On fait pas mal de choses lorsque l'on ne fait "rien"

 

    C'était un jour venteux à ma Normandie. Le réveil fut relativement tardif, l'Homme n'était pas très motivé à l'idée de devoir passer par la fenêtre pour aller acheter le pain et possiblement deux croissants, la porte aux chambranles fraîchement repeint, frottait, collait, ça n'allait pas bien.

Mon père m'avait laissé en partage des outils et parmi ceux-ci de belles limes. J'ai été ravie de les retrouver vite et d'en faire bon usage. L'Homme de la maison, rentré de son expédition continua. Et désormais la porte s'ouvre.

J'aime la maison toute propre des travaux.

Les ardoises tombées dans notre jardin devant provenaient en fait du 12. Je suis allée voir à la mairie si l'on pouvait faire quelque chose. J'ai été vite et fort bien reçue. Ils vont tenter de prévenir les propriétaires (une indivision, Néel serait leur nom et je le mets en clair volontairement, sait-on jamais). J'ai profité d'être à la mairie pour me renseigner sur les démarches dans l'optique d'un ravalement extérieur / isolation. 

Je suis passée au cimetière, passée une première fois en vain (leur pause déjeuner) une seconde fois efficace, au magasin de choses pour la maison qui est sur le chemin de la déchetterie. L'idée était d'acheter de nouvelles tringlettes pour les petits rideux fixes. J'en avais lancé une lessive et tout s'est bien goupillé : remettre des tringles et pouvoir y accrocher les rideaux propres. Sauf qu'ils sont si vieux que le lavage en machine les a bien déchirés. 

Passée aussi chez le bijoutier : pile de montre et deux bracelets à réparer. 

Passée récupérer l'Homme chez le coiffeur et ensemble nous sommes allés acheter chez le traiteur de la place de quoi manger pour l'ensemble du week-end sans plus avoir à s'en préoccuper. 

Le temps de faire tout ça il était déjà le soir, lui était allé jouer à la pétanque, j'avais remis les rideaux et autres petits bricolages avançables, me suis un peu reposés en échangeant avec quelques ami·e·s et l'une de mes cousines - dans l'idée d'essayer de se voir -. 

En soirée j'ai vu le film Le lion par camaraderie envers mon ami nageur Julien et finalement c'était agréable presque comme un bon vieux Bébel avec Danyboon très crédible dans le rôle de Bébel et Philippe Katrine dans un rôle qui autrefois aurait été tenu par Jacques Villeret. C'est pas léger léger mais en mode nostalgie des films du dimanche soir d'antan ça tient la route plaisamment. Bon boulot sur les cascades. Jolies vues de Paris. Pas mal de clins d'œil à pas mal de films. Pas d'ennui.

Voilà : une journée dont on se dit, je n'ai pas fait grand chose et pour laquelle si l'on regarde bien : on a fait pas mal de trucs, l'air de rien. 

Je veille tard à écrire en écoutant la tempête, pour le plaisir d'entendre le vent, le vrai, pas celui que la grande ville dévie.


Finie la journée

 

    Souvent je me rends compte des choses quand l'inverse survient, ou de la tension dans laquelle une situation me mettait lorsqu'elle cesse. Je crois que ça vient de ma bécassinebéatitude, un truc de naissance qui me fait voir de prime abord le bon côté des choses, de la vie et des gens, et seulement après, où lorsque ça devient vraiment insupportable, les parts sombres ou abusives ou l'épuisement.

Ainsi aujourd'hui j'ai pris conscience que je travaillais trop. Je ne parle pas du boulot qu'on abat dans le cadre d'un emploi, mais du travail de la vie quotidienne et des projets perso, ce qu'on se fixe soi-même à accomplir. 

