Patience et politesse font plus que force ni que rage


    C'est peut-être un des rares trucs que j'ai appris en vieillissant : la logique en ce bas monde ne vaut que pour les sciences, les vraies. Et probablement le fonctionnement interne externe de notre planète et des galaxies. En revanche pour tout ce qui dépend de l'être humain, elle n'est que vassale et relative.

Inutile de lutter.

Pas de façon frontale.

J'ai mis du temps à piger, moi qui jusqu'à l'amour ai fonctionné comme un gentil ordi tombé dans un corps de petite femelle.

Par trois fois ces jours-ci de l'avoir compris m'a servi. Et aussi d'être consciente que dans notre époque plus troublée en Europe que les deux ou trois décennies qui l'ont précédée, dans un monde où le travail décemment rétribué n'est plus la norme, et où les dispositifs électroniques ont posé des contraintes que peu savent contourner il faut savoir ne pas trop en demander.

Il y a eu la déchetterie. Maison de ma mère presque vidée, entreprise de travaux sympathique et efficace mais qui n'a pas pris en charge (tous) ses déchets, voilà que nous devons aller vider trois fois trois grands sacs poubelles de différents déchets. Je porte le même nom qu'elle, j'ai mes papiers d'identité, je me suis munie d'une facture récente (EDF ou eau) concernant sa maison. Dans ses documents, fort bien tenus, bien rangés, je n'ai pas retrouvé de carte d'accès : comme il convenait d'y aller en voiture et que les dernières années consciente de n'en être plus capable elle ne conduisait plus, elle n'avait sans doute pas fait les démarches nécessaires à son obtention ou son renouvellement. 
Ponctuellement un peu plus tôt, un voisin nous a prêté sa carte. Un dimanche un gars à l'accueil nous avait dit, OK pour aujourd'hui, si pas trop de quantité. Mais là, les gars, moins à l'aise ou trop contents d'exercer leur petit pouvoir, nous laissent passer pour un voyage et refusent au deuxième. 
Nous voilà donc dans les bureaux en train de parlementer. Car il faudrait pour que tout aille bien le certificat de décès et comme celui-ci remonte à février je n'ai plus en juillet, le réflexe d'en avoir un en permanence sur moi, histoire de parer à tout éventualité (1). Il faudrait même idéalement copie de ses impôts fonciers ou de sa taxe d'habitation. 
Tout ça pour jeter, seulement sur une journée, d'anciens papiers peints, quelques vieux objets et d'antiques cartons en voie de décomposition. 
Nous leur posons problème, et le big chef, peut-être déjà en congés est absents. Une personne appelle un collègue et qui hésitent à en référer à leur responsable immédiat. J'explique sans m'énerver, je réexplique aux personnes successives, en ajoutant que comme nous profitons d'un jour de congés nous ne pourrons pas revenir avant un dimanche ou le 14 juillet férié. 
Plus jeune je me serais sans doute énervée, c'était si absurde, ou j'aurais fait de l'humour, On dirait que vous craignez qu'on vous dépose un macchabée. Avec l'âge j'ai appris : à exposer mon cas, puis me taire. Sans bouger.
L'âge lui-même est pour quelques temps (2) un atout : nous sommes deux pré-petits vieux, presque l'âge de grands-parents, d'apparence ordinaire parlant un français courant sans accent régional (du point de vie de l'Ile de France s'entend) : a priori pas dangereux, rien de clivant [je n'en tire aucune fierté mais j'ai plus d'une fois constaté que c'est comme ça que ça marche même si ça n'est pas normal], voire au contraire : parfois mon nom italien s'est révélé en France un atout, souvenirs de vacances ou d'amours de jeunesse ou de beautés d'art, qui sait ?
Le chef un peu plus grand, réfrénant son agacement a jeté un œil à notre chargement puis consenti au déchargement. 

Il y a eu la dernière étape du tour de France. En tant que petite dame qui fait du vélo j'ai participé au petit circuit final, dimanche dernier avant les pros. C'était vraiment un bon moment.
Les consignes de sécurité étaient très strictes et respectée, tout le monde s'y pliait volontiers : les dernières années nous ont appris que dans la mesure où les terroristes de maintenant souhaitent mourir, se veulent martyrs, tout peut être envisagé, jusqu'à une participante au vélo piégé. Le hic fut qu'après la joyeuse manifestation, il nous était impossible de retourner vers le côté nord des Champs Élysées. Nous étions même obligées de franchir le pont Alexandre III, pas le choix. 
Je devais rejoindre l'homme de la maison du côté de la librairie où j'avais travaillé et été si heureuse il y avait quelques années, et n'avais pas spécialement envie de remonter jusqu'à La Défense pour redescendre après. D'autres femmes devaient repartir elles aussi de l'autre côté. 
Seulement voilà, après avoir franchi le pont suivant dans l'autre sens, impossible de regagner les Champs pour les retraverser - par exemple en utilisant le passage souterrain de Franklin Roosevelt ce que nous avions fait à l'aller -. Vous ne pouvez pas entrer sur le périmètre avec des vélos. Oui mais en fait on a des vélos parce qu'on vient de participer vous savez [ça se voyait nous avions sur nous les beaux maillots distribués et nos vélos n'étaient pas quelconques]. Non pas de vélos. 
Alors à trois (ne pas être trop nombreux ni non plus seules dans ces cas là) nous avons poursuivi en remontant vers la place de l'Étoile et en posant poliment la question à chaque fois, Pourrions-nous passer, là ? Nous venons de participer à la boucle pour les femmes, mais nous habitons vers l'autre côté ?

