Je vois mal comment ultérieurement je pourrais mieux faire, et d'ailleurs, c'est sans doute trop d'activités enchaînées sans souffler, alors je ne me le conseille pas vraiment.
Mais je suis fort heureuse d'y être arrivée.
Je remercie instamment Grand Corps Malade dont le nouvel album écouté la veille au soir m'a pas mal portée. Il y a toujours de l'énergie et de l'espoir dans le travail de cet homme-là.
* * *
Aller courir au réveil, comme j'aime [le sport au saut du lit]. 11 à 12 km, avec facilité. En croisant deux autres coureurs, très bienveillants. Il est bon d'avoir un certain âge, je sais du coup leur gentillesse désintéressée. Au retour j'ai droit à un rayon de soleil
et au fait que la bruine attend que j'arrive au panneau d'entrée de ville pour tomber.
Le temps de prendre une douche et je file chercher une pendule et deux bijoux que j'avais laissés à réparer. Tout est OK, je dépose des montres ainsi qu'un bracelet.
Je passe chez le marchand de vélos faire quelques réglages de mon nouvel outil de transport et compléter la panoplie. De là chez la fleuriste puis au cimetière.
Je rentre, rapidement grâce au vélo, juste une halte pour acheter un pain au chocolat ainsi qu'un croissant. Brunch.
Filer ensuite chez le discounter d'en face, j'avais la veille repéré quelques éléments utiles - dont un outile à roulettes pour déplacer des meubles, voire des cartons - et très pas chers.
Je fais des trous supplémentaires à une ceinture, lorsque m'appelle celui qui doit venir récupérer trois meubles. Sa ponctualité est remarquable. L'état du mur derrière le meuble nettement moins.
Après son départ j'entame un sérieux ménage puis un début de déblayage de la cabane à outils : depuis le décès de mon père en 2004, et jusqu'au cambriolage de juillet les objets, les outils, les éléments de mobilier stockés pourrissaient paisiblement.
Sur une intuition j'appelle l'homme auquel nous louons un box, en prévision d'un agrandissement prévu. Il se trouve qu'il est sur place, ou plutôt au café du coin avec un client-collègue-ami. Nous prenons un café tous les trois, et je me (sur)prends à imaginer la vie que j'aurais si je vivais ici. Ça serait supportable. Même un peu mieux que ça. Du moins tant qu'il n'y aura pas l'accident nucléaire qui est aussi probable par ici, que The Big One en Californie.
Un tour de vélo et je retrouve notre loueur au café. Il a presque terminé. Je reprends espoir que ces stockages devraient suffire. Je n'en reviens pas de la bonne coordination des étapes, de la fiabilité des gens. La #vieparisienne comporte des côtés déformants. Moi-même trop surchargée de travail et d'activités pour être de bonne parole sur ce qui comporte des délais.
Je repars, passe chez le chauffagiste régler mes dettes (1), m'autorise un saut vers une boutique où j'avais repéré au vol un tee-shirt en solde parfait pour #lefiston.
Ensuite je reprends tant qu'il fait jour, le travail de déblaiement de la cabane à outils. Jusqu'à ce qu'il fasse trop sombre pour poursuivre. Trois sacs poubelles de 30 L pleins. À contrecœur j'attaque la végétation. C'était nécessaire pour empêcher les murs de pourrir et garantir la lumière et l'accès.
Le souvenir d'Arthur louant ses services comme déblayeur d'annexes et de jardins dans "People who knock on the door" me soutient. Il aimait faire ce boulot. On s'y sent très utiles. C'est curieux comme ce livre passé presque inaperçu en son temps et que personne sauf moi ne considère comme un chef d'œuvre, m'aura accompagné ma vie durant, les mots sont si justes pour décrire une vie moyenne, traversée par une mécanique de malheur, tandis que le narrateur, le gars à travers le point de vue duquel on voit le récit s'efforce de bien faire, de tenir le coup. Un des rares bouquins dans lequel le personnage principal bosse ou étudie sans arrêt ; est réellement amoureux ; est quitté ; subit toutes sortes d'ennuis, certains tragiques, qu'il n'a rien fait pour s'attirer.
Je m'active donc portée par la force d'un Arthur de 20 ans. Le même qui à plusieurs reprises dans les chagrins intimes m'aura aidée à ne pas sombrer jusqu'au désespoir définitif. Le même dont les symptômes alors qu'il était au prise avec le pire chagrin ressemblaient si fort aux miens que j'étais rassurée quant à leur insignifiance médicale - c'était bien le cas, réactions physiques au malheur et non maladie qui se déclarait -. Patricia Highsmith est morte en 1995, à l'heure où je n'aurais jamais osé aborder un-e auteur-e pour la ou le remercier du bon que son travail pouvait avoir apporté ; ou je n'imaginais pas ou pas vraiment qu'il m'était possible à moi aussi d'écrire ; et de faire un jour un métier, quel qu'il soit, en rapport avec les livres. Nous nous sommes donc manquées.
Malgré le désordre et les vols effectués par le voisin délinquant, la cabane à outils reste empreinte de la logique de stockage de mon père. J'y retrouve ses façons de faire. Ça porte un réconfort en même temps qu'une grande tristesse.
Demain il faudra que je termine ce travail, la zone de stockage sera requise pour l'établi de Taverny et les outils.
Tout fermer à la nuit tombée. Sortir les poubelles. À nouveau se doucher - les muscles sont un peu douloureux-, puis dîner et faire la vaisselle, recevoir et envoyer quelques messages utiles.
Temps de poser ces quelques notes puis de dormir.
Que personne ne s'avise lorsque je rentrerai de me demander si j'ai passé de bonnes vacances. Ce ne sont pas de mauvaises journées. Tout s'enchaîne et j'aime être seule, puisqu'en l'occurrence personne des présents actuels ne peut vraiment m'aider. Mais ce ne sont assurément pas des vacances.
Un travail différent. Pour la famille plutôt qu'une entreprise.
Au cimetière, j'ai pu constater que mon arrière-grand-mère maternelle maternelle était morte en 1928 à 52 ans. Je suis plus âgée qu'elle ne le fût jamais. Elle n'aura pas connu les petits-enfants que sa fille Berthe lui aurait donnés, ma tante la plus âgée étant née cette même année. Je me sens fortement en relation avec cette lignée de femmes, fortes mais que le sort n'aura pas épargnées, moi par rapport à elles si privilégiée. Je pense que je dois aussi beaucoup à La Nona, la grand-mère italienne, sa capacité à faire face avec un certain fatalisme mais calme, sans se laisser abattre. C'est d'elles que j'essaie d'être digne et des chances qu'elles n'ont pas connues.
(1) Ça aussi : l'installation d'une nouvelle chaudière en notre absence, faite impeccablement.