Ce n'est pas volontaire ni le fait d'un conditionnement, ou peut-être si, de classe sociale, mes parents et leurs parents et sans doute encore avant faisaient partie de la classe laborieuse et les vies sont entièrement axées sur les tâches à accomplir. Seulement typiquement, si je dispose d'une de mes journées dans une période dépourvue d'urgence brûlante (1) mais avec des choses, des menus travaux, des tâches à accomplir sans trop tarder sinon il faudra les faire dans la précipitation, je me réveille avec une sorte de programme en tête, sans l'avoir rédigé (to-do list, je n'y ai pas recours souvent ou alors pour les choses pour lesquelles j'ai le temps et que je crains d'oublier au gré des péripéties de la vie), sans l'avoir voulu : hop au boulot de la journée.

Et je m'y tiens sauf perturbations extérieures. En commençant généralement par ce qui demande le plus de bonne forme physique ou d'efforts tout courts (telle corvée administrative, telle tâche ménagère), en me ménageant un temps de sieste sauf si je me suis levée tard (i.e. après 9h30). Le hic c'est que dès que ça se dégage un peu j'ai déjà en tête une suite de programme et j'enchaîne. 

Et puis un jour, généralement un dimanche non travaillé, je tombe épuisée et je dors ou dors-lis toute la journée, récupération obligée.

Ça n'est pas très malin car parfois, le jour suivant est au radar aussi, or il peut tomber un jour de travail nourricier. 

Le triathlon m'a appris à intégrer aux entraînements une part de récupération. Et du coup au travail de la vie de tous les jours des limites. Non, travailler jusqu'à devoir s'aplatir devant une retransmission sportive, un bon livre (qu'on ne saura bien apprécier) ou une série, n'est pas très malin. Alors désormais je me fixe des points à passer et quand c'est fait, stop : demain est un autre jour (2).

Ainsi aujourd'hui, alors que le planning était chargé car calé sur une mission précise : libérer LA pièce de la petite maison de #MaNormandie avant des travaux sérieux, j'ai décidé de m'arrêter lorsque j'aurais accompli certaines tâches, sans chercher à m'avancer. Au besoin nous partirons un peu plus tard demain. 

Alors j'ai achevé ma journée de travail domestique à 20h35 environ en ayant laissé du temps paisible pour les repas (3), en ayant réservé du temps pour un minimum d'entraînement avant la vraie reprise mardi, en ayant pris du temps pour le cimetière. 

Et à présent dans une journée qui fut sans relâche mais calmement, il me reste un peu de temps pour vaquer à mes occupations calmes : écritures, lectures, photos et courriers familiaux ou amicaux. Je sais que ces bonnes résolutions d'équilibrer les choses ne résisterons pas à la reprise du travail rémunéré, il n'empêche j'écris ici pour me le rappeler dès que je retrouverai un usage courant de dimanche, de week-ends, et de jours fériés.

 

(1) Quelqu'un est gravement malade ou mort ; il y a un déménagement à faire ; il y a une urgence avec date limite administrative ; il y a un dégât des eaux et il faut parer au plus pressé etc.

(2) Cela dit pour certaines tâches ménagères et les tâches administratives je dois aussi beaucoup lutter contre la tentation de la procrastination. Il me faut beaucoup d'énergie pour accomplir une tâche administrative que la plupart des gens accomplit sans trop y penser. 

(3) En Normandie on mange bien pour un coût raisonnable.


Ce matin j'ai posé

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Ce matin j'ai posé un livre auprès de ma place pour prendre mon petit déjeuner et puis en regardant vers le jardin j'ai vu qu'il manquait une grande partie de l'arbre du fond, que ses branches principales avaient été arrachées. Je suis allée voir ça de près. J'ai décroché une des branches qui n'était plus que suspendue au dessus de celles qui subsistaient et me suis plantée deux échardes dans la main droite.

Suis rentrée, ai tenté de prendre mon petit déjeuner mais j'étais dans un état curieux, incapable de me concentrer. Rien n'avait de goût. J'ai alors reçu alors que je m'apprêtais à prendre des outils pour tenter de au moins nettoyer les parties arrachées, un de ces coups de fil qui sauvent : j'avais trouvé du boulot au moins pour les deux prochains mois. Et pas un boulot de traverser la rue pour sauver sa peau financière et rendre heureux Président Macron (1), non, un vrai travail qui correspondait à mon métier. 

