Voter sans savoir ce qu'ils ont programmé ?

 

    Force est de constater qu'à une semaine des élections européennes à un tour, nous (Île de France et quelques provinces) n'avons toujours pas reçu l'ombre d'une profession de foi. Or on nous a annoncé 33 listes, en tout cas les panneaux électoraux, pour l'instant peu garnis, sont prévu pour ça. 

Comment faire un choix citoyen et réfléchi si l'on ne dispose pas des programmes des partis, pardon mouvements ?

De plus les débats dans les médias mainstreams ne portent pas sur le fond, mais sur des fights et des buzz, Untel a dit ci, Machin a dit ça, et l'extrême droite dit C'est la faute aux immigrés islamisés (le C'est portant sur à peu près tout). Ils se font bien l'écho aussi des querelles de personnes. 

Pour le reste ? Rien, rien de construit. En gros : Votez pour moi pour que je passe la fameuse barre des 5 %.

Les candidats au concours de l'Eurovision avaient dans leur paroles presque davantage de programmes militants. 

 

 


Start-up nation et (par ailleurs) l'impunité du trop tard


    L'ami Virgile a écrit un de ses billets d'analyse de la situation dont il a le secret, des choses que l'on se dit sans se les être vraiment ou bien formulées et lui, il met tout clairement dans l'ordre et ça fait du bien. 

Start-up nation

En complément car ça va avec le sentiment d'être au dessus des lois, qu'ont visiblement ceux qui sont au pouvoir, j'aimerais trouver les mots pour évoquer ce que j'appellerais, l'impunité du trop tard.

Curieusement ou non, c'est une video extraite d'un reportage sur le dopage dans le cyclisme, et que je regardais en siestant à demi qui m'y a fait repenser, et combien c'était lié car ça ne concernait pas que le sport de haut niveau, mais bien aussi le pouvoir et la criminalité en col blanc, jusqu'aux escrocs familiers de nos vies quotidiennes. 

On vit encore dans un semblant de démocratie, basé sur des vestiges de valeurs humanistes et dans le sport de fiction de fair play. Donc pour quelques temps encore les tricheries, financières ou physiques sont censées être quelque chose de mal, répréhensible et qu'il ne faut pas faire. 

En pratique, comme la philosophie qui sous-tend le capitalisme est celle du plus fort, il s'agit toujours de battre un ou des adversaires. La plupart des êtres humains de toutes façons aime ça, nous sommes une espèce prédatrice. Un des plus efficaces moyen de l'emporter est de tricher, et donc en sport de se doper, en affaires de monter des combinaisons qui filoutent le bien commun, en politique de magouiller tant et plus. Parfois ça finit par se voir et l'un ou l'autre se fait pincer. Et comme en théorie Çaymal les impétrants finissent par avoir des petits ennuis, bien mérités.

Le hic c'est que ceux qui ont beaucoup pratiqué de truander et sont arrivés au plus hauts niveaux de leur discipline, même si après coup ils se font pincer, pendant des années ont joué de leur pouvoir, prestige et influence et connu la vie qu'ils souhaitaient ; tels ces politicien·ne·s qui d'un procès à son appel à leur report etc. des années après n'ont toujours pas rendu l'argent et peuvent même si aucune inéligibilité n'a été prononcée à temps tenter d'attraper une nouvelle immunité entre-temps, ou ces sportifs, Lance Armstrong étant un cas typique qui même si rétroactivement se voient dépourvus de leurs titres, dans l'esprit du public les ont encore (1), ils ont vécus leur cheminement de succès jusqu'au bout et il leur restera toujours bien davantage de ressources et d'alliés que s'ils n'avaient pas triché. 
Presque toujours les vrais punis sont celleux qui auront osé dénoncer les pratiques délictueuses ; mis à l'écart et au ban de leur discipline ou de leur parti, voire pour les lanceurs d'alerte considérés comme traitres à leur pays. Et finalement la situation de qui a triché et arnaqué, même après la chute est plus enviable que celle de qui est resté dans le droit chemin mais s'est vu limité du fait même d'être respectueux. Parce qu'à un moment, le tricheur a brillé, sans ça il serait resté dans le lot, et que l'on vit dans un monde où c'est gagner qui compte. 

Ça vaut aussi pour ceux qui se sont comportés en prédateurs sexuels, dont certains réalisateurs renommés. OK ils finiront peut-être par payer pour le mal qu'ils ont fait, seulement en attendant leurs œuvres ont été créées, et parfois (je pense à Hitchcock par exemple) on se surprend même à faire partie de qui n'en est pas mécontent·e. 

Pour les uns et les autres le tout est de ne se faire chopper qu'une fois le but atteint, le match ou l'élection remportée, la richesse devenue trop immense pour être entièrement confisquée, l'œuvre créée et diffusée.

En ce moment, j'avoue être particulièrement sensible et en colère désabusée face à ce phénomène de l'impunité du trop tard. D'autant plus que les victimes, y compris lorsque c'est la collectivité et le bien commun et non une personne, elles, prennent cher et immédiatement et que quand bien même justice leur est rendue c'est toujours bien tard et rarement à due proportion.

J'aimerais, comme Virgile en son billet, terminer sur une note d'espoir. Je n'entrevois hélas ni solution ni amélioration. En plus que les tricheurs peuvent toujours se refaire par la suite un fric fou en vendant leurs mémoires. 

