L'anesthésie des émotions

 

    Je profite d'un jour de congé jalonné de rendez-vous médicaux (un bobo sportif, rien de grave mais je souhaite le traiter correctement afin de pouvoir reprendre sans trop tarder) pour regarder quelques contenus de personnes que je ne suis pas au quotidien, mon temps personnel est trop limité, mais dont le travail m'intéresse.

Ainsi cette vidéo de Major Mouvement, Why don't you feel anything anymore, m'a fort intéressée. 
Il y est question d'une sorte d'engourdissement des émotions, et de pertes d'appétence vers quelque activité que ce soit, que l'on éprouve parfois.

Assez vite j'ai compris que son sujet (l'addiction aux flux sociaux sur appareils électroniques) n'était pas ce qui me concernait. Il est très intéressant et ce qu'il dit concerne la plupart des gens, à ce que j'observe alentour. Je vous invite à aller l'écouter, vous y glanerez sans doute quelques conseils pratiques qui dans la vie quotidienne pourraient vous aider.

En revanche, il m'a fait prendre conscience de quelque chose que j'éprouvais souvent désormais : à savoir que je n'éprouve plus grand chose. Tout est assez cotonneux, lors de la plupart des journées.
Mais le coupable chez moi n'est pas une addiction aux réseaux sociaux, d'ailleurs lors des journées de boulot je suis en général quatre heures de rang sans l'ouvrir ni le consulter, je passe vite fait voir si aucune urgence à la pause déjeuner, et puis ensuite en sortant (voir si rien d'imprévu, si je rentre chez moi ou vais quelque part, si un rendez-vous chez le kiné n'a pas été annulé, si les ami·e·s que je devais rejoindre sont bien là, l'entraînement prévu maintenu, la rencontre en librairie effective, le quartier pas en train de brûler ...). J'y reviens effectivement en soirée, mais plutôt pour dialoguer avec les ami·e·s. et tenter de dénicher des infos insolites ou m'instruire de choses si possible totalement inutiles ; et ce quand je suis trop crevée pour faire autre chose, ne serait-ce qu'écrire ou lire.

Les coupables chez moi sont le boulot nourricier (en conséquence de la réforme des retraites) et la marche du monde, avec un poids supplémentaire depuis le nouveau mandat de Donald Trump.
Mon esprit n'a trouvé que ça, en quelque sorte s'auto-anesthésier comme pour le corps quand il fait trop froid, afin de se préserver pour tenir le coup. Afin d'assurer le quotidien, qui est fatigant, avec des situations subies, des contraintes auxquelles il faut faire face, la solution est de ne pas se prendre en compte, de mettre en sourdine ce que l'on éprouve, ce que l'on ressent, et de mettre le paquet sur le cerveau pensant, sans état d'âme, pragmatisme et réflexion.
Même chose concernant la marche du monde, très mal partie et sur laquelle les personnes comme moi n'ont que des micro-pouvoirs (voter sérieusement sans écouter les populismes fascisants, ne pas prendre l'avion, le moins possible la voiture, éviter de sur-consommer, ne pas gaspiller, ne pas utiliser de climatisation quand il fait chaud, trier ses déchets ...), je n'ai pas de prise, je m'efforce de rester relativement à distance (jusqu'au jour où ça ne sera plus possible) car si je me laisse atteindre je ne tiendrai plus le coup au travail, lequel m'est nécessaire pour assurer les fins de mois et mes vieux jours s'ils adviennent. 

Ça n'est pas glorieux, et je regrette mon passé (légèrement) militant. Mais c'est efficace.
Jusqu'à présent. 

Et je n'ai pas renoncé à observer. L'époque est terrifiante, mais pas sans intérêt.  