Entre temps l'homme de la maison s'était mis en tête de réparer la chasse d'eau et j'ai commencé à débiter à la hache la branche tombée.  

Nous sommes partis acheter du petit matériel de bricolage, du coup c'était Coutances et d'autres achats (vêtements de sport, coupon cadeaux à écluser), du coup il était plus que l'heure de déjeuner ce qui fut fait à La Taverne, seul endroit à nous accepter encore à 13h56. En repartant j'ai réfléchi que si nous souhaitions voir la mer de ce week-end bien occupé ça allait être le moment. 

Le vent soufflait, assez déchaîné mais pas jusqu'au sentiment de danger. 

Belle ballade impromptue à Agon-Coutainville et son très beau lungo-mare piéton. 

Je ne peux passer dans cette ville sans entendre la voix de Philippe Bouvard dire "Et maintenant une question de Madame Le Prieur d'Agon-Coutainville". C'est curieux comme cette émission est synonyme pour moi de bricolage (la radio qu'on écoute lorsque l'on en fait, mais sinon jamais). C'était la grande époque d'avec Darie Boutboul qui avait du répondant et avait fait de son mari une sorte de personnage de semi-fiction. Et puis il avait été assassiné et puis c'était fini. Et je crois que je n'ai plus écouté l'émission depuis.

Ensuite nous sommes rentrés, ressortis pour acheter de quoi dîner et moi une loupe pour tenter de voir mes échardes et les ôter, ce qui fut fait. Puis je suis ressortie acheter une scie pour les branches d'arbres (juste en face chez Aldi), puis je me suis occupée du pneu crevé d'un des vélos, et ensuite de prendre une douche, c'était la fin de la journée.

C'est alors que j'ai retrouvé le livre, qui depuis le matin et d'avoir trouvé bizarre l'allure de l'arbre au fond du petit jardin n'avait pas été ouvert, n'avait pas bougé. 

Qui croit encore que nous partons en Normandie pour nous reposer ? 

 

 

(1) Pour les éventuels lecteurs de longtemps plus tard, allusion à une déclaration faite à l'emporte-pièce à un jeune homme qui lors d'un événement où un peu de peuple croise le président de la république française, l'avait interpellé sur le fait qu'après sa formation d'horticulteur il ne trouvait pas à s'embaucher. 


Ma Normandie me déçoit

 

    En août j'ai eu une fausse joie : j'ai cru que la petite ville de #MaNormandie s'était mise à la transition écologique et procédait la nuit à l'extinction des feux. Les principaux carrefours restaient éclairés et pour le reste : le noir. C'était beau. On voyait de nos fenêtres les étoiles. 

Alors ça n'aura été que sur une période puisqu'à présent c'est revenu, la lumière dans la petite ville toute la nuit sans arrêt. 

Je suis une indécrottable optimiste, au fond ; toujours prête à croire que l'on va vers le mieux.

Une maison que mes grands-parents possédaient et dans laquelle ma grand-mère et son dernier-né étaient mort à la fin de 1944 vient d'être vendue. Je l'apprends par le panneau "à été vendue" accroché par une agence. Si seulement j'avais su qu'elle était à vendre j'aurais pu tenter de faire quelque chose (1). C'est irrationnel mais j'ai ressenti cette vente sans que je puisse au moins tenter ma chance comme une trahison. Et le fait de ne l'avoir pas su comme un grave manquement à la mémoire de mes ancêtres, comme si j'avais commis une faute vis-à-vis d'eux.

 

Un arbre de type acacia que nous avons au fond du petit jardin a subi une violente attaque de quelque chose : branche principales arrachées. J'en ai ramassé une. Le reste étrangement n'y est plus. Y aurait-il eu une tempête particulièrement meurtrière entre le 2 septembre et le 1er novembre ? Le propriétaire du champ derrière, où paissent des vaches - je ne vois pas trop en quoi un arbre de taille modeste au fond de notre jardin aurait gêné même s'il dépassait un brin de la clôture (2) - serait-il un malotru ? Ça me paraît insensé.
Que s'est-il passé ?