 

(1) qui connait, à part des spécialistes, les noms des vainqueurs des tours de France que le déclassement d'Armstrong aura couronné ?

 

 


Qu'en penser, qui croire ? (mouvement des "gilets jaunes")


    Le mouvement s'est installé en France depuis environ un mois, c'est parti d'un refus d'une taxe en plus (ou de son augmentation) sur les carburants pétroliers et en deux week-ends voilà que le mouvement social est en passe peut-être de réussir là où Nuits Debouts, puis les lycéens et étudiants contre Parcoursup, et les cheminots contre la privatisation de la SNCF et les manifestations contre la loi travail ont échoué : virer à l'insurrection.  

Dans nombres de villes de France, dont Paris, les manifs "gilets jaunes" ont viré à l'émeute, ce qui n'est une surprise pour personne - par exemple le CMG rue de Berri était fermé et évacué dès 13h, prévu depuis 48h -, mais les bornes semblent avoir été dépassées. 

Ce pic de protestations et violence correspond au deuxième week-end où nous sommes à l'extérieur, occupés à tout autres choses. Lisant les fils d'infos entre deux moments actifs, on est pensifs. Bien sûr qu'il faudrait protester contre ce que ce gouvernement, élu sur certaines bases dont certaines semblaient sociales, nous fait : Thatcher en 2018, et la destruction systématique de ce qui tenait du bien commun pour le profit de quelques-uns.
Mais que de violences de tous les côtés, d'après ce qui nous est transmis, rapporté !

Sur mon fil Twitter, normalement assez équilibré, ça part dans tous les sens, de façons très contradictoires : la police maîtrise, la police est débordée, ce sont beaucoup des manifestants d'extrême droite (1), ce sont beaucoup des manifestants d'extrême gauche, il y a de nombreux casseurs (ça, tout le monde semblait d'accord), ce sont des membres du mouvement, ce sont des black blocks qui ont enfilé un gilet, d'ailleurs on voit encore les plis, les porte-paroles énoncent des revendications censées, les manifestants sont incapables de préciser leurs revendications, ils sont ultra-violents avec les malheureux automobilistes ou passants, ils sont sympas ils mettent les péages gratuits et distribuent des denrées récupérées lors des pillages, bref, on voit tout et l'exact contraire. 

Une des seules certitudes est l'aveuglement de l'exécutif qui se poursuit, ne veut rien écouter. 
(du moins à l'heure où j'écris ce billet)

Or si le mouvement était peut-être manipulé au début, et rameute plein d'opportunistes (2), il est à présent d'ampleur et cristallise les colères et épuisements de toute la petite moyenne frange de la population qui bosse dur ou chôme bien malgré elle et désormais ne s'en sort plus à joindre les deux bouts de vies qui ne demandent qu'à être normales, celles et ceux considéré•e•s comme suffisamment "fortunés" pour n'être en rien aidés, mais qui le sont trop peu pour faire face au moindre pépin de santé ou d'appareils ou de véhicules utiles quotidiens, trop peu pour boucler leurs fins de mois, trop peu pour profiter d'allègements fiscaux par petites évasions légales. Bref, celles et ceux qui paient toujours pour tous le monde, n'y arrivent plus. Et cette question de taxation des carburants a été le truc de trop. Depuis les débuts du gouvernement Macron, ils ont vu les très riches recevoir des cadeaux pour l'être plus encore, et eux se voir pompés de peu qu'ils avaient ; enfin, se sont pris de plein fouet l'arrogance et le mépris de ce président.

J'aimerais garder ici la trace des causes qui semblent claires pour tous le monde, sauf pour le pouvoir exécutif - à quoi carburent-ils ? comment font-ils pour être à ce point hors sol ? -, et de la confusion générale qui règne : nous sommes nous mêmes les gens et ne savons qu'en penser.

Il me semble qu'à un moment donné le mouvement de lui-même va s'essouffler : beaucoup devront retourner à leur travail, ou prendre bien garde à maintenir leur chômage, la répression qui semblait étrangement douce au début - ce qui était source de railleries de la part de militants de gauche qui voyaient la différence de traitement entre leurs mouvements et celui-là -, va être impitoyable, il n'y aura pas ou ça ne sera pas aussi structuré de caisses pour aider ceux qui auront perdu le boulot ou se retrouveront à passer en justice (3) et puis à la fin du mois la période dite des fêtes renverra chacun dans ses foyers. Le gouvernement est sans doute déjà en train de jouer la montre.

Seulement même si cette colère-ci comme ses précédente se retrouve étouffée, la prochaine vague qui pourrait se faire aider par le printemps, pourrait être, elle, décisive, les gens n'en peuvent plus.

Il ne faut pas non plus oublier que Président Macron partait d'un point favorable et qu'il aurait dû pouvoir capitaliser sur la victoire de l'équipe de France de football qui avait fortement fédéré le pays - cette euphorie qu'il y avait, quel boulevard pour lui -. Il avait fait ce qu'il fallait, et même un peu trop et puis il y a eu l'affaire Benalla qui a tout ruiné de ce point de vue là. Sans doute parce qu'il s'agissait bel et bien d'une affaire d'état, et que la façon dont elle a été étouffée n'a pas été admise par le peuple.