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La vie d'après d'une fulgurée
Tous les matins dans mon nouveau boulot

 

 


Paris Saint-Germain-en-Laye, la course

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    Je m'étais inscrite car j'étais disponible au moment de l'inscription, ce qui m'a valu un embouteillage d'agenda par la suite, hélas (1), et parce que je pensais bien de maintenir le momentum comme on dit de nos jours, entre le marathon de Paris et la course club prévu en Champagne le week-end de la Pentecôte.
Le marathon, fors une légère défaillance lors d'un tunnel trop bien animé pour certaines de mes fragilités (flashs lumineux et sons technos à fortes basses), était passé crème malgré la déception d'avoir dû finir en alternant marche et trottinement (2).
En particulier, les jambes, bien entraînées, étaient en simple fatigue, quelques heures allongée et plus rien n'y paraissait. Je souffrais de la fatigue générale, de l'énergie vidée, mais le reste était impeccable. 
Du moins, je le croyais.

Alors un petit 20 km, un mois plus tard, me semblait raisonnable et de bon aloi.

L'idée de rallier là où j'habite (enfin pas loin) à là où je suis née, de plus, me plaisait. Et puis j'apprécie toujours de courir sans être gênée par la circulation, que pour une fois, la ville ne soit pas qu'aux voitures. Pas d'objectif particulier car je savais les deux côtes redoutables, et ne souhaitais pas me cramer en vue de la course club (un triathlon, ce qui requiert bien plus de logistique, de fonds et d'énergie).

Nous avions, le joueur de pétanque et moi, un dimanche précédent effectué la reco de la côte du Mont Valérien.
J'avais décidé d'en faire mon petit défi, la monter sans marcher. C'est dans mon cas, un peu vain : les marcheurs efficaces vont plus vite que mon trottinage forte pente très petites foulées, mais ça fait travailler la condition physique.

Le départ avait lieu auprès du jardin d'acclimatation, et c'était pour moi facile d'accès : un coup de tram 3B et un peu de gambade d'échauffement. J'avais choisi de faire sans vestiaire et de prendre une veste de sport, ce qui m'a bien aidée car pour une raison que j'ignore en ce printemps, j'ai souvent froid. Ne suivez pas mes avis vestimentaires, pour moi la température idéale pour courir en tee-shirt et short est au-dessus de 20°c, et en dessous de 15°c je dois utiliser de l'énergie pour me réchauffer. Un de mes meilleurs souvenirs de triathlon était le Frenchman d'une année où il faisait temps de canicule. Tout m'avait semblé facile et léger.
Ce qui fait que j'avais cette veste, que j'ai enlevée pour les côtes - de toutes façons j'allais si doucement que tenir un habit à la main ne changeait rien -, mais qui m'a bien aidée le reste du temps.

J'avais également sur moi de quoi pallier une éventuelle absence de ravito (liquide, gel et solide), l'expérience de la tortue : on passe parfois alors qu'il ne reste plus grand chose. Ça n'a pas servi cette fois, l'orga était parfaite. Le ravito à l'arrivé était même luxueux avec entre autre des tranches de melon. Et pour les amateurs de sucré des trucs que je crois qui sont très appréciés.

D'expérience, j'ai démarré lentement, en considérant la portion entre le départ et la montée de Suresnes comme un échauffement pour celle-ci. Le monde entier des concurrents partis comme moi dans la deuxième partie de la foule (3) m'a dépassée. Je me sentais bien, l'impression que c'était un jour avec sensation de flow possible, mais on verra après la côte.

Le repérage a aidé, je savais précisément les portions plus rudes, et celles pour reprendre souffle, et la dose d'énergie à puiser pour tenir jusqu'en haut et y parvenir sans essoufflement. Ce qui fut fait. J'ai pu me faire plaisir dans la descente, avec un passage à 5'30'', comme une coureuse normale ou plus jeune. 
Ensuite, on longeait de la voie à forte circulation, avec un passage inférieur, et j'ai dû un peu puiser pour ce moment peu appréciable. Ce qui a donné pour moi un premier 10 k en 1h12, ce qui est le temps moyen de quand je fais un 10 k. Compte tenu de la côte costaud, c'était bien.

Tenté de maintenir la cadence histoire que ce morceau peu agréable du tracé soit vite derrière moi. Ensuite on arrivait assez vite en bords de Seine et hop, passé le pont de Chatou, c'était la partie belle du parcours : chemin de halage.