Je vais essayer de sauver l'arbre puisque le mal est fait.

 

(1) Ma mère et ses sœurs avaient souhaité la vendre au lendemain de la mort de leur père qui l'avait toujours conservée mais la louait (il habitait au dessus et derrière sa boutique, sur la place de la petite ville). Pour elles cette maison était celle du malheur. Pour moi elle est celle de l'âme de ma grand-mère (et aussi : très belle à l'intérieur, un oloé parfait ; j'adorais son grenier). Bref lors de la vente précédente, je n'avais pas eu voix au chapitre.

(2) Et quand bien même, il convenait d'abord de nous contacter.


n'importe quoi au cinéma (C'est chouette d'aller voir)


    La petite ville de #MaNormandie possède un cinéma. Longtemps y fut projeté du tout venant familial en V.F. et avec les enfants enfants nous nous partagions entre des séances au cinéma de Carteret et celui-ci. J'ai ainsi un excellent souvenir de Chicken Run, enfants avec le bon âge, et nous les adultes également enchantés. Ainsi qu'Un indien dans la ville. 

Souvenirs diffus de comédies à la française avec les acteurs toujours les mêmes. Une histoire avec des pères de famille qui galéraient un 15 août, une autre avec Miou Miou qui tricotait des pulls aux hommes de sa vie. D'autres encore que je ne serais jamais allée voir si ça n'avait pas été les vacances et dans une idée de soutenir le fait que des cinémas survivent là. 

Souvenir aussi de m'être profondément endormie devant Apocalypse Now, car j'ai un problème avec les films de guerre, une tendance à m'endormir quand ça canarde. 

Puis le ciné avait fermé, pas assez rentable et de gros travaux de mises aux normes, je crois qu'il se disait. 

Depuis quelques années il a réouvert et ce sont des bénévoles qui en assurent l'accueil, dans une ambiance joyeuse, c'est vraiment sympathique. Je suppose que pour tenir financièrement il s'agit d'un cinéma municipalisé. 

Et voilà qu'ils ont eu la merveilleuse idée, non seulement de proposer quelques films un peu exigeants - tout en restant grand public familial pour l'essentiel - mais aussi de proposer une fois par semaine une séance en V.O. 

J'attendais ça depuis toujours, je n'ai jamais supporté les doublages à la française avec toujours les mêmes voix caricaturales et dont les paroles sont si décalées par rapport aux mouvements des lèvres lorsque le film est en anglais. 

Dès lors, par souci de cohérence j'ai décidé d'aller voir tout film de leur séance en V.O. si celle-ci tombe un jour de présence.

Du coup : je revois des films que j'ai déjà vus (1), je vois des films que je n'avais pas envie de voir, je vois des films que je suis contente de pouvoir voir pendant des vacances parce que je comptais les voir et que j'aurais galéré en période de travail, et je vois des films auxquels je n'aurais pas pensé.

Et en fait, c'est bien à chaque fois. Je l'avais déjà constaté lors des festivals de cinéma, il peut être intéressant d'aller voir en dehors des réalisateurs ou sujets qui nous intéressent. Parfois parce que ça conforte dans notre indifférence ou détestation, souvent parce qu'on y apprend des choses, et entre autre qu'un réalisateur excellent emporte le morceau même si l'on ne se sent pas en phase avec le centre d'intérêt ou le propos.  

Aujourd'hui par exemple nous nous sommes retrouvés à voir un gros western qui tache (2), création contemporaine d'archi-classique facture, on dirait un exercice d'admiration. Je ne suis pas fan du genre, même si Ennio Morricone m'en a rendu certains attirants, et que je ne déteste pas les très anciens (John Ford par exemple), je n'aime pas l'ultra-violence qu'ils contiennent et la complaisance parfois envers celle-ci. 