Et au bout de Trois accès "Pas de vélos, c'est interdit" nous sommes arrivés à un point d'entrée, où les trois personnes chargées de filtrer n'ont fait aucun problème. Mais bien sûr, et bravo.  J'ai pu in extremis retrouver mon homme, lequel commençait à se dire que ça faisait trop longtemps que tout était fini (et n'avait pas pris son téléfonino sur lui) et s'apprêtait à repartir, dépité.  
Il suffit de trouver le bon, commenta une de mes camarades de circonstances.

 

Il y aura donc eu aussi cette réinscription à mon lieu principal d'écriture. Ma carte est annuelle, et je la renouvelle dans les derniers jours de sa validité, choisissant généralement le jour pour lequel j'ai du temps, pas un de ceux où je dois ensuite filer travailler. Mais pour accéder aux bureaux des inscriptions il faut un numéro d'appel, disponible lui aux points d'accueil. Sauf que la personne à laquelle mon ordre dans la file d'attente m'a fait le demander a dit qu'elle pouvait la faire directement puis en voyant ma carte que comme celle-ci était valable encore deux jours qu'il fallait que je revienne après la fin effective de sa validité. J'ai vu son nez qui s'allongeait - ça me fait souvent ça face aux menteurs, mon père me racontait Pinocchio le soir quand j'étais petite et quelque chose m'en est resté -, ai juste tenté d'objecté que les autres années ça se faisait les jours précédents ce à quoi elle a rétorqué, Le logiciel a changé. La mauvaise foi était resplendissait.
Je n'ai pas insisté. J'ai poliment salué. 
Je suis simplement revenue ce matin à une heure sans file d'attente, ai choisi de m'adresser à un homme jeune qu'un plus âgé "coachait" pensant qu'ils auraient à cœur l'un d'expliquer au mieux l'autre de réaliser. Et comme disaient les jeunes c'est passé crème, ils m'ont même rajouté les deux jours qu'en renouvelant sans tarder je "perdais" - d'un autre côté renouveler ainsi me permettait de ne pas avoir à ressaisir tous mes documents actuellement consultés -. En fait ce qui avait changé c'était qu'il fallait obligatoirement établir une nouvelle carte plutôt que de garder le même objet. Me voilà donc avec une photo de moi réactualisée, ce que je préfère : la précédente datait d'une période de ma vie qui est vraiment finie.

Il est quand même dommage d'être souvent confronté-e-s à de faux barrages. Mes petites anecdotes ne sont que de l'ordre de la perte de temps, de la contrariété. Je songe alors à ceux qui le sont pour des questions vitales, qui fuient une guerre, ou la misère, ou auraient besoin d'un traitement qui les sauveraient, et qui se heurtent à quelques mauvaises volontés alors qu'un tout petit peu d'huile d'humanité pourraient en leur faveur dégripper un rouage, débloquer la situation, éviter d'en passer par des intermédiaires escrocs.  Si collectivement on le voulait à fond, ça serait presque toujours l'intelligence qui en viendrait à l'emporter, l'entraide, l'accès. Peut-être un jour, qui sait ?

 

 

 

 

(1) Conseil que je donne à tous ceux donc un très proche meurt et qui sont en charge des démarches : tant que la succession n'est pas débouclée, toujours en avoir un avec soi. Ne cherchez pas à comprendre, c'est comme ça.
(2) Le très grand âge n'en est pas un : on peut se faire traiter comme un vulgaire objet. 


Ce n'était pas ma première surprise party (mais mon premier triathlon, si)

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C'est très étrange la façon dont le paysage de ma vie a changé depuis fin octobre, les choses semblaient aller dans une direction, et puis des événements surviennent, et voilà que nous nous retrouvons orphelins (à un âge où il est raisonnable de l'être, ne nous lamentons pas) et à la fois lestés de chagrin et délesté de toutes sortes de contraintes concrètes et de la peur que nos parents aillent mal (1), je suis appelée à prendre un emploi dont je n'aurais pas osé rêver (même si il va falloir bosser dur pour être à la hauteur, bon sang que ce défi me plait), et le triathlon auquel je souhaitais m'appliquer depuis que nous étions allés à Bruxelles encourager Pablo qui y faisait le marathon (octobre 2011, me semble-t-il) est enfin devenu une réalité (2).

