des noms sur un monuments (Ce ne sont pas que)

 

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Après une petite séance d'entraînement artisanal à la piscine Montherlant, je cherchais un vélib de maintenant afin de rentrer chez moi (1).

Je traversais donc le Square Lamartine quand une plaque à attiré mon attention. Entre 2013 et octobre 2015 j'ai travaillé dans ce quartier et je ne l'avais jamais remarquée. 

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Elle est édifiée à la mémoire de tout jeunes enfants qui habitaient le quartier avec leurs parents quand les rafles anti-juives de la seconde guerre mondiale eurent lieu. D'enfants qui furent déportés si petits qu'ils ne connurent jamais la scolarisation. 

De retour à la maison j'ai tapé les deux premiers noms de la liste sur un moteur de recherche, Antoine Baur et Francine Baur. 

La photo que je me permets de publier en avant de ce billet apparaît en premier. Elle provient d'un site de recherches généalogiques. J'ignore qui l'a prise ni de quand elle peut dater. En revanche, les dates et lieux de naissance et de mort figurent sur le site. 
Il s'agissait donc d'une famille qui comportait quatre enfants, Pierre, Myriam, Antoine et Francine Baur. Respectivement 10, 9, 6 et 3 ans, quand ils sont morts, ainsi que leurs parents, à Auschwitz le 19 décembre 1943. Aucune d'entre elles, aucun d'entre eux n'aura survécu. Leur seule culpabilité était, aux yeux du régime nazi, leur origine juive.

Personne en aucun lieu en aucun temps ne mérite d'être assassiné pour une appartenance à une origine, une religion, une couleur de peau ou quoi que ce soit qui ne relève de sa part d'aucun choix. L'être humain ne sait éviter la violence, on l'a hélas compris, mais qu'au moins on se cantonne à ce qui tient de conflits entre adultes et d'éléments relevant d'un choix, d'idées à défendre, d'appartenance volontaire à un parti. Mais pas ça, pas se saisir d'un groupe donné pour en faire des boucs émissaires et de façon plus ou moins raffinée les massacrer.

Je n'ai pas poursuivi mes recherches pour les autres noms, j'avais à avancer dans ma journée, je ne pouvais davantage consacrer de temps au passé.

Mais j'aimerais que l'on n'oublie pas, qu'on ne les oublie pas et qu'on évite, moins d'un siècle plus tard, de repartir dans les mêmes criminelles dérives. 

 

(1) N'en ai trouvé aucun d'opérationnel, j'ai dû rentrer en RER C


Agnès et les patates

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La mort d'Agnès Varda me laisse triste à plus d'un titre. Il y a bien sûr des souvenirs de cinéma dont Visages villages vu à Pirou avec dans la salle des personnes qui avaient participé au tournage pour la séquence concernant leur ville, une inauguration de salle au Méliès de Montreuil, les liens entre "Décor Daguerre" livre d'Anne Savelli et "Daguerréotypes" le film d'Agnès Varda (1975), revu grâce au livre, l'inoubliable "Sans toit ni loi", "Documenteur" qui m'a marquée, et "Les plages d'Agnès" pour ne parler que de peu d'entre eux. Une expo à la fondation Cartier, dont je me souviens avec précision mais pas de la date, de l'année.

Mais voilà, d'Agnès Varda j'ai également un souvenir personnel de ... patates. C'était lors du festival de La Rochelle en 2012, elle était venue (entre autre) pour présenter une installation "Patatutopia", et au petit matin de la Nuit Blanche qui clôturait le festival, les patates nous furent distribuées. 

Je me souviens de m'être ensuite régalée, tout comme quelques temp plus tard avec le poireau de Yolande Moreau. 

C'est un élément de gratitude particulier, en plus des films, du féminisme, des courages quotidiens qu'elle nous transmettait.

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8445499048_aaf4228bae_o(photos prises à La Rochelle le 29 juin 2012)

PS : Une belle interview de Sandrine Bonnaire sur Libé à son sujet.

Lire la suite "Agnès et les patates " »


Une interview de Mark Hollis


    Il était le leader du groupe Talk Talk qui eut ses heures de gloire dans les années 80 du siècle précédent. Je n'en étais ni fan ni ennemie, il faisaient pour moi partie de ceux qui définissaient "l'air (musical) du temps". 
En revanche grâce à la richesse autorisée par le succès, il avait pu ensuite s'offrir la musique qu'il voulait dont un "Mark Hollis" en 1998 particulièrement épuré. Il se trouve que j'apprécie ce genre de travail, pour une peut-être mauvaise raison : il fait partie des environnements sonores stimulants pour écrire. À la fois peu envahissant, mais pour moi protection efficace contre le #JukeBoxFou de dedans ma tête (lequel est tantôt allié tantôt ennemi du travail d'écriture, selon ce qu'il émet et à quel moment), et apportant de l'énergie aux neurones. 

