoir sur elle une forme d'ascendant.

Avant de partir travailler, ce jeudi-là, Emma a trié leurs papiers. Elle sait que les hommes sont supérieurs aux femmes et faits pour être obéis. Il n'empêche qu'ils ne sont pas très doués pour ranger.

Elle a retrouvé leur contrat de location, ce qui lui a paru comme le premier pas vers sa vie d'adulte, presque autant que son premier contrat de travail comme personnel de soin.  

Capture d’écran 2014-08-29 à 22.39.34

Quand elle relit la surface habitable, elle se dit que décidément ça n'est pas bien grand. Qu'il faudra peut-être qu'elle continue de travailler au moins tant que Nathan et elle n'auront pas d'enfants. C'est seulement ensuite qu'elle se dit que c'est marrant, le nom mentionné est le même que celui de sa patiente impressionnante. 

Alors en arrivant elle pose la question à Manon, la femme qui travaille au service administratif et comptable. 

- Mais madame B., elle faisait quoi, avant ?

- Oh, elle était ministre à un moment, ministre du logement. 

Ce qui fait qu'en arrivant dans la chambre de sa patiente, au moment de son service, Emma demandera, espérant l'amadouer : 

- Mais votre nom, là, c'est comme le métrage, non ?

 

Voilà d'être ministres, les risques du métier. Vous survivrez sous forme d'allègement sur une feuille de paie, d'un arrêté, d'une réforme (éducation nationale), d'une contrainte horaire, d'un amendement ou d'un métrage.

C'est peut-être sans doute moins pesant que pour les grands professeurs en médecine lèguer leur nom aux pires pathologies. Mieux vaut incarner un métrage qu'un syndrome. Une surface qu'un bacille.
Étranges postérité de vos identités.

(billet non relu, sommeil arrivé)


Comment expliquer à celui qui vous a séduite puis abandonnée que vous l'avez avantageusement remplacé

To Belonzio, january year ten

Cher Zangra,

À lire ta nouvelle lettre ce soir en rentrant, je me rends compte que j'aurais peut-être dû avant que tu t'inquiètes d'une tentative de séduction persistante de ma part, te parler d'un fait nouveau. Elle n'a tout bonnement pas lieu d'être. Les apparences t'auront trompé.

Je ne te l'avais en effet pas fait savoir sans doute par discrétion et que tu n'aies pas à souffrir de la comparaison. Mais voilà, je t'ai trouvé un remplaçant. Ça date de Noël, presque un cadeau.

La solitude était trop forte. Je ne pouvais pas continuer à me satisfaire de ton absence sans rien faire. C'était trop de souffrance. Comme je ne suis pas séduisante ni jolie, il a bien fallu que ce soit moi qui parte à sa recherche. Ça a finalement pris assez peu de temps, un ami audacieux et compréhensif n'a pas craint de m'aider et de faire celui qui m'accompagnait. Rien de tel que n'être pas seule en certains cas.

Ne sois pas jaloux, mais vois-tu il est un peu comme toi, même couleur (je sais tu es comme moi, pas raciste, on s'en fout, c'est simplement pour te donner une vague idée de l'air qu'il a) et plutôt d'un type long et fin. Si ça peut te rassurer, il n'a pas les yeux bleus.

Franchement pas loquace, mais il s'agit tu t'en doutes, d'une relation purement physique. Pour l'instant j'ai dû mal à éprouver de la tendresse pour un autre que toi. La tendresse d'ailleurs n'est pas son fort.

En revanche, fort, il l'est. On peut toujours compter sur lui, sauf quand vraiment il est à plat - comme il est du genre à ne pas se faire de souci et recharger rapidement ses batteries, ça ne nous pose aucun problème -. Sa disponibilité est remarquable ; au début j'ai même trouvé ça un peu bizarre, je n'étais pas habituée tant on dirait que la société ne sait qu'accaparer à longueur de journées tous ses éléments mâles en état d'aimer (un peu moins les nuits, il est vrai). En revanche quand j'ai eu mes règles, il n'a pas émis la moindre contrariété au fait que je sois moi-même plutôt mal disposée. J'ai vraiment apprécié.

Notre entente est parfaite, il sait ne pas insister quand je suis fatiguée. Comme tu sais je travaille beaucoup, et participe à l'extérieur à pas mal d'événements, donc l'épuisement, c'est assez souvent. Ce qui fait d'ailleurs qu'on ne se croise pas tant. Malgré qu'il semble entièrement libre de son temps, il m'est déjà arrivé d'avoir un peu de mal à le retrouver, communiquer n'est pas son fort, c'est le moins qu'on puisse dire. Après tout, il y a les copains pour ça. Il faut dire aussi que je l'avais alors un peu négligé. Il était d'ailleurs cette fois-là dans un bureau près de la machine à café, lui qui n'en boit jamais.

En revanche dès qu'il est là, il y est complètement, sans arrière-tracas et me ferait défaillir sans la moindre défaillance si je ne restais pas avec lui encore prudente et mesurée.

Son âge ? Je ne saurais dire. Pour autant que je puisse en juger par une fréquentation aussi fraîche, on dirait que le temps sur lui a peu de prise. Il a de l'expérience en tout cas. Plus que moi. Si je prends mes précautions ? Bien sûr, certaines. Mais pas nécessairement celles que tu crois.
Ça m'amuse qu'à présent tu te soucies à nouveau de moi.

Une seule chose, surtout ne te fâche pas, mais bien souvent en sa présence, voire quand il est en moi, je pense encore à toi. Il y a parfois par moments, certaines choses, comme les rêves, qu'on ne maîtrise pas.

Allez, je t'embrasse (avec lui, tu sais, je ne le fais pas)

Consuello

Lire la suite "Comment expliquer à celui qui vous a séduite puis abandonnée que vous l'avez avantageusement remplacé" »


Angelina mon amour

 

Maintenant que l'affaire est médiatisée, que non seulement les sites internet, mais aussi la radio et la télé l'ont évoquée, je me sens plus libre d'en parler. La sortie prochaine de son nouveau film, Confessions  of an Action Star, n'a fait qu'aggraver le phénomène.

Alors voilà, il y a quelques années Angelina J. et moi fûmes de grandes amies, au sens lagardetmichardesque du terme, mais elle n'a pas tenté vainement de me ramener à Dieu (1). Je veux dire, elle n'a pas tenté du tout de toutes façons ç'eût été vain.

Je ne peux pas nier combien elle a compté pour moi qui auparavant n'étais rien d'autre qu'une employée d'usine, du modèle modèle. C'est d'ailleurs lors d'une séance du ciné-club de la boîte, où elle était venue présenter un de ses films que nous nous étions rencontrées. Je l'ai déjà raconté ici, en transposant bien sûr, car à l'époque je pensais que personne n'en saurait jamais rien, que tout resterait entre elle et moi.