Hé bien voilà, ça n'était pas tout à fait un bon moment, trop brutal, pas mon style, il n'empêche que je suis contente de l'avoir vu, que c'était instructif, que j'ai admiré le travail - les décors, la lumière, le rythme, l'ambiance de pluie et boue comme dans "Les saisons" -, que j'ai apprécié que les hommes soient bêtes ou violents et les femmes intelligentes et que le mélange de classicisme et de cette modernité mérite le détour. 

C'est chouette d'aller voir n'importe quoi au cinéma. Pour le plaisir de ce cinéma-là.

 

(1) Comme par exemple Maradona d'Asif Kapadia ; et chose surprenante j'ai été captivée les deux fois

(2) Never grow old de Ivan Kavanagh

PS : Je crois que le plaisir de ne pas choisir remonte à l'enfance du temps où il n'y avait que deux puis trois chaînes de télévision et que l'on regardait le soir un film ou non, seulement quand le programme ou les tâches ménagères étaient effectuées ou résolus ; et que le choix du film revenait à la chaîne.

 

 


La ville escamotée

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C'est en retournant y courir par le chemin que nous connaissions bien que j'y ai repensé : voilà, la ville dans laquelle ma sœur et moi avons grandi, dans laquelle mes parents auront vécu une cinquantaine d'années (un peu moins pour mon père, bien malgré lui) n'est plus rien pour la famille, ou n'en a plus trace, plus rien. 

Ma sœur se souvenait que ma mère souhaitait être enterrée dans sa petite ville normande d'origine ; l'urne des cendres de mon père qui avait souhaité être incinéré était dans un cimetière de la petite ville du Val d'Oise mais pas le cimetière historique, un cimetière récent que je ne parvenais pas à correctement situer - pour penser à mon père j'allais au Père Lachaise, lieu de son incinération -. De façon logique mais follement dispendieuse nous avons fait transporter et l'urne et le cercueil jusqu'en Normandie. 

De fait, le charmant petit cimetière normand regroupe à présent une grande partie de ma famille maternelle, d'ailleurs je ne serais pas contre y avoir mon futur emplacement, et comme j'ai conservé la petite maison que ma mère y avait, qui la tenait de ses propres parents, tout ça est bel et bon. Je fais partie des gens qui trouvent réconfortant le fait de disposer d'un lieu de recueillement. De plus ma sœur habite dans la région ce qui lui permet de passer si elle en éprouve le devoir ou la nécessité. 

Il faut juste éviter qu'un incident ou accident dans cette région hautement nucléarisée la rende inaccessible, ou que la montée des eaux consécutive au réchauffement climatique ne la submerge.

Le pavillon que mes parents possédaient dans la petite ville du Val d'Oise a dû être vendu : nous n'avions ni ma sœur ni moi la surface financière pour le maintenir sans usage d'y habiter, et pas non plus de raison d'y loger - trop loin pour nous pour le travail, généralement plus proche de Paris, ou qui peut bouger mais que notre logis tout contre la capitale nous permettra d'assurer -, et ne nous sentions pas l'âme de loueuses de maison (1). J'ai fait faire les travaux nécessaires pour le rendre attractif malgré son ancienneté et un jeune couple en a fait son logis. Les circonstances contraignaient à cette option. Nous aurons au moins fait des heureux, du moins nous l'espérons.

Dès lors, il ne reste plus traces de tant d'années vécues en cette petite ville, qui avait son charme, qui porte nos souvenirs, qui est celle de la vie d'adulte de nos parents, dont ils avaient fait leur chez-eux. Quelques poèmes de ma mère à la médiathèque ? Des camarades du club de tennis qui se souviennent d'elle ? 

Je n'ai plus d'amis directs dans la ville, je ne crois pas ; je n'y connais plus que quelques rares personnes. Les voisins que je connaissais, primo-habitants du quartier, de La Cité, sont morts ou ont déménagé.  

Le rôle qu'a joué cette petite ville dans l'histoire familiale, tout important pour nous et durable qu'il fut, est à présent gommé.

