Ce ne fut pas trois mois mais trois ou quatre jours

    

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Il y a quelques jours @Kinkybambou touitait que c'était en train de mal tourner et que "soit la seule option thérapeutique qu’on peut encore [lui] filer fonctionne vite, soit… Ben y’a pas d’autre option et l’espérance de vie, c’est 3 mois.".
Prévenante, elle nous demandait de ne pas lui écrire car elle ne pourrait pas répondre.

J'étais ce même jour à l'enterrement d'une autre amie achevée par une autre variante de la même maladie, et je crois que même sans sa demande, déjà accaparée par un chagrin du même ordre, je n'aurais su lui écrire.

Et ce soir je n'ai pas les mots.

Je lis les échanges de mes ami·e·s sur Twitter et Mastodon, qui parviennent à les trouver. Nous étions autour de Xanax l guerrière aux chats une belle bande de gens doux à l'humour féroce. L'une d'entre nous écrit, "et puis qu'est-ce qu'on a ri" et voilà, oui.

Adieu l'amie 



 

 

 

 


Comment on apprend (les mauvaises nouvelles)


    Il y aurait quelque chose à écrire (mais je ne vais pas en avoir le temps) sur la façon dont les mauvaises nouvelles nous parviennent. 
Elles disent beaucoup des façons de vivre et de l'air du temps.

Je me souviens d'avoir appris la mort de George Harrison par une Une du Monde affichée en début d'après-midi en chevalet devant un marchand de journaux, alors qu'à La Défense où je travaillais alors, je retournais bosser après la pause déjeuner. Je m'étais précisément dit : C'est sans doute une des dernières fois où j'apprendrais de cette façon là le décès de quelqu'un de connu dont la disparition m'émeut.

L'an passé j'ai appris la mort par un blog ami de quelqu'un qui avait beaucoup compté pour moi et c'était particulièrement triste - mais un peu moins que de l'avoir appris par des médias généraux -. 

Pendant un paquet d'années, concernant les personnes que je connaissais mais dont je n'étais pas suffisamment proche pour être avertie par personnellement, Twitter aura été la source d'information principale.
À présent, Instagram a pris le relais.

C'est donc sur Instagram que j'ai appris la mort de Christian Bobin, d'abord par des citations inhabituellement nombreuses puis par un hommage et la confirmation est venue par France Culture
Son travail était délicat et ténu, à une époque j'aimais beaucoup puis j'avais décroché car j'avais besoin pour ma vie de lire des choses qui donnaient de l'énergie. J'éprouve à cette annonce une tristesse qui l'est aussi, pas violente mais qui, je le sais, persistera. Une petite musique qui désormais ne sera plus là, ou du moins ne se renouvellera pas.


Deux disparitions


    Triste week-end bien qu'on l'ait rempli de belles activités (sportives, principalement) : j'apprends par un courrier retourné par la poste qu'une amie n'habite plus à l'adresse indiquée - et par ailleurs qu'elle publie en e-book exclusif en autoédition, un ouvrage en collaboration -. Comme je ne suis plus libraire, me voilà sans recours pour en apprendre davantage. 
Sans compter que n'avoir été informée ni de la publication ni du déménagement, est signe qu'elle ne tenait pas tant que ça à notre correspondance partagée. La pandémie aura été rude quant aux amitiés.

J'apprends le dimanche le décès de Miss Tic que Le Monde confirme. Comme dans le cas de F., j'ignorais la maladie à l'œuvre. Nous ne nous connaissions pas personnellement, n'avions fait que nous croiser en diverses occasions de librairie, mais je suivais son travail, qui tant de fois m'avait arraché un sourire dans des moments difficiles alors que je passais dans une rue qui l'abritait. Je me sens d'une certaine façon orpheline.

Demain, il faudra travailler comme si de rien n'était.


