Il servit pour ma mère à la fin des années 70 ou au début des années 80. Elle utilisa d'autres couleurs.
Je l'ai pieusement conservé.
(la photo quant à elle, date d'il y a deux ans, lorsque je préparais le déménagement après la vente de la maison)
Ce qu'on faisait en cours de dessin
17 février 2020
Je l'avais fait en cours de dessin en 4ème ou en 3ème (en 1977 ou 1978), c'était de la carte à gratter et rétrospectivement ma patience d'antan me surprend.
Je ne sais plus si un thème nous était ou non imposé. Il est probable que la consigne était de dessiner quelque chose qui se prêtait à travailler les détails et qu'une crinière de lion m'avait parue un bon terrain pour ce mode d'expression.
Photos prises il y a deux ans alors que je triais, vidais et m'apprêtais à déménager la maison de mes parents.
Un très ancien passé
23 janvier 2020
Pour cause de recherche d'emploi, me voici retournée dans une ville de mon très lointain passé : j'ai grandi tout près mes premières années, c'était la grande ville voisine où ma mère et moi allions en voiture lorsque mon père ne la prenait pas (une Aronde) pour aller à son travail à l'usine qui à l'époque était Simca.
J'y suis très peu retournée depuis, dont une fois en 2006 mais alors en état de choc, sous l'effet d'une rupture d'amitié subie pour moi incompréhensible. J'y étais allée pour une consultation médicale, laquelle m'avait bien aidée même si sur le moment je me sentais plus désemparée que jamais. Je me souviens d'avoir téléphoné à une amie qui m'avait aidée à reprendre mon souffle, puis d'être allée achever de reprendre mes esprits à l'abbatiale, dont je me souvenais. Puis j'avais repris le train (ou le RER). Autant dire que je n'avais pas vraiment revu la ville, si ce n'est l'usine au loin par la fenêtre du cabinet médical.
J'avais également retraversée la ville lors de différents trajets et j'avais déjà remarqué que je me souvenais des axes de circulation, que je n'y avais pas perdu l'orientation.
Cette fois-ci comme j'étais un peu à l'avance et que malgré le froid, après l'entretien également, j'ai souhaité revoir la ville, j'ai davantage redécouvert de lieux. Il y a beaucoup plus d'habitations, d'anciennes bâtisses ont disparu. Le centre ville a conservé une bonne partie de lui-même, une foule de petits souvenirs sont venus me rejoindre, la poste, la mairie, un square (où sans doute je faisais du toboggan), certains immeubles bas, neufs alors, vieux maintenant, où nous passions ou dans les boutiques de rez-de-chaussée desquels nous faisions quelques emplettes (1). Je me suis souvenue de la boulangerie dans laquelle, comme une récompense, ma mère s'achetait un gâteau et pour moi un pain au chocolat. C'était un grand luxe, ressenti comme tel, et j'avais compris qu'il valait mieux ne pas, sous peine de tempête conjugale, en parler à Papa.
Pendant pas mal d'années, plus tard, nous repassions par là : un usage de l'usine permettait aux veilles de ponts ou week-end prolongés, de bénéficier "gratuitement" d'une demi-journée de congé sous réserve qu'un hiérarchique accord un "bon de sortie". Alors ma mère, de Taverny où nous habitions alors, nous emmenait ma sœur et moi jusqu'à l'usine d'où mon père sortait et qui prenait le volant jusqu'à Normandie ou Bretagne où nous allions retrouver la famille. Treffpunkt Poissy.
Cette ville avait pour moi une aura de l'anticipation des retrouvailles avec mes cousins - cousines (2).
Enfin j'ai un souvenir vif d'une "opération portes ouvertes" alors que je devais avoir une dizaine ou douzaine d'années : nous avions pu enfin, nous les petites familles, visiter l'usine, une belle et instructive visite guidée. M'en était resté une indulgence infinie pour mon père - comme une prison mais tu n'as rien fait de mal -, et des impressions fracassantes : le bruit assourdissant des presses et l'odeur suffocante de l'atelier peinture, pourtant délicieusement spectaculaire (des carcasses de voitures avançaient dans une cuve et en ressortaient toutes teintes ; aux êtres humains les finissions). Je me souvenais d'un bâtiment en brique tandis que tous les autres étaient des hangars métalliques.
En repartant, via le RER A, je l'ai entrevu, ainsi que l'ensemble de l'usine, son impressionnante étendue, et le château d'eau si particulier qui la rendait repérable de loin. Songé avec émotion aux années de souffrance de mon père, qui était parvenu à force de travail à s'extraire des ateliers, mais cependant y se faisait violence de s'y tenir, d'y aller.
