Vous l'avez échappée belle, chère Anna, si vous saviez
10 mai 2009
last week and then this very morning, street conversation then kitchen question
Stéphanot a décrété qu'il n'aimait pas l'anglais. Qui le lui rend relativement bien.
Il me soupire cette semaine lors de l'un de nos communs trajets, qu'il a dans cette matière un devoir qui lui pèse un peu à effectuer.
- Tu comprends, il faut prendre quelqu'un qui est déjà mort et faire sa biographie.
Je devine que l'enseignant(e) par cette contrainte de mortalité a voulu s'épargner d'avoir 15 bios des composants de Tokyo Hôtel, Killerpilze, et autant de Britney S, Pink, Martin Solveig, Bob Sinclair, Laurent Wolf ou Beckham à moins que Thierry Henry, Tony Parker ou Jim Bilba.
En mère compatissante, je m'enquière :
- Et toi qui comptes-tu "faire" ?
Le garçon me fait part de son hésitation, mais "un acteur en tout cas".
Le sachant peu intéressé par le cinéma star, je m'en étonne.
- Oui, parce que tu comprends, les acteurs ils ont des vies simples : il font des films, ils sont amoureux, ils divorcent, ils se remarient, et puis c'est tout.
Je ris mais objecte : il va se retrouver avec un article qui ne sera qu'une suite de titres de films, ça va pas marcher.
Je propose les scientifiques, au moins il y a leurs découvertes à raconter.
- Ouh là, mais c'est bien trop compliqué. Il faut pouvoir les expliquer en anglais.
- Et pourquoi pas un écrivain ? On peut parler de leurs bouquins ? dis-je puisque je me doute assez qu'il l'attendait.
Il fait la moue de rigueur, d'avance fatigué : - Mais tu te rends pas compte, les écrivains ils ont des vies trop compliquées (1). En plus ils sont tout le temps sans arrêt à voyager.
Je rétorque que justement, ça, ça se raconte bien. Il ou elle vécu à tel endroit à ce moment là et à tel autre après. Arrive dans la conversation le moment ou il concède :
- Bon et alors qui par exemple ?
J'écarte Henry Miller, gloire locale, mais peut-être un peu risqué à résumer de façon consensuelle pour un sujet scolaire, on n'est plus dans les années soixante-dix, mais dans un siècle nouveau et coincé. Alors forcément, qui me vient en premier ? :
- Virginia Woolf.
- Elle est anglaise ?
- Elle fut.
- Alors OK.
Et puis on n'en parle plus.
Ce matin, je déguste un succulent et très français (café au lait - croissant frais) petit déjeuner, quand l'enfant grand débarque dans ma cuisine à moi, et demande sans préambule :
- Au fait, ça s'écrit comment Anna Gavalda ?
- Ben comme ça se prononce sauf qu'il y a deux "n" à Anna.
Quelque chose m'étonne, lui qui ne s'intéresse qu'aux mangas et même s'il avait aimé "35 kilos d'espoir" l'an passé, pourquoi ce besoin orthographique soudain ?
- Mais pourquoi tu t'intéresses à elle, comme ça ?
- Ben pour mon devoir d'anglais, tu sais.
- Euh, mais je croyais qu'il fallait que le sujet ...
Il comprend alors qu'il a confondu. En plus que j'éclate de rire à m'en faire étouffer la pointe du croissant (frais). Le Prince de Motordus a encore frappé, mais cette fois l'association me séduit de façon fort jolie. Les deux dames sont pour moi aux extrêmes opposés des moyens dont quand on écrit on peut disposer à même fin formidable : embarquer qui lira et ne plus l'abandonner. Et c'est une des beautés de ce travail possible, des chemins si différents, mais tous pratiquables si bien pratiqués, pour amener à rêver et transmettre et partager ce qui doit.
Il s'est mis au travail au sujet de Virginia - même pas peur ! -. Ne sait pas d'où lui est venu la confusion coupable. N'empêche, chère Anna, vous l'avez échappée belle, aujourd'hui à Clichy. Les jours n'y sont pas toujours si tranquilles qu'on le dit.
(1) Ça alors, d'où peut-il bien sortir une chose pareille :-) ;-) :-) :-( ?
[photo : le portrait de Virginia Woolf par George Charles Beresford, en 1902]
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