C'est génial et beaucoup de bonheur après avoir essuyé bien des tempêtes de pouvoir enfin remettre de la voile et voguer vers ce qui correspond à ce qu'on ressent comme bon.

Une fois la maison de ma mère vendue et le déménagement effectué, je pourrais peut-être même enfin aborder l'écriture sans être requise par divers devoirs, mon temps confisqué ainsi qu'il l'a été.

Pour commencer ce fut un XS et comme ce club est bien organisé et accueillant qui attribue à chaque newbie un parrain (ou une marraine) et que le mien est formidable, je n'étais pas seule, j'étais accompagnée et soutenue tout du long - alors qu'il eût fait tout ce parcours beaucoup plus vite sans moi, voire surtout le M qui est une vraie distance -.

Pour la première fois depuis bien longtemps je n'ai pensé à rien de la marche du monde, fors des considérations environnementales, car ce lac est si sale. Ça gâchait le plaisir de nager.

J'ai oublié les chagrins. L'action les dilue.

JF était allé me chercher mon dossard la veille. Ce qui fait que j'ai pu arriver sur la zone de transition assez vite, déposer mon vélo, et me mettre dans la file d'attente pour les toilettes - deux seulement c'était trop peu, Ah, la rangée de toilettes sèches du No Finish Line ... -. Était-ce un effet de la météo favorable ? Je n'ai pas eu de besoin de pipi intempestif comme ce qui m'a saisie lors des 10 km de CAP faits par temps froid. Là, impeccable, aucune gêne, aucune envie pressante, rien.

Seuls petits tracas physiques, et qui eurent lieu après : une sorte de contraction des boyaux, très bizarre, sans autres conséquences (dieu merci) que la douleur même et le souffle coupé, et presque systématique après un effort long. Il ne faut surtout pas que je me penche vers l'avant après une course. Et puis une très étrange sorte de crampe .. à la main droite (?!) alors que je poussais mon vélo en marchant à côté afin de rejoindre les amis pour encourager les autres dans l'après-midi. J'en ai parfois de la même eau aux pieds après (à la fin de) la danse. 
Durant la course, aucun problème d'aucune sorte, si ce n'est un point de côté vers le milieu de la CAP qui souhaitait pointer son nez, j'ai un peu ralenti, il a passé son chemin.

La natation ne s'est pas bien passée : oppressée (première fois que je nageais en combi), je ne suis pas parvenue à trouver le rythme. Je faisais quelques crawlées puis je devais regarder d'où j'en étais. Le fait que l'eau soit totalement opaque participait de la sensation de ne pas parvenir, ou si lentement, à avancer. J'avais l'impression aussi que ma respiration sifflait (3).

Au bout du compte un parcours pourtant parmi les plus rapides que j'aie jamais fait, ce qui [me] surprend.

Capture d’écran 2017-05-21 à 19.28.47(Le temps officiel dit 19' mais il y a eu un moment où l'on était dans l'eau sans pouvoir avancer parce que ça bouchonnait ; j'ai déclenché ma montre quand j'ai pu réellement avancer)

L'autre sensation étrange c'est le mouillé - pas mouillé dans lequel la combi nous met, et peut-être que mon corps était un peu trop occupé à déterminer s'il était ou non trempé. 
L'eau était à 17°c. Ne m'a pas semblé froide.

Découverte : dans ce lac on n'a pas pied.

Pour la prochaine fois (conseil des expérimentées) : il faut remonter la combi au maximum afin de n'être pas gênée dans l'amplitude des bras. 

Les transitions furent une bonne surprise. Avec mon vieux système de cale-pieds je gagne un temps fou à n'avoir pas deux changements de chaussures à effectuer. J'avais pris le parti de courir sans chaussettes et c'était mieux ainsi. La serviette par terre. Seuls les pieds ont réellement besoin d'être essuyés. J'avais pris le petit coupe-vent sans manche du club. Était superflu par cette bonne chaleur (plus de 20°c le soleil qui donnait). Finalement ôter la combi était facile même sans points de vaseline.

De même les lentilles de vue étaient superflues : la nage n'était pas si longue qu'il fallait voir de très loin, il suffisait de suivre ceux qui précédaient. Et par ailleurs mes lunettes de vélo course à ma vue sont formidables.