J'ignore d'ailleurs de qui vient la fuite, j'ai peur que la révélation de notre relation ne ternisse son image ; quant à moi je  m'attends à bien des soucis.  Il est encore mal  vu  pour une salariée d'usine d'avoir  une vie affective différente de celle de la norme du nombre.
Je ne me suis jusqu'alors confiée à personne, pas même à mes médecins préférés qui s'ils n'ignoraient pas qu'une rupture avait failli m'achever  (2) n'ont jamais su l'identité de la personne concernée.

Il me devient hélas nécessaire puisqu'à présent galopent à notre sujet les moins ragoutants ragots et que me guettent les paparazzi jusqu'au balcon d'en face, de dévoiler la vérité. Je le dois à mes proches, à tous ceux qui m'ont aidée après que Brad P. (3) ne l'ait ravie à mon affection, ainsi qu'à celle envers laquelle j'ai conservé le plus grand respect.

Je tiens d'ailleurs à préciser que les rumeurs adjacentes qui tendent à me créditer de scènes que j'aurais à sa place tournées sont infondées. J'ai infiniment moins de séduction qu'elle et ma présence face à une caméra est plus âpre et sombre. Mes seules participations avérées sont pour la part informatique de Hackers où je l'avais effectivement doublée pour les scènes de clavier, le prêt bénévole de ma cuisine comme décor à Hell's kitchen (il n'y avait presque rien à modifier) et en fait quelques remplacements ponctuels (mais intenses) de Winona R.  pour des moments délicats de  Girl, Interrupted  (4).

Il m'est difficile de vous avouer combien nous avons été heureuses, que je n'oublierai jamais ce jour où venue présenter son film d'alors (5) à la Fn*c Wagram, elle s'était, devant une salle comble, levée alors que les applaudissements  n'étaient pas même achevés  afin de courir vers moi qui m'apprêtais à quitter discrètement la salle  dans laquelle je m'étais glissée en simple  spectatrice  de peur de déranger  un  événement promotionnel si bien organisé, ni non plus ses talents de cuisinière hors pair  dont  celui qui m'a succédé profite à merveille (6). Nous avons également fait cause commune dans bien des luttes militantes, dont l'une fut victorieuse et les autres toujours en cours, même si elle s'y montre moins présente qu'autrefois. J'avais tenté mais en vain de la réconcilier avec son frère. Quelque consolatrice connaissance commune m'a laissé entendre que j'y serais parvenue, si l'on peut dire, à titre posthume. 

Angelina m'a abandonnée fin 2005 après le tournage de Mr and Mme Smith pendant lequel elle a connu Brad P. Les conditions difficiles de réalisation des extérieurs en Arménie avaient servi de révélateur à leur sentiment naissant. Mais je ne l'ai su que 6 mois plus tard.
En plein hiver.

Enfin, je démens fermement la rumeur qui prétend que Jennifer A. et moi nous soyons consolées dans les bras l'une de l'autre. Pour Brad je ne peux pas dire, mais d'Angelina je peux affirmer qu'elle ne s'oublie pas.

Nous ne sommes pas fâchées et continuons à nous croiser régulièrement, d'autant plus qu'entre temps et grâce à tout ce qu'elle m'a appris et aux personnes qu'elle m'avait permis de rencontrer, j'entame en parallèle à mon gagne-pain une carrière de scénariste et écris souvent en anglais pour des productions de son pays.

Malgré le chagrin et le poids de son absence qui ne m'ont pas quittée, je ne l'en remercierai jamais assez.




(1) à l'attention des assez "vieux" pour en posséder un à moins que des souvenirs, cf. page 517 de l'édition janvier 1972 du Lagarde et Michard du XIXème (il faut bien qu'il y ait quelques consolations à avoir de l'âge)

(2) Navrée pour mes lecteurs réguliers, mais je suis également contrainte de révéler que ce billet aussi était fort transposé. Vous comprenez, c'était plus discret.. L'action se situait en fait au Festival de Cannes, mais Daniel Pennac y était vraiment pour la mise à l'écran des Kamo par Mathieu Amalric et Philippe Besson pour l'adaptation de "Son frère" par Patrice Chéreau.

(3) Simple homonyme d'un blogueur et écrivain célèbre.

(4) En V.F. "La main dans le sac".

(5) "Iles et dragons"

(6) merci Ron pour la documentation ;-)

Lire la suite "Angelina mon amour" »


Entrer dans la danse (y retourner ?)

Ce samedi, plus tard

[photo à venir : il est en effet plus facile d'écrire un texte sur un plus tard que d'en publier la photo (qui l'eût cru ?)]

[photo 1 : le lieu réel mais pris plus tard du texte imaginaire mais écrit avant - comme ça tout est clair -]

Pict0029

Je suis arrivée en avance, une fois n'est pas coutume. Sombre saison où les jours sont si courts et où les heures de début de cours ressemblent à des heures de fin.

Il s'agit d'un cours de danse. J'y suis assidue car il est de qualité, et que le corps que j'habite n'est pas toujours au mieux ni très bien connecté ; je dois en permanence veiller à son entraînement pour maintenir un niveau de survie satisfaisant. Je ne suis pas née pour danser. I ain't good at it (1) mais y travailler sans renoncer me fait du bien. Je ne renonce jamais (2), l'air de rien. J'y mets parfois le temps des arbres mais je finis toujours par arriver là où il fallait.
Je sais donc à présent un peu danser alors qu'il y a vingt ans, il me fallait presque réfléchir pour marcher (c'est un pied devant l'autre, oui, je sais, mais parfois le sol se dérobe, il est inégal, les jambes sont molles et la tête tourne).

La nuit fut interrompue par une chute de livres, déjà qu'elle était courte, je décide donc de faire semblant de croire à l'effet stimulant de la caféïne et m'accorde au distributeur un pseudo-capuccino.

Dans le vague et inutile espoir d'apercevoir la pointe du Grand Rex, sans savoir le moins du monde pourquoi il pourrait être utile ou bon que je la voie, je m'appuie doucement contre la vitre qui dans le coin dédié au repos des guerriers en salle, et à la restauration d'après-l'effort-le-réconfort, et regarde vers la droite le bout visible de la rue.

Je le vois alors déboucher d'un pas rapide, venant du Grand Boulevard, filant probablement vers la rue de l'Echiquier, François, le mari d'une des absentes, un homme que j'aimais bien et qui semblait m'apprécier mais a disparu de mes jours en même temps que son épouse, ainsi que deux amies communes avec lesquelles je n'avais jamais songé à établir de lien direct puisqu'on se croisait tout naturellement lors de moments plutôt festifs et que j'aimais cette légèreté d'un gré des vents favorables.

Seulement ceux-là ont tourné, une tempête fort localisée est passée autour de moi, au calme revenu ne reste plus qu'un nouveau paysage pas si désolé que ça (loin de là), mais également un long désert là où tout était au jadis proche si parfaitement peuplé.