Être amenée à travailler dans cette ville, dans un métier que j'aime, alors que je m'approche de la fin de ma vie professionnelle, aurait pour moi un sens. Quelque chose qui dirait que le sacrifice de mon père d'avoir enfermé ses meilleures années, n'aurait pas été vain.
(1) Un supermarché, un des premiers en France venait de s'ouvrir en bas de la colline à Chambourcy mais nous y allions, me semblait-il, avec circonspection. Ma mère (et de fait moi) fréquentait encore majoritairement des boutiques où l'on entrait et où l'on demandait ce qu'il nous fallait sans toucher à rien qu'on ne nous ait donné parce que nous l'avions payé. En tant que petite fille que mettaient terriblement mal à l'aise les amabilités forcées des grands, inutile de dire que ma préférence allait tout droit au supermarché, en plus que c'était comme un tour de manège d'être perchée dans le chariot.
(2) Curieusement, un de mes cousins m'a téléphoné alors que j'étais en chemin, comme s'il maintenait ainsi une vieille tradition.
Le générique
20 août 2019
Quelqu'un a posté ce soir sur Twitter le générique d'Amicalement vôtre.
Ce fut longtemps ma série préférée.
Elle fut diffusée en France dans le courant des années 70 puis fréquemment rediffusée.
Je la croyais en noir et blanc. C'était seulement la télé de mes parents qui n'avait pas la couleur.
Elle était diffusée en V.F. et quand longtemps plus tard j'ai eu accès à la V.O. je me suis rendue compte que celle-ci était moins bien. C'est l'un des rares cas où la V.F. l'emporte.
Michel Roux et Claude Bertrand s'en sont donné à cœur joie, la voix de Michel Roux est parfaite de gouaille pour le gars du Bronx qui a réussi, et ils ont rajouté de l'humour.
Une des rediffusions, c'était au temps d'avant les internets, d'avant les DVD et d'avant même que les familles de Français moyens ne puissent s'offrir des magnétoscopes à grosses cassettes, eut lieu alors que j'étais en classe prépa. et rentrais chez mes parents le week-end. Je n'avais pas le temps de regarder la moindre série, il fallait bosser sans cesse. Alors je demandais à ce qu'on m'appelle pour le générique. Puis je retournais à mes maths.
Meilleur générique de tous les temps, je veux bien le croire.
Triste d'avoir eu raison enfant
16 novembre 2018
C'est ce pouët de Nate Cull qui m'y a fait songer : en fait notre époque est en train de donner raison à mes convictions enfantines, que les adultes ou les autres enfants s'étaient empressées de balayer d'un revers de main, d'une contrainte d'autorité, d'un ricanement.
Je me souviens très bien petite d'avoir tenté de lutter pour mon alimentation, avec des arguments qui, sauf concernant la préservation de la planète car comment aurais-je pu savoir que les élevages tourneraient à ce point ignoble d'industrialisation, étaient ceux des végans de maintenant. Je n'avais pas les mots, à peine les arguments, Mais comment on peut manger des mammifères comme nous ? Mais le lait de la vache il n'était pas pour le veau ? ... et tout ce que j'ai réussi à faire c'est à ne pas me laisser imposer de manger du cheval (repas refusé alors que j'avais faim). C'était inaudible de la part d'adultes qui avaient soufferts de la faim enfants ou adolescents pendant la guerre, de la part de parents si fiers de pouvoir fournir des repas carnés au lieu de seulement le dimanche et de la soupe sinon, et dans mon cas comme j'étais réputée anémiée (1), on finissait de toutes façons par m'obliger, au nom de ma faible santé.
Je me souviens très bien, un peu plus grande, d'avoir été sensible au risque nucléaire (2), si j'avais été libre de mes mouvements je serai allée manifester à Flamanville et j'ai enquiquiné pas mal d'adultes pour qu'ils signent une pétition contre l'implantation d'une centrale à Plogoff (3), cette dernière protestation fut finalement victorieuse, quand je me rends au Guilvinec je me sens fiérote de la moi ado. [comme si ma si petite et limitée mobilisation avait été décisive, t'as qu'à croire].