Grâce à Tomek sur Mastodon, j'ai découvert une des rares interviews du défunt musicien. Elle est très intéressante, je souhaitais en conserver les liens. Merci Tomek.

Il faut avoir une très bonne raison de rompre le silence - partie 1
Il faut avoir une très bonne raison de rompre le silence - partie 2


À retardement (sad news)

 

    Parce que j'étais fort peu connectée en Normandie puis en Normandie et encore moins lors de la journée passée en Bretagne improvisée la veille pour le lendemain, je n'ai suivi les événements généraux et personnels que très ponctuellement. Et si avec mon téléfonino je partage des photos sur les réseaux sociaux et parfois quelques phrases, je n'ai pas ou peu eu l'occasion de regarder ce que les autres ont déposé.

C'est donc seulement aujourd'hui lorsqu'après avoir dépoté l'urgent, dont certaines tâches ménagères, passé en revue les messages que je n'avais fait que survoler ("utilisation des données mobiles dépassées"), répondu à certains, et même préparé le dîner, que j'ai pris le temps de naviguer entre Twitter et les sites d'infos. Et c'est seulement par un entrefilet entraperçu au bout d'un moment que j'ai appris la mort accidentelle de Pierre Cherruau.

Nous ne nous connaissions que de vue, d'abord via l'Écailler puis par Après la lune. Je suivais son travail de journaliste en Afrique. Seulement à l'instar de Mathieu Riboulet il faisait partie de ces personnes dont l'existence fait du bien aux autres, même celles et ceux un peu loin.

Je suis bien attristée d'apprendre son décès, et qu'il s'agissait d'une noyade, en voulant sauver son fils pris dans une baïne (courant de retour) (1). J'ignore pourquoi mais l'apprendre à ce point après coup (c'était le 19 août, si j'avais été connectée je l'aurais appris le 21 je pense, par le statut sur FB d'un ami) ajoute à la tristesse.

Pensées pour sa famille et ses amis proches. Ça doit être si dur. J'espère qu'ils et elles tiennent le coup. 

 

(1) Il ne s'agissait en l'occurrence pas d'une baignade et donc le cas est différent, mais sinon d'une façon générale il faut éviter de se baigner à marée descendante dans les bords de mer où elle se retire loin. Dans ma Normandie, aux grandes amplitudes et aux courants localement violents, c'est ce qui se dit. Chaque nage en eaux libres, au même titre que chaque entraînement de vélo sur route a ses risques. Et la course à pied également dès lors qu'on est sur un tronçon bord de route.


Un grand cousin de moins

 

    Je m'activais à la librairie, ranger et faire le ménage de la veille afin de préparer celle du soir même avec Marc Voltenauer, dont je me réjouissais.  

La radio était sur FIP. 

Il fut soudain 11h51. 

Flash d'infos. 

Des choses et d'autres.

Et puis cette phrase quelque chose comme On annonce la mort de Jacques Higelin.

Je crois qu'il m'a fallu jusqu'à la fin de l'après-midi pour retrouver une forme d'équilibre. Il était temps, il y avait une rencontre littéraire à préparer. 
Les copains ont eu du mal à venir. 

Sans doute que beaucoup d'entre eux pleuraient dans leur coin.

Au café des amis, d'autres, ceux de notre auteur invité, avaient préféré sortir plutôt de cuver [leur peine (éventuellle)]. Dès lors ce fut une formidable soirée. J'ai été heureuse des rencontres. Cette impression qu'on a parfois qu'il s'agit de retrouvailles.
Le sentiment de deuil mis un temps de côté.

Il m'a rattrapé alors que je regagnais la librairie avec le diable et les quelques bouquins qui restaient.

J'ai toujours ressenti Jacques Higelin comme un de mes cousins. Un plus âgé cousin. La sensation, plus qu'avec la disparition de mes parents, que ça y est maintenant nous sommes devant la mort ceux de (presque) premier rang.

