Un très ancien passé

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Pour cause de recherche d'emploi, me voici retournée dans une ville de mon très lointain passé : j'ai grandi tout près mes premières années, c'était la grande ville voisine où ma mère et moi allions en voiture lorsque mon père ne la prenait pas (une Aronde) pour aller à son travail à l'usine qui à l'époque était Simca. 

J'y suis très peu retournée depuis, dont une fois en 2006 mais alors en état de choc, sous l'effet d'une rupture d'amitié subie pour moi incompréhensible. J'y étais allée pour une consultation médicale, laquelle m'avait bien aidée même si sur le moment je me sentais plus désemparée que jamais. Je me souviens d'avoir téléphoné à une amie qui m'avait aidée à reprendre mon souffle, puis d'être allée achever de reprendre mes esprits à l'abbatiale, dont je me souvenais. Puis j'avais repris le train (ou le RER). Autant dire que je n'avais pas vraiment revu la ville, si ce n'est l'usine au loin par la fenêtre du cabinet médical.

J'avais également retraversée la ville lors de différents trajets et j'avais déjà remarqué que je me souvenais des axes de circulation, que je n'y avais pas perdu l'orientation.

Cette fois-ci comme j'étais un peu à l'avance et que malgré le froid, après l'entretien également, j'ai souhaité revoir la ville, j'ai davantage redécouvert de lieux. Il y a beaucoup plus d'habitations, d'anciennes bâtisses ont disparu. Le centre ville a conservé une bonne partie de lui-même, une foule de petits souvenirs sont venus me rejoindre, la poste, la mairie, un square (où sans doute je faisais du toboggan), certains immeubles bas, neufs alors, vieux maintenant, où nous passions ou dans les boutiques de rez-de-chaussée desquels nous faisions quelques emplettes (1). Je me suis souvenue de la boulangerie dans laquelle, comme une récompense, ma mère s'achetait un gâteau et pour moi un pain au chocolat. C'était un grand luxe, ressenti comme tel, et j'avais compris qu'il valait mieux ne pas, sous peine de tempête conjugale, en parler à Papa. 

Pendant pas mal d'années, plus tard, nous repassions par là : un usage de l'usine permettait aux veilles de ponts ou week-end prolongés, de bénéficier "gratuitement" d'une demi-journée de congé sous réserve qu'un hiérarchique accord un "bon de sortie". Alors ma mère, de Taverny où nous habitions alors, nous emmenait ma sœur et moi jusqu'à l'usine d'où mon père sortait et qui prenait le volant jusqu'à Normandie ou Bretagne où nous allions retrouver la famille. Treffpunkt Poissy. 
Cette ville avait pour moi une aura de l'anticipation des retrouvailles avec mes cousins - cousines (2).

Enfin j'ai un souvenir vif d'une "opération portes ouvertes" alors que je devais avoir une dizaine ou douzaine d'années : nous avions pu enfin, nous les petites familles, visiter l'usine, une belle et instructive visite guidée. M'en était resté une indulgence infinie pour mon père - comme une prison mais tu n'as rien fait de mal -, et des impressions fracassantes : le bruit assourdissant des presses et l'odeur suffocante de l'atelier peinture, pourtant délicieusement spectaculaire (des carcasses de voitures avançaient dans une cuve et en ressortaient toutes teintes ; aux êtres humains les finissions). Je me souvenais d'un bâtiment en brique tandis que tous les autres étaient des hangars métalliques.

En repartant, via le RER A, je l'ai entrevu, ainsi que l'ensemble de l'usine, son impressionnante étendue, et le château d'eau si particulier qui la rendait repérable de loin. Songé avec émotion aux années de souffrance de mon père, qui était parvenu à force de travail à s'extraire des ateliers, mais cependant y se faisait violence de s'y tenir, d'y aller. Fullsizeoutput_19b4 

Être amenée à travailler dans cette ville, dans un métier que j'aime, alors que je m'approche de la fin de ma vie professionnelle, aurait pour moi un sens. Quelque chose qui dirait que le sacrifice de mon père d'avoir enfermé ses meilleures années, n'aurait pas été vain.