Je me souviens qu'à la rentrée de septembre 1976 nous avions eu comme sujet de rédaction "Racontez un événement qui vous a marqué cet été", et que j'avais évoqué la catastrophe de Seveso, j'étais bien la seule. Je crois que j'avais eu une bonne note mais avec une remarque de la prof perplexe, qui n'avait pas songé qu'on puisse trouver marquant un événement général ; elle avait pensé que l'on parlerait de nos vies. Nous devions être deux ou trois dans ce cas, les autres ayant été marqués par des événements sportifs ou musicaux ou quelque chose de type mariage princier. J'étais en grogne permanente contre les avions qui polluaient l'air avec leur kérosène, il faut dire qu'avec Roissy tout proche il nous en passait beaucoup au dessus et une chieuse de l'empêchage des autres de jeter n'importe quoi n'importe où - c'était une époque où dans la rue, les gens jetaient par terre sans trop de scrupules qui un papier, qui un mouchoir de type kleenex, c'était récent, il n'y avait pas d'usage déterminé (4). Pour les mégots, la question ne se posait même pas, c'est intéressant qu'elle commence à poindre seulement ces dernières années, je crois que c'est parce qu'on supposait que le mégot c'était du tabac, un truc organique qui se dissoudrait. Contre l'usage de la voiture, je n'étais, en revanche, pas mobilisée : il y avait un conflit de loyauté vis-à-vis de mon père qui bossait dans une usine de construction automobile à Poissy, si l'usage se réduisait il pourrait perdre son travail. Je me bornais à me désolidariser des promenades du dimanche en voiture pour seulement se promener le dimanche en voiture, grande distraction des petites familles dont les chefs de famille avaient grandi lors d'un temps où avoir une bagnole était un suprême life achievement. On commençait tout juste à concevoir que fumer ne faisait pas de bien aux poumons de la personne qui le faisait, et que vraiment quand il y avait un embouteillage, l'air faisait tousser. Mais de là à penser à la tabagie passive et au fait que le petit pot d'échappement de ta petite voiture crachait l'encrassage des poumons du passant, il y avait un gouffre d'ignorance confortable.
En revanche nous étions très conscients que si l'humanité continuait à proliférer à la même vitesse, les ressources de la planète s'épuiseraient. Seulement les progrès avaient été si fulgurant lors des trente dernières années que l'on faisait une confiance éperdue en "les savants du futur" qui sauraient nous sortir de là, on mangerait des trucs en pastilles comme les cosmonautes dans leurs fusées.
Enfin je me souviens que Le président Carter (5), dans ses efforts, n'avait pas été pris très au sérieux - quand on pense quel président finalement fort décent il avait été quand on voit ce qui est maintenant au poste qu'il occupa -. Pour ma part à seize ans, je me rassurais en me disant vaguement que s'il allait faire plus chaud on allait moins utiliser de mazout de chauffage et que donc ça ralentirait qu'il fasse plus chaud. Et puis que la France se retrouve potentiellement avec le climat de l'Italie, je trouvais ça plutôt chouette comme perspective, en fait.
À part ce point d'optimisme juvénile, je me rends compte que l'époque et l'évolution de la situation ont rattrapé mes objections enfantines ou adolescentes, et j'avoue que c'est terrifiant. Je suis si triste d'avoir eu jadis raison.
Quant aux savants capables de nous tirer d'affaire, même si la technologie a progressé plus encore que dans nos imaginations les plus débridées, rien n'a changé, on les attend.
(1) Je l'étais, mais plus sérieusement encore que ce que l'on croyait
(2) À 12 ou 13 ans je suis tombée en vocation sur tout ce qui concernait les atomes, un an après la relativité et au lycée la physique quantique.
(3) Un résumé des luttes de l'époque qui me semble correspondre assez bien aux souvenirs que j'en ai par ici.
(4) On a pu observer la même chose avec les téléphones portables, les premiers temps les gens faisaient n'importe quoi car pour beaucoup s'il n'y a pas un code auquel se conformer, c'est leur confort personnel sans gêne qui l'emporte.
(5) J'ignore pourquoi mais on disait Nixon, puis Reagan, et les Bush furent père ou fils mais Carter c'était Président Carter, de même que Kennedy, c'était plus souvent Président Kennedy que Kennedy tout court.
"PS : Maria a dit au tennis que Claude François était mort ..."
01 avril 2018
J'étais diariste dès le sortir de l'enfance, très clairement parce que je trouvais déjà que passait trop vite le temps, que j'éprouvais le besoin d'un relais de mémoire. L'écriture n'était pas vraiment l'objet, sauf en période de vacances. Sinon c'était plutôt un carnet de bord, très orienté sur le travail scolaire. C'était aussi, ça l'est resté, une lutte contre le "tomber de fatigue" (dû à la thalassémie mais enfant je l'ignorais), et quelque chose qui me permettait parfois de résister aux grands qui affirmaient des choses ou en imposaient. Alors je ressortais mes diarii et je pouvais affirmer Mais tel jour tu m'avais dit d'accord.
J'étais si souvent malade avec de fortes fièvres que je fus longtemps persuadée que je n'atteindrai jamais l'âge adulte, alors sans doute que je souhaitais témoigner au vu du peu de temps dont je croyais disposer.
Alors, chaque jour ou presque j'écrivais.
Il se trouve que quarante ans (40 !) plus tard, ces petits carnets sont pour moi source de grands petits bonheurs. En particulier chaque commémoration est l'occasion d'aller jeter un coup d'œil à la date qui correspond.