Au geste de salut que j'esquisse, manquant de renverser mon café (cette faculté d'oublier que je tiens en main des objets ...) et à l'appel de son prénom, il passe, impavide, hâtif, pressé.

J'en oublie ma rééducation Gavalda thérapie (3), et m'adresse mentalement à l'absente :

- C'est toi qui lui as dit de se dégrouiller comme ça ?

Entre-temps, il est loin ; je le vois tourner à l'angle de l'Echiquier.

J'aurai pour danser du mal à me concentrer. Si je suis si transparente comment pourrais-je y arriver ? Comment secouer en gestes rythmés et harmonieux une si solide inconsistance ?

Ce ne sera qu'en sortant alors que me retournant vers la devanture où deux heures plus tôt j'étais, j'en constaterai la parfaite opacité à qui est dehors et regarde vers l'intérieur, que je comprendrai qu'eût-il été très heureux de me retrouver, il n'aurait pas pu me voir et encore moins m'entendre le héler ; la vitre est épaisse et sans doute blindée.Pict0023

[photo 2 : en fait à ses yeux, j'étais une gargouille ; on fait plus séduisant (6)]

La prochaine fois, c'est décidé, en courant je sortirai pour échanger au moins quelques mots, deux ou trois nouvelles, entrevoir peut-être au détour d'une small-talk phrase (4) la révélation de l'élément manquant et qui confirmerait, infirmerait ou complèterait ce que j'ai mis 20 mois à comprendre (5).

La prochaine fois ?

Depuis quand la chance repasserait-elle deux fois les plats quand bien même ils se mangeraient froids ?

 

(1) anti-citation de Billy Elliot

(2) fors cas de force majeur, défaillance physique insurmontable ou échec irrattrapable à un examen.

(3) En lisant il y a un an "Ensemble c'est tout" avec ses passages sans transition entre narration en troisième personne et dialogues intérieurs de l'un ou l'autre des personnages, j'ai pris conscience que, contrairement à ses personnages et peut-être à la plupart des gens, je ne me parlais jamais à moi-même, mais m'adressais intérieurement toujours à quelqu'un d'autre. Ce quelqu'un peut varier, mes enfants, l'homme, des amis si les circonstances ou ce que j'apprends leur seraient intéressant(e)s, des cousins et bien sûr ces proches qui il y a deux ans m'ont si douloureusement fait défaut. J'ai compris que ma sauvegarde dépendait sans doute d'exister au moins un peu à mes propres yeux, et entamé une rééducation-Camille, sur le mode Arrête de causer silencieusement à ceux qui ne sont jamais là, parle-toi à toi puisque tu y es.

Inutile de dire qu'à part ici en l'écrivant, ça ne marche (presque) jamais.   Peut-on changer ?

(4) Toute traduc. subtile en français est la bienvenue. Le fait est que je ne trouve pas d'équivalent ( + petit private joke en passant ;-)  )

(5) ou plus exactement : à me faire expliquer.

(6) Comme quoi la réalité (la photo et la constatation ont été faite après), dépasse vraiment très souvent la fiction et parfois la taquine.

Lire la suite "Entrer dans la danse (y retourner ?)" »


Les émeutières - saison 1 épisode 6 - Sa liberté est la mienne (1)

on dirait que ça serait mardi 28 mars 2006, en fait à présent mercredi 29, au début à Répu puis dans un commissariat parisien.
               
résumé des l'épisodes précédents : Mon amie Laura vient me chercher ce mardi-là à la sortie de mon travail. C'est place de la République en pleine fin de manif contre le CPE. Nous tentons une traversée car tel était notre trajet et nous retrouvons prisonnières dans la nasse d'un encerclement policier, puis embarquées avec quelques compagnons d'infortune dans un car policier. On nous emmène ensuite dans un commissariat parisien plutôt éloigné. L'attente se prolonge. Un policier me reconnaît en raison d'un débat télévisé auquel j'ai récemment participé. On me libère aussitôt.
le 2 ici :
et le 5 :
       
Voici le 6 : 
 
 
C'est seulement à cet instant, je le confesse, quand la porte derrière moi s'est refermée, que j'ai pensé à toi.
Où étais-tu restée ?
      
J'ai remonté les quelques marches que je n'avais pas eu ou si peu conscience de dégravir, me suis adressée au planton qu'on avait mis de garde cette nuit-là. Je lui ai bredouillé quelque chose d'aussi mal compréhensible pour lui que,
      
- Je crois que j'ai oublié quelqu'un.
         
Impressionné par l'attitude bienveillante qu'avait eu son grand chef à mon égard et la façon dont il m'avait saluée, il me permit néanmoins l'accès. Dés la sorte de bureau d'accueil, j'ai su que je dérangeais, revenir ne se faisait pas. On m'a fait encore attendre, pour qu'enfin je comprenne.
       
Tu peux ne pas me croire, le prendre comme une justification piteuse, mais je t'assure qu'en ces instants je ne pensais qu'à toi.
       
Mon commissaire a fini par revenir, l'air un peu contrarié quoique toujours respectueux. Une jeune femme l'accompagnait, dont j'ignorais la fonction. Elle prit bonne note de ton identité. J'ai insisté, répété plusieurs fois que nous étions ensemble, ne faisions que traverser la place, que toi pas plus que moi ne faisais partie des manifestants.
      
Sans écouter plus avant mes explications, la jeune femme s'est éclipsée, je me suis retrouvée à confier la suite au seul commissaire, dont l'attention était devenue flottante ; le convaincre de quoi que ce soit m'a tout à coup semblé vain.
    
D'ailleurs il s'est empressé de meubler mon premier silence par une réitération des sortes d'excuses auxquelles j'avais déjà eu droit à titre personnel, redoutable méprise, a-t-il cette fois ajouté, comme si je n'avais pas du tout mentionné ton existence et mon inquiétude à ton sujet.
         
La jeune femme a fait sa réapparition, lui a glissé, très professionnelle, quelques mots en aparté.
      
Il s'est ensuite approché de moi, navré :
         
- Votre amie prenait des photos, nous devons les analyser, vous comprenez, les manifestations ne sont pas des lieux opportuns pour les amateurs pour en prendre. Je suis désolé mais pour l'instant, elle doit rester.
Allez, ne traînez pas, rentrez chez vous.
       
Puis comme pour me rassurer, il a ajouté une phrase :
- Ne vous inquiétez pas, elle sera bien traitée.
qui, en suggérant l'inverse possible, m'a mise en panique.  Allaient-ils au moins te donner à manger d'ici au matin ?
      