Là j'ai connu ce qu'on aime, le flow, la facilité, ça déroule, l'impression qu'on pourrait continuer sans effort ainsi jusqu'à la fin de la journée. L'impression d'être à sa place, au bon moment, en train de faire ce pour quoi on est fait (4).

Il a juste fallu que la nécessité d'une pause pipi me gâche un peu le truc, mais c'est ainsi. Une fois soulagée, c'était reparti.

On a eu des encouragements, même les gens lents, un peu tout au long du parcours, rien à voir avec le marathon de Paris, mais c'était sympa comme tout et oui, ça aide, surtout lorsqu'on fait partie des dernières personnes.

J'ai cru à ce moment-là parvenir à rallier l'arrivée en moins de 2h30 et avant que la fin de parcours soit livrée aux voitures.
Fatale erreur, c'est quand j'ai commencé à y croire entre les kilomètres 16 à 17, que la douleur sous le pied droit, laquelle était une petite gêne intermittente depuis quelques temps, sans que je m'en soucie plus que ça (5), est devenu une gêne gênante, puis une douleur de réelle souffrance. 
J'ai évalué la distance qui restait à parcourir, tenté de me souvenir d'un choc éventuel qui aurait pu provoquer une blessure que la distance longue aurait révélée (non, rien à déclarer), mais me suis souvenue d'une douleur similaire, 10 ans plus tôt, provoquée par des chariots trop lourds à rentrer chaque soir en librairie qu'à un point du processus je devais pousser du pied pour monter une petite marche. Partant du principe que c'était sans doute cette blessure qui se réveillait, j'ai songé que les 3 km qui restaient, s'ils n'allaient pas arranger les choses, ne les aggraveraient guère, que le retour prévu en transports en commun resterait possible, ainsi que le télétravail si aller au bureau le lendemain s'avérait impossible. J'ai enclenché le mode warrior, décidé que la côte finale je la marcherai, et hop, c'était parti pour bien arriver.
Ce que j'ai fait.
Malgré la difficulté supplémentaire que j'aurais tant rêvé éviter : les véhicules à moteur relâchés, comme des fauves et la fin de la montée sur le trottoir au parfum des gaz d'échappement, bien obligée. 

Une jeune femme juste derrière moi, à laquelle j'avais failli proposer mon aide, m'a d'une certaine façon rendu service : elle était soudain au téléphone et disait, Je n'en peux plus j'ai tellement mal au ventre, je ne sais pas si je vais y arriver. Juste quand j'allais l'attendre, un homme âgé - c'est à dire, oups, quelqu'un de mon âge voire légèrement moins - qui m'a semblé sorti de nulle part est descendu vers elle à toute allure, encore le téléphone à la main, et qui lui ressemblait (son père ?), j'ai donc poursuivi mon ascension, mais le fait de me dire qu'aussi irradiante que fût ma douleur elle n'était qu'au pied et pas ailleurs, m'a soutenue. Quand on est en souffrance, on se raccroche à ce qu'on peut.

J'ai terminé en faisant semblant d'être en aisance, et je l'étais pour l'énergie et l'état musculaire, mais à deux doigts de franchir la ligne à cloche-pied.
J'étais inquiète pour la balade littéraire prévue dans l'après-midi et n'ai finalement pas pu y aller, ce qui m'a attristée.
Et encore l'illusion que bien soignée, j'avais le temps possiblement de me remettre avant la course club prévue lors du week-end de la Pentecôte.
En revanche je savais d'ores et déjà que la solution "Je fais le triathlon sauf la course à pied" serait, si ça n'allait pas mieux, compromise : j'avais mal sous le pied, là où sur les pédales il faut appuyer. Et qu'aussi ce qui allait être pénible dans les temps à venir ne serait pas tant la privation de course à pied - je saurais me dire que je dois rester x jours sans gambader et profiter du temps dégagé pour faire d'autres choses utiles -, que le fait de ne plus pouvoir vélotafer. 


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La douleur m'a un tantinet gâché le plaisir d'une arrivée avec panorama, de toute beauté, vue sur Paris, qui constitue une récompense en soi.