Voilà que vendredi soir, alors que je discutais sur facemuche (1) avec un vieil ami au sujet d'une scène du film La traversée de Paris , je suis allée sur youtube vérifier ce qui s'y disait - très pratique d'avoir sous la main un outil qui permet de revoir les scènes mythiques de la plupart des films cultes -. Puis je suis allée prendre ma douche, en oubliant d'éteindre l'ordi - sans doute que je m'étais levée sans penser me doucher tout de suite, puis que l'économie familiale du manque de place et d'équipements m'avait fait la prendre sans plus tarder -. Or youtube a cette manie d'enchaîner les vidéos (2). À mon retour et grand étonnement, mon ordinateur se passait ce documentaire si monoform que c'en était marrant, sur la vie de Claude François.
Ce chanteur en son temps me laissait indifférente. Il faisait partie du paysage, un peu comme Johnny, Julien Clerc, Mike Brant, ou Michel Sardou. Ses chansons traînaient dans l'air, on les connaissait qu'on le veuille ou non. On les voyait dans le peu d'émissions de divertissement qu'il y avait. On entendait leurs tubes dans les (peu nombreuses) radios, ou en faisant accompagnant nos parents faire les courses. Je crois que le seul que j'appréciais vraiment c'était Alain Souchon. Il faut dire aussi que je pouvais chanter à tue-tête J'ai dix ans, en gros je les avais. Et puis ailleurs, Abba, dont le Waterloo m'avait fait l'effet d'une révélation. Et qui me fit office assez efficace de philosophie de la vie (3)
De Claude François je pensais que ce type avait l'air pas sympa, qu'il faisait son faux gentil (4), que c'était agaçant les dames nues et lui tout en costume (5), on les appelait "les nounoutes en maillots de bain". Mais je lui reconnaissais un pouvoir de chanson qui se colle en tête - c'est énervant mais ça prouve que le boulot est bien fait - et qu'il payait de sa personne - d'habitude les hommes étaient trop flemmards pour danser -.
Bref, opinion neutre. Ni admiration ni mépris. Ça ne me serait pas venu à l'idée d'acheter le moindre disque. Mais que ses chansons passent à la radio ne me donnaient pas envie de changer de fréquence.
Il m'est revenu via ce documentaire que certaines filles, celles qui en fin de collège sont déjà des presque femmes relayaient la rumeur comme quoi il était peu fréquentable et le méprisaient. Il se disait qu'il faisait des sales photos. Je n'apportais aucun crédit à leurs paroles (rien de direct, l'amie de la grande sœur, la cousine de la petite amie du grand frère, une fille dont la grande sœur a une amie mannequin ce genre de racontars) et plus que tout je m'en foutais. J'étais déjà en mode, non mais j'ai autres choses à faire, moi et déjà en mode, sports, musique ou alimentation du cerveau (scolaire et hors scolaire).
Mon diario du jour de sa mort confirme mon souvenir d'indifférence polie avec conscience que quand même pour beaucoup il comptait et que ses chansons étaient du genre qui restaient.
Une page entière de mon écriture serrée de gamine appliquée pour décrire mes activités du samedi 11 mars 1978, ma déception d'une mauvaise note en gym (6) malgré mon désir de bien faire, et un sentiment d'injustice (que je n'exprime pas en tant que tel mais dont je me souviens à relecture) par rapport à celles qui n'aimaient pas ces cours, faisaient mollement n'importe quoi et s'en sortaient avec 9/20 soit mieux que moi. Une tristesse que des camarades abandonnent le latin malgré la prof qui était bien. Oui j'étais en 3ème et nous avions cours le samedi matin. Mon début d'après-midi à la maison studieux, une explication de texte en français, un dessin pour le cours de dessin devant vaguement la télé où passait "La petite maison dans la prairie" (Je suppose que ma petite soeur regardait), un petit texte à rédiger "à partir de verbes" pour le français et ensuite un cours collectif de tennis au COSEC (Gymnase Jules Ladoumègue), ce qui fait qu'à vélo je retournais vers le collège que le gymnase voisinait (2 km environ). J'ai noté qu'ensuite j'ai travaillé mon piano, je mentionne ma professeure, Mademoiselle Carot - ce n'est pas clair, il y a une rature, peut-être venait-elle pour le cours ou simplement j'avais travaillé selon ses indications - et précise que "bien travaillé" [mon piano]. Son opinion sur mon effort ou mon sentiment de l'effort fait ?
Je mentionne à nouveau des activités quotidienne, "décrire" (= tenir ce journal), prendre un bain, le dîner (sans aucun commentaire, ni alimentaire ni sur l'ambiance) et à nouveau la télé non comme une fin en soi mais comme un fond à autre chose (écrire, dessiner). Après le dîner je recopie mes devoirs de français "avant de regarder "Madame la juge"".