La bonne surprise fut le vélo : ça déroulait tout seul. En fait mon cœur qui bat vite et mes jambes solides me rendent plus simple le fait d'enrouler gros (enfin, gros pour moi). J'ai failli me manger un rollerman indélicat qui n'écoutait pas le stadier de route. À un embranchement ils avaient laissé passer une ou deux voitures ce qui rendit dangereux. Mais globalement c'était très étrange de ne pas devoir tenir compte des feux rouges ni de la circulation. J'aurais pu aller plus vite, si je n'avais pas ralenti par automatismes aux croisements. J'ai fait du 22 km/h environ.

La course à pied m'a seulement posé le tracas d'être incapable d'accélérer. Le cœur, sinon, ce serait emballé. Mais j'aurais pu faire un tour de lac en plus sans problème. Voire deux.

Présomption : croire que j'avais les bras de par mes petits entraînements de CAP amarinés au soleil. Alors j'avais pris la précaution de mettre mon pantalon souple noir par dessus un cuissard de cycliste, jambes protégées. Ils ont cramé. Comme aux plus belles heures des Roland Garros où j'allais.

Mon parrain a fait le retour avec moi à vélo, tranquillement. J'ai apprécié l'attention.

Belle ambiance de club, les uns restants pour encourager les autres. C'est amusant de s'y retrouver à trois des nageurs matinaux de Clichy (des années précédentes).

Un café 1,10 € au café près de la gare où ils sont accueillants et où les toilettes sont nickel. J'en ai profité pour me passer le visage à l'eau. Je crains des conséquences d'avoir trempé dans celle du lac.

Comme j'ai nagé bien trop lentement, le passage nage vers vélo n'a pas tout à fait eu lieu. Comme si j'avais nagé au pas. En revanche descendre de vélo et se mettre à courir, ça donne quelques foulées bizarres, comme si les jambes étaient aussi moles que les montres de Dali. Mais pourtant elles avancent. C'est le cerveau qui peine à passer de la config moulinage à la config allonger une foulée.

Il y avait une consigne vrac pour les sacs. Une vraie surveillance à la sortie vélo (numéro vélo = numéro de dossard).

J'avais pris un antivol léger que je n'ai pas laissé dans le sac de sport que JF a remporté. Bien vu, fut très utile. 

Il faut glisser son dossard dans le dos pour le vélo et devant pour la course. Ne pas ôter la jugulaire de son casque de vélo avant d'avoir posé celui-ci à son emplacement.
Pour les hommes, ne pas ouvrir sa trifonction dans les zones d'arrivées ou de transition. Les femmes sont moins soumises à cette tentation.

Quelqu'un a partagé des sandwichs et une banane. On a pris un petit en-cas dans une boulangerie (pour moi : feuillette chèvre épinards). Remangé deux ou trois bricoles (quartiers d'oranges, pain et jambon glissé dedans) avant qu'ils ne replient le ravitaillement. J'ai gardé mes gants de vélo pour courir. Ça n'était pas gênant. J'ai aussi absorbé peu après l'effort une barre énergétique et un gel. Dans mon bidon de l'eau avec des gouttes de vrais citrons. C'était parfait. Pas pu boire pendant le vélo, mais la distance était trop courte.

Le triathlon, c'est euphorisant. En plus que les personnes que l'on croise sont belles d'allures, pour la plupart. 

J'ai soupesé quelques vélos modernes. Est-ce que ça changerait quelque chose dans mon cas ? J'aime mon vieux biclou. 

Je crois pouvoir affirmer qu'à part un mauvais quart d'heure (au sens littéral) de nage en combi, j'ai connu aujourd'hui le bonheur. L'Homme était venu m'encourager. Et ça m'a fait beaucoup de bien au moral.

Me suis régalée à prendre des photos bien qu'avec le seul téléfonino. Penser une prochaine fois à lui confier l'appareil photo afin qu'il me le passe pour la suite.

Je suis agréablement surprise par mon peu de fatigue. Preuve que je devrais pouvoir accomplir de plus longues distances ou aller plus vite.

Curieux de nager, pédaler et gambader là où dans un mois je vais venir à un événement prestigieux (4), et vers là où je ne travaille déjà plus.

 J'aimerais pouvoir m'aligner sur le M l'an prochain. Les temps ne m'ont finalement pas semblé si intenables. Seul le 1,5 km de nage avec combi me semble inaccessible (pour l'instant).

 

Il aurait fallu que je puisse pour le suivant participer sur les distances suivantes : 1 km de nage, 25 à 30 km à vélo, 7 km de course à pied, qui n'existent pas. Il me faudra donc me confronter à du M qui est un tantinet présomptueux pour moi. Peut-être que s'il fait beau ça ira. 