Voilà, c'est simplement le point de vue d'une personne de ce pays qui vit en Île de France tout contre Paris, qui travaille beaucoup, pour des employeurs, ses propres projets ou sa famille, ne sait pas tout, tente de rester informée et vote très scrupuleusement, mais n'a encore sauf à des premiers tours jamais pu le faire pour un programme politique qui lui semblait convenir et à la sauvegarde de la planète (on n'en est même plus à parler de respect) et au bien commun, à une vie décente possible pour la plupart des gens. Seulement c'est sans doute et pour plus tard, intéressant en tant que tel : parce que je suis une personne quelconque, de la classe moyenne, qui ne sait pas tout, et qui assiste à des bribes, consciente que peut-être quelque chose d'important se joue.

 

(1) L'impression que donnait le mouvement au début, notamment lors des premiers barrages au vu d'agressions racistes et homophobes et remise aux forces de l'ordre de réfugiés trouvés planqués dans un camion
(2) Pris en flagrant déli de récup et se mettre en avant, l'un des porte-paroles du mouvement intolérant et fondamentaliste catho des Veilleurs
(3) Sauf à une super solidarité par crowdfunding, mais si le pays est durablement secoué avec des pénuries et des problèmes de travail et donc de paiements, ceux qui voudront aider n'en auront pas forcément les moyens. Et pas de syndicat auquel adosser les contributions

 


Jan Palach, le football, les affaires d'état et le temps disponible

 

    Je lis ces temps-ci "La vie brève de Jan Palach" d'Anthony Sitruk, dont je pense qu'il est une bonne approche contemporaine pour des jeunes qui n'ont rien su du sacrifice du jeune étudiant tchèque en son temps. Le fait d'allier à la reconstitution des faits historiques le présent d'un homme de maintenant et ses interrogations peut rendre le sujet accessible et c'est bien.

Parmi les questions que l'auteur se pose et nous pose, revient celle de notre apathie face à la marche néfaste du monde, ce que Jan Palach par son geste souhaitait réveiller. C'est quelque chose qui me titille moi aussi, et chaque fois que j'ai pu ou ressenti que je devais militer je l'ai par moment fait. Mais bien des fois je n'ai rien fait parce qu'entre mes devoirs familiaux et mes obligations professionnelles, je ne pouvais guère me libérer.  

C'est ce qui nous sauve et ce qui nous entrave. Le quotidien qu'il faut assumer. Que l'on ne peut jamais laisser bien longtemps entre parenthèse lorsque l'on ne fait pas partie de ceux qui ont les moyens et l'aptitude de déléguer à d'autres leurs tâches du quotidien.

En cette période de resdescente d'euphorie après une victoire de l'équipe nationale à la coupe du monde de football, accentuée par le déroulement d'une affaire d'état - j'ai ri aux premiers jours tant une part ubuesque et burlesque s'exprimait, mais je la trouve effarante et très inquiétante, pas d'illusion sur la suite, ce qui est probable c'est qu'après le vacillement, la surveillance et la répression du moindre mouvement de protestation se feront encore plus fortes, dûment pourvues de validations officielles que cette fois le gouvernement aura pris soin de faire préciser par avance,
(J'espère me tromper)
en cette période donc il est particulièrement flagrant d'à quel point lorsque l'on fait partie du menu peuple le moindre jour détaché de la besogne se paie cher en rattrapage à assurer.

Concernant le football c'est particulièrement flagrant. Du moins pour qui s'y intéresse, même sans nécessairement faire partie de qui le suit au jour le jour au fil des ans. 
Les débuts d'une compétition telle que la coupe du monde s'accompagnent d'un regain d'énergie : on met du cœur à son ouvrage sachant que plus tard dans la journée viendra le moment récréatif de suivre un match. 
Puis pour peu qu'aucune catastrophe n'intervienne et que le tournoi soit réussi, ce qui fut splendidement le cas ce coup-ci, du beau jeu, des buts, on est pris par l'événement, voir la suite devient important. On aménage notre emploi du temps, ou l'on regrette de ne pouvoir le faire.
À un moment les choses s'emballent et l'on met sous le boisseau une part de nos corvées afin de parvenir à rester sur la vague, comme sous sa protection. 
Qu'il y ait défaite à un moment donné ou bien victoire tout au bout, la redescente est presque la même : tout ce qui avait été mis sur le côté reprend ses droits. Le travail nous réclame ou si l'on en a pas d'en retrouver afin d'assurer notre subsistance, le travail de la maison ne peut souffrir une trop longue période sans.
La liesse régresse, y compris pour celles et ceux qui peuvent enchaîner sur des congés : il faudra bien que quelqu'un s'y colle de préparer les repas, faire les courses, les vaisselles ou les lessives, ranger et nettoyer. Il faut surveiller les comptes, de plus en plus souvent rester en lien avec le travail qui ne saurait souffrir d'une période prolongée d'absence absolue.

Le phénomène, la joie et la prévisibilité des étapes en moins reste le même pour une affaire d'état : impossible de suivre de près ses développements si les choses se prolongent au delà de quelques jours. Les spin doctors le savent qui poussent à jouer la montre. La précarité de plus en plus généralisée accroit le phénomène : de moins en moins de boulots sont routiniers, on se retrouve requis-e , rentrant chez soi avec la fatigue de la journée sans forcément la force de faire l'effort de se tenir au jus.

