Ce soir l'ordi m'a rappelée à l'ordre - depuis le début du confinement je me disais Dès que j'en aurai fini avec le jardin, je m'occuperai des photos ; et puis j'ai enchaîné sur d'autres menus rangements -, sa mémoire est saturée, je dois faire du ménage. C'est facile et simple : j'ai trop de photos. Me voilà donc ce soir astreinte à reprendre la tâche de Sisyphe, du moins lorsque l'on prend des photos quotidiennes, qui est d'en faire le tri, les copies (sur disque dur et un autre lieu) puis le ménage.
J'aime bien le faire à la main, pour partie, ce qui me permet de revisiter mes jours. C'est particulièrement utile sur la période que j'aborde à présent : le printemps d'il y a deux ans. Je travaillais alors pour la librairie Charybde tout en passant mes week-ends à préparer la maison de mes parents pour sa vente ; encore épuisée par le déménagement des affaires qui m'avait pris (là aussi, tri, jetages, sauvegardes, rangements) un an de week-ends chargés. Sans compter le deuil principal et deux autres sortes de deuils pour moi annexes mais non négligeables : un beau-frère et un cousin par alliance, partis brutalement, l'un comme l'autre, de la vie de celle qui avait été leur compagne. Il faut s'habituer, même si on ne se voyait pas si fréquemment, à ce qu'ils ne soient plus là. Plus du tout là. Et qu'on n'ait même pas pu leur dire au revoir, car les ruptures furent brutales. On se retrouve quittées, de façon secondaire et collatérale. C'est assez étrange comme effet. D'autant plus qu'il s'accompagne d'une perte d'estime très forte envers eux, qui ont tant menti.
Dès lors de ce printemps 2018 qui comporta néanmoins d'excellents moment, à la librairie notamment, il me reste du fait de l'écrasante fatigue peu de souvenirs. Ou plutôt ils sont présents mais comme entassés, non datés. Ils manquent d'indexation. En trier les photos m'offre l'apaisement de reprendre pied dans ma mémoire.
Accessoirement, je retrouve traces d'endroits qui n'existent plus, ou plutôt de bâtiments qui n'existent plus dans des endroits qui ont totalement changé.
Ainsi ces bâtiments à Clichy, près du parc des Impressionnistes et qui récemment encore n'étaient plus qu'un immense trou de fondations à construire (1). Dommage, en leur temps ils ne manquaient pas de charmes
(photos prises le dimanche 1er avril 2018, jour de Pâques, en revenant de notre habituel sunday morning run)
Le 4 avril (2018, donc), chez Charybde il y avait eu à la fois un tournage dans la journée et une soirée en compagnie d'Alan Parks, et de son traducteur Olivier Deparis, de celles qui font bonheur à se rappeler plus tard.
Le tournage était pour un court métrage que devaient présenter ensuite à leurs enseignants des élèves d'une école de cinéma.
C'est terrible, vu du confinement, on sursaute à les voir, à nous voir, les uns des autres si rapprochés, sans masques ni rien de tout ce qui s'est installé qu'on doivent les mettre ou qu'on en manque, dans notre quotidien et pour un long moment.
Que sont-ils devenus ? Que deviendront-ils dans le monde de l'Après, et sa crise économique qui ne manquera pas de heurter de plein fouet tout ce qui concerne la culture ?
Je m'aperçois que l'épidémie (et ma recherche d'emploi) m'ont fait rater la parution de "L'enfant de février" que pourtant j'attendais.
Un livre de plus à ajouter à la liste des lectures souhaitées après le déconfinement.
Il y avait eu une autre soirée le 5 (je devais être trop épuisée pour en conserver un souvenir précis) et le 6 avril nous avions reçu Marc Voltenauer, d'abord à la librairie puis principalement dans un café du XIIème où il avait ses habitudes et bien des amis. Ce fut l'une des soirées les plus réussie. Avec des habitués du café restés à écouter, alors que la lecture n'était pas forcément leur occupation préférée.
Rétrospectivement, je me demande comment j'ai fait, comment nous faisions tous (de la librairie) pour tenir le coup avec un tel rythme.
Quoi qu'il advienne après cette période de confinement, je pourrais me souvenir que j'aurais connu dix années fort vivantes d'un point de vue professionnel, et fait de magnifiques rencontres.
Voir les photos du monde dans le café, paraît tellement étrange à présent. Connaîtrons-nous un jour de tels moments à nouveau ?
(1) C'est peut-être encore le cas. Le confinement a fait que je ne suis plus repassée par là depuis un mois et demi.