Je n'ai pas de regrets, qu'aurions-nous pu faire d'autre ? Seulement je trouve ça étrange, une étape si importante, pour l'ensemble d'une unité familiale, dont il ne reste plus rien, nada, niente, que tchi, du moins sur le terrain.

 

 

(1) Je me résoudrais peut-être à contrecœur à louer notre actuel appartement si nos vieux jours à petites retraites, en admettant que nous tiendrons jusque-là, nous contraignent à le faire pour complément de revenus. Mais pour un appartement les frais de grands travaux sont au pire des côte-parts ; et ceux-ci peuvent être organisés par d'autres.

PS : À l'inverse, les parents de l'homme de la maison sont enterrés dans un caveau que mon beau-père avait acquis à la mort de sa femme au cimetière de la ville de grande banlieue où son travail l'avait amené vers sa quarantaine. Zéro attache dans le coin. Sa femme décède à la fin des années 80, lui-même tombe gravement malade fin 1994 et ensuite ne revient plus jamais vivre dans l'appartement qu'il louait. Voilà donc leurs dépouilles dans un endroit qui n'est proche d'aucun de leur proches et où ils ne firent eux-mêmes que passer, et des années non significatives - pas celles des premiers temps, pas celles qui virent grandir leurs enfants, juste ils étaient là pour le travail quand la mort ou la maladie les y a saisis -. L'homme s'efforce certes d'y passer régulièrement, ça n'est pas si loin de notre domicile, ça va pour l'instant. Mais ensuite ? 

 


La vie des villes et la vie des champs

 

    À mon retour, mes premières tâches seront administratives : des tracas de caveaux et mon inscription à Pôle Emploi si tout se passe bien cette fois. 

Et puis j'aimerais trouver le temps d'écrire un billet sur le dépaysement que c'est lorsqu'on a vécu à Paris ou tout près durant toute sa vie d'adulte, d'avoir un logis, même secondaire, dans une petite ville, comme tant de choses fonctionnent différemment, alors qu'on est dans un même pays, concernant les services et les administrations. 

(par exemple le coup des horaires de fermeture du cimetière, celui des encombrants, certains impôts inconnus pour une citadine ("assainissement" ...), d'autres choses qui vont de soi alors qu'en ville on les paie, que ça semble individuel sans condition (sacs poubelles ...).

Enfin il faudra que je me renseigne sur où en sont les compteurs Linky, car on (et je ne sais pas trop qui est le "on" puisque qu'EDF n'est plus EDF, trois noms d'entreprises au moins figurent sur le courrier ; je commence à me demander si le voisin voleur n'était pas venu se brancher à notre électricité non par manque d'argent mais par renoncement devant la complexité) veut nous en installer un à la place de l'existant, qui n'est pas si vieux et fonctionne fort bien.

J'ai intérêt à reprendre des forces pendant ma cure de cinéma : même si je n'enquille pas derechef sur un nouvel emploi ma vie va être sur-occupée avec personne d'autre vers qui déléguer ce qui est devant être fait.  


Sixties reconstituées

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Les meubles au mur avaient été conservés par mes parents de leur ancienne cuisine, celle de Chambourcy, là où avec eux j'ai vécu mes premières années, et fixés pour servir de cuisine à la petite maison de Normandie.

Les meubles du pavillon de banlieue une fois récupérés, je n'ai pas su que faire d'autre si ce n'est reconstituer la cuisine de mon enfance telle qu'elle était.

Jusqu'à la pendule même, que j'ai fait réparer. Elle y a hélas perdu ses belles aiguilles vintage. 


La journée la plus efficace de l'année


20180220_102342Je vois mal comment ultérieurement je pourrais mieux faire, et d'ailleurs, c'est sans doute trop d'activités enchaînées sans souffler, alors je ne me le conseille pas vraiment. 

Mais je suis fort heureuse d'y être arrivée. 

Je remercie instamment Grand Corps Malade dont le nouvel album écouté la veille au soir m'a pas mal portée. Il y a toujours de l'énergie et de l'espoir dans le travail de cet homme-là. 