En attendant, la médaille est belle et le tee-shirt de qualité.
Je me note la date du 10 mai 2026 pour tenter de prendre ma revanche sur l'adversité.

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Le relevé de l'épreuve, via ma montre de sport :

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Grâce au Barbu, qui documente ses courses dans leur filage quasi intégral et sans trop de paroles (j'apprécie), une bonne idée de ce que cette course était et un meneur d'allure qui faisait vraiment bien son taf. Je n'ai pu suivre un meneur d'allure qu'une fois, lors de la corrida de Houilles du temps où c'était une association locale qui s'en occupait (le comité des fêtes ?) et qui prévoyait pour le 10 k un meneur à 1h10, ce qui fait que j'ai peu d'expérience de courir en leur compagnie, mais il me semble que celui de la vidéo pour les 1h40 de cette course est parfait et très pro, avec conseils et variations d'allures pour tenir compte des difficultés.

(1) Bulle d'aiR du cimetière Montmartre en hommage à Maryse Hache par l'aiR Nu
(2) Dans la mesure où mon courir est le trottinement des autres, je vous laisse imaginer la lenteur de compétition.
(3) Il y avait sans doute un sas élite mais pour le reste placement libre. Dans de tels cas je me place à vue de nez au début des gens que je suppose lents mais un peu moins que moi, histoire de ne pas avoir la voiture balais aux trousses dès les premiers kilomètres.
(4) En ce qui me concerne c'est une illusion, mais mon côté Forrest Gump est très fort pour contrebalancer.
(5) J'ai un corps légèrement douloureux de base, et l'effet de l'âge est qu'il y a toujours une petite douleur quelque part, pour tenir le coup dans la vie quotidienne, je sais bien "faire avec" et n'y pas prêter attention. Les petites douleurs et la fatigue ne deviennent des signaux pour moi qu'à un niveau déjà conséquent.

 


Un drame dès que l'on cherche un peu

 

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Les vies humaines sont tissées de drames plus que d'allégresses. Je viens une fois de plus de vérifier l'adage que dès qu'on tombe sur un drame dès que l'on cherche un peu.
Ainsi je regardais lundi soir la biographie de Jacques Froment-Meurice, le sculpteur auquel nous devons la statue de Frédéric Chopin, Parc Monceau, que j'aime bien, quand une indication a attisé ma curiosité : 

"Ses parents Émile Froment-Meurice (1837-1913) et Rose Tassin de Moncourt (1839-1913) meurent tous deux dans l'écroulement de leur hôtel particulier, situé au numéro 46 de la rue d'Anjou à Paris."
Un écroulement d'hôtel particulier à Paris, avant l'une ou l'autre guerre mondiale, voilà qui n'était pas banal.
Après quelques recherches j'ai trouvé, très rapidement cette photo, partagée un peu partout et dont le photographe n'est pas cité. 
Sur le site d'une galerie une photo de Maurice-Louis Branger est proposée à la vente.
Sur son compte Flickr Jean-Christophe Curtet partage cette même image ainsi qu'une autre et la retranscription du témoignage de Jules Venot, employé de maison rescapé : 

Je venais de servir le troisième plat et je revenais dans la cuisine lorsque j'entendis un craquement; cela a fait comme un coup de fusil; un autre a suivi presque aussitôt, puis ce fut un grand bruit de tonnerre au milieu duquel j'entendis très distinctement les cris d'effroi de M. et Mme Froment-Meurice et de leur petit-fils. Je ne fis qu'un bond jusqu'à la cuisine et je dis à la cuisinière : «Marie, sauvons-nous ! La maison s'écroule !» Marie ne voulait pas s'en aller; je parvins cependant à l'entraîner, et par l'escalier de service nous avons pu descendre et gagner la rue.