Je vais m'endormir au souvenir de concerts. Je ne sais plus combien : l'impression d'avoir grandi vieilli ensemble est si profonde. Je me souviens de Bercy en 1988 (?) ou 1987, un Jacques jeune et funambule. D'un Bataclan, où il saute s'assoir sur le piano, puis se retourne vers nous en disant Tant que je peux !
D'un Zénith grâce à Gilsoub et son frangin. Sandrine Bonnaire filmait Higelin.

D'autres encore, moins distincts.

J'ignorais que le temps lui était compté. J'ignorais qu'il mourrait. 
Merci pour les bonheurs, la poésie en vie. Quels cadeaux, au long des ans !

 

 


L'absence du net


    Alors que la neutralité du net est sérieusement en danger (ça n'est pas nouveau mais la menace se précise), voilà que je reçois un bien triste courrier, qu'étrangement je m'attendais à recevoir depuis quelque temps tout en me disant Ça va pas la tête ?, pourquoi même si ce que tu crains advenait, t'écrirait-on : une ancienne amie, perdue de vue depuis longtemps car nos vies avaient vraiment trop divergé, est morte en octobre.

J'écrirai ce week-end un billet en son honneur, mais sans y joindre de photo : elle ne voulait pas de photo d'elle sur l'internet, elle n'aimait pas l'internet, et n'utilisait que ce qu'un usage professionnel nécessitait. Et encore, les réseaux sociaux commençaient tout juste leur apparition lorsque nous avons divergé. J'ai regardé : elle aura réussi jusqu'au bout à n'y pas apparaître, les seules traces qu'elle a laissé sur la toile sont celles de travaux professionnels dont je soupçonne la publication d'être automatique ou du moins difficile à empêcher. Il n'y a aucune photo d'elle. 
Ce qui tient de l'exploit

À l'époque où elle affirmait haut et fort ne vouloir figurer nulle part, vraiment nulle part, je m'étais posé la question de Pourquoi diable publierais-je une photo d'elle ?

Ce soir j'ai la réponse : en hommage, tout simplement.

Mais je respecterai ce à quoi elle tenait, son invisibilité numérique. 


Il avait contribué à changer ma vie

 

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Je n'étais ni fan ni méprisante, je savais sa relation forte avec le public et qu'aussi des artistes de quelque domaine que ce soit qui ne sombrent pas dans l'oubli une fois passé une vague de très grand succès, c'est qu'ils ont vraiment quelque chose de fort, en plus d'une capacité à bosser et se renouveler.

C'était une chorale qui accueillait les débutants, et après une période difficile, due à une maladie chronique sérieuse apparue pour un membre de la famille, alors que mes enfants étaient encore petits, j'avais éprouvé très fort l'urgence d'entreprendre une activité où puiser de la force afin de mieux tenir (1). Depuis l'enfance je souhaitais chanter mais étais souvent malade, enrhumée, enrouée. J'ai voulu malgré tout tenter. Et ce fut heureux : sans doute du fait de ce que ça nécessite de travail sur la respiration, j'ai été beaucoup moins atteinte. 

À peine un an après mon inscription, cette chorale fut requise (2) pour participer aux concerts de Johnny Halliday au stade de France, en septembre. 

Pour être sélectionné-e-s il convenait de ne pas souffrir du vertige. Il n'y avait pas de critère de beauté, ce qui m'avait bien arrangée. Je crois me souvenir que nous étions 250. 

Je n'avais pas hésité, c'était l'occasion de travailler avec des pros, de voir l'envers du décor d'un de ces concerts usines, ceux faits pour les grandes foules. 

C'était la première fois de ma vie qu'une proposition stimulante et un peu amusante m'advenait. Ma vie professionnelle était en ce temps-là d'un ennui surmené parfait.
Pour les répétitions qui s'étalèrent au Zénnith de Paris sur une semaine à dix jours, dont deux (ou trois ?) concerts avec un public sélectionné - des journalistes, des membres des fans-clubs, des gagnants de prix ("Vous assisterez aux répétitions") -, j'avais posé des congés. 
Je m'en souviens comme de la plus heureuse période de ma vie : pendant une quinzaine, j'ai vécu une vie de musicienne professionnelle, sans le stress d'avoir à y gagner sa vie, mais avec le travail intense et intéressant et le bonheur de la musique, qui quelle qu'elle soit, est particulier. J'étais en pleine forme, ce qui m'arrive rarement. 