Les consciences ne sont pas nécessairement endormies, elles sont accaparées. Sans pouvoir se permettre de se détacher trop longtemps du quotidien qui nous épuise mais fait qu'on tient. 

Je vous laisse, j'ai à faire. Bien obligée.

 


"Et la parole des femmes [...]"

 

    Bel article de Zyneb Dryef dans Le Monde et qui fait le point sur ce qui aura marqué la fin de l'année 2017, 

Et la parole des femmes se libéra

Je crois que si plus tard je retiens une chose et une seule de l'automne 2017, à raconter plus tard à mes arrières-petits enfants (1), ça sera celle-là, la libération de la parole des femmes, qui n'en pouvaient plus de subir toutes sortes de conduites de pesantes à violentes et de fermer leur gueule soit par peur des conséquences, soit en pensant que c'était ainsi, et souvent en croyant subir une sale conduite isolée. 

Ce qui ne laisse pas de me surprendre, c'est à quel point alors que je suis moi-même une femme, et pas née de la dernière pluie, et ayant aussi subi quelques effets de mauvaises conduites masculines - pas même forcément consciente de leur part, sorte de En toute bonne foi du colonisateur -, j'ai été justement surprise par l'ampleur du déferlement. 

Je crois que de n'être pas sexy, d'être sportive et vêtue le plus souvent à l'avenant, et d'être assez imperméable à la peur, celle qui fait qu'un début d'incident déplaisant peut soudain dégénérer et faire de nous une proie de choix, et prête à coller un bourre-pif à qui m'emmerde, quitte à me prendre un pain en retour mais au moins j'aurais essayé, m'a tenue à l'abri de bien des vicissitudes, jusqu'à l'âge auquel les hommes (hétérosexuels) nous mettent au garage même si nos corps ressemblent encore à ce qu'ils étaient. Je crois aussi que je me suis toujours sentie suffisamment libre pour ne pas me formaliser de certaines tentatives de drague un peu lourdes, dès lors que le gars ne devenait pas menaçant ni agressif devant ma réponse qui disait non, la Bécassine Béate en moi c'est toujours dit dans ces cas-là, Pauvre type comme il doit être seul pour tenter le coup jusqu'à une femme comme moi. Dès lors je n'ai pas perçu le peu que j'ai subi comme des agressions mais comme des moments tristes pour ceux qui ne se comportaient pas d'une façon élégante. Plus d'une fois des approches de drague de rue se sont transformées en conversations : des hommes seuls qui avaient besoin de parler et déjà heureux, et redevenus respectueux du fait que j'aie su écouter sans trop me formaliser de leur tentative déplacée.

Il n'empêche que je n'imaginais pas combien de mes consœurs avaient subi de saloperies et de coups et s'étaient senties ou se sentaient meurtries. Je crois que mon état d'esprit rejoint celui des hommes respectueux - il y en a -, atterré par ce qui fait le quotidien des autres, par l'ampleur des dégâts.

Je me méfie du retour de balancier, mais j'ai l'impression ou du moins l'espoir que puisque le courage a changé de camps : il est désormais du côté de celles qui osent parler et ne plus s'écraser, les choses s'arrangent vraiment et qu'un ré-équilibrage respectueux ait enfin lieu. 

 

 

(1) Comme Alice du fromage je pense que je tiens ce blog pour des lecteurs du futur qui le liront avec le même intérêt amusé (2) sur l'ancien temps que j'avais eu jeune femme à lire le journal de ce sacripant de Samuel Pepys, lequel aurait sans doute justement de nos jours des ennuis.

 (2) du moins je l'espère pour eux, et qu'il n'y aura pas eu deux ou trois apocalypses entre temps.


Paris sans voiture, la petite illusion

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Ah que c'est beau Paris sans voitures !

 

Bon alors en vrai, non, cette photo je l'avais prise à Bruxelles le 17 septembre 2006, parce que pendant que les Français s'appliquent consciencieusement à continuer de polluer, nos voisins, eux ça fait plus de dix ans qu'ils ont des journées sans voitures et intégralement. 

C'était un de ces petits déplacements en TGV qu'on s'accordaient avec le fiston avant ses fatidiques douze ans : nous profitions d'un tarif merveilleusement réduit grâce à une carte annuelle pas trop coûteuse qui permettait de payer les trajets trois fois rien et pour l'enfant et pour un adulte qui l'accompagnait. Nous avions choisi le week-end en fonction je crois d'une compétition de pétanque du papa, c'était aussi une façon d'éviter un dimanche de pétanque-widow. Nous ignorions que nous allions débarquer lors d'un jour particulier. Nous étions arrivés tôt le matin dans une ville sous la brume et totalement silencieuse. Nous avions vite pigé, ça n'en demeurait pas moins magique. Des vélos partout. La brume en plus atténuait les sons. Je me souviens de toute cette journée comme d'un très beau rêve.