Au même moment, terrifiant ses dires, sont apparus brièvement au bout du couloir qui sur ma gauche s'ouvrait, trois personnes, deux soutenant une, en laquelle je reconnus toujours aussi esquinté, le malheureux du car, mal en point, mais peut-être pas plus (c'était déjà beaucoup).
La vision resta fugitive, les ont croisé un petit groupe, mélange de policiers et de gens menottés ou fermement tenus, pourtant tous calmes. J'ai reconnu parmi elles, l'une des jeunes filles.
Elle pleurait en silence.
      
Elle fit je ne sais pourquoi un pas de côté de loin peu compréhensible, que cherchait-elle à éviter ?
Juste derrière elle, c'est toi que j'ai vue ; le regard lourd, abattu mais furieux, dense et contenu.
         
Celui que j'avais désigné comme commissaire vous tournait alors le dos et ne vous voyait donc pas. Il a ajouté à mon intention une nouvelle amabilité à laquelle, distraite par ce que je voyais, j'ai répondu par un sourire machinal.
      
Vous étiez hélas à présent tout proches, j'ai vu dans tes yeux que tu voyais ce sourire, que tu l'interprétais déjà dans le sens logique des apparences, qui était contre moi.
       
Ta détresse et ce malentendu impossible à combattre, me noyèrent le regard. Je ne peux qu'espérer que ça aussi, tu l'as vu.
      
Ca n'avait en tout cas pas échappé à la policière qui s'est empressée d'ajouter sans se départir du ton sans faille que depuis le début elle avait adopté :
- Mais nous avons bien noté que cette personne vous accompagnait. Nous recouperons l'information, il en sera tenu compte.
          
Ces paroles rassurantes en me faisant mécaniquement me tourner vers elle à l'instant où elle a commencé à les prononcer, nous ont privées d'un dernier regard, une dernière communication même muette qui aurait sauvé notre lien que la situation mettait en péril.
Je ne le saurais pas. Tu as disparu de ma vue, entraînée avec les autres par les policiers, et j'ai ressenti aussitôt cette peur vertigineuse que tu aies également disparu de ma vie.
         
- Ne traînez pas, vous savez, rentrez chez vous m'a répété sèchement le commissaire que mon prestige désormais compromis pour une photographe pas même encartée ne charmait plus. J'étais congédiée. C'était sans appel.
   
      
   
Je suis rentrée à pied, autrement dit à l'aube, tout Paris à traverser. Je pleurais en marchant sans savoir autre chose que la fin de nous, sans comprendre vraiment pourquoi en nous séparant pour un soir ils avaient si fort entre nous dressé le mur qu'en liberté nous savions ignorer, malgré nos vies si différentes et nos mondes presque disjoints.
             
Avec le plus grand sérieux, c'était ça ou s'effondrer, j'ai assuré la réunion du matin sans avoir dormi avant, suis allée au bureau liquider les affaires courantes et qui ne pouvaient tarder, ai appelé plusieurs fois en vain le commissariat, d'informations vagues en refus brefs, on ne me donna aucun renseignement. Je pris mon après-midi en récupération de temps de travail, ce qui en étonna plus d'un. A voir ma mine, il m'ont crue malade.
         
Ils n'ont pas eu tort, je me suis couchée pour me réveiller grelottante d'une fièvre sans autres symptômes. J'ai bien évidemment tenté de t'appeler, te laisser des messages, mais c'était peine perdue. Tu ne rentrerais plus que pour te taire. Je le savais. C'était sans secours.
      
Par Denis, un ami commun qui s'est inquiété en fin d'après-midi, j'ai pu avoir de tes nouvelles car il a eu l'obligeance de rappeler dés qu'il en a obtenues. Tu étais bien rentrée, bon état général, relâchée avant une seconde nuit d'enfermement, un doute cependant sur les suites possibles, photos confisquées, crevée, tu souhaitais qu'on ne te dérange pas.
         
J'ai respecté ton choix. Je continue.
Tu persistes dans le silence.
J'ai peur qu'ils aient gagné ; que leur répression absurde ait catalysé contre la nôtre tous les risques qu'une société cloisonnée fait peser sur une amitié en dehors des clous.
         
Ca fera trois semaines demain.   
      
fin
crédit photo : Jérôme Demuth

Le_bpr_010406_1143894566_f_1

Le BPR par Jérôme (digne descendant du BHV par Robert)

eux auront su rester unis.

 
 
RAPPEL :         
Il s'agit d'une fiction concernant des personnages inventés (dont toute ressemblance avec un ou des vrais quelqu'un est involotaire). Le "JE" n'est pas ici le Je des Trajets. Mais après hésitations je l'ai posée ici quand même.
   
Il m'est venu pour la "jeune femme qui traversait la place en sortant du travail et qu'on autorisa complaisamment à entrer dans la nasse deux minutes avant [...]" dont parle Soumia et Juliette qui témoignaient jeudi 7 avril 2006 dans Libé.
       
Ce billet est pour elles aussi, même si elles n'y sont pas.
      
Je remercie très fort Jérôme alias -g- dont le fotolog jour après jour m'enchante
Il y est question d'art et de Paris et de ses rues. Pendant la période de manifestations contre le CPE, l'album photos a changé de couleurs. Il a pris celles du reportage.
Jérôme m'a fait confiance au point de me prêter ses images du mardi 28 avril 2006 en m'en laissant le libre choix, ici celle qui m'a le plus émue sur son fotolog dans la série CPE 2006 :
            
(1) si ce titre vous rappelle quelque chose, ce n'est sans doute pas un hasard.
 
    

Les émeutières - saison 1 épisode 5 - Libérez qui vous voudrez

on dirait que ça serait mardi 28 mars 2006, en fait à présent mercredi 29, au début à Répu puis dans un commissariat parisien.
               
résumé des l'épisodes précédents : Mon amie Laura vient me chercher ce mardi-là à la sortie de mon travail. C'est place de la République en pleine fin de manif contre le CPE. Nous tentons une traversée car tel était notre trajet et nous retrouvons prisonnières dans la nasse d'un encerclement policier, puis embarquées avec quelques compagnons d'infortune dans un car policier. On nous emmène ensuite dans un commissariat parisien plutôt éloigné. L'attente se prolonge.
le 2 ici :
       
Voici le 5 : 
 
crédit photo : Jérôme Demuth  
Dans_la_socit_du_spectacle_010406_114387
Nous nous taisions. Pas un silence sombre ou hostile, non. Plutôt vague et somnolent.
    
Nous étions côte à côte assises sur une travée. Ton estomac gargouillait famine. Le mien se comportait plus discrètement, mais n'en éprouvait pas moins, ou à peine.
On nous convoquait les unes après les autres pour ce qui semblait de loin être un bref interrogatoire avec échange de papiers. A l'issu de celui-ci, tous quittaient la partie visible de la pièce commune. Certaines furent menottées.
Quel était le ou les critères ?
         