 

[crédit photo : Agathe Conte]

(1) Je sais que ça peut sembler bizarre. Mais ça me rappelle un vieil écrivain chilien (je crois) qui racontait dans les années de dictature une forme de soulagement à se retrouver en prison (une prison où ils étaient à peu près traités correctement) : la peur de l'arrestation, la tension permanente s'était de facto trouvée allégée. Il y a de ça : fini le souci qu'ils souffrent et se sentent mal, la peur d'être appelés en urgence.  

(2) Je m'étais à la fois dit qu'il était grand temps qu'en sport je passe à la vitesse supérieure et pas seulement nager deux matins par semaine et danser une fois et que le marathon mon corps ne voudrait pas ou du moins pas tant que j'aurais un travail physique. Qu'il fallait que le sport l'entretienne et ne l'entame pas. Et puis j'avais hérité je ne sais plus exactement comment d'un tee-shirt "triathlon" lancé par une femme de mon gabarit et je l'avais pris comme une transmission. Tu dois en faire quelque chose.

(3) D'une façon générale j'ai eu la sensation que ma respiration n'avait pas toute son ampleur.

(4) Remise du prix Marcel Pagnol avec Claude.

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BDJ : La révélation

 

    Ordonque tu mets des Italiens ensemble de quelques îles que ce soit, arrive s'ils ont plus de 20 ans 30 ans 40 ans toujours un moment dans la conversation où il vient question d'opéra, quand bien même le premier concert de l'un ou l'autre en amoureux fut Spandau Ballet. Ça n'a pas manqué et je me suis régalée. 

À un moment donné, Michela a alors fait remarquer que ceux de Mozart étaient plutôt sympas, qu'il y avait des morts mais c'était toujours des méchants qui l'avaient bien cherché, alors que les opéras italiens sauf chez [zut j'ai oublié son nom] n'étaient qu'une suite de féminicides, avec toutes les variantes possibles, en incluant le suicide après y avoir été acculées.

Je l'ai toujours su. Je ne l'avais jamais remarqué.

 

PS : Et au passage pour répondre à une question qui n'a pas été abordée frontalement, mais on s'en approchait : pourquoi les amoureux sont-ils toujours une soprano et un ténor ?

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Nos points de rupture

C'est l'effet conjoint d'un doux message amical, lequel me fait remarquer que pas à pas je m'approche de mes aspirations, et du Affichez vos souvenirs de FB lequel m'a rappelé aujourd'hui d'heureux moments à Livre Sterling, et d'autres où j'étais triste en 2013 mais compréhensive quant au grand Belge qui m'avait apporté un si violent chagrin, ce que je ne saurais plus être depuis son message insupportable du 8 janvier 2015 et ma naïveté incurable qui me l'avait fait prendre à la mention de son arrivée pour un mot de condoléances, qui m'a fait songer à nos points de rupture.

Ces moments dans une existence qui font que l'on n'est plus tout à fait les mêmes après. Même si certains fondamentaux ne varient pas (l'amour des livres, dans mon cas, le bonheur de la nage tant que ça m'est possible ...).

J'ai désormais assez d'historique pour pouvoir établir un bilan.

J'ai changé après :

- 22 novembre 1963
- un jour de juillet 1982  
globalement l'ensemble du séjour d'une douzaine de jours que j'effectuai à Oxford cette année-là
- janvier 1983
- un jour de juin 1986
- un jour de novembre 1986 (1ère arrivée à Ouagadougou)
- 15 octobre 1987
- novembre 1989, à la fois la chute du mur de Berlin et le voyage en Californie
- 13 avril 1990
- un jour de l'automne 1991 
- 27 juin 1995
- un jour du printemps 1998 (premier concert comme choriste à Prague)
- septembre 1998 et les concerts au Stade de France
- 19 février 1999 
- 11 septembre 2001
- 7 novembre 2003
- 15 août 2004 lorsque constatant son état alarmant je fais hospitaliser mon père et que j'entends le médecin qui doit négocier pour qu'une place lui soit faite
- 7 janvier 2005 et 12 juin 2005
- juillet 2005 et l'expérience de l'Hôtel des Blogueurs
- les coups durs successifs de l'automne 2005 et l'apogée de la violence émotionnelle le 17 février 2006
- 24 septembre 2007 et 28 août 2008
- un jour du printemps 2009 que je ne sais plus dater (et où je suis confrontée pour la première fois au déni ailleurs que dans la vie professionnelle où je l'avais toujours pris pour des bouffées de mauvaise foi)
- 20 janvier 2009 mais hélas pas pour l'investiture de Barack Obama
- 2 octobre 2011 (le déclic vers le triathlon)
- 7 et 8 janvier 2015
- 13 novembre 2015
- 3 juin 2016
- peut-être le 9 novembre 2016 mais ça n'est pas encore certain

J'ai vécu bien d'autres choses et formidables et terribles, bien d'autres choses qui ont comptés, des moments intenses, des rencontres, mais elles ne m'ont pas modifiée. Là ce sont les points de rupture, ceux qui font qu'en relisant par exemple ce qu'on avait écrit la veille, on a l'impression qu'on n'était pas la même personne à l'avoir écrit. On avait subi un déplacement, une transformation.
Il y a parmi elles davantage d'événements qui bouleversent par le bonheur qu'ils auront apporté que je ne l'aurais cru. Dans la vieille Europe de la fin du XXème siècle et du début du XXIème nous sommes encore, par rapport au reste du monde, des privilégiés dont les moments clefs d'une vie ne sont pas que des calamités.

