Poly orphelin et nous devenons vieux
20 juillet 2010
Aujourd'hui aussi et quarante ans plus tôt (en gros)
J'en avais déjà parlé par ici, mais voilà, enfant j'étais une inconditionnelle des Poly de Cécile Aubry. Ça m'a quand même tenu de Poly au Portugal (dont je réapprends qu'il date de 1966) jusqu'à Poly en Tunisie que je regardais certes d'un œil plus critique mais quand même (1973 paraît-il). J'ai été même vers 8 ou 9 ans été capable de convaincre les différents adultes concernés de déplacer un horaire de cours de piano rien que pour ça (les magnétoscopes n'existaient pas). J'avais lu toutes les versions en livres, et d'une année sur l'autre j'attendais la nouvelle série d'une douzaine d'épisodes.
Me sont restés inoubliables "Au secours, Poly !" (le poney parvient à redonner courage d'essayer de marcher un petit Philippe qui ne tenait plus sur ses jambes) et "Poly à Venise" avec le coup du violon que le gamin sait en jouer tout seul, un père absent comme j'en rêvais, l'Italie, un aristocrate qui se laissait attendrir par son petit fils ignoré, un voyou au grand cœur qui soignait une morsure de serpent, deux amoureux en arrière plan comme à l'époque ma cousine préférée, bref, ce feuilleton racontait ma vie mais en mieux.
On remarquera qu'à part l'Italie et comme il était hors de question que j'approche un poney ailleurs qu'au jardin d'acclimatation pour faire un tour (et pas deux, attention), et que quand j'avais voulu faire du violon (mais je crois avant le feuilleton) on m'avait refourgué un piano, le "en mieux" portait une large marge.
Il y avait bien sûr les "Belle et Sébastien", mais comme j'aimais moins les chiens que les poneys, j'aimais vraiment mieux les Poly. Des chiens j'avais en fait peur "grâce à" un incident de plage enfantin et ma mère qui nous imposait ses points de vue avec des notions de Bien et de Mal digne d'un discours de George W. Bush Jr après 9/11. Ma mère n'aimait pas les chiens, donc c'était des sales bêtes dont il fallait se méfier à tout crin. Elle n'aimait pas les chevaux non plus, mais le risque était moindre, nous en croisions peu ou de trait (1). D'ailleurs elle n'aimait pas Cécile Aubry pour une raison qui restait confuse et que je n'ai compris que bien après, tout juste concédait-elle que c'était "une pistonnée". Et puis elle n'aimait pas non plus le petit Mehdi, qui me laissait sympathiquement indifférente, je trouvais beaucoup plus beau mon petit fiancé d'en vrai, je n'allais quand même pas me laisser troubler par une pseudo-vedette de la télé ; en fait j'ai compris là aussi plus tard qu'elle n'aimait pas trop qu'il s'appelât Mehdi. Mais ce n'était jamais exprimé comme ça, plutôt des petites piques dépréciatives éparses quand elle passait dans la salle où je regardais et elle aussi parfois qui repassait.
De ce garçon, j'enviais qu'il fasse du cheval (surtout dans "Sébastien parmi les hommes" dont j'adorais le générique). Plus tard je n'avais pas aimé "Le jeune Fabre", mais pourtant l'avais suivi. Le côté "garage" et pouvoir travailler jeune (et donc être indépendant) me plaisait. Mais sinon, ça me paraissait si ridicule, ces histoires avec l'amour. Et je trouvais qu'en grandissant il s'était mis à jouer faux (1 bis).
En attendant, la marionnette Claire de "La séquence du jeune spectateur" nous proposait quand ce n'était pas les Poly, des "L'homme à la carabine" ou autres "Zorro" dont ma mère réprouvait la violence, alors les Poly tout "mal-pensants" et autopromotionnels qu'ils pouvaient lui sembler étaient un moindre mal. Elle exprimait une partie de son mépris mais me laissait regarder. Elle fit bien : je me serais sans hésiter (2) enfuie de chez moi si on m'en avait empêché.
Vu d'aujourd'hui les épisodes sembleraient sans doute bien naïfs et sucrés de bons sentiments, avec juste un zeste de subversion (3). J'y retenais surtout qu'en s'y mettant à tous à la fin on s'en sortait ; leçon qui m'a portée jusqu'à 43 ans et que je ne renie pas, même si je n'y crois plus tant. J'y apprenais aussi que les animaux pouvaient être aussi malins et bien plus secourables que les humains. Un autre truc que j'étais bien incapable de percevoir à l'époque, ça devait me paraître aller de soi mais en comparaison d'autres œuvres contemporaines c'était précurseur : les femmes et les filles n'étaient pas des nunuches, elles ne dépassaient pas certaines limites et faisaient la popote mais sur l'essentiel ne se laissaient pas faire néanmoins et manquaient de trouille.
Ce qui était remarquable aussi, c'est qu'on n'y prenait pas les enfants pour des idiots mais qu'on les considérait comme intelligents.Pour tout ce vrac de raisons je me sens très redevable à la dame qui aujourd'hui a terminé sa vie. Je pense qu'une part de ma solidité devant l'adversité vient directement des histoires vues toute petite et qu'elle avait inventées.
J'aurais aimé lui dire merci.
(1) Hé oui dans le Val d'Oise, fin d'années 60, début des 70, persistaient des bribes fermières et pas toutes mécanisées.
(1 bis) Strictement aucune idée de si cette impression était fondée ou pas. Et très curieuse de quels pouvaient être à onze ans environ en la matière mes critères de qualité.
(2) Enfin si, un peu à partir de 1969 à cause de ma petite sœur bien-aimée.
(3) Les gosses désobéissent quand il s'agit de défendre une grande cause (qui peut être le poney), et au bout du compte on voit qu'ils avaient raison et plus personne n'ose les tancer.
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