Pensées

(domenica)

 

Il y a des nouvelles si tristes parfois qu'on refuse de les admettre. Ça a été le cas pour moi à l'annonce du décès de Delphine Bretesché, qui m'est parvenue dans la nuit de vendredi à samedi, car plusieurs de mes ami·e·s lui étaient proches. Mon cerveau a refusé d'enregistrer la nouvelle.
Luxe que je pouvais m'accorder car je n'étais pour elle qu'une lointaine vague connaissance - nous nous étions croisées quelques fois auprès de ces amies communes et en des rassemblements littéraires pour autant je l'admirais et son travail comptait -, je pouvais donc parfaitement faire semblant d'avoir mal compris, pas su. 

Elle faisait partie des personnes dont après l'avoir rencontrée j'ai pensé que nous aurions pu être amies si ma vie n'avait pas été remplie déjà à ras bord, par le boulot, tout ce que j'avais à faire et mon grand besoin d'heures de récupération.

Aujourd'hui mon cerveau n'a pu poursuivre son déni, Ouest France s'est chargé de l'officialisation incontournable.

Et dans son semainier, Anne Savelli a rendu à Delphine un hommage qui touche au cœur, "la vie même" ; il me semble que l'on ne pouvait qualifier mieux celle qui a disparu.

Pensées pour elles, ses proches et toutes celles et tous ceux qu'elle aimait et qui l'aimaient. Moi qui n'étais que loin, j'éprouve déjà un tel vide, qu'est-ce que ça doit être pour elleux.


PS : Au passage j'ai conçu un bon réconfort à voir ou revoir cette vidéo d'une intervention conjointe effectuée il y a quatre ans en compagnie d'Anne Savelli

 


Deuil

(lunedi)

Un de mes vieux amis est mort. Je veux dire "de longue date", 35 ans, quand même. Et il n'était pas si vieux. Tout jeune retraité en fait.
Je lui savais des soucis de santé, mais ignorais une dégradation récente, une hospitalisation. Et soudain son état général s'est effondré.
Je sais gré à celle qui m'a averti et qui se retrouve en charge, en première ligne, alors qu'ils ne vivaient plus ensemble depuis longtemps. Seulement lorsque personne ne prend la suite et que les enfants, devenus adultes, sont loin géographiquement, il faut bien que quelqu'un s'y colle, à l'urgent.
Avec les ami·e·s nous nous efforçons d'avertir les différents cercles de ses connaissances. Elle s'efforce de joindre de lointains cousins. 

Par Laure Limongi j'apprends le décès de Manuel Joseph, que je connaissais peu mais que j'admirais bien.

Et bien sûr le livre arrive qui comporte les ultimes mots publiés du mort de fin septembre, qui avait tant compté.

What a hell of a deadly monday.


Le jour de l'annonce du décès d'un ami

 

    J'avais rempli par avance ce premier jour de congés de choses à faire, toutes ces choses que le temps travaillé pousse aux marges mais qui ne s'y laissent pas forcément pousser : un rendez-vous médical, l'ophtalmologiste, le kiné.
Entre les deux, quand le praticien n'était pas en retard, je pouvais repasser à la maison.

Ce que j'ai fait.
En fin de matinée un grand coup de fatigue m'a cueillie et je me suis endormie. Au réveil quelques messages. 

L'un d'eux annonçait le décès d'un ami, Philippe Aigrain, que sur Twitter publie.net rapidement confirmait. Nous n'étions pas proches, il faisait partie de ceux dont j'ai perdu les coordonnées en octobre 2017 lors du vol de mon sac et comme nous n'avions pas eu de nécessités particulières de nous joindre ensuite et que ma vie avait été fortement chahutée - entre autre par tout ce qu'il y eut à faire après la mort de ma mère -, je n'avais pas pris la peine de les lui redemander. Je n'en éprouvais pas l'urgence : tant que j'étais libraire, forcément, on se croisait. Puis il y a eu la pandémie, ma deuxième reconversion et j'ai perdu d'avoir du temps libre en même temps que la notion du temps. Perdu le contact avec bien des gens ; dont il a fait partie.