À Paris, onze ans plus tard, c'est peu dire qu'en vrai, ça n'a pas fonctionné tout à fait : 

 

PA012752[photo prise en bas des Champs Élysées ce dimanche 1er octobre à 11:28 ; et ça n'était pas un moment d'exception]

Nous nous étions dit, naïfs, Tiens si notre entraînement de vélo nous le faisions dans Paris intra-muros ? Puis, gourmands, tiens si l'on s'offrait la place de l'Étoile ?, Oh, et les Champs Élysées ?, Et la Concorde ? (1)  Et voilà qu'en fait nous avons tout juste croisé un peu moins de bagnoles - en plus que les un peu moins au lieu d'être respectueuses parce qu'elles étaient de trop, en profitaient d'autant plus pour foncer -, un peu plus de vélos (ça au moins c'était sympa, et puis comme ça on échangeait quelques mots, certains étaient exprès venus de grande banlieue, malgré le crachin qui ce dimanche persistait), même pas pu descendre les Champs Élysées qui à l'heure où nous voulions passer étaient interdits aux vélos même tenus à la main (2) et nous sommes faits renvoyer  PA012750

par les rues adjacentes. Les purs piétons quant à eux pouvaient passer mais au compte-goutte puisqu'à présent, ce que l'on peut comprendre au vu des événements des deux dernières années et qui semblent ne plus jamais devoir cesser (3).

Nous nous en sommes donc retournés après une petite boucle réduite à vitesse réduite aussi (puisqu'aussi gênés qu'un autre jour ou quasi) - au temps pour moi qui avais espéré passer saluer mes camarades qui effectuaient un dimanche d'ouverture à la librairie -

Capture d’écran 2017-10-01 à 12.38.39

un tantinet déçus, il faut bien l'avouer.

Comme l'écrivait un ami sur Twitter, ça n'était pas Paris sans voitures c'était Paris avec un petit peu moins de voitures. 

Sans arrêt dans notre circuit nous avons dû faire attention à la circulation comme un jour ordinaire. À aucun moment nous n'avons eu l'impression que la rue était rendue aux vélos et piétons. 

Il se trouve que je suis ressortie dans l'après-midi entre 14h et 16h30 et que la situation ne s'était guère améliorée (4). On aurait même dit que pas mal de gens, particulièrement des deux roues, qui avaient dans un premier temps fait l'effort, avaient fini par se dire, puisque c'est comme ça, moi aussi je prends mon véhicule. 

Au point que dans un reportage très pro-journée sans voitures, à plusieurs reprises (5), on voit les bagnoles dans l'arrière-plan pas si lointain. Ce qui n'est pas sans un léger effet comique puisque les personnes interrogées disent combien c'est formidable, Paris sans ces engins. 

Pendant ce temps ceux qui persistent à vouloir polluer (en oubliant qu'eux-mêmes vivent là et ont des poumons) hurlent leur colère sur les réseaux sociaux et insultent la maire de Paris, tout ça parce qu'on ose leur demander de faire preuve d'un peu d'intelligence et de civisme durant une journée.

Nous avons cependant fait une bonne petite balade que nous n'aurions pas tentée sans cette initiative, et dans une ville qui reste belle et qui malgré tout nous rend souvent heureux d'être là.

*                    *                     *

Rien à voir directement, mais il est difficile d'écrire quelques mots sur ce dimanche 1er octobre 2017, sans évoquer les nouvelles qui nous arrivaient de Catalogne par les réseaux surtout et un peu les infos au sujet du référendum sur l'indépendance que le pouvoir central de l'Espagne a déclaré illégal. Je n'ai pas d'opinion tranchée au sujet de l'indépendance de la Catalogne, je suis consciente de la complexité des enjeux et toujours un peu méfiante du combo (régionalismes, replis sur soi, glorification des traditions (lesquelles sont presque toujours ennemies du respect de la liberté des femmes)), méfiante également du côté oppressif des pouvoirs centraux. Il n'empêche que voir des gens pacifiques et non armés se faire tabasser par des forces dites de l'ordre qui s'efforcent de les empêcher d'aller voter est particulièrement révoltant et terrifiant. Je partage à tous points de vue Capture d’écran 2017-10-01 à 23.31.22

ce touite d'Attac France d'où l'image est tirée 

*                    *                    *

Enfin, impossible de clore ce billet sans évoquer la mémoire de Philippe Rahmy, dont l'annonce du décès survient via Le Temps, alors que m'apprêtais à éteindre l'ordi. Nous espérions l'inviter à la librairie, j'en avais parlé il y a dix jours avec l'un des ses éditeurs qui m'avait précisé qu'il faudrait que ça soit avant le 15 décembre ou après le 15 avril en raison de la résidence d'écriture prévue. Quelle tristesse.

Un bel article à son sujet dans La Tribune de Genève  

Son site, Rahmyfiction 

 Paris sans voitures paraît soudain d'une futilité méprisable. Mais sans doute que laisser le billet c'est aussi montrer à quel point l'annonce d'une mort peut être brutale, survenir alors que l'on relisait, un décès être inattendu et la peine éprouvée forte y compris pour quelqu'un qu'on avait tout au plus une et une seule fois croisé (mais son travail est inoubliable).

 

(1) Tous lieux de Paris où il n'est pas des plus agréables d'être un cycliste lors d'une quelconque journée

(2) Plus tard, j'ai appris qu'il s'était agi d'un défilé l'Oréal dans le cadre de la Fashion Week. Privatisation de l'espace public une fois de plus et de plus en plus. 

(3) Dans l'après-midi même à la gare Saint-Charles de Marseille un de ces pseudo-terroristes surtout bien cinglé tuera au couteau deux femmes qui avaient le malheur de passer par là. Désormais n'importe qui fait n'importe quoi en se croyant investi d'une mission divine de combat.

