Je l'avoue, en octobre dernier la monumentale bévue qui a fait qu'on a cru à l'arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès (1) m'a bien fait rire, même si je n'oubliais pas tout à fait le malheureux homme sur qui s'était tombé.
Il faut dire que l'emballement médiatique avait été spectaculaire et que je travaillais alors en maison de la presse, donc aux premières loges. J'avais ainsi découvert que contractuellement on devait laisser les Une(s) affichées tant que le numéro suivant des quotidiens concernés n'étaient pas paru, et ce alors que dès la mi-journée du samedi il était connu que le gars arrêté n'était pas le bon.
Ajoutait au côté farce de l'ensemble cette interview d'un bon voisin de monsieur Joao, puisque tel est son vrai nom, et qui clamait l'innocence de ce dernier, Disant (je cite à la mémoire, sans doute pas mot à mot) mais quand on a vu sa photo on s'est dit C'est pas possible, c'est Guy ! Il se sont gourés, on se connaît depuis 20 ans, il a toujours habité là.
C'était sympa comme tout, envers et contre le monde entier il était près à défendre celui qu'il connaissait. Je pense que bien des gens auraient pris des airs entendus sur le mode Il n'avait pas l'air comme ça, On n'aurait pas cru. Et lui, il n'en démordait pas. Ridiculisant ceux qui avaient commis l'erreur, et côté judiciaire et côté journalistique.
Au passage bravo à l'équipe qui avait pris la peine de donner la parole à ce voisin solidaire.
Ce soir, lisant des informations, je suis tombée sur cet article de France Info, l'homme qui a été victime d'une grossière erreur d'identification s'apprête à contre-attaquer, et ce d'autant plus que, sans parler qu'il peut à juste titre prétendre à un dédommagement pour le préjudice subi, il semblerait qu'il n'ait même pas eu droit à la moindre excuse.
Du côté médiatique, la bourde s'explique : tuyautée par des instances policières, une première équipe est tombée dans le panneau et poussés par leur direction (urgence, chasse au scoop) et d'autant plus que des agences avaient confirmé (AFP, Reuters ...), les autres ont suivi. Partout on réduit les effectifs au plus juste, on dégage les plus âgés, mais dont l'expérience dans de tels cas pourrait être précieuse, pas étonnant que l'enchaînement ait conduit à un tel emballement. Et ce d'autant plus que l'affaire demeure un des plus fameux mystères récents. C'était aussi une bonne aubaine pour les dirigeants du pays : la diversion venait à point nommé. On peut raisonnablement supposer que certains grands patrons de multinationales détenant des titres de presse, plutôt que d'inciter à la vérification, ont poussé sur l'accélérateur.
Mais côté policier, ça reste bien intrigant. Il était dès le début question d'une dénonciation. Or l'homme concerné semble à première vue être un paisible retraité, qui diable pourrait lui vouloir du mal à ce point-là ? Ou alors c'est quelqu'un qui aura voulu lui faire une mauvaise blague, une petite vengeance mesquine pour un vague différent de la vie, persuadé, tant les types n'ont rien à voir, que ça n'irait pas plus loin qu'un petit contrôle un peu plus poussé à l'arrivée.
Ensuite, il a été dit que ses empreintes digitales coïncidaient, puis que certaines seulement étaient similaires. Il n'empêche voilà quelqu'un qui a priori mène une vie tranquille et qui apprend, d'une part que quelqu'un lui veut du mal, et d'autre part qu'il a presque les mêmes empreintes digitales qu'un grand meurtrier. Si tant est que dans un cas comme dans l'autre il ne s'agisse pas de mensonge des instances responsables de l'arrestation et qui auraient cherché désespérément à se couvrir après coup, il y a de quoi dormir moins bien la nuit.
Aucune surprise, soit dit en passant, dans le fait que les différents services concernés se renvoient la balle concernant la bourde, d'autant plus que les organisations de trois pays sont en cause (2). Seulement il va bien falloir que quelqu'un quelque part accepte de prendre en compte le sort qui a été fait à ce voyageur, lequel aura donc passé plus de 24h à devoir décliner son identité sans savoir pourquoi on lui faisait tant d'histoires.
Je serai curieuse de connaître la suite et de voir si nos sociétés sont devenues aussi inhumaines qu'elles en ont l'air, dans la façon dont sont traités les citoyens sans fortune ni renommée particulière. Puisse-t-il obtenir réparation.
(1) note pour lecture du futur : Xavier Dupont de Ligonnès est soupçonné d'avoir occis son épouse et leur quatre enfants dans la région de Nantes en avril 2011. Les corps ont été retrouvés sauf le sien, ce qui a éloigné l'hypothèse d'un assassinat multiple suivi immédiatement du suicide du meurtrier.
(2) On attend dans peu de temps l'excuse d'une mauvaise compréhension, d'erreurs de traduction. C'est presque curieux qu'elle n'ait pas déjà été invoquée.