*                *                *

 

 Aller courir au réveil, comme j'aime [le sport au saut du lit]. 11 à 12 km, avec facilité. En croisant deux autres coureurs, très bienveillants. Il est bon d'avoir un certain âge, je sais du coup leur gentillesse désintéressée. Au retour j'ai droit à un rayon de soleil  20180220_102627

et au fait que la bruine attend que j'arrive au panneau d'entrée de ville pour tomber.

Le temps de prendre une douche et je file chercher une pendule et deux bijoux que j'avais laissés à réparer. Tout est OK, je dépose des montres ainsi qu'un bracelet.

Je passe chez le marchand de vélos faire quelques réglages de mon nouvel outil de transport et compléter la panoplie. De là chez la fleuriste puis au cimetière. 

Je rentre, rapidement grâce au vélo, juste une halte pour acheter un pain au chocolat ainsi qu'un croissant. Brunch.

Fullsizeoutput_75fFiler ensuite chez le discounter d'en face, j'avais la veille repéré quelques éléments utiles - dont un outile à roulettes pour déplacer des meubles, voire des cartons - et très pas chers. 
Je fais des trous supplémentaires à une ceinture, lorsque m'appelle celui qui doit venir récupérer trois meubles. Sa ponctualité est remarquable. L'état du mur derrière le meuble nettement moins. 

Après son départ j'entame un sérieux ménage puis un début de déblayage de la cabane à outils : depuis le décès de mon père en 2004, et jusqu'au cambriolage de juillet les objets, les outils, les éléments de mobilier stockés pourrissaient paisiblement. 

Sur une intuition j'appelle l'homme auquel nous louons un box, en prévision d'un agrandissement prévu. Il se trouve qu'il est sur place, ou plutôt au café du coin avec un client-collègue-ami. Nous prenons un café tous les trois, et je me (sur)prends à imaginer la vie que j'aurais si je vivais ici. Ça serait supportable. Même un peu mieux que ça. Du moins tant qu'il n'y aura pas l'accident nucléaire qui est aussi probable par ici, que The Big One en Californie. 

Un tour de vélo et je retrouve notre loueur au café. Il a presque terminé. Je reprends espoir que ces stockages devraient suffire. Je n'en reviens pas de la bonne coordination des étapes, de la fiabilité des gens. La #vieparisienne comporte des côtés déformants. Moi-même trop surchargée de travail et d'activités pour être de bonne parole sur ce qui comporte des délais. 

Je repars, passe chez le chauffagiste régler mes dettes (1), m'autorise un saut vers une boutique où j'avais repéré au vol un tee-shirt en solde parfait pour #lefiston. 

Ensuite je reprends tant qu'il fait jour, le travail de déblaiement de la cabane à outils. Jusqu'à ce qu'il fasse trop sombre pour poursuivre. Trois sacs poubelles de 30 L pleins. À contrecœur j'attaque la végétation. C'était nécessaire pour empêcher les murs de pourrir et garantir la lumière et l'accès.

Le souvenir d'Arthur louant ses services comme déblayeur d'annexes et de jardins dans "People who knock on the door" me soutient. Il aimait faire ce boulot. On s'y sent très utiles. C'est curieux comme ce livre passé presque inaperçu en son temps et que personne sauf moi ne considère comme un chef d'œuvre, m'aura accompagné ma vie durant, les mots sont si justes pour décrire une vie moyenne, traversée par une mécanique de malheur, tandis que le narrateur, le gars à travers le point de vue duquel on voit le récit s'efforce de bien faire, de tenir le coup. Un des rares bouquins dans lequel le personnage principal bosse ou étudie sans arrêt ; est réellement amoureux ; est quitté ; subit toutes sortes d'ennuis, certains tragiques, qu'il n'a rien fait pour s'attirer. 
Je m'active donc portée par la force d'un Arthur de 20 ans. Le même qui à plusieurs reprises dans les chagrins intimes m'aura aidée à ne pas sombrer jusqu'au désespoir définitif. Le même dont les symptômes alors qu'il était au prise avec le pire chagrin ressemblaient si fort aux miens que j'étais rassurée quant à leur insignifiance médicale - c'était bien le cas, réactions physiques au malheur et non maladie qui se déclarait -. Patricia Highsmith est morte en 1995, à l'heure où je n'aurais jamais osé aborder un-e auteur-e pour la ou le remercier du bon que son travail pouvait avoir apporté ; ou je n'imaginais pas ou pas vraiment qu'il m'était possible à moi aussi d'écrire ; et de faire un jour un métier, quel qu'il soit, en rapport avec les livres. Nous nous sommes donc manquées. 