(4) Il était annoncé que la journée sans voitures c'était de 11h à 18h. J'en étais venu à me dire que puisque nous avions circulé au début de cette plage horaire, peut-être avions-nous essuyé les plâtres, le temps que les voitures soient vraiment mises à l'arrêt ou sorties.
(5) À 0'53" puis vers la fin

 


Merci au Projet Arcadie (à qui le porte)

Depuis ce printemps je suis avec attention le Projet Arcadie , voilà à présent un enregistrement video que tous les électeurs devraient avoir vus : 

  

Je fais partie d'une génération sans doute déjà trop occupée à s'en sortir au quotidien (c'était la crise, puis La Crise, puis LaKriz ...) et asséchée par la révolution manquée par les tout justes aînés, eux qui se sont empressés ensuite de renier leurs idéaux et de truster les postes clefs, qui n'est pas parvenue à résister à ce qui se tramait, la planète foutue en l'air, la démocratie termitée par l'intérieur.

Alors j'apprécie d'autant plus lorsque les jeunes entrent dans la résistance, équipés de solides ambitions, sans doute plus efficaces que nos vieux idéalismes, maîtres habiles en communication, documentation, et un chouette côté Même pas peur.

Peut-être qu'ils parviendront à sauver quelque chose, au moins ils ont le courage d'essayer.

Et par exemple, qui est particulièrement intéressant - et quel boulot ! -, merci à elle, longue vie à Projet Arcadie.


Des mondes parallèles sans interconnexion (ou si peu)

 

    J'étais au boulot et n'en ai eu qu'un vague écho (merci FIP et ses petits flashs d'infos des heures cinquante, concis mais qui permettent de suivre la marche de ce morceau de planète), l'état s'apprête à rogner à partir de l'automne sur une aide au logement qui concerne pas mal de gens.

Ça a déclenché une tempête multi-médiatique. 

Sur le fond, je ne saurais me prononcer, cet article me paraît assez sain, mais même avec lui a-t-on tous les éléments en main ? 

On a élu en mai un président libéral, il applique ce qui correspond à ce qu'il annonçait, sinon comme programme du moins dans l'expression de ses opinions, on ne peut pas l'en blâmer (1). C'est juste que la somme de réduction annoncée 5 € par mois et par allocataires, visiblement choisie pour sembler dérisoire - allez les pauvres, faites donc un petit effort, fumez moins -, semble effectivement dérisoire et que du coup l'effet fait est plutôt de type : Hein, quoi, le pays va si mal qu'on en est réduits à demander aux gens qu'on est censés aider, de rendre 5 € par mois ?, on dirait nous autres dans les sales fins de mois, lorsqu'on fait les poches de nos manteaux rangés dans l'espoir d'y retrouver, entre deux boules d'anti-mites, un billet oublié.

Ce dont j'ai envie de garder une trace, ce qui me frappe, ce sont : 

- un mépris de classe qui fait froid dans le dos.

On dirait qu'une génération (ou deux) entière a grandi dans l'idée que si tu es pauvre c'est que tu le mérites. Soit parce que t'es bête, soit parce que tu viens d'ailleurs, soit parce que franchement si tu ne t'en sors pas c'est que tu ne bosses pas (assez). 
Sauf que voilà ça ne répond pas ou peu à ces critères là. En fait les deux façons les plus sûres d'échapper à la pauvreté sont d'être nés dans une famille aisée ou d'être malhonnête (ou du moins : roublard).
On dirait aussi que les mêmes méprisants bénéficient d'une sorte d'assurance de bonne santé éternelle. Sont-ils conscients, ces insouciants, que personne à aucun moment n'est à l'abri d'une pathologie qui peut se déclarer d'un coup alors que l'on croyait que tout allait bien, et attaquer y compris ceux et celles qui ont une parfaite hygiène de vie ?
Il faudrait que tous les dirigeants aient lu "Down and out in Paris and London" de George Orwell,on peut être bosseur et intelligent, faire de son mieux pour s'en sortir et manger la misère.


- une ignorance de la valeur de l'argent pour ceux qui sont dans l'autre camp. 

