dimanche 14 janvier 2007 , en début d’après-midi
La lumière était parfaite, la piscine Michel Thermos fermée, le temps si doux, si agréable pour un janvier ; je prends mes appareils photos et je file au Père Lachaise.
Las, quelque chose n’allait pas.
Les anges n’étaient pas là. Ou distraits. Je ne sais pas, ou ça venait de moi. Ils n’accrochaient pas la lumière. Je ne trouvais pas les angles. Peut-être encore étais-je de trop ? M’attendait-on ailleurs sans m’avoir avertie ?
J’avais éteint l’Olympus, les autres équipements étaient déjà rangés, je sais reconnaître quand il faut renoncer, se garder d’insister de peur d’indisposer ceux qui à l’habitude nous aident et nous inspirent. Ils peuvent ne pas vouloir, pour une fois. C'est leur droit.
Afin de n’être pas venue si loin pour rien, je me résigne à une simple promenade, les mains dans les poches ou les bras ballants. Je médite sur les fragilités relatives de l’écriture et la photographie, du poids des jours où « ça veut pas » et qui est si lourd à supporter quand par nécessité on subit un métier qui nous mange tant d’autres journées. Je suppose qu’il en est de même pour les musiciens, quand ils souhaitent composer.
J’en suis là, à la musique, quand le type sur la gauche me dépasse. Il porte une sur-chemise épaisse et canadienne, sans doute un peu trop chaude pour le climat du jour, une casquette USaméricaine ridicule, parle sans discontinuer et puisque je suis à sa portée, sans préambule mais non sans conviction me lance :
- A Roubaix, vous savez, le château est très beau.
Sur le même ton je réponds : - Je ne savais pas qu’il y avait de château, là-bas. Ça fait, vous savez, fort longtemps que je n’y suis pas allée.
Par bonheur l’existence d’une réponse et sa teneur, non contradictoire et je crois, j’ai tenté, respectueuse, semble le combler d’aise. Il reprend donc sa foulée plus rapide que la mienne ainsi que son soliloque. Il a eu sa petite dose d’interlocution, à présent il peut à nouveau s’autosuffire.
- Si je n’épouse pas Monique Guérin avant la fin de l’année, ça va mal aller.
Je me demande vaguement qui ou quoi voire pour qui (elle ou lui ?) ça ira mal, mais il a déjà épuisé toute mes capacités de conversation alors je laisse filer.
Trois jeunes femmes me croisent. Plus des gamines mais pas encore mères, quelque chose dans leur façon d’être, si détendues, sans cette once d’inquiétude qui perdure quand on est jeune parent pour une fois loin de ses enfants, me le fait supposer, elles devisent au gré de leurs pas.
- Vous savez que les fleurs artificielles sont apparues pour la première fois dans les années cinquante ? affirme l’une des trois.
De ses compagnes, une répond oui et l’autre non.
Je commence à trouver ma balade instructive (1) et la prolonge un peu.
Je lis sur une tombe la détresse d’une famille que la proximité d’un caveau de star fréquenté finit par excéder et m’étonne d’une colère qui atteint l’autre monde. Elle s’exprime mal, je leur propose donc mentalement (2) une plus simple alternance :
« Ce n’est pas ici bas la tombe de quelqu’un
Ne lui faites pas de mal, ne lui empruntez rien
O fans de la voisine qui si souvent venez,
Respectez l’anonyme, elle ne vous a rien fait.
(de son vivant) »
Ce devoir accompli, je suis enfin rentrée.
[photo : in situ, same day same place]
(1) Cela dit je ne sais pas s’il existe réellement un château à Roubaix. Et autant il est facile sur l’internet de se documenter sur ce qui existe autant l’absence ou l’improbabilité de référence ne suffisent pas à attester d’une irréalité (il pourrait y avoir un château mais privé et méconnu).
(2) Je n’aurais pas l’outrecuidance de le faire in situ par écrit et puis à la tournure de leurs phrases je n’ai pas senti l’humour très présent. On percevait de la douleur.