On espère confusément qu'une fois la pandémie passée, le travail revenu à un rythme acceptable (sans doute une illusion), on retrouvera les copains. 

Ce message me signale qu'il n'en sera sans doute rien, que deux ans à deux ans et demi se seront sans doute écoulés, l'air de rien, entre le premier confinement et la reprise de la vie considérée comme normale et qu'entre temps nous ne serons plus tous là, même si le virus n'y sera pour rien parfois.

Il était de ceux pour lesquels les souvenirs partagés ne sont que ceux de bons moments. Je me souviens de ses visites amicales à la librairie au 129 rue de Charenton - un de ceux capables de passer pour rien, juste parce qu'il disposait d'un peu de temps et qu'il n'était pas loin -, de L'aiR Nu, de Morêt sur Loing, de moments de rencontres littéraires, un jour où nous avions bien ri en tentant de débusquer un livre d'un arrière d'étagère où il s'était glissé - n'empêche, rien ne vaut l'entraide, nous y étions arrivés -. Je me souviens de sa puissance de réflexion et de l'étendue de ses connaissances, qu'il n'étalait soigneusement pas, simplement au fil de conversations on s'apercevait que c'était quelqu'un qui savait vraiment de quoi il parlait. En matière de numérique, il savait de quoi il retourne. Il était discret, mais indispensable. Un de ceux qui œuvrent pour le bien commun.

Nous allons être un sacré paquet à qui il va profondément manquer.

 

Quelques liens :
Communs/Commons
Atelier de bricolage
publie.net
La quadrature du net
Un article du blog d'Hervé Le Crosnier sur Médiapart

 


Cahier du jour, déconfinement jour 30 : La mort d'Ennio Morricone

Déconfinement officiel 1 jour 57

 

Partir au boulot à vélo, de croiser Le Fiston en passant, et qui partait au sien.
Une journée de travail auprès d'un de mes collègues qui explique vraiment bien et avec humour, ce qui pour retenir les spécificités techniques aide beaucoup. Je déjeune le midi pour la première fois dans la petite salle commune. Nous nous espaçons soigneusement.  J'apprécie beaucoup le fait d'être arrivée dans une entreprise prudente en matière de prophylaxie. 
Retour par la bidir de Vannes et toujours des essais pas tout à fait concluants pour la seconde partie du parcours. Je me suis retrouvée sur les pavés de l'avenue George V, comme kif c'était moyen.
Soirée consacrée à nettoyer les vélos (réparateur demain) et à l'Auberge des blogueurs (mostly), à laquelle je n'avais vraiment pas été assez assidue jusque-là.  
 
Résumé de la soirée :
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Sans parler de l'insulte faite aux femmes que sont les nominations de Darmanin et dans une moindre mesure maître Dupont Moretti. Et de l'injure faite aux profs d'avoir laissé Blanquer à l'Éducation. 
 
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La mort d'Ennio Morricone ne me peine pas en tant que telle, il avait plus de 90 ans et je considère que passé ce cap on a eu le temps de mener jusqu'à son terme sa vie, même si je sais que ça ne me suffira personnellement pas. Mais ses œuvres sont la bande son de films qu'elles ont fait compter et par ricochet de ma vie même. 
Je reste persuadée d'avoir passé le bac les doigts dans le nez grâce à "Mon nom est personne" vu le dimanche d'avant à la télé - mon père regardait que les westerns détendaient - et qui m'avait équipée d'une sorte de cape d'invincibilité ; la grâce du film tenant pour beaucoup à la musique en plus du partenariat Henry Fonda / Terence Hill (1).
Et puis le jeudi matin il y avait eu Rebel without a cause et ça m'avait rendue l'épreuve de physique de l'après-midi toute légère, que j'avais accomplie en restant dans la bulle du film.
On dirait qu'il a trouvé moyen, le musicien, de mourir d'autre chose que du #Covid_19 (fracture du fémur ?).
 