Les fans étaient là, aux arrivées et tard aux moments des départs, leur vie s'organisaient autour de leur idole, je ne comprenais pas, j'ai parfois discuté, ils étaient très sympas, attachants. Je pense à eux aujourd'hui qui doivent se sentir fort orphelins. 
L'artiste avait avec les plus anciens d'entre eux une relation particulière, il faisait arrêter sa voiture, échangeait quelques mots, prenait des nouvelles, connaissait le prénom de certains, serrait volontiers des mains, échangeait une plaisanterie. J'ai eu l'impression, comme pour Amélie Nothomb, que ça n'était pas qu'un comportement dicté, mais qu'y entrait une attention qui n'était pas factice, une part de sincérité.

Je me souviens d'un type qui bossait, reprenait autant de fois qu'il le fallait, je me souviens d'avoir pensé, on dirait un ouvrier qui règle la machine sur laquelle il doit travailler. C'était efficace, on pouvait percevoir des améliorations - tel réglage, telle proposition mise en œuvre et c'était mieux pour la chanson -. 

En fait il y eu 3 concerts et demi. Car le premier au Stade de France fut annulé pour cause d'orage. Nous étions fins prêts dans les loges, et puis finalement non. Il fallait rentrer.

L'énergie que le public renvoie vers la scène est quelque chose qui ne s'oublie pas. Je m'étais sentie portée durant deux mois.

Ces concerts furent un déclic pour moi, et si j'ai fait ensuite des rencontres primordiales et qui m'ont aidée à sortir d'une vie grise et enfermée pour aller vers ce qui m'allait, ou du moins essayer, la prise de conscience date de là : il n'y a aucune raison pour que je ne fasse pas des choses intéressantes, aucune raison pour que je demeure dans une sorte d'esclavage des devoirs consentis dont aucun ne me correspond. Une sorte de droit à l'exaltation.

Alors ce matin, voilà, j'ai beau n'avoir aucun lien direct et n'être pas de ceux qui écoutent ses disques, sauf les lives des concerts, pour parfois y puiser un peu d'énergie, ce matin je suis émue. Le gars qui vient de mourir, et qui m'avait saluée poliment comme il l'avait fait avec chacun d'entre nous les petites voix de son grand spectacle, que je ne connais pas plus, j'aimerais lui dire merci.

Je crois qu'il a pu compter au delà même des fans, pour pas mal de gens. Et que ça n'est pas rien. 

 

 

(1) Tout ce que j'ai entrepris dans ma vie à titre personnel tenait de ça, de ce qui semble le plus raisonnable au plus fou. 
(2) J'ignore les coulisses de l'affaire

[photo prise lors d'un concert au Champs de Mars en l'an 2000, avec nous autres en arrière-plan]

 


Ça sera comme ça toute cette semaine et d'autres et d'autres jours encore

 

    C'est encore une belle semaine de librairie, intense et vive. Au fond j'adore ça. Et je suis de fait moins crevée en bossant à fond les manettes que lors d'emplois qui étaient trop faciles pour moi (quant à l"Usine", avant, n'en parlons pas). 

Seulement voilà, Philippe Rahmy est mort et même si nous nous étions tout au plus croisés une seule fois (1), je pense à lui, à son travail inachevé, ses proches qui peut-être ont vu un peu la fin venir alors que nous autres, non. Je venais de discuter avec quelqu'un qui allait lui demander s'il pouvait éventuellement venir à la librairie, et voilà que tout est trop tard.

Son absence ne me lâche pas.

Ou par moments de concentration sur une tâche urgente. Ou une conversation intense, comme celle de ce soir au sujet d'écrire avec Frédéric et Stéphane. Et encore même pas, écrire, ça m'a refait penser à lui (comment ne pas ?).

En rentrant je lis un hommage écrit par Sébastien Rongier. Un autre par Marie-Josée Desvignes. 

Ça paraît fou qu'il ne soit plus là.

Je tente de faire diversion avec une des videos de François.
Ça ne fonctionne qu'en surface.

Je crois au vu de sa page facebook qui est encore active et où se rassemblent les témoignages de cousin-es, d'ami-es, que je suis loin d'être la seule à penser à lui, à déplorer que tout soit fini.

Elle me fascine et m'émeut mais ne change rien aux pensées de fond pour le camarade mort. Certains jours plus que d'autres on aimerait croire au paradis.

 

(1) En fait je ne me rappelle même plus si j'ai rêvé qu'il était à une soirée remue.net à laquelle j'ai assisté, ou s'il devait venir mais n'avait pas pu, ou si c'est moi qui devais assister à une soirée à laquelle il devait venir et était venu mais que finalement j'avais manquée.