 
Mon tour. Je décline mon identité d'une voix que je voudrais neutre. Pas eu besoin d'aller plus loin, l'homme en uniforme que j'avais en face et qui n'avait pas franchement levé les yeux entre la personne qui m'avait précédée et moi, l'a fait soudain, m'a scrutée un instant et ébahi, m'a fait :
         
- Mais je vous ai vue à la télé !
Je concédais :
- C'est possible.
Puis jugeai prudent d'ajouter, en m'efforçant de le faire du ton poli de la conversation de civilité, comme avec ma boulangère quand quelques jours plus tôt elle m'avait posé la même exclamation.
- C'était sans doute au débat sur la grippe aviaire ?
- Oui, oui, c'est ça, la semaine passée, a-t-il enchaîné, tout content, comme l'élève appliqué qui fournit la bonne réponse au maître. Ne quittez pas, euh ..., je veux dire, veuillez m'excuser, un instant, je reviens.
                
Et il fila vers un autre bureau ; revint rapidement, accompagné d'un plus vieux et plus ventripotent, qu'intérieurement je nommais commissaire sans savoir si ce faisant je lui accordais une promotion ou un mépris.
      
Le "commissaire" s'est présenté, mais, inattention d'épuisement ou de nervosité, je zappais son titre que pourtant je guettais. En milieu hiérarchique, les grades sont la dernière chose à négliger.
Il déclina son identité, je n'en ai non plus rien retenu, très sensible en revanche au fait qu'il me parlait avec déférence et comme en s'excusant.
            
En un clin d'oeil, on me rendit mes quelques affaires plus ou moins confisquées à l'arrivée, dont une lourde sacoche en cuir contenant des documentations techniques nécessaires à une réunion que j'avais le lendemain en première heure, en fait le jour même étant donné qu'à force d'attentes, minuit était passé.
Le type qui s'était trouvé chargé de m'interroger mais m'avait reconnue avant d'aller plus loin que nom et prénoms, m'a tendu d'un geste à la fois emprunté et cérémonieux, une fiche en bristol. Je crus à un formulaire officiel, j'ai sorti de mon sac retrouvé un stylo, tout en comprenant peu à peu et difficilement à ses explications confuses et soudain intimidées qu'il me demandait une dédicace, ou plutôt un autographe puisqu'il n'y avait rien à dédicacer.
         
Eberluée, je me suis attendue alors à un inévitable "Quand je dirais ça à ma femme ! " mais qui ne vint pas ; il devait à la télé davantage regarder les débats que les séries policières qui lui rappelaient le boulot.
Dans un sens tant mieux, j'eusse éclaté de rire et cette hilarité intempestive m'aurait probablement attiré les ennuis que mon semblant de notoriété était en train de miraculeusement m'épargner.
      
J'ai été raccompagnée jusqu'à la sortie avec la plus grande courtoisie et me suis retrouvée à battre le pavé sous la pluie persistante qui à présent et à nouveau tombait.
         
Dans les films, la personne recouvre ses esprits au moment précis où la lourde porte derrière elle se referme.
Je peux confirmer qu'il en est ainsi. J'étais libre.
 
      
à suivre ...
   
 
RAPPEL :         
Il s'agit bien d'une fiction concernant des personnages inventés (dont toute ressemblance avec un ou des vrais quelqu'un est involotaire). Le "JE" n'est pas ici le Je des Trajets. Mais après hésitations je l'ai posée ici quand même.
   
Il m'est venu pour la "jeune femme qui traversait la place en sortant du travail et qu'on autorisa complaisamment à entrer dans la nasse deux minutes avant [...]" dont parle Soumia et Juliette qui témoignaient jeudi 7 avril 2006 dans Libé.
       
Ce billet est pour elles aussi, même si elles n'y sont pas.
      
Je remercie très fort Jérôme alias -g- dont le fotolog jour après jour m'enchante
Il y est souvent question d'art et de Paris et de ses rues. Pendant la période de manifestations contre le CPE, l'album photos a changé de couleurs. Il a pris celles du reportage.
Jérôme m'a fait confiance au point de me prêter ses images du mardi 28 avril 2006 en m'en laissant le libre choix, ici la dernière sur son fotolog de la série
 
    

Les émeutières - saison 1 épisode 4 - Retenez qui vous voudrez

on dirait que ça serait mardi 28 mars 2006, au début à Répu, puis dans un commissariat parisien.
               
résumé des l'épisodes précédents : Mon amie Laura vient me chercher ce mardi-là à la sortie de mon travail. C'est place de la République en pleine fin de manif contre le CPE. Nous tentons une traversée car tel était notre trajet et nous retrouvons prisonnières dans la nasse d'un encerclement policier, puis embarquées avec quelques compagnons d'infortune dans un car policier.
le 2 ici :
Voici le 4 : 
 
crédit photo : Jérôme Demuth  
Le_terrorisme_potique_1143996088_f
 
Le trajet fut long, le commissariat sans doute éloigné. On nous a poussés dehors, tu as eu droit à une bourrade expressive quand tu as tenté de tendre la main vers celui qui restait à terre.
J'ai esquissé un geste comme pour t'en protéger. Ca n'a servi à rien. Je n'ai pas su aller plus loin que l'esquisse, inutile.
         
   
Peut-être qu'à ce moment, entre nous, quelque chose s'est insinué. Un début d'impuissance de ma part, doublé d'une amorce d'inégalité dans les façons subies.
          
A l'intérieur, nouvelle attente. Pour le restau, c'était foutu. Enregistrements et séparations ; peu de bousculades.
La plupart des prisonniers devaient estimer leur sort provisoire et croire comme je l'avais fait que la docilité était le plus court chemin vers la liberté retrouvée.
       
Ca s'est gâté quelques temps plus tard alors qu'on nous avait enfermés dans une pièce close quoique sans barreaux. Vous avez été plusieurs à avoir l'outrecuidance de formuler le souhait d'aller aux toilettes.
Ce n'était pourtant pas une requête capricielle, l'attente dans le car avait durée une heure et demi.
Je te connaissais assez pour savoir que tu n'en pouvais plus. Quelque chose dans ta pâleur, une façon dont ton corps habituellement si tonique semblait abandonné de toute énergie, un léger vague, comme une imprécision, si inhabituelle dans ton regard de photographe.
Deux jeunes femmes devant toi se firent rembarrer sans ménagement et non sans une certaine grossièreté.
Je te vis faire l'effort de respecter un louable temps de latence avant de tenter à ton tour ta chance de façon plus précise ; et en réponse : le geste de dénégation du gardien.
         
Je me suis approchée et sans réfléchir, à mon tour j'ai réclamé le privilège qu'il vous refusait. Je suppose que confusément j'espérais que face aux demandes répétées il se laisserait finalement fléchir.
Miraculeusement, il m'a répondu, Allez-y, d'un ton certes peu amène, mais c'était une victoire. Tu étais alors toute proche et m'as emboîté logiquement le pas. Je ressentais ton soulagement et entendis le remerciement que tu ne prononçais pas.
         