Drôle d'époque. 
L'épidémie bat son plein dans un paquet de pays et en Europe où le pire semble passé, les nouveaux cas de contagion repartent à la hausse.
Il aura fallu tout le talent des Goguettes pour m'arracher un sourire avec leur Medley des confinés.
 
 
(1) Mamma mia, Mario Girotti a 81 ans !
 
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Lien vers le site de la santé publique en France 

Liens vers des statistiques :

Wordometer covid-19 coronavirus pandemic (depuis quelques temps le plus complet, entre autre parce qu'il indique le nombre de tests ; un pays comme la France qui teste jusqu'à présent très peu a forcément moins de cas officiels que de cas réels)
Official Data from The World Health Organization via safetydectetives.com
Coronavirus COVID-19 Global Cases by John Hopkins CSSE
11 703 049 cas (dont : 539 512 morts (132 798 morts aux USA) et 6 615 977 guéris

Pour tenter de tenir le moral bon, l'Auberge des blogueurs


Claire Brétecher

 

    La nouvelle de son décès est tombée dans la matinée. Je l'ai appris via Twitter, comme le plus souvent les décès de personnalités, d'artistes, ces dernières années. 

Pas le temps d'écrire un vrai billet, je prépare mon émission du lendemain et je suis en retard dans des démarches administratives un peu pressées (tracas financiers, chômage non indemnisé) et je dois poursuivre à rythme soutenu mes recherches d'emploi. 

Il n'empêche que c'est pour moi grande émotion, et une fois de plus la fin d'une part d'enfance. 

Dans les années 70, je piquais à mon père le Nouvel Obs avant son retour de l'usine et je me jetais sur Les Frustrés. Je rigolais grâce à elle de la vie des gens riches, qui me paraissait d'un autre monde, il faut bien l'avouer. Mais ils étaient si marrants avec leurs problèmes légers. Et j'étais si d'accord avec la combattivité des femmes, même si je ne percevais pas encore l'ampleur des inégalités dans lesquelles nous étions enfermées. 

Sans savoir dire à brûle-pourpoint en quoi ça consistait, il me semble que je lui dois beaucoup.


Annonce apeçue en fin de journée du décès de Jean-Pierre Mocky

 

    La journée ne s'est pas du tout déroulée comme je me l'étais figurée : aller courir, aller au ciné, m'accorder une sieste, avancer la part de rédaction personnelle sur mon projet, ranger tant que j'étais seule, écrire en soirée.

Je me suis levée trop tard pour courir, j'ai été au ciné mais finalement pas pour voir le film que j'avais en vue (documentaire sur le travail de Thomas Pesquet, éventuellement celui sur la chute de Weinstein : les deux ne sortiront que plus tard) mais un autre quoique documentaire également (celui sur Diego Maradona), je n'ai pas fait de sieste immédiatement, mais j'ai cherché des compléments d'informations, et quand je me suis accordée la sieste prévue ce fut pour être réveillée par un appel téléphonique. Quant à la soirée elle aura été curieusement bouleversée par l'annonce du décès de Jean-Pierre Mocky. 

Capture d’écran 2019-08-09 à 00.32.55 C'est je crois un touite de Virgile qui m'a alertée en même temps que me parvenait une alerte du Monde .

La filmographie du cinéaste ne m'est pas très connue, je l'avoue et j'ignorais (ou j'avais complètement oublié) qu'acteur fut son premier métier. 

Il se trouve que je l'avais croisé à Livre Sterling où il était venu tourner une scène pendant une journée, que mon patron le connaissait alors du coup par ricochet de souvenirs (plus que par connaissance de cinéphile) sa mort ne me laissait pas indifférente. 

Et qui accessoirement aura ouvert pour moi, engloutissant ma soirée, la trappe d'un trou de mémoire abyssal - même pas l'impression que "Ça va me revenir" - : quel était donc le film dont une scène fut tournée à Livre Sterling par un frais jour du printemps 2012 ?

Rien ne me venait.