Il y a des moments très forts qui ne sont pas éléments de changement, mais plutôt une consécration de ce vers quoi l'on tendait. Ils ont l'intensité d'un but atteint ou d'un échec confirmé, parfois la violence d'un chagrin, mais sans bouleverser la logique des choses et notre perception du monde. Ils ne figurent pas dans ma liste. Exemple typique : l'obtention du baccalauréat, du permis de conduire, certains nouveaux emplois, la première publication en papier.

Si je devais me montrer plus sélective je ne retiendrais que les dates en gras. Trois d'entre elles correspondent à des attentats ou leur lendemain, dont deux ont eu des conséquences directes sur le cours de ma vie même si j'ai eu la chance de n'être pas immédiatement concernée. J'espère n'en pas trop ajouter de cet ordre dans les années à venir.


Bécassine béatitude absolue

(Vous avez le droit de vous moquer)

J'ai traversé toute ma vie loin du luxe - fors quelques parenthèses un peu "fiançailles de Frantz" -, je n'ai ni argent à dépenser (ou si, une fois, en juin 2005 et j'en ai conçu une forme légère d'amnésie, retrouvant plus tard quelques chaussures, quelques habits dont je n'avais plus le souvenir ; il y avait eu une période d'euphorie à laquelle je n'étais pas du tout entraînée), ni envie de dépenses d'acquisition d'objets. Des choses utiles pour la vie quotidienne, oui, par exemple j'aimerais pouvoir refaire enfin la salle de bain, ranger l'appartement, refaire le réseau électrique (par sécurité), j'aimerais pouvoir participer à des financements de beaux projets, j'aimerais pouvoir à nouveau me déplacer et retourner en Italie, bientôt je vais avoir des envie d'expéditions sportives (1).

En 1998, lorsque le dopage s'est trop vu sur le Tour de France pour pouvoir continuer à être tu, j'ai découvert que des noms d'équipes pouvaient être des noms de montres de luxe. En fait je ne rattachais pas les noms des groupes de coureurs à des choses, y compris pour les marques bancaires pourtant connues de ma vie quotidienne. C'était disjoint. Des sons sans lien. Et (pour le cas des montres) pas la moindre idée de ce à quoi ressemblaient les objets, je veux dire, ce qui pouvait les distinguer des autres appareils à mesurer le temps que l'on porte au poignet.

Sous le précédent président qui aimerait tant devenir le suivant, il avait été question d'une marque de montre de luxe, un riche membre de sa cour ayant eu une sortie sur le fait d'en posséder une et qui aurait pu (dû ?) être un motif de fierté (2). À l'époque j'avais cru qu'il s'agissait d'auto-dérision. Ou qu'il avait été payé par la marque pour créer du buzz comme on disait (3).

Et puis ces jours-ci, je croise cet homme, sportif, d'allure élégante, avec au poignet une grosse montre métallique moche qui détonne avec l'ensemble de sa tenue, sobre et bien portée. Un peu comme des types qui semblent assez fins mais ont une grosse chevalière ou une gourmette énorme au poignet ou une dent en or (4) ou un tatouage voyant et racolleur. Bref, ça ne collait pas avec lui - je ne le connais guère, alors disons : le reste de l'image de lui -.

Ce matin, un de mes neurones, celui que lassent mes différents petits handicaps sociaux, a entrepris de me faire faire sur l'internet des familles la recherche élémentaire qu'il fallait.

J'ai enfin pigé.

Tout simplement l'homme disposait de cette fameuse montre réputée pour sa cherté. Et moi qui avais commencé à inventer des scénarii possibles de la présence d'une toquante détonante au poignet d'un homme au charme discret (5), j'ai enfin pigé qu'en fait il en était probablement fier. Peut-être même très.

[J'en ris encore]

 

PS : Comme je viens d'acquérir une grosse montre voyante pour les données d'entraînements - pas trouvé de modèle "filles" avec l'équivalent technique qu'il fallait -, je crois que je ne vais pas tarder à être aussi ridicule, quoi qu'en moins clinquant.