Ces vingt dernières années ceux qui sont parmi les classes aisées ont vu leur pouvoir d'achat vraiment progresser. Pour eux, cinq euros c'est ridiculement rien. Une somme qu'ils n'envisagent même pas. Cinq euros (à leur échelle) ça ne coûte rien. J'ai le souvenir précis d'une cliente fortunée et sympathique (ça n'est pas antinomique, pas forcément) à la libraire Livre Sterling, qui n'avait pas compris qu'un livre de cuisine parmi les soldés ne coûtait que 5 € et m'avait sorti un billet de 50 pensant payer le compte rond. Un objet à 5 € passait sous son radar, tout simplement. Et je pense qu'elle est repartie persuadée qu'on lui avait fait un cadeau de bonne cliente. 
Pour les autres, de plus en plus nombreux, cinq euros c'est se coucher le ventre vide ou pas, selon que tu as pu ou non les glaner, c'est peut-être éviter de justesse de dépasser en banque son découvert autorisé et échapper à une kyrielle d'emmerdes de niveau supérieur. Cinq euros, c'est pouvoir entrer dans un café, l'hiver, boire un truc chaud. C'est s'acheter un coupe-vent bradé chez Aldi (2) et ne pas se faire drincher. 
J'avoue que je ne sais pas comment rendre compréhensible, palpable, aux uns la perception que les autres en ont et vice-versa. Si je suis capable de voir les deux versants c'est que ma situation financière est quantique depuis 2011 : je suis riche et pauvre. J'ai un toit, ce qui n'est pas rien mais je manque le plus souvent de moyens pour assurer confortablement le quotidien. Je sors à peine de six années en working poor de luxe (et de choix : j'aime mon métier qui ne rapporte pas et j'ai tenté de préserver du temps partiel afin d'écrire ; seulement je suis consciente que beaucoup le sont par contrainte, parce que pas d'autres boulots que ceux qui ne nourrissent pas), avec une vie culturelle de rêve, ce que les pauvres gens n'ont pas, ou seulement par brefs éclats.
Ce que les plus fortunés n'imaginent même pas c'est une somme quelle qu'elle soit, même (surtout ?) faible, et qui pour eux représenterait un arbitrage (allez, je n'achète pas ce paquet de clopes), est pour les autres une privation de plus dans un lot déjà existant et peut-être celle de la suppression finale de quelque chose de nécessaire (3), c'est par exemple un déjeuner sur le lieu de travail (4) qui se composait d'un jambon-beurre un demi et un café, et puis tu laisses tomber le demi sinon c'est deux heures de boulot qui y passent, et puis après tout, le café, on peut s'en passer, et puis le sandwich ce serait moins cher si je le rapportais de chez moi et puis un jour, pour les ingrédients d'un sandwich, les 5 derniers euros, l'argent n'y est même pas (mais il faut assurer le travail tout pareil sinon tout serait bien pire).
Le film "Louise Wimmer" peut peut-être permettre de comprendre ça à ceux qui n'ont jamais été concernés. L'héroïne en est une femme qui se bat, rendue pauvre par un enchaînement fort courant de circonstances - son mari l'a quittée pour une autre - et qui malgré qu'elle travaille et d'arrache-pied, n'a pas les moyens de se loger. Souvent, dans les fictions les plus pauvres sont présentés comme possédant un cumul de "handicaps" qui font leurres - alcoolisme, ennuis de santé, problèmes psychologiques ... -, là, on voit une femme qui n'a rien qui va pas, fors le manque de rétribution de ses services et de devoir redémarrer à zéro à un âge où d'ordinaire on peut enfin souffler un peu.
"Le quai de Ouistreham" de Florence Aubenas, dans le même ordre d'idées est respectueux et montre bien la vie telle que pour beaucoup elle est. Ce n'est pas misérabiliste, c'est la réalité d'en vrai. 

Je ne sais pas pendant combien de temps le pays encore tiendra avec de telles failles entre les différents lots d'humains qui le composent, mais on dirait un élastique qui se tend se tend ... et depuis longtemps. De mondes parallèles sans points (ou de moins en moins) d'intersection. 

 

 (1) Ce qui ne signifie pas que j'approuve la mesure, mais je n'éprouve ni surprise ni sensation de trahison.

(2) Ce qu'a fait l'homme de la maison ces jours-ci - mais parce qu'il avait un besoin immédiat de se protéger de la pluie et qu'il a été chanceux -.

(3) Je crois que c'est dans une nouvelle de Carson Mc Cullers, peut-être dans le recueil "La ballade du café triste", que l'on voit diminuer peu à peu la  quantité quotidien de lait dans la bouteille qu'un jeune couple met au frais à sa fenêtre, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de lait, plus rien.

(4) Car tous ceux qui travaillent n'ont pas nécessairement de cantine oh pardon restaurant d'entreprise,  ni de chèque déjeuner. 

 


Ma vie trop vite

Il y a les heures de travail à la librairie qui passent à toute allure : je suis encore dans la phase où j'apprends et si le logiciel de stock et caisse m'est à présent familier, reste que rien du reste n'est automatique (il faut travailler sous excel pour les commandes et les appariement commandes et clients, par exemple), du moins en terme de transmission, c'est donc très long. Et puis je dois m'occuper des factures.

J'espère qu'après avoir effectué un mois complet, les tâches administratives et de gestion courantes me prendront bien moins de temps.

Le reste m'est familier. Je connais bien la librairie. Et le cœur du métier.

Il y a (eu) la maison de ma mère à préparer au déménagement inéluctable. Les charges sont trop élevées pour que nous puissions conserver ce qui aurait pu être notre maison de famille. Nous peinons à faire face aux coûts liés à l'appartement. Au mieux sera conservée la maisonnette de Normandie. Vider le grenier m'aura pris quatre à cinq jours in fine. Dont une demi-journée à trois. J'ai retrouvé certains éléments, dont un vieil électrophones, que je croyais perdus pour toujours et à jamais. En revanche certains objets précis n'ont toujours pas réapparu. Dont une photo de mon Grand-Père en très jeune soldat de la guerre de 14. Après, comme il fallait être efficace, nous n'avons pas nécessairement tamisé fin. Peut-être que nous aurons de bonnes surprises ultérieures.
Demain suite de la mise en carton.

Il y a des démarches, des trucs administratifs, quelques perplexités notariées. Ça prend du temps.

Il y a les présentations de rentrée littéraire. J'aime écouter ça. Je gagne un temps fou, l'intuition joue.