Malgré le désordre et les vols effectués par le voisin délinquant, la cabane à outils reste empreinte de la logique de stockage de mon père. J'y retrouve ses façons de faire. Ça porte un réconfort en même temps qu'une grande tristesse. 

Demain il faudra que je termine ce travail, la zone de stockage sera requise pour l'établi de Taverny et les outils. 

Tout fermer à la nuit tombée. Sortir les poubelles. À nouveau se doucher - les muscles sont un peu douloureux-, puis dîner et faire la vaisselle, recevoir et envoyer quelques messages utiles. 

Temps de poser ces quelques notes puis de dormir.
Que personne ne s'avise lorsque je rentrerai de me demander si j'ai passé de bonnes vacances. Ce ne sont pas de mauvaises journées. Tout s'enchaîne et j'aime être seule, puisqu'en l'occurrence personne des présents actuels ne peut vraiment m'aider. Mais ce ne sont assurément pas des vacances. 
Un travail différent. Pour la famille plutôt qu'une entreprise.

Au cimetière, j'ai pu constater que mon arrière-grand-mère maternelle maternelle était morte en 1928 à 52 ans. Je suis plus âgée qu'elle ne le fût jamais. Elle n'aura pas connu les petits-enfants que sa fille Berthe lui aurait donnés, ma tante la plus âgée étant née cette même année. Je me sens fortement en relation avec cette lignée de femmes, fortes mais que le sort n'aura pas épargnées, moi par rapport à elles si privilégiée. Je pense que je dois aussi beaucoup à La Nona, la grand-mère italienne, sa capacité à faire face avec un certain fatalisme mais calme, sans se laisser abattre. C'est d'elles que j'essaie d'être digne et des chances qu'elles n'ont pas connues.

 

(1) Ça aussi : l'installation d'une nouvelle chaudière en notre absence, faite impeccablement. 

 


L'odeur de la maison

 

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Quand on est dans la maison [de Normandie] on ne sent pas d'odeur. Rien de particulier. Rien de différent de l'extérieur c'est-à-dire d'un côté la route (légère odeur de bitume et de circulation), de l'autre un champ, des arbres non loin, odeur de végétation, humide le plus souvent.

Pourtant deux personnes de la famille sont plutôt équipés d'hyperolfactie.

Et lorsqu'on en revient, nos bagages, nos vêtements, sentent ; une odeur particulière, d'humus et d'humidité, pas totalement désagréable mais dont personne ne ferait un parfum. L'odeur de la maison de Normandie, sa signature. 

Et alors que sur place on ne sentait rien ni sur nos vêtements, retournés dans la puanteur ordinaire de l'air parisien, soudain on sent. On sent qu'on sent.

Si l'on ne fait rien de particulier. Par exemple en remettant dans un placard un tee-shirt non porté, au bout de 24 à 48 heures, l'odeur d'elle-même, s'en va. 

J'aimerais bien trouver l'explication chimique ou physiologique de cette odeur intermittente, absolument caractéristique (on la reconnaîtrait tous entre mille) et qui se perçoit parfois et parfois pas.

 

PS : Depuis plusieurs années la cheminé n'est pas ramonée, nous nous abstenons donc d'y faire du feu. Il ne s'agit donc pas d'une odeur liée au feu de bois.