Je me rappelle qu'en servant le dîner Mme Froment-Meurice manifestait de l'inquiétude. Elle disait : «Il y a depuis quelques jours des craquements étranges dans la maison. Je crains qu'elle ne s'effondre.» François Froment-Meurice fit cette observation : «Comment ! Vous avez de pareilles craintes et vous n'avez rien fait pour éviter un accident ? Il faut faire venir l'architecte !» Mme Froment-Meurice répondit : «Oui, je crois que cela serait prudent !» C'est deux ou trois minutes après que l'accident se produisit.
(Déclaration du domestique Jules Venot, rapportée par la presse)

Sur un blog spécialisé dans la joaillerie, figure la Une du Parisien du samedi 26 avril 1913 et la reproduction d'un article (1) dont il ressort que l'effondrement serait dû à des travaux d'excavation voisins, un immeuble devant être construit en lieu et place d'un garage.
Par ailleurs François Froment-Meurice, 20 ans, sans doute un neveu du sculpteur, a réchappé au drame, retrouvé presque indemne dans les gravats. Il s'y confirme que la cuisinière et l'homme de maison ont échappé de peu à l'écroulement. Ils se trouvaient à un instant près dans la partie non immédiatement effondrée et ont eu la présence d'esprit de vite s'enfuir par l'escalier de service.

Depuis l'effondrement d'un immeuble à Lille, en novembre 2022, et parce que je me souvenais d'immeubles en apparent bon état, ces faits m'intéressent davantage. Je pensais auparavant que des signes avant-coureurs avaient lieu, autrement sérieux que de simples fissures.

 

(1) Voici le détail pour qui s'intéresserait :

Une des familles les plus honorables et les plus distinguées de la haute société parisienne vient d'être cruellement frappée dans ses affections les plus chères. Hier dans la soirée, M. F. Froment-Meurice, conseiller municipal du quartier de la Madeleine, a eu la douleur de perdre à la fois son père et sa mère, écrasés sous l'éboulement d'une partie de leur hôtel, rue d'Anjou, 46, en plein centre de Paris. Sapée par les travaux des fondations d'un immeuble en construction, leur, maison s'est soudainement déchirée en deux. Et toute une aile s'est abattue, ensevelissant sous ses décombres les deux vieillards et leur petit-fils: M. Emile Froment-Meurice, âgé de soixante-seize ans; sa femme, née Berthe Thomas, âgée de soixante-quatorze ans; M. François Froment-Meurice, âgé de vingt ans. Ce dernier, seul, a échappé par miracle à la mort. 
Voici dans quelles circonstances s'est produit ce lamentable événement.
Le conseiller municipal de la Madeleine et Mme Froment-Meurice, qui habitent rue Richard-Wagner, à Passy, dînaient chez des amis. Ils avaient envoyé leur fils, François passer la soirée rue d'Anjou, chez ses grands-parents. Et c'était pour ceux-ci une vraie fête que de recevoir cet enfant qu'ils adoraient. On s'était mis à table dans  la salle à manger, située au troisième étage. Soudain un formidable craquement se produisit dans l'édifice. Un tiers de l'immeuble vint s'abîmer, dans une profonde excavation, creusée pour l'établissement des fondations d'une maison voisine un ancien garage d'automobiles où l'on édifiait un vaste immeuble.
A cet instant, deux domestiques, une vieille cuisinière, Marie Catte, et un valet de chambre, Jules Venot, qui, depuis deux jours seulement" remplaçait le valet de chambre appelé pour une période militaire, se trouvaient à l'office. Au bruit épouvantable qui venait de se produire ils accoururent. Marie Catte ouvrit la porte de la cuisine et   poussa un cri d'effroi. Comme dans un changement de décor; au théâtre, la salle à manger avait disparu. A ses pieds, à cinquante centimètres d'elle, c'était le vide. En proie à une"inexprimable terreur, la cuisinière et le valet de chambre se sauvèrent, comme des fous, par l'es-, calier de service. Ils rencontrèrent le concierge de l'hôtel, qui fuyait lui aussi, et arrivèrent dans' la rue au moment où un chauffeur d'auto-taxi v'e-C nait fort heureusement de stopper devant la maison écroulée. Encore un peu et celui-ci était à son tour enseveli sous les poutres, pierres et meubles, effondrés pêle-mêle, dans un inextricable désordre. 
Cependant des passants, des voisins, des agents étaient accourus. L'officier de paix fut prévenu. Il téléphona au poste central de la caserne de la Pépinière. Et peu après, des soldats du 28° régiment d'infanterie, précédés de M. Rajaud, commissaire de police du quartier de la Madeleine,"organisaient un service d'ordre, pendant que les pompiers, sous la conduite du colonel Cordier, explorant l'amas de décombres, s'efforçaient d'en arracher les victimes. L'opération était périlleuse. M Rajaud et Edouard George, ce dernier fonctionnaire à la préfecture de 'police, s'étaient aventurés jusqu'au centré de l'éboulement, lorsqu'ils" perçurent des gémissements et des cris. Un être vivant était là, enseveli sous, leurs pieds. Au bout de quelques minutes d'efforts, les pompiers de la caserne Blanche parvinrent à retirer le jeune François Froment-Meurice. Par une chance miraculeuse, le jeune homme, n'avait été blessé qu'au, bras droit et légèrement à la tète. Mais la commotion nerveuse avait été des plus fortes. On le transporta immédiatement à l'hôpital Beaujon et de là au domicile de son père, rue Richard-Wagner. Il ne put prononcer que quelques paroles, demandant à voir ses parents et suppliant qu'on allât bien vite à leur secours. Les recherches se poursuivirent. A 8 heures 50 au milieu des meubles pulvérisés, des tableaux anéantis, des tentures en loques et des lustres en miettes, Mme Emile Froment-Meurice était retrouvée. Ce n'était plus qu'un cadavre horriblement défiguré, écrasé sous une masse de pierres et de boiseries. Le corps de son mari fut découvert quelques instants plus tard, affreusement mutilé lui aussi. Unis dans la mort comme dans la vie, les deux vieillards furent transportés dans la cour d'une maison voisine et étendus sur des couvertures, tandis qu'arrivaient sur les lieux M Delanney, préfet de la Seine; Laurent, secrétaire général de là préfecture de police; Paoli; directeur du cabinet de M. Heinion; Touny, chef de la police.