C'est amusant, j'avais totalement oublié l'existence de cette série avec Simone Signoret excusez du peu.
Là non plus aucun commentaire de ma part, une simple suite d'actions.
Mais c'est intéressant de comprendre que les programmes de la télévision n'avaient pas été bouleversés, du moins pas sur les trois chaînes (7), pour le décès d'un chanteur, si star fût-il.
Et puis ce PS, parce que quand même :
"Maria a dit au tennis que Claude François était mort électrocuté"
et la fin de la page : "écrit le 11-3-78 temps magnifique" avec le dessin d'un soleil.
Aucune mention de comme avec une de mes amies (Nathalie (Rizzoni)) nous avions dans un premier temps cru que Maria plaisantait, puis cessé de rire en voyant son air tout chose.
Je ne mentionne pas non plus que ce qui m'avait peinée fut le souvenir réactivé de la mort d'un de mes oncles par alliance dans les années 60, qui dirigeait une petite entreprise et un soir d'orage alors qu'il avait voulu couper le disjoncteur pour éviter les dégâts prévisibles, était mort électrocuté du fait que le tableau était mal isolé et qu'il avait les pieds dans une flaque d'eau. Mon père en avait-il reparlé au dîner ? Ni ma mémoire ni mon carnet n'ont rien conservé.
Les jours suivants ne portent aucune mention concernant la mort du chanteur. En revanche je parle de résultats d'élection, d'un accident entrevu, de résultats de football, d'une injustice scolaire (ne me concernant pas), de la visite d'un de mes cousins, de ma lecture du roman de Stendhal "Le rouge et le noir". Visiblement la vie (et la mort) des stars n'entrait guère dans nos préoccupations.
Nous étions sans cesse en activité, le travail pour mon père ou du travail de bricolage pour la maison, le travail ménager ou de mère (nous accompagner, à un cours, chez un médecin ...) pour ma mère, scolaire pour ma sœur et moi ou sportif pour moi. La détente c'est la télé ou des jeux de sociétés - j'en mentionne que j'ai complètement oubliés, un certain jeu "Kojack" par exemple, comme la série télé - et la lecture, mais déjà un peu professionnalisée ("Le rouge et le noir" c'est pour le français). Pas de place pour se soucier des aléas de l'existence de quelqu'un que l'on ne connaît pas et qui n'est pas important plus que ça (les chansons ce sont du divertissement, c'est bien mais ça n'est pas ce qui changera le monde).
En relisant j'ai à la fois l'impression d'être une vieille survivante d'un tout autre temps et que finalement pour moi, ça n'a pas changé tant que ça.
Je suis restée quelqu'un qui travaille sans arrêt, par profession ou pour la famille, fait du sport avec sérieux et régularité, de la musique quand ça peut, et lit, lit dès que c'est possible. Peut-on changer ?
PS : J'aimerais souffler à la moi de 14 ans qui apprend, stupéfaite, la mort du chanteur, que longtemps plus tard, sur un truc qui s'appellera l'internet, on parlera de #DarwinAwards pour ces décès-là ; et qu'il sera mentionné dans une conférence TedX tenue en 2011 par Wendy Northcutt leur créatrice.
(1) Le scandale des données données ne m'a pas surprise, c'est juste un cran pire que ce que je croyais ; facebook nous sert à la librairie pour annoncer nos rencontres. Je suis donc restée.
(2) Peut-être faudrait-il quelque part désactiver une option qui le fait.
(3) Faire de ses défaites des trucs rigolos et pêchus. Ça mène pas forcément loin, mais ça permet la survie.
(4) Pure "just seeing" impression
(5) Je ne tenais pas du tout à ce qu'il soit quasi nu lui aussi, mais je trouvais ça injuste.
(6) J'aimais le sport, mais j'avais de très gros problèmes de coordination - d'où mon amour du foot où c'était Les jambes toutes seules et verticalement -. Ma pratique de la danse fut au début de ma part très volontariste : il s'agissait de me "guérir" de ça. Au bout de 20 ans d'efforts je pense être devenue comme quelqu'un de normal.
(7) FR3 est née le 6 janvier 1975 et sur notre téléviseur noir et blanc à syntonisation manuelle nous la captons imparfaitement. Je suis la personne qu'on appelle pour régler la 3.
La caméra super-huit de mon père
25 février 2018
C'était la camera de mon père, sa boîte telle qu'elle était. Souvenirs de vouloir m'en servir, de lui refusant de me la prêter. Peut-être un peu, si, sur le tard. Puis j'avais eu la mienne (grâce au comité d'entreprise).
Si seulement j'avais su que le métier existait, je pense que j'aurais tenté de devenir réalisatrice. C'était en tout cas ce qui m'attirait, j'inventais des histoires j'essayais de les filmer, de filmer aussi pour témoigner de la vie quotidienne.