PS' : Peut-être qu'il disposait d'un modèle particulièrement volumineux et coûteux [à supposer qu'il y ait une corrélation taille / prix], et que d'autres de la même marque sont plus discrètes, qu'il existe des modèles fins pour femmes qui tiennent de la joaillerie, je ne sais, ou qu'avec un équipement de type costume cravate très corporate cadre sup ça ne m'aurait pas sauté aux yeux.

 

(1) Je n'avais pas mesuré le coût, exorbitant à mes yeux de semi-smicarde, de la pratique du triathlon : celui des engagements aux courses et des déplacements.

(2) ou plutôt de honte de n'en point avoir.

(3) Mission en l'occurrence parfaitement accomplie

(4) Déjà du temps où ça se faisait [la génération de mes parents] autrement que pour des rappeurs, je ne comprenais pas. Je trouvais ça d'une laideur maximale.
(5) Héritage familial porté avec piété, cadeau de la femme ou de l'homme aimé, qu'on trouve moche mais qu'on porte par amour du ou de la bien-aimé ...


Les meilleurs moments d'une vie


    Les temps troublés que nous traversons et qui vont résolument vers le pire, nous conduisent à prendre en main des projets dont on se serait dit, dont on se disait, c'est bien, c'est beau, ça serait bien, ça serait beau (et peut-être utile à d'autres) mais il y a toujours le quotidien à accomplir qui est plus fort que tout. Il faut assurer des rentrées d'argent pour régler le minimum vital de dépense - dans une société comme la nôtre, dès lors qu'on vit en ville, qu'on est plus de deux, il est assez élevé. Il faut faire face aux maladies, les nôtres ou celles de l'entourage. Il faut tenter de faire face aux contraintes administratives et ménagères. Se maintenir en forme. Dormir. Alors le temps dédié aux chantiers personnels est vraiment rétréci. 

Ces jours derniers, Couac s'est lancée. Elle a décidé d'interviewer les gens qu'elle croise dans la vie de tous les jours, par exemple les voisins. 

Ça se passera par là. Et le premier est FreD.

Je suis d'autant plus réjouie que ça correspond à une idée, germée pour un peu les mêmes raisons, à laquelle j'avais renoncé (pas le temps, pas forcément la bonne personne pour le faire) et je suis heureuse que quelqu'un que j'apprécie beaucoup l'aie eue aussi et avec le courage assorti et les dons qu'il faut pour la mener à bien.

Au passage grâce à elle je découvre Grand chose (pas grand chose mais en mieux) qui est un beau blog collectif sur comment on peut se débrouiller de peu pour une maison accueillante.

De mon côté, en plus de mes nombreux chantiers qui demanderaient que je puisse enfin un peu me poser, il y a celui-ci, blogo-compatible et donc potentiellement menable à bien, qui serait de raconter ce qui peut constituer pour une vie en Europe entre la fin du XXème siècle et le début du XXIème, les meilleurs moments, des souvenirs formidables, des trucs qu'on aimerait que nos arrière-petits enfants (si la planète ne craque pas avant) puissent savoir et que ça les ferait rire ou les rendrait heureux. Des trucs qu'on aimerait aussi avoir noté quelque part pour soi-même, afin dans les moments qui nous poussent au désespoir de nous souvenir que la vie, même la nôtre, peut comporter des instants de grâce.

Tout à l'heure, Ken Loach recevant la Palme d'Or , m'a donné envie de m'y mettre. En espérant pouvoir en faire quelque chose de collectif un jour. Ou au moins que l'idée fera germer des envies de suite chez des amis moins fragiles et mieux organisés. En tout cas voilà, avant qu'elle ne s'achève j'aimerais au moins parvenir à écrire les meilleurs moments d'une (petite) vie. 
(et si je vais commencer par la mienne, c'est parce que c'est celle que je connais le mieux - ou crois connaître, je suis bien placée pour savoir qu'on ne comprend certains éléments que parfois des années, des décennies plus tard -).  

Il ne faut pas attendre d'en avoir le temps : n'importe quoi peut survenir n'importe quand. 

 


Petits éclats de vie moderne

 

    Une amie qui a un travail inimaginable à l'époque où je devais, lycéenne, songer à un métier, me signale ce RT dont je suis paraît-il censée me glorifier : 

Capture d’écran 2016-04-29 à 11.43.53En fait leur bot a repéré que je mentionnais l'émission. 

Ça m'a rappelé le jour où festivalière heureuse à Arras, j'avais mentionné sur FB que j'étais au bord d'aller voir un film, c'était un statut en attendant (dans la petite file d'attente avant la séance ou à la maison avant de partir et en attendant l'homme qui achevait de se préparer), un geste machinal, la vague idée de pouvoir ainsi plus facilement reconstituer ma liste des films vus (1) et où j'avais eu la surprise d'un commentaire joyeux de l'un des acteurs.