Alors j'ai entrepris des fouilles archéologiques dans mes propres blogs, hélas pas le fotolog même si j'ai pu vérifier mes copies générales d'écran. 

Au passage j'ai retrouvé, une jolie photo de Yéti 6a00d8345227dd69e201a73d7ce956970d-500wi

, un billet de blog qui m'a fait rire (ô temps insouciants où l'on pouvait reprocher à un président de la République sont inconséquence sentimentale plutôt que la violence de la répression commise en son nom), d'autres qui m'ont émue et que je ne relierai pas ici, beaucoup de nostalgie - toujours eu ce sentiment contrairement à mes expériences ultérieures, que mon temps à cet endroit n'était pas parvenu jusqu'à son terme, de même que ma relation avec FDK, alors que bien d'autres choses vécues depuis ont eu lieu, se sont achevées et font calmement partie de mon passé -, et enfin le billet qui me permettait de retrouver sinon le titre du film du moins la date à partir de laquelle il serait plus aisé de le retrouver. 

Je le reproduis ici, puisque ça concerne le souvenir du défunt cinéaste : 

366 - action éclair

 

J'arrive au travail, tombe face à face et amoureuse d'une camera, rencontrée il y a 5 ou 6 ans dans mes rêves, sur le champ un monde fou, le contre-champ pas mieux, mon patron me fait malgré tout signe d'entrer, j'aime le spot qui éclaire fort, il me réchauffe la moëlle des os, sous la foule le petit chien affectueux me fait la fête, reconnaissant parmi le peuple humain qui a envahi son univers diurne un élément ami, tandis qu'au dessus de nos têtes grommelle Jean-Pierre Mocky.

Puis tout soudain, les lieux se vident, la librairie redevient ce qu'elle est : une boutique où se pourvoir en lectures ; seulement entre-temps les clients ont regagné leurs bureaux et qui pour la plupart ne repasseront qu'au soir.

Heureusement arrive une amie dont la présence m'accorde une transition douce entre le tourbillon du tournage et le tout-venant de l'après-midi.

L'intermède cinématographique n'était pas prévu. C'est le patron qui a intercepté le réalisateur, sensible à l'offre (bénévole). 


366 réels à prise rapide - le projet
 

 366 réels à prise rapide - les consignes.

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C'était dans le cadre d'une participation à un jeu d'écriture ; mais la présence de l'équipe du tournage avait été réelle. 

Je peux me coucher en (relative) paix avec mon trou de mémoire : il ne me restera que trois films à visionner. Le gag serait que la séquence à la librairie n'ait au montage pas été conservée.


Retour à pied

 

    La jeune femme dit à une amie Je me souviens de tes couleurs.

Il pleut comme si le ciel s'employait à renverser des seaux. Nous venions de parler du film "Parasite" et de la longue séquence de forte pluie. D'un seul coup, nous étions dans le film, avec les ami·e·s.

Je décide par sagesse de rentrer en métro. Ce n'est pas mon mode de transport favori surtout pour venir de là où nos chemins se quittent aujourd'hui : deux changements et le risque ligne 13 de tomber sur la rame qui à la Fourche file vers le mauvais côté. 

La jolie phrase de Léa occupe mes pensées, une fois les ami·e·s quitté·e·s. C'est sans doute ce qui provoque en moi une bouffée d'optimisme ; lorsque j'arrive à l'entrée de la station, la pluie a ralenti, je me dis qu'elle va s'arrêter, que je peux bien rentrer à pied. Et puis une fois chez moi, pas de problèmes, je pourrais me sécher. 

C'était une feinte météorologique, alors que j'ai opté pour la marche à pied, elle redouble. Je vais rentrer drinchée. Ne restera plus qu'à ajouter le savon.
(puis à rincer)
(sécher)

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Je descends de Montmartre et l'eau ruisselle. Elle se souvient qu'il y avait là une colline à dévaler. La ville doit s'adapter. Ses caniveau débordent. 

Boulevard Berthier les voitures joueront aux aventurières passant à gué donnant cette illusion aux conducteurs de piloter.

