Déconfinement officiel 1 jour 63
Peu surprenante déception : je n'ai plus la force de lutter efficacement contre le courant, et j'ai perdu de l'aptitude à me réorienter sans perdre le rythme lorsqu'il pousse fort. Je suis encore plus lente qu'avant, mais vraiment (oui, c'était possible). L'effort me semble prolongé alors qu'il ne l'est pas - je n'ai pas même couru 800 m -. Bref, ça va être chaud de retrouver le niveau pour boucler un M au printemps prochain.
En revanche, plaisir de nager d'autant plus que les conditions étaient optimales : temps de rêve et mer étale. Le seul danger venait d'un vent de terre, seulement ça concernait plus les embarcations que les nageurs. L'eau était transparente, j'ai vu des petits poissons. Peu d'algues.
L'épidémie a fait qu'un espace est réservé aux sauveteurs devant leur abri. De ce fait il est impossible d'accéder directement aux douches qui sont également devant, mais du côté de la jetée.
Je comprends la nécessité pour eux de ne pas courir de risques inutiles mais en même temps, c'est d'une splendide absurdité - car le bâtiment est grand et ça oblige à marcher pieds nus sur le goudron du parking -.
Nous sommes restés un peu, ensuite, à simplement profiter du soleil, de la mer, de la petite activité joyeuse - ni trop ni trop peu de gens -. Une petite fille avec une voix perçante, jouait avec son père patient.
Repas d'une pizza à emportée achetée sur place sur une mauvaise idée de JF qui bien sûr s'est énervé (le mec avait foiré son coup, oublié la pizza dans le four d'où une longue attente le temps qu'il la refasse ; et puis une petite arnaque sur les anchois). Les gens qui s'énervent facilement sont vraiment pénibles à vivre. Cela dit, la pizzeria de bord de mer de Saint Germain sur Ay ne nous reverra sans doute pas comme clients.
Bonne sieste tandis que JF échouait à aller jouer à la pétanque car les joueurs d'ici respectent leurs familles, eux. C'était une sieste en lisant The Beatles Tune In. Un grand moment de se sentir heureuse et confortable. Aucune pensée parasite, aucun tracas personnel lourd (personne à l'hôpital par exemple, et pas d'ennuis d'argent). Autant dire que j'ai savouré. J'éprouvais ce petit plus qu'est le sentiment d'un repos bien mérité.
Chouette dîner aux Cuisines du Moulin, même si les portions pour moi étaient trop abondantes. C'est de plus en plus souvent le cas : les plats sont servis pour des hommes jeunes affamés. C'est trop pour une femme de passé cinquante et qui n'a que raisonnablement faim. Nous étions à la table près de la cheminée avec aucune table proche, car les normes de vigilance sanitaire étaient bien respectées, masques obligatoires pour entrer et lorsque l'on se lève, gel à l'entrée. En revanche les menus étaient les menus plastifiés qui passent de tables en tables. C'était sympa de les voir après nos échanges sur Insta, même s'il y avait trop de monde pour qu'on prenne le temps de se parler vraiment.
Balade de bonheur au coucher de soleil à Portbail, sur la partie aménagée comme un bord de mer sauf que la mer est plus loin avec un coucher de soleil somptueux et deux chats facétieux.
Pendant ce temps les enfants se voyaient au Touquet, sur une bonne idée de L., l'amoureuse du fiston. Leur bonne entente me fait plaisir, profondément. Je trouve cela très rassurant.
Une question avait été posée pour moi et Romain sur SOS Libraires mais je ne l'ai vu qu'en allumant l'ordi à 23h30 passée, une fois rentrés. Dommage, j'eusse aimer aider (d'autant plus que c'était E. qui la posait)
Beaucoup de collègues (oui, je me sens toujours libraire) s'inquiète de l'hostilité grandissante de certains clients face à leur demande de port du masque. C'est triste. L'épidémie est loin d'être finie.
Sur Twitter, d'une nouvelle vague de dénonciations concernant un (des ?) youtubeur(s) qui profiteraient de leur notoriété pour "date" des mineures, est partie une vague de touites de gens qui s'autodénoncent de trucs qu'ils ont honte d'avoir fait dans leur vie. Je suppose que l'idée de fond est de dédouaner leur idole ou ami en montrant qu'on a tous des trucs répréhensibles à notre palmarès. Aucune envie de participer à ce mouvement, il n'empêche ça m'a fait réfléchir.
Je crois qu'en tout et pour tout je n'ai que trois trucs que je déplore : un incident d'enfance en cours de récréation à cause d'une crotte de chien qui était dans la cour et sur laquelle alors que nous jouions à la chandelle je m'étais assise sans y prêter attention, et deux à l'âge adulte : le jour de grand froid porte de Clichy où je rentrais chez moi avec un pain italien que j'avais acheté avec mes derniers centimes de fond de poche au sortir du RER C ; un homme s'était adressé à moi qui ne parlait aucune langue que je comprenais mais il était évident qu'il souffrait de froid et de faim et j'ai dit non, on m'attend à la maison ou quelque chose d'aussi bête, ne comprenant que trop tard. Je regrette tellement de ne pas lui avoir donné le pain c'était si évident qu'il en avait besoin quand nous pouvions tant pis nous en passer. Ma stupidité tenait au fait qu'il faisait trop froid pour retourner en arrière, j'étais dans un truc de devoir tenir jusqu'à arriver à la maison et d'avoir raclé mes poches jusqu'au derniers centimes pour pouvoir me l'acheter (à l'époque pas de cartes bancaires acceptées pour si peu). Je savais donc ne pas pouvoir lui donner d'argent et ne pas pouvoir racheter de pain si je lui donnais celui-là. Faut-il être bête quand même pour réagir comme ça !