Il est significatif de cette époque-là que figure sur l'image une femme et un garçonnet, l'implicite étant que l'objet contenu est destiné à l'usage d'un (bon) père de famille qui souhaite conserver trace de la vie des siens. J'aime retrouver ces objets en triant.
200128 1915
The not-so-secret Diary of Gilda, aged 13 5/12
28 août 2017
Quand j'avais lu Sue Townsend lors de la publication du tout premier Adrian Mole, j'avais adoré.
Apprécié sa façon d'écrire le faux journal d'un gamin de 13 ans 3/4
Voilà qu'à l'occasion de ce gros chantier de vider la maison où ma sœur et moi avons grandi et où vécurent pendant près de cinquante ans mes parents (du moins ma mère, mon père un peu moins, mort avant), je me replonge dans mes propres pages de carnet de bord de cet âge-là. À la différence qu'il écrivait pour s'épancher alors que je cherchais à noter des faits et considérais comme une faiblesse (et un danger en cas d'indiscrétion) d'exprimer des sentiments, à part pour le foot, bon sang comme ça ressemble et comme elle avait vraiment très bien su recréer le niveau de réflexion, d'écriture et de penser de quelqu'un de cet âge-là dans ces années-là.
En m'y replongeant, j'ai découvert au passage que mon diario 1976/1977 comportait une erreur d'impression (une page mars au milieu des février) qui m'était passée inaperçue. Amusant d'en prendre conscience quarante ans après.
Je crois que je vais entamer la publication de quelques extraits. Orthographe et couleur du graphisme d'époque.
* * *
mercoledi 23 febbraio
Je fis du piano puis allai avec Maman, Élise, Tante et Tonton faire des courses. Je revîns avec deux paquets d'images de foot. (dont Janvion) et échangeai avec Jean-Mi et Philippe avant de jouer avec eux. Après manger je ressortis et jouais au ballon avec Jean-Mi mais il s'ennuyait et décidait de rentrer pendant que je restais avec Élise. Ensuite nous (la famille) partîmes en forêt, croisant Jean-Mi qui partait à la zone. Là-haut, je m'embêtais à se renvoyer la balle sur un terrain en pente. Enfin nous partîmes mais je ne trouvais pas mon copain. Après un copieux goûter je ressortis et retrouvais les autres. Nous jouâmes à la "balle aux prisonniers" et au circuit sur la place avant d'aller manger. À 20h30 il n'y eut pas de match à la TV : grève.
écrit le 23/02/77
notes de l'auteur devenue quinquagénaire :
Les paquets d'images de foot ce sont les sachets d'images pour les albums Panini. J'en ai un (ou deux) de complets pour ces années là.
La zone c'est pour "la zone verte" là où nous avions dans le lotissement pavillonnaire notre terrain de foot.
Il s'agissait visiblement d'une période de congés scolaires et nous avions la visite de mon oncle Étienne et de ma Tante Geneviève.
Jouer au circuit : sur du sable ou de la terre pas trop dure nous formions un circuit. Nous avions des billes et des petites voitures pour marquer les positions. Nous visions avec les billes et posions les voitures là où les billes s'étaient arrêtées. Ma spécialité était de bâtir sur les circuits les ponts.
J'adore la phrase de conclusion. OK c'est de l'humour de niveau 13 ans, mais c'est de l'humour et j'en souris à présent.
Sinon comme je disposais d'(au moins) un stylo quatre couleurs dont le noir et le bleu s'épuisait alors que les autres couleurs non, j'avais décidé cette année-là d'écrire en vert les pages dont l'impression était verte et en rouge celles qui étaient imprimées en rouge. En ce temps là, dans mon milieu social on gâchait pas (et donc ne voir dans ce choix aucune considération artistique)
Un peu de Prévert
11 avril 2017
Il y a dix ans je postais ici un billet souvenir, un peu stupéfaite par l'attention que la moi de quatorze ans avait pu prêter à l'annonce de la mort d'un vieux monsieur poète. Mieux formulé : impressionnée par le fait que pour une gosse de banlieue dans les années 70, connaître Prévert, au moins un peu de son travail, allait de soi.
"En écoutant voiture radio su que Prévert mort"
(Mon diario n'était ni a visée littéraire ni réellement journal intime, plutôt, comme ici ?, un journal de bord).
Ce qui m'épate à présent c'est aussi d'avoir via le blog une mémoire rafraichie de dix ans (et plus).
PS : Quarante ans plus tard le "Regardé télé avec feu Malraux" me semble quand même un tantinet mystérieux.
[photo personnelle, 3 octobre 2016]
1972
24 février 2017
Les deuils peuvent être l'occasion de revisiter les vieux albums photos (du moins lorsqu'on est assez vieux pour que des photos de papier soient conservées en cette forme). Une de mes cousines m'a fait parvenir celle-ci.