Ce n'était de toutes façons pas possible, il te barra l'accès.
- Non, elle, a-t-il fait en me désignant d'un mouvement de menton. Pas toi. 
                     
Il m'arrive au travail de participer à certaines négociations tendues et de devoir y faire montre d'une autorité qu'au fond je ne possède pas. Pour une fois ça m'a servi.
Comme par un réflexe professionnel, je t'ai alors prise par l'épaule, sans un mot mais avec calme et fermeté, dosant mon geste au millimètre pour ne pas noyer l'apparence de déférence nécessaire dans la détermination imparable que j'éprouvais.
         
Il n'a pas bronché.
            
Ce succès marqua probablement l'élargissement de la fissure entre nous, un coin fiché dans l'arbre de notre amitié que les circonstances tentaient d'abattre.
Nous n'en savions rien. Sur le moment, tu as probablement éprouvé la reconnaissance d'un être humain qu'on libère d'un désagrément physique humiliant. Nous sommes vulnérables de peu.
      
Seulement devoir à mon intervention ce qu'à toi on avait refusé a dû au bout du compte te faire amertume.
      
A l'écrire, je me demande soudain ce qui était alors advenu des autres, si elles ont pu ou non nous suivre. J'ai pourtant dû le voir ou le savoir, mais n'en ai pas gardé conscience.
La pause nous fut mesurée. C'était aussitôt après reparti de se morfondre sans savoir le sort qu'on nous réservait.
Ton épuisement ensuquait toute angoisse, tu n'en disais rien, je le lisais en toi.
Pour ma part, à l'opposé, l'inquiétude montait. L'espoir d'une libération rapide avec excuses après contrôle de nos identités s'effritait très sérieusement. J'avais d'ailleurs déjà renoncé aux excuses ; pas tout à fait à la liberté.   
 
      
à suivre ...
   
 
RAPPEL :         
Il s'agit bien d'une fiction concernant des personnages inventés (dont toute ressemblance avec un ou des vrais quelqu'un est involotaire). Le "JE" n'est pas ici le Je des Trajets. Mais après hésitations je l'ai posée ici quand même.
   
Il m'est venu pour la "jeune femme qui traversait la place en sortant du travail et qu'on autorisa complaisamment à entrer dans la nasse deux minutes avant [...]" dont parle Soumia et Juliette qui témoignaient jeudi 7 avril 2006 dans Libé.
       
Ce billet est pour elles aussi, même si elles n'y sont pas.
      
Je remercie très fort Jérôme alias -g- dont le fotolog jour après jour m'enchante
Il y est souvent question d'art et de Paris et de ses rues. Pendant la période de manifestations contre le CPE, l'album photos a changé de couleurs. Il a pris celles du reportage.
Jérôme m'a fait confiance au point de me prêter ses images du mardi 28 avril 2006 en m'en laissant le libre choix, ici la dernière sur son fotolog de la série
 
    

Les émeutières - saison 1 épisode 3 - Arrêtez qui vous voudrez

on dirait que ça serait mardi 28 mars 2006, pour l'instant à Répu
               
résumé des l'épisodes précédents : Mon amie Laura vient me chercher ce mardi-là à la sortie de mon travail. C'est place de la République en pleine fin de manif contre le CPE. Nous tentons une traversée car tel était notre trajet et nous retrouvons prisonnières dans la nasse d'un encerclement policier.
le 2 ici :
            
Voici le 3 : 
 
crédit photo : Jérôme Demuth  
Arrestation_1144151307_f_1
 
Le peu de frictions que j'avais connues avec l'autorité, puisque je mène ainsi une vie particulièrement laborieuse et sans doute excessivement sage, mais qui me conduit parfois à franchir quelques frontières où les yeux verts de mon passeport quoiqu'en accord avec les miens me font soit protection soit repérer parmi les autres et désigner comme celle qu'on fouille parmi une longue rangée [de voyageurs], m'ont suffisamment appris que la docilité payait davantage que les longues protestations si fondées soient-elles.
         
Je laissais donc courir, attendant qu'on nous embarque puisque telle était depuis un moment la nette intention de ceux qui nous encerclaient. Je pensais que le premier relevé d'identité révèlerait la méprise, et sauverait peut-être notre dîner au restaurant.
         
Même passé trente-cinq ou quarante, il nous traîne toujours de ces illusions.
            
Et puis j'étais en ta compagnie, après tout en cela cet étrange début de soirée était conforme à nos prévisions. Au début de la rafle, puisqu'il faut bien donner un nom à ce prélèvement arbitraire d'un lot de personnes parmi toute une foule, nous étions assez au large pour pouvoir deviser.
         
Tu m'avais parlé du cimetière de Pantin, sous la pluie, comme il portait bien la tristesse et la mort aussi ; d'accord il faisait sombre, mais il y avait une lumière, me disais-tu.
         
A présent plus question de causer, configuration métro aux heures de pointes. Tu me glissas que tu avais grand faim. Tu étais pâle, presque en malaise. Je n'aimais pas ça.
      
On nous fit enfin monter dans un car blindé, dont des parois de plexiglas à l'intérieur séparait les dangereux que nous étions, plutôt inquiets et silencieux, des représentants de l'ordre, finalement bien plus agités.
D'autres personnes visiblement surprises comme nous l'avions été, étaient poussées à l'intérieur. De certaines l'air désemparé faisait peine à voir. Je me sentais calme voire exaspérée, mais dans le fond n'en menait peut-être guère plus large qu'elles.
         
A peine un groupe un peu plus jeune et mouvant avait-il opposé quelque résistance au moment de grimper dans le véhicule. D'allure et d'attitude rebelle mal contenue ou pas du tout, eux seuls pouvaient ressembler à ce qu'on appelle communément casseurs, mais peut-être qu'il n'en était rien, que juste ils en avaient plus que marre ; ces à-priori qu'on a.
   
Leur colère de s'être laissés prendre quand les autres avaient pu tranquillement évacuer pouvait bien expliquer leur fureur et leur agitation.
      
Tu n'avais pas froid, mais donc très faim, non, pas soif, envie d'aller aux toilettes, ça si.
         
La situation semblait peu propice. En soupirant tu patientais. Tout le temps sur la place nos gardiens casqués, bottés et boucliés, s'étaient tenus à distance, et à présent nous étions encagés. Pas moyen d'aller négocier.
            
Les matraques nous effrayaient. On ne peut jamais en prévoir par les autres l'usage, sans expérience directe déjà je le savais.
            
Nous étions copieusement tassés, dans l'habitacle déplaisant, mais habituée de la ligne 13, et soulagée à défaut d'être libre qu'enfin on envisage de nous déplacer, je n'étais pas gênée par la promiscuité.
De notre lot, du coin où nous étions, personne n'osait bouger. Quelques toutes jeunes filles atterrées et inquiètes - que diront les parents ? et le petit ami, où et comment va-t-il ? -, deux gaillards dont les airs faussement détachés n'abusaient personne, à commencer par eux-même, un type plus âgé et de mauvaise mine, égaré et abattu.
         