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Métro Guy Môquet, un coup d'avertisseur moto, un bref éclat de voix. Une dame âgée est tombée, un motard redresse sa machine. Le compagnon de la vieille dame l'aide à se relever. Je me tiens prête à venir aider, mais la dame semble aussi alerte que l'on puisse être lorsque l'on vient de se prendre un gadin sous la pluie alors que l'on tenait un parapluie qu'on n'a pas lâché ou bien tard. Et le motard est descendu qui semble les accompagner sur le trottoir, ils se parlent sans véhémence, les torts sont peut-être partagés - le couple était hors de tout passage piétons -, la moto a peut-être freiné un brin tardivement en s'approchant du carrefour suivant. Et surtout ça a l'air d'aller. 

Je poursuis mon chemin.

Au 104 de la rue de la Joncquière à 16h36 un homme jeune hoodie gris anthracite pantalon noir chaussures de sport sombres, passe par dessus la grille dans un geste d'une telle souplesse sans trop besoin d'élan qu'on a l'impression de qui s'amuse de façon sport à rentrer chez lui, pour un peu j'applaudirais ; à la réflexion et malgré l'aisance, peut-être était-il en train de commettre une effraction. Ma présence en tout cas ne le dérangeait pas - et j'ai passé d'au moins trois décennies l'âge qui peut donner envie aux jeunes hommes de vouloir quêter mon admiration -. Clef oubliée ?

Porte de Clichy sous un abri que constitue une pré-entrée d'hôtel se tiennent quelques personnes, une poignée avec un gilet jaune et l'un des gilets jaunes, homme de forte stature, porte un chapeau de cow-boy bleu blanc rouge. Quand je passe à proximité, je l'entends qui énonce des données économiques d'un ton mesuré que son allure ne laissait pas présager. 

Plus loin trois ou quatre véhicules de gendarme quittent la position qu'ils tenaient devant le tribunal. Leurs gaz d'échappement sont particulièrement forts et suffocants, je me demande s'ils ont la vignette crit'air ; ils ont une sorte de mégaphone qu'ils utilisent lorsque je passe pour tenter de mettre une honte à l'homme qui pisse à un angle de la palissade du chantier de la maison des avocats sous l'air un peu ébahi d'un ouvrier de l'autre côté. Tout à son envie qu'on imagine pressante pour qu'il fasse le choix de se soulager là avant de se diriger vers l'entrée du tribunal, il n'a calculé ni les gendarmes qui lui signalent que son forfait pourrait lui coûter 63 €, ni le fait que la palissade du chantier n'est pas franchement opaque vers l'autre côté, ni le fait que je passais tout à côté sur un trottoir peu large dans cette phase des travaux. La pluie s'arrête, comme si cette micro concurrence lui semblait déloyale et qu'elle renonçait à rincer son forfait.

Je rentre trempée mais sans avoir eu froid. Fullsizeoutput_187b

Le livre que j'avais acheté - un seul sur trois qui me tentaient, je sais être raisonnable - malgré le sac à dos sportif imperméabilisé avait pris un petit peu d'humidité. Mon agenda également, que je tiens à conserver de papier car la seule panne en tant d'année fut que deux d'entre eux avec d'autres affaires qu'un autre sac contenait, me furent volés. J'avais joué de malchance, c'était une fin d'année.

 

En rentrant en allumant l'ordinateur pour y déposer les photos prises au téléfonino de Paris sous la pluie j'ai appris que Toni Morrison était morte dans la nuit. C'est quelqu'un que j'admirais sans connaître toute son œuvre, guettant souvent pour la lire un moment de vacances autre que trop actives ou atteintes trop fatiguée, qui n'arrivait (presque) jamais.
Elle imposait le respect.

L'effet d'insouciance de la marche sous la pluie s'est immédiatement dissipé.

Quelles que furent les circonstances de la vie du monde, je sais gré à mes amies de la bonne journée passée.

 

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