Il est à noter au passage qu'à l'époque avoir plus de 70 ans nous plaçait dans la catégorie des vieillards.

 

 

 


Do(pa)ge

 

    Je crois lire un article sur le dopage, dont le titre aurait été "Dopage : la fin du cloisonnement des données" et je me dis Tant mieux, mais c'était "Doge : la fin du cloisonnement des données" et je me dis Ça va barder !

Le sentiment d'impuissance est immense : je n'ai ni temps libre, ni énergie, ni poste avec pouvoir, ni beaucoup d'argent. La seule chose qui était à ma portée était de voter, en juin dernier, raisonnablement, ce que j'ai fait. Mais le résultat des élections a été par le pouvoir en place de mon pays superbement ignoré. Les États-Unis quant à eux ont choisi de se laisser couler au fond de la piscine en entraînant avec eux leur part influencée du monde dont l'Europe fait partie. Je finis par me demander si ça n'est pas le moins pire du très pire : tout en bas on pourra peut-être donner l'impulsion qui permet de remonter respirer.


La statue qui me fait marrer

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Chacun sa statue. L'ami Matoo a un faible pour La Grisette des faubourgs (que j'aime aussi beaucoup, on a pour elle de la tendresse), et moi c'est pour Frédéric et l'Harmonie et la Nuit, monument datant de 1906 par Jacques Froment-Meurice (1864 - 1948) (1), en hommage à Frédéric Chopin (1810 - 1849).
Je dois l'avouer, j'aime cette statue parce que même si j'admire l'œuvre du musicien, elle me fait rire. On dirait tellement que la femme à laquelle le pianiste et compositeur joue un morceau, le supplie d'arrêter. 
Oh, pas cette valse, pas encore, pitié ! 
Quand je me trouve dans un lieu qui passe à fond un air trop à la mode et qu'on entend tout le temps, je fais le même geste et probablement la même expression.

Ce qui est intéressant, c'est que vue sous un autre angle, la statue semble raconter une autre histoire et s'accorde particulièrement bien avec la végétation, du moins celle de 2025. Qu'en était-il 109 ans plus tôt ?