 

 

(1) Un supermarché, un des premiers en France venait de s'ouvrir en bas de la colline à Chambourcy mais nous y allions, me semblait-il, avec circonspection. Ma mère (et de fait moi) fréquentait encore majoritairement des boutiques où l'on entrait et où l'on demandait ce qu'il nous fallait sans toucher à rien qu'on ne nous ait donné parce que nous l'avions payé. En tant que petite fille que mettaient terriblement mal à l'aise les amabilités forcées des grands, inutile de dire que ma préférence allait tout droit au supermarché, en plus que c'était comme un tour de manège d'être perchée dans le chariot.  

(2) Curieusement, un de mes cousins m'a téléphoné alors que j'étais en chemin, comme s'il maintenait ainsi une vieille tradition. 

 


Première punition


    Je lis chez Oncle Tom un billet sur [Sa] première heure de colle, pour un motif qu'il n'avait pas vraiment compris. Le monde des adultes avait décidé qu'un passe-temps discret au collège était interdit, le puni et ses amis n'en savaient rien sur qui la foudre de l'autorité s'est abattue leur donnant, puisqu'ils n'avaient pas été avertis que c'était interdit, un sentiment d'injustice, de ceux qui changent une vie, ou au moins une façon de voir les choses.

C'est amusant car en lisant des articles sur l'obligations désormais de la scolarité à 3 ans, j'avais repensé, moi aussi, à ma première punition. C'était en maternelle et je devais avoir ça comme âge, 3 ans ou 3 ans 1/2. Ma mère comme j'étais de la fin de l'année avait sans doute procédé à mon inscription en cours de celle-ci car à 2 ans 1/2 j'étais trop petite je crois. Je débarquais dans un monde inconnu où les adultes criaient des ordres, où l'on nous demandait de faire des choses bêtes et où j'avais du mal à comprendre le parler-enfants de mes petits camarades. On n'apprenait pas à lire, rien de tout ces trucs de grands que j'entrevoyais quand la famille avec les cousins et cousines plus âgé·e·s venaient à la maison ou qu'on allait chez eux. On nous demandait de dessiner des choses obligées, par exemple une châtaigne, un marron. Moi, j'avais envie de dessiner ce qui me plaisait. 
Et voilà que très vite ma première punition (je crois qu'il fallait aller au coin le dos tourné à la classe) m'était tombée dessus : j'avais bavardé.
Or, j'ignorais totalement que ce fût interdit. Peut-être parce que j'arrivais en cours de route, personne ne m'avait dit : ici quand on fait le dessin obligé, on se tait, je n'avais pas de grand frère ou grande sœur pour me tenir au courant de la discipline scolaire, les parents ne m'avaient pas briefée autrement qu'en me disant Sois sage. Visiblement le Être sage de l'école n'était pas celui de la maison. 

Je garde de cette punition à mes yeux inexplicable le sentiment que l'ordre de ceux qui décide n'est pas forcément le bon, une sorte d'inquiétude diffuse qui ne m'a jamais lâchée (Est-ce qu'on devient bête en devenant grand ? Remplacée plus tard par "en devenant vieux" ?), tant il était évident à mes yeux que l'institutrice avait tort, et qu'on dessinait beaucoup mieux en parlant.

Et puis de toutes façons une école où l'on n'apprenait pas à lire, qui était, je l'avais saisi LE secret magique des grands, c'était nul. 

Bonne rentrée ou la moins mauvaise possible à toutes celles et tous ceux que le rythme scolaire concerne et qui redémarrent cette semaine.  

 


J'ai une poupééééée

Un moment entre 9h et 10h du matin, conversation sur twitter au sujet des rengaines entendues dans l'enfance et dont on ne perçoit pas sur le moment le sous-texte adulte, ou bien la lecture différente qu'on en fait parce qu'enfant.

Ainsi pour moi qui avais 3 ou 4 ans Michel Polnareff jouait réellement à la poupée et je trouvais ça plutôt bien, qu'un adulte prenne le temps de jouer - quant au côté genré de l'affaire il m'échappait totalement -, et Sheila était tout heureuse quand venait l'heure de sortir de l'école - je voyais Sheila un peu comme mes grandes cousines, et donc elles allaient à l'école des grands où l'on apprenait plein de choses que j'avais hâte d'apprendre à mon tour -.