Au dernier moment on nous balança dans les pattes sans aucun ménagement ni pour lui ni pour personne, un jeune déjà plus qu'esquinté et qui s'affala sans une plainte ni un mot ; pas totalement dans l'inconscience, mais sans doute pas très loin ; saignant du nez, un bras bien raide, qu'il n'avait même pas tendu dans l'habituel réflexe qu'on a pour amortir une chute.
    
Tu t'es penchée vers lui, un des hommes en bleu sombre derrière le plexiglas t'a fait un signe d'avertissement. Ca n'a servi qu'à affiner ton geste, au lieu de lui tendre un mouchoir comme j'avais vu ton intention, tu lui pris le poignet d'un geste sûr de secouriste qui du blessé cherche le poul.
Cela suffit pour stopper la menace à distance.
      
Dans l'immédiat, pour le moment.
   
    
 
      
à suivre ...
   
 
RAPPEL :         
Il s'agit bien d'une fiction concernant des personnages inventés (dont toute ressemblance avec un ou des vrais quelqu'un est involotaire). Le "JE" n'est pas ici le Je des Trajets. Mais après hésitations je l'ai posée ici quand même.
   
Il m'est venu pour la "jeune femme qui traversait la place en sortant du travail et qu'on autorisa complaisamment à entrer dans la nasse deux minutes avant [...]" dont parle Soumia et Juliette qui témoignaient jeudi 7 avril dans Libé.
       
Ce billet est pour elles aussi, même si elles n'y sont pas.
      
Je remercie très fort Jérôme alias -g- dont le fotolog jour après jour m'enchante
Il y est souvent question d'art et de Paris et de ses rues. En ce moment elles sont parfois particulièrement encombrées, et l'album photos a changé de couleurs. Il a pris celles du reportage.
Jérôme m'a fait confiance au point de me prêter ses images du mardi 28 avril 2006 en m'en laissant le libre choix, ici la dernière sur son fotolog de la série Paris.006 // CPE //

d'autres photos de lui par ici :
http://permanent.nouvelobs.com/social/20060401.OBS2653.html
 
    

Les émeutières - saison 1 épisode 2 - : Voyez comme on (en)tasse

on dirait que ça serait mardi 28 mars 2006, à Répu au début
               
résumé de l'épisode précédent : Mon amie Laura vient me chercher ce mardi-là à la sortie de mon travail. C'est place de la République en pleine fin de manif contre le CPE. Nous tentons une traversée.
Voici le 2 : 
 
crédit photo : Jérôme Demuth  
I_dont_want_this_democracy_1144342274_f
 
Non seulement j'avais l'air sérieux, mais j'ai cette chance d'avoir les yeux verts, une lointaine ascendance normande, contrairement à toi, Laura qui est si brune. Ce n'est pas un défaut. Ca ne devrait pas l'être. Pour personne et jamais.
   
J'ai cependant cet avantage injustifié mais vérifiable en toutes circonstances de n'avoir aucun air du sud, quand bien même par mon travail je suis souvent trop fatiguée pour être séduisante.
 
    
Et en l'occurrence j'étais décalquée : je travaille pour un laboratoire pharmaceutique, ses programmes de recherche, le versant informatisé de la production. Il se trouve qu'avec la grippe aviaire, cette menace si flippante pour les européens sur-informés, on est assailli de questions par tous les médias possible, plus particulièrement concernant les délais de mise au point des remèdes préventifs. Se sentant mis sur la sellette, un des très hauts responsables a fait porter le poids de ceux-ci sur les traitements informatiques, un autre a pensé qu'une femme presque encore jeune pouvait donner une bonne image de l'entreprise, et puis nous sommes si peu à un certain niveau. Seule personne au confluent de ces deux critères, j'ai été désignée d'office comme sorte de porte-parole, les journaux m'ont estampillée "Expert" et d'une dizaine de jours je n'ai pas touché terre, d'une interview pour un jité à une émission de plateau ; des heures de préparation pour quelques interventions brèves et qu'il fallait précises.
    
J'ai détesté au début. Je suis quelqu'un de recherche et non de commerce ou de paroles. Puis très vite je m'y suis faite.
         
Te retrouver ce soir-là, Laura, était ma première détente depuis plusieurs semaines. Car entre deux télés, les projets continuaient, et d'autant plus pressants que l'épidémie crainte nous imposait sa loi. Je sortais donc à peine d'un tunnel de travail.
Pour ce qui était de prendre du repos, c'était réussi. On était purement et simplement en train de nous coincer dans une nasse, un piège bleu marine et qui se refermait lentement et sans communication possible avec des hommes qui me semblaient sortis des jeux vidéos de mon neveu. J'ai en effet une soeur qui a né un fils et donc possède un neveu, dont la principale qualité semble être de ne pas surcharger sa mère par une présence insistante : seule compte pour lui sa console de jeux.
    
       
J'avoue avoir senti mon incapacité à participer de façon cohérente à celui dans lequel j'étais par mégarde jetée, même en faisant équipe.
Pour l'heure, on nous encerclait et nous attendions, d'abord au large, puis à mesure que de nouvelles personnes se laissaient (sur)prendre, de plus en plus tassées.
Tu t'étais plus tôt assise un peu par terre, fatiguée par les distances parcourues l'après-midi même à la recherche de bonnes photos, tu dus te relever : l'espace manquait. La tension était palpable, la tentation d'une riposte toujours possible.
         
Comme activité apéritive, j'avais connu plus agréable, j'en conviens.   
      
 
      
à suivre ...
   
 
RAPPEL :         
Il s'agit bien d'une fiction concernant des personnages inventés (dont toute ressemblance avec un ou des vrais quelqu'un est involotaire). Le "JE" n'est pas ici le Je des Trajets. Mais après hésitations je l'ai posée ici quand même.
   
Il m'est venu pour la "jeune femme qui traversait la place en sortant du travail et qu'on autorisa complaisamment à entrer dans la nasse deux minutes avant [...]" dont parle Soumia et Juliette qui témoignaient jeudi 7 avril dans Libé.
       
Ce billet est pour elles aussi, même si elles n'y sont pas.
      