Il n'y a pas assez d'entraînements (forcément avec tout le reste). Mais à terme mon nouveau travail devrait me permettre d'être vraiment plus (+) disponible à des horaires correspondants.

Il n'y a plus de temps pour écrire, pas même par ici. J'ai intérêt à vite stabiliser un rythme de croisière car je ne tiendrai pas longtemps sans.

Et puis s'intercalent des complications (la perte d'un téléfonino), des tristesses (le décès d'un ancien voisin, mais pas seulement cette tristesse-là), des étonnements (croiser une star, alors qu'un attentat concernant un de ses concerts a eu lieu si peu de temps avant, se retrouver spectateurs d'une partie de pétanque endiablée dans d'anciens terrains de la SNCF désaffectés, être conviée à l'achat d'anciens costumes d'opéra - dont l'un était parfait pour être déménageur - visiter la maison de Balzac, aller au théâtre voir de la boxe chorégraphiée, l'éternelle plénitude de Paris en mai et juin - ses mois de beauté -, une sensation d'être parmi d'autres infiniment privilégiée de par le simple fait d'y vivre.

Que je le veuille ou non j'ai décroché de la politique ; une sensation qu'il faut se dépêcher qu'on a obtenu un sursis de cinq ans mais qu'aux prochaines présidentielles ce qu'on redoutait là risquera encore plus de survenir : la politique menée dégoutera encore plus de gens qui se laisseront ramasser par la moisissure des idées. Alors je me dépêche d'avancer dans ma propre vie, il faudra pouvoir saisir des portes de sortie.

Il y a des lectures, formidables, dont je n'ai absolument pas le temps de parler.

C'est ma vie trop vite, mais à quelques absents près, et activité ou sensations qui me manquent, elle me plaît. Je donne enfin ma pleine mesure. J'ai cessé aussitôt d'avoir besoin de dormir trop (1), suis à nouveau bel et bien là. 

Ça fait du bien. 

 

(1) Une part était clairement en contre-coup du travail trop éprouvant physiquement dans la chaîne de librairie que j'ai quittée combinée avec l'épouvante d'après le 7 janvier 2015. Je n'ai commencé à refaire surface que grâce à mon travail Au Connétable. La vie avait repris sens.  


No, Zollo, proprio no

Capture d’écran 2017-05-12 à 09.32.29

J'avais vu passer l'info hier soir en rentrant d'une belle soirée chez Charybde, autour de Manchette.

Je m'étais dis Je suis fatiguée, j'ai mal compris.

Et puis ce matin, j'ai vérifié avant la piscine. Ça se recoupait.

Cédric Villani s'est donc laissé embarquer. Je suis certes reconnaissante à Emmanuel Macron d'avoir saisi la chance que représentait la disqualification du candidat Les Républicains, et d'avoir su rassembler assez pour faire barage au populisme d'extrême droite. Aux yeux du monde extérieur il incarnera mieux la fonction que ses deux prédécesseurs. Je pense qu'on peut au moins lui faire confiance pour ne pas faire honte au pays ni donner de celui-ci une image de contrée de la gaudriole et d'une certaine mollassonnerie.
Bon.
Il n'en demeure pas moins que son programme s'il l'applique présente bien des points très inquiétants pour le bien des communs. Ça sera la Loi Travail en pire. Il y aura sans doute de bonnes choses pragmatiques (sur le programme énergétique ? sur la gestion de certains domaines ?) mais globalement, les petites gens, no illusion, on va en chier. Ça va être un faux renouveau politicien à la sauce entrepreneuriale, ça a d'ailleurs déjà commencé, et ça peut même faire un peu rigoler (1), il n'y a pas que du mauvais. Seulement les plus pauvres et les déjà décrochés vont s'enfoncer.

Alors quand j'ai vu que cet homme que j'admire c'était laissé embringuer par les sirènes du pseudo progrès et de l'ambition personnelle, je me suis sentie comme le professeur de Il portaborse (2), que le jeune politicien brillant et censé être un peu à gauche, a embauché pour lui écrire ses discours, et qui lors d'une réunion de crise rencontre l'élève le plus brillant qu'il a jamais eu devenu avocat et au service de la défense de celui qui est aussi corrompu que d'autres, No, Zollo, proprio no [Hanno Zollo].

(et je me suis vraiment réveillée ce matin en pensant, Ma come vero, come possibile, hanno Zollo ? et j'ai filé vérifier)

 

PS : Si vous avez l'occasion de voir ou revoir ce film, c'est le moment où jamais. V.O. très conseillée car la mise en bouche des discours par Moretti est grandiose. Ce film a 26 ans mais à part l'absence de téléphones portables, de tablettes et d'une abondance d'ordis, il n'a pas pris une ride, au contraire.
PS' : Je n'aimerais pas être à la place de Cédric Villani quand le charme se rompra ; je comprends fort bien que tel le sportif de haut niveau, le chercheur doit prendre soin de passer à autre chose avant d'être confronté trop durement à la baisse de ses capacités. Seulement quels regrets.

 

(1) Valls non investi mais on lui met personne en face.
(2) Le porteur de serviette, Daniele Luchetti, 1991 avec Nanni Morretti génial dans le rôle du politicien et Silvio Orlando formidable dans celui du professeur qui d'abord y croît et est fier de contribuer au succès d'une politique qu'il trouve censée puis dégivre et voit la réalité telle qu'elle est.