Comme l'image a quarante-cinq ans d'âge je pense qu'à condition de n'y mettre aucun noms je peux la publier, et que son flou "vintage" préserve de toutes façons un certain anonymat.
Il s'agissait d'un anniversaire, c'était en Bretagne et un exploit de tous nous rassembler - conjonction de vacances scolaires communes (1), jours de congés pour ceux qui travaillaient -.
Cette image est typique des temps, coiffures, attitudes et vêtements. Pile typiques de la classe moyenne d'en France d'en ce temps.
La hiérarchie de nos tailles d'adultes ne sera pas celle de nos tailles d'enfants, d'adolescents. C'est amusant. Les aînés ont l'air plus âgés que des personnes de maintenant pourvues du même âge à présent. C'est assez frappant. Sans doute parce que l'on entre désormais plus tard dans la vie active, si l'on parvient à y entrer, que l'on reste plus tard aussi chez papa-maman. Pour des raisons de localisation, la plupart de mes cousins et cousines sont en pension dans la grande ville de leur respectif département. Il me semble que par la suite il y a eu davantage d'établissements dans des villes de taille moyenne, ou de ramassages scolaires organisés qui permettent aux collégiens, aux lycéens de rentrer chez eux après chaque journée.
À l'époque les familles équipées de plusieurs voitures sont rares. Généralement il y en a une, utilisée prioritairement par le père, lequel possède le travail qui fait bouillir la marmite. Si la femme travaille c'est presque toujours pour un salaire d'appoint, en complément.
Il y a une seule télé par foyer, le plus souvent en noir et blanc. 1972 c'est l'année où une troisième chaîne en France est lancée. On trouvait déjà que deux c'était pas mal. À l'époque du coup tout le monde regarde à peu près les mêmes trucs (ou s'en abstient), mais ça crée des références communes, un fond commun ("Je n'aime pas Guy Lux, je préfère Les dossiers de l'écran", "Léon Zitrone à l'enterrement de [célébrité ou tête couronnée] était vraiment très bien"). De nos jours il y a un grand éclatement, ce qui fait que chacun peut vivre à l'intérieur d'un même pays dans différentes sortes de petits mondes séparés. Je ne dis pas que c'était mieux ou moins bien, je constate simplement que c'est une des différences les plus flagrantes : qui passait devant un kiosque à journaux savait qui les gros titres concernaient ; de nos jours je pense qu'au quidam moyen d'âge moyen, la moitié des titres échappe complètement, d'autant plus que la presse "people", alors assez limitée, a fleuri entre temps. Dans les bureaux, les cours de récré, on parlait d'émissions qui la veille avaient été vues ou non mais en un choix déterminé, par tout le monde. Les retransmissions sportives étaient en nombre limité mais accessibles par tous.
Le seul "appareil" que nous portons sur nous est une montre, éventuellement. La plupart des familles disposent du téléphone et les communications ne passent plus par des opératrices. Mais les communications coûtent cher, on ne s'appelle pas pour papoter, si l'on veut se confier, on s'écrit des cartes ou des lettres de papier. Les enfants doivent demander la permission pour appeler un ami, par exemple s'il l'on a été malade et qu'il y a des devoirs d'école à rattraper. Les parents veillent à ce que la conversation ne soit pas indûment par des bavardages prolongée.
La maladie est toujours un sale coup, mais pas un tracas financier du moins pour les salariés, il y a la sécurité sociale. Les médicaments, les soins, les examens (beaucoup plus rares, seulement pour les choses sérieuses), sont remboursés.
Nos habits n'ont pas de marques particulières, ni nos souliers. Et s'il en existe, par exemple pour les lunettes - j'imagine qu'il y avait des fabriques différentes -, le sigle est discret.