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Ce qui est touchant c'est que sous cet angle le musicien de la statue ressemble assez bien au daguerréotype de l'être humain correspondant pris en 1847, en légèrement plus beau (2).

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(1) Ce que j'ignorais jusqu'à ce jour, je n'avais pas pris la peine de vérifier : à l'époque où je me posais régulièrement la question il n'y avait pas les internets pour y répondre, il aurait fallu farfouiller dans un guide touristique, une encyclopédie. Et depuis que l'info était à portée de clic, ça m'était sorti de l'esprit.
(2) Ce qui me fait irrésistiblement penser à cette vidéo de Grand Corps Malade, oui, bon je sais, on est loin les concertos, valses et autres nocturnes, soudain.

 


Ce qu'une absence de nouvelles cache hélas parfois


    C'est l'un des trucs tristes du fait de vieillir : la disparition des proches, des ami·e·s, des nouvelles qui ne sont plus des Qu'est-ce qu'il (ou elle) devient mais des annonces de disparitions définitives, lesquelles créent des dernières fois qui nous laissent dans une stupéfaction triste.

Par les effets cumulés d'une période aux localisations d'emplois variées, d'une subtilisation de téléphone portable suivie quelques mois plus tard du vol d'un sac contenant et l'ordi et l'agenda et carnet d'adresses papier, de la maladie puis du décès de ma mère, suivis d'une longue période de vider la maison qui fut celle des parents, de la pandémie de Covid 19 suivie pour moi d'une reconversion professionnelle vers un emploi à gros plein temps avec 2h30 quotidiens de déplacement, et à présent d'un effet d'âge qui rend mes soirées trop courtes aux jours et veilles de jours travaillés (1), j'ai perdu de vue grand nombre de proches (famille ou ami·e·s). 

Et dans un nombre désolant de cas, les nouvelles qui me parviennent un jour sont des nouvelles de type Tu ne savais pas ? Mais c'est fini depuis x mois pour lui. S'ensuivent quelques mots évoquant un accident, une maladie, ou depuis quelque temps le grand âge (2).

Alors ce billet de Fanny Chiarello sur Silence radieux, un hommage à quelqu'un avec qui elle appréciait travailler et qui ne donnait plus de nouvelles, m'a profondément émue.
"Je me suis souvent demandé, depuis, pourquoi je n’avais plus de tes nouvelles. Avais-tu été accaparé par d’autres projets ? La compositrice en question avait-elle décliné l’invitation ? C’est Amélie qui, ce matin, par hasard, m’a appris la terrible nouvelle de l’accident, qui remonte à juillet dernier. Nous avions échangé plusieurs fois entre temps, mais elle pensait que je savais."

C'est tellement ça, presque à chaque fois.
Je lui suis reconnaissante pour mettre les mots élégamment, sur cette peine particulière. 

Et je repense soudain avec gratitude à Carl Vanwelde dont le très réconfortant Entre café et journal, une pensée m'avait permis un jour d'apprendre le décès, pour moi totalement inattendu car je ne le savais pas malade, de quelqu'un qui avait beaucoup compté pour moi. Et de l'apprendre par connaissance commune, plutôt qu'au boulot via une régulière veille médiatique pro.
Les tristes nouvelles font mal quand même. Il est toutefois des circonstances, des lieux et des vecteurs de transmission qui font plus mal que d'autres. 

En attendant, en survivant, il faut qu'on avance.

 

(1) La journée de boulot engloutit toutes mes forces, je parviens à peine à sauver pour partie la pratique sportive, laquelle m'est indispensable pour avoir la condition physique de continuer.
(2) Désormais des ami·e·s "un peu plus âgés" que moi, avec ma façon très relative de percevoir le temps qui passe, et qui peuvent avoir allez, vingt ans de plus, pas grand chose à mes yeux dès lors qu'il s'agit d'amitié, hé bien voilà, ils ou elles sont vraiment âgés et parvenu·e·s à l'étape où une fin de vie peut survenir simplement parce que c'est fini. Les rides je m'en fous, les cheveux blancs, c'est juste normal, la fatigue et le ralentissement, je fais avec, mais ça, je ne m'y fais pas.