L'autre c'est la lettre de rupture que j'ai écrite à DK après qu'il m'eût écrit en substance Casse-toi j'ai trouvé mieux, mais en y mettant les formes. Je ne les ai pas mises du tout, entre désespoir et colère, colère aussi de ce que j'avais appris par ailleurs (1). Seulement à présent je le regrette, j'aurais dû me contenter d'acter sobrement la rupture - m'éloigner complètement était une nécessité pour me protéger et tenter de m'en sortir, donc oui, couper les ponts était nécessaire - et surtout ne pas lui dire ses quatre vérités, trahissant par la même occasion que certaines de celles qui m'avaient précédée en avait peut-être trop dit (mais trop tard), et me faisant blessante à mon tour, mais bien vainement. C'était bête de ma part. Et si mesquin.
Il n'est pas totalement exclu que celle qui avait pris ma place l'ait fait en connaissance de cause, même si je reste persuadée que j'ai été effacée purement et simplement du récit de vie de celui qui avait si profondément compté. Je ne suis pas faite pour fréquenter des grands fauves.
Pour le reste, tout le reste, rien. Je sais que j'ai froissé des susceptibilités, fait preuve de gaffes et de maladresses mais c'était toujours si involontaire, que je ne vois pas trop comment je pourrais en concevoir un regret. On ne peut regretter qu'une action vraiment accomplie (ne pas donner un morceau de pain, écrire une lettre regrettable), pas des propos maladroits qui ont été mal pris. Parfois j'ai pu m'énerver, mais jamais d'emblée, toujours pour me défendre ou défendre quelqu'un que j'aimais.
Cette introspection m'aura fait prendre conscience que je suis décidément peu armée pour faire ma place en ce monde, trop incapable de coups tordus, et totalement dépourvue de volonté d'éliminer la concurrence.
Ma seule ambition dans ces conditions pouvait être au mieux de limiter les dégâts. Ce que j'ai (plus ou moins) fait.
En somme je suis un peu comme Marloute lorsqu'elle a cru mourir de ce virus redoutable - je n'ai appris sa maladie qu'en lisant aujourd'hui seulement, sa guérison et j'ai passé la journée à être soulagée pour elle, tout en m'en voulant de n'avoir pas su m'inquiéter de son silence - :
"D’un coup, j’étais pleine de regrets, de tout ce que je n’avais pas fini. Mais j’étais aussi pleine de reconnaissance. Pour tous les moments magiques vécus. Les accomplissements, les défis personnels et professionnels relevés. Pleine de gratitude pour cette vie-là, que je ne voudrais échanger contre aucune autre. Le coronavirus m’a permis de me rendre compte, si tant est que j’en avais besoin, que j’étais sur la bonne voie, que j’avais su m’écouter et que rien n’était plus important pour mon bonheur actuel que la vie que j'avais choisie."
De mon côté rien à voir avec le virus, mais après avoir cherché ce dont je pouvais avoir honte, j'en arrive aux mêmes conclusions.
(1) Je sais depuis #MeToo (même si ce cas précis n'a pas grand-chose à voir, si ce n'est "conduite abusive" (mais pas dans le même registre, au contraire)) qu'il convient de parler, de dire aux autres, de transmettre l'infos aux nouvelles concernées : Attention ce monsieur n'est pas fiable, danger. Mais c'était en un temps où la sororité ne s'exprimait qu'après coup pour tenter de consoler. Ça peut se comprendre : on peut toujours espérer que l'homme va s'amender, que l'expérience l'a rendu conscient de tel ou tel truc qui ne vont pas dans ses façons d'agit ; on peut aussi estimer et sans doute n'est-ce pas faux, que la nouvelle victime potentielle, refusera d'écouter ce qu'elle prendra pour de la médisance. N'empêche, je crois désormais que parler n'est pas un manque d'élégance mais une nécessité de solidarité. Cela dit, en l'occurrence j'étais la victime qu'on a trop tard avertie.
Lien vers le site de la santé publique en France
Liens vers des statistiques :
Wordometer covid-19 coronavirus pandemic (depuis quelques temps le plus complet, entre autre parce qu'il indique le nombre de tests ; un pays comme la France qui teste jusqu'à présent très peu a forcément moins de cas officiels que de cas réels)
Official Data from The World Health Organization via safetydectetives.com
Coronavirus COVID-19 Global Cases by John Hopkins CSSE
13 022 287 cas (dont : 570 999 morts (137 773 morts aux USA) et 7 573 348 guéris
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