1972 est l'année de l'insouciance, la dernière : en septembre 1973 il y aura le quasi assassinat du président Allende et qui marquera la fin d'un espoir possible, quoi qu'il advienne d'un peu social et pour le peuple, dans le monde occidental les USA mettront d'une façon ou d'une autre le hola. La guerre froide Est/Ouest semble un truc intangible, de toute éternité, rassurant à sa manière. Qu'on soit d'accord avec eux ou non et fors quelques dictateurs ponctuels et lointains, les dirigeants du monde d'alors sont des êtres responsables, ils vont éviter de faire tuer d'un seul coup le monde entier. Le premier choc pétrolier n'a pas encore eu lieu. La guerre la plus récente est loin (dans le temps) les guerres en cours loin (géographiquement). En Italie ça commence à barder, mais c'est encore diffus. Les années de plomb prendront corps pour moi avec les attentats de Bologna et l'enlèvement d'Aldo Moro (2). Enfant, j'ai l'impression que la guerre c'est en Israël-Palestine et au Vietnam, et que quand celles-ci seront finies ça en sera fini de la guerre partout. C'est tellement bête, la guerre. Il y a des famines aussi, confusément je crois qu'elles sont dues à des conditions climatiques, des sécheresses. J'ignore totalement qu'il y a des pays du monde où les femmes sont comme en prison, tenues à l'écart, sommées de s'habiller de telle ou telle façon, réduites à une forme d'esclavage domestique. Pour moi il est clair et très évident qu'une fille "vaut" autant qu'un garçon, voire plutôt mieux vu qu'ils perdent plein de temps à faire la bagarre, mon dieu qu'ils sont bêtes. Si autour de moi les femmes sont plutôt cantonnées aux travaux de la famille et de la maison c'est parce qu'avant l'invention des médicaments beaucoup de bébé mouraient alors il fallait en faire naître le plus qu'on pouvait pour qu'un nombre raisonnable survive. C'était une répartition des tâches concertée pour la survie d'une famille et de l'espèce. À présent pas de problème alors les femmes peuvent travailler à l'extérieur, ce qui est quand même beaucoup plus intéressant que faire toujours le même ménage et les mêmes repas à la maison, et même une enfant sans arrêt malade comme je l'étais peut survivre et aller à l'école (3).
Il y a du travail pour tous ceux qui le souhaitent, pas toujours facile, pas forcément bien payé, suffisamment pour en vivre à condition de "faire attention".
Le chômage, quand il survient, est indemnisé sans limite de durée, puisque forcément à un moment, à moins d'être un glandeur on finit par trouver.
Il y a un début d'illusion d'avoir le choix de ses avenirs. Qu'est-ce que tu aimerais faire plus tard ?
Dix ans plus tard, c'était rapé (à moins d'avoir les moyens de financer des études incertaines, ou s'installer dans un métier en indépendant, ou enchaîner des stages gratuits avant d'obtenir un contrat).
Le travail que quatorze ans plus tard j'exercerai n'existe pas encore tout à fait. Celui que ma mère effectuait avant ma naissance est sur le point de disparaître (4). Pour autant sur le moment on a l'illusion d'une certaine immuabilité.
Ça commence à s'assombrir dans les mines, les grandes industries. Mais lorsque l'on n'est pas d'une région concernée on peut encore se permettre de l'ignorer.
Il y a des soucis de pollution mais pour des choses de taille, l'énergie nucléaire qu'on installe sans savoir comment traiter les déchets, des usines chimiques dangereuses, des risques accidentels. Les poubelles ne sont un souci pour personne, ni circuler en voiture - l'avion est réservé à une élite de fric ou à ceux qui ont des déplacements professionnels ou liés à une activité (sportive par exemple) -. On sait que fumer n'est pas très bon pour la santé, d'ailleurs ça fait tousser. Mais si c'était si mauvais, ça se saurait.
On croit vraiment au progrès, tout avance si vite, et le confort accessible de plus en plus à tous. Des solutions à tout seront bientôt trouvées. On a de l'an 2000 des images de science fiction.
En attendant pour la vaisselle, quand on a comme ça des repas de famille, on s'y met tous, les jeunes, à un moment donné, y a qui lave, qui rince et qui essuie. Je suis fière d'être assez grande pour participer à l'essuyage (mais pas les verres, pas les verres en cristal, c'est trop fragile).
Voilà, 1972 c'est une année où du moins en France, dans une région pas trop reculée, on peut croire en un avenir meilleur, joyeux et partagé, où quand on s'y met tous, sont rigolotes même les corvées.
(1) à la mémoire en ce temps là c'était beaucoup moins zoné, ce qui permettait de se retrouver entre cousins de régions différentes.
(2) qui me marquera car je percevrais (sans trop savoir l'analyser, du haut de mes 15 ans) qu'il aura été tué pas tant par la bande de pauvres embrigadés bien embêtés d'avoir à le faire (sans doute en quelque sorte les équivalents de certains des djihadistes de maintenant : idéalistes, n'ayant pas leur place dans la société, facilement embarquables dans des structures qui les adoubent en apprentis héros après injection d'une idéologie de type tout-en-un, ensuite il est trop tard pour dire que ça va trop loin, que le monde meilleur pour lequel on voulait s'enrôler est en fait bien pire, et de loin) que par ceux de son propre camp qui l'auront lâché, trop contents de se saisir de la place vacante. J'avais l'impression, vraie ou fausse, que cet homme n'était pas le pire de ceux qui détenaient du pouvoir. Bref : double mauvais casting, cinq plus un morts, au moins.
(3) À l'époque je raisonnais ainsi, j'avais neuf ans.
(4) perfo vérif
PS : Et déjà je n'aime pas être sur la photo mais préfère tenir l'appareil, si l'on consent à me le confier.