Orage


    "Pluie assez probablement bientôt", indique l'encart météo de l'écran d'accueil de mon téléfonino.

    Par la fenêtre (pour l'instant encore ouverte) de ma cuisine, j'écoute l'orage qui vient puis débute. La nuit est tombée et les éclairs se distinguent comme dans le générique des anciens Zorro. Le grondement est encore assez lointain, au point de ressembler à un orage de cinéma. Je veux dire : on dirait un bruitage tellement il est parfait, équilibré, distant juste ce qu'il faut (1). 
J'aime les orages depuis l'enfance, et je n'ai compris que récemment pourquoi : mon corps est sensible aux baisses soudaines de pression atmosphérique, juste avant une tempête, un orage c'est assez souvent le cas et en fait j'avais capté que dès que l'événement météorologique débutait, mes forces revenaient.
Il y a aussi que depuis gamine, j'ai pigé que l'humanité était en train de bousiller sa petite planète au lieu de la choyer, et que de ce fait j'aime les moments où les éléments nous rappellent à l'ordre. Comme s'il restait un vague espoir que ceux qui peuvent peser sur le game, grâce à l'un d'eux prennent enfin conscience qu'il est temps, plus que temps, de cesser les stupidités et que l'on tente de sauver ce qui pourrait l'être. À mon âge et compte tenu des développements politiques mondiaux, j'ai perdu cet espoir, mais il me reste encore une sorte de réconfort d'humilité ; même si je reste consciente des dangers.
Il a une part de storm chaser en moi.

C'est tardivement aussi que j'ai compris d'où ma mère tenait sa peur des orages. J'ai le souvenir de la moi de 4 ou 5 ans, à Chambourcy où nous habitions, tentant de la rassurer lors d'orages en haut de notre colline, particulièrement violents. Tout simplement les orages devaient lui rappeler les bombardements subis durant les jours et les mois qui avaient suivi le débarquement en Normandie. L'impuissance et la peur pour sa vie et celle des siens. Pour moi, qui ignorais qu'une guerre avait eu lieu - je suis restée longtemps ignorante car ma mère censurait toute allusion, nous éloignait des journaux télés, coupait net les conversations quand le sujet était abordé, j'ai dû apprendre à lire pour apprendre et comprendre -, la peur des grands face à une pluie un peu accompagnée d'animation était incompréhensible. 

Ce soir, j'écoute la pluie tomber, m'en réjouis et me souviens.

 

(1) Sauf si c'est dans l'intrigue que quelqu'un ou quelque chose soit foudroyé, il est de bon ton dans les films que les orages soient à un niveau de son supportable, légèrement dans le lointain, rien à voir avec quand ça tombe tout près. 

 


Déconstruit

 

    Ils sont venus père et fils à la soirée du cercle de lecture et à la fin nous achetons le roman à lire pour la prochaine fois et le fils en a d'office pris un exemplaire pour son père qu'il a payé en même temps que ses propres provisions [de lectures].
Le père qui a aidé à ranger les bancs s'aperçoit qu'il ne reste plus d'exemplaires disponibles et s'en désole.
L'amie libraire dit que T'inquiète ton fils en a pris un pour toi. Le père s'offusque, mais non c'est à moi de payer. Le fils répond, allez Fais pas ton partriarche ! et l'amie libraire d'appuyer d'un splendide autant que rigolard 

Sois un peu déconstruit, que diable !
ou : Déconstruis-toi mieux que ça !, j'ai un doute car le fou-rire a tout englouti.

Il nous reste encore des parcelles d'heureuse vie.



Run forrest run

 

    J'ai très envie d'écrire un billet à partir de ce documentaire si intéressant au sujet de la course à pied : 

C'est quoi cette obsession pour le running ? | Réel·le·s

Il se trouve que mon expérience ne correspond pas tout à fait à un certain nombre des hypothèses présentées.
Mais sans doute la thalassémie n'y est-elle pas pour rien.
Comme a cause d'elle j'ai très besoin d'aller dormir en ce lundi jour de congé, le billet sera pour plus tard.
Mais voilà au moins le lien vers le documentaire.