Je remercie très fort Jérôme alias -g- dont le fotolog jour après jour m'enchante
Il y est souvent question d'art et de Paris et de ses rues. En ce moment elles sont parfois particulièrement encombrées, et l'album photos a changé de couleurs. Il a pris celles du reportage.
Jérôme m'a fait confiance au point de me prêter une de ses images du mardi 28 avril 2006 en m'en laissant le libre choix :
" I don't want THIS democracy" 

d'autres photos de lui par ici :

http://permanent.nouvelobs.com/social/20060401.OBS2653.html

Les émeutières - saison 1 épisode 1 - : Entrez dans la nasse

   
on dirait que ça serait mardi 28 mars 2006, à Répu au début
      
crédit photo : Jérôme Demuth    
Mass_media_de_masse_010406_1143914176_f
J'avais rendez-vous ; pas avec eux bien sûr. Mais avec toi, Laura. Tu venais me chercher à la sortie de mon bureau ce mardi-là ; des retrouvailles fixées de longue date, à cause de mon travail j'ai un emploi du temps de stakhanoviste et je peine à trouver un moment pour les ami(e)s. 
      
Le hic c'est que mon bureau est pas loin de République ; je n'y peux rien, c'est comme ça, pas un choix personnel.
Le second hic c'est que la politique et les réactions qu'elle engendre quand elle est menée sans concertation préalable, se foutent pas mal des rendez-vous amoureux ou amicaux, elles prennent une date et lui en font voir de toutes les couleurs.
      
Peu importe si ce jour-là des gens, d'autres gens, avaient prévu au même endroit un pique-nique ou un moment galant, ou de prendre des transports rendus inexistants pour aller se faire soigner à l'autre bout de Paris. La révolte comme la répression n'ont que faire des petites vies qu'elles bousculent, quand un mouvement prend de l'ampleur, elles possèdent force possibilités de nous faire payer notre industrieuse neutralité.
      
L'un dans l'autre, à peine nos existences rejointes, nous nous sommes retrouvées à tenter de nous frayer un chemin à travers la place, ça courait en tous sens, caillaissait à coup de cannettes, ripostait en chargeant. Pourtant vers la partie ouest, on devinait une zone plus calme. Nous venions de la rue Béranger, et comptions rejoindre les abords du canal, un bon restau dûment réservé. Pas d'autre choix que de traverser ou bien faire un immense détour, lequel n'était pas plus aisé : les rues adjacentes semblaient noires de monde.   
      
Nous avons donc tenté l'accès par la gauche, une progression assez lente, la foule était fort dense, d'autant plus que vers le boulevard Voltaire on devinait que ça castagnait et qu'en réaction elle progressait vers la partie de la place dont nous hasardions la traversée. Quelle confusion.
      
Nous nous sommes retrouvées coincées devant un cordon de CRS, lesquels au lieu de nous repousser, fort civilement s'écartèrent pour nous laisser passage. Je m'en suis voulue plus tard de n'avoir pas senti le piège.
Sur le coup, naïve, j'ai cru qu'ils avaient compris qu'avec la manif nous n'avions rien à voir, avaient des objectifs précis à leur mission, ce qui était bien le cas mais pas comme je l'entendais, et ne souhaitaient pas s'encombrer de passants civils.
          
J'aurais dû comprendre que tu n'avais pas tout à fait l'air d'en être et te proposer un demi-tour prudent. Tu étais rentrée crottée d'une des chasses-photos que tu affectionnes, non pas que tu sois professionnelle de l'image, mais c'est là ta passion. Depuis l'avènement de l'internet, tu y liquides tout ton temps libre, exposes ensuite le résultat de ton travail sur la Toile pour seul bénéfice d'être utile à d'autres et peut-être admirée mais par des visiteurs qui ne laissent pas de traces et à la fréquentation desquels tu ne tires aucun bénéfice.
             
Ce n'était pas dans ta logique des choses, tu aimes trop le partage et pousses d'ailleurs ta faiblesse jusqu'à partager avec les autres leurs propres ennuis.
A mes yeux c'est abuser. Mais tu ne sais pas vivre sans aider.
      
Moi je dépanne aussi, je ne veux pas dire, mais ne le fais qu'avec une prudente parcimonie. Par exemple je donne des fringues.
D'ailleurs je ne sais pas si c'était intentionnel : tu avais mis par dessus un gros pull et sous un coupe-vent bleu marine passe-partout, de ceux qu'on achète à pas cher en bords de mers atlantiques, une grosse veste de survêtement chaude mais informe et qui m'avait appartenue.
       
Je te l'avais passée l'année précédente, un lendemain d'intense ménage. Comme je suis un peu plus grande que toi et que ce vêtement pour moi était ample, tu y flottais nettement. Elle eût été parfaite pour mon mari, à ceci près que je n'en avais pas. Aux trop grandes tailles on peut sans doute trouver son charme ; tu disais toi que ça ne te dérangeait guère, tu ajoutais, ce qui compte quand je pars en photo, c'est d'avoir chaud. Mon vieux survète à ce titre était parfait. On ne pouvait rien lui reprocher. D'ailleurs cette nuit-là je ne crois pas que tu aies eu froid. Pas physiquement, pas si on te l'a laissée. 
      
Parce que si je parle un peu trop d'apparence, c'est que je crois que ça a joué.
       
Pour ma part, j'avais la chance en plus que d'être en tenue de travail, soit sans parler d'extrême chiquitude, l'équivalent en fringues du langage soutenu en français, d'avoir fait l'avant-veille chez mon coiffeur habituel un balayage tirant sur le roux du plus bel effet. Pas du tout négligé en tout cas.
            
Le seul détail défectueux, c'était mon imper ; en fait mon vieux. Celui qu'en partant de bonne heure au travail j'avais attrapé, le premier sous la main. Parce que ce matin à l'heure du bureau, il pleuvait, ça faisait pas semblant.
Et puis là, ça pleuvinait, en tout cas il faisait très gris. Donc à part que j'avais de bonnes chaussures, rien ne laissait présager que j'étais plutôt bien mise catégorie "sérieux".
    
Et puis même, parfois, le "sérieux" ne suffit pas.
 
      
à suivre ...
   
 
         
Il s'agit bien d'une fiction concernant des personnages inventés (dont toute ressemblance avec un ou des vrais quelqu'un est involotaire). Le "JE" n'est pas ici le Je des Trajets. Mais après hésitations je l'ai posée ici quand même.
   
Il m'est venu pour la "jeune femme qui traversait la place en sortant du travail et qu'on autorisa complaisamment à entrer dans la nasse deux minutes avant [...]" dont parle Soumia et Juliette qui témoignaient jeudi 7 avril dans Libé.
       
Ce billet est pour elles aussi, même si elles n'y sont pas.
      
Je remercie très fort Jérôme alias -g- dont le fotolog jour après jour m'enchante
Il y est souvent question d'art et de Paris et de ses rues. En ce moment elles sont parfois particulièrement encombrées, et l'album photos a changé de couleurs. Il a pris celles du reportage.
Jérôme m'a fait confiance au point de me prêter une de ses images du mardi 28 avril 2006 en m'en laissant le libre choix :
"MASS.media de MASSE en MASSE à la MASSE"

Lire la suite "Les émeutières - saison 1 épisode 1 - : Entrez dans la nasse" »