Il est en effet à présent entendu que les réseaux sociaux nous bercent de l'illusion d'une proximité quotidienne avec des personnes que nous admirons ou dont nous admirons le travail. Le tendre "Janine" d'Olivier Hodasava rappelle fort combien jadis nous pouvions être pétris de passion pour un groupe (par exemple) et si peu savoir de leur vie qu'il fallait plusieurs mois, s'ils n'étaient pas d'une notoriété de JT, avant de savoir que l'un de ses membres était mort. De nos jours nous savons même ce qui arrive à leurs fans (2).

En revanche il est moins évident d'intégrer le fait que ceux que nous apprécions se trouvent en retour parfaitement à même, pour peu qu'ils s'en donnent le temps ou qu'un-e chargé-e de com. fasse bien son boulot, de repérer notre admiration ; ou, moins réjouissant, ce que nous exprimons de notre déception d'une nouvelle œuvre, voire parfois de notre désaffection. 
Ce qui fait que même en n'étant personne on doit, si l'on n'envisage pas de peiner ou de se lancer dans d'épiques polémiques, prendre garde à nos énoncés.
J'avoue n'avoir pas encore intégré ce fait, pas tout à fait. J'en suis encore à l'étape de m'en amuser ; à preuve ce billet.

(et je ne parle même pas du versant moche de ce phénomène qui fait que de nos jours tout employé d'entreprises "managées" est tenu de ne rien exprimer concernant son travail fors de la réclame douce et des enthousiasmes "fraîcheur de vie") (je trouve naturelle une certaine décence et tient la retenue pour un évident respect, mais les échos de certaines réactions, des ennuis rencontrés par certains, et ce que je ressentais durant mes années d'"Usine", ont tout à voir avec la vie dans un régime dictatorial, sans parler que bien des salariés n'ont pas même le droit de faire de l'humour sur certaines absurdités rencontrées) 

((et j'arrête là ce billet avant de tomber dans le sujet brûlant des lanceurs d'alertes))

 

(1) Ce petit plaisir qu'on prend le temps de s'accorder (ou non) en fin de festival, à tête reposée.
(2) Je me souviens d'avoir appris le sens du mot Directionner via un touite parvenu je ne sais comment jusqu'à ma TL et qui manifestait de l'empathie pour la mort accidentelle de l'une d'elles.


Fouettés sans crème et bariatrie


    

Une façon comme une autre de tenter de refaire surface après que l'ultra violence a à nouveau fait irruption dans le quotidien, et à condition de n'avoir pas été touchés de façon trop intime est de se replonger dans des activités qui nous font du bien, qui donnent un sens aux petites journées de rien - car on peut difficilement traverser chaque journée au rythme aigu des romans noirs ou des temps de guerre : il faut garder le cap coûte que coûte afin de pouvoir assurer son pain quotidien -. 

Ce qui me convient, mais ça dépend de chacun, rien d'universel, c'est d'apprendre des trucs inutiles. J'entends par là de tout et de rien, et qui ne soit lié à aucune obligation immédiate, juste pour le plaisir de savoir un peu plus de choses qu'un peu moins.

L'internet fait de l'exercice un bonheur difficilement limitable : autrefois il fallait se palucher des dictionnaires, feuilleter des magazines, des journaux, et le résultat de cette pêche au savoir facultatif était fort incertain. Aujourd'hui il suffit de voler de lien en lien comme Jane sur ses lianes, voire Tarzan mais c'est moins élégant.

Je me suis donc, en rentrant du petit entraînement mémère du dimanche matin, penché sur le sens d'un mystérieux "Bariatrie" qui ornait un véhicule de transport médical (Ambulances Machins : spécialisées pédriatrie / bariatrie). Il s'agit donc d'une branche de la médecine qui s'intéresse aux personnes obèses (source wikipédia). J'avoue que j'en étais à imaginer des transports spécifiques pour qui a des problèmes respiratoires aggravés, des intoxications au monoxyde de carbone ou des accidents de plongés, bref je songeais caissons hyperbares. Alors que l'entreprise d'ambulances voulait simplement signifier sa capacité à transporter des gens de très petits à très gros.

Je crois que c'est ensuite un touite qui m'a portée jusqu'à cette merveilleuse video de TED qui explique la physique des fouettés en danse et même si je reste aussi nulle en tours (1), coincée depuis vingt-cinq ans au stade de la pirouette practice, et de là j'ai appris que Louis XIV était réputé pour ses qualités de danseur de ballet, que l'appellation "Roi Soleil" en venait.

Puis j'ai joué à distinguer les faux binious des vrai, ce qui était beaucoup plus amusant que d'écouter celui qui veut danser (nu) avec les loups

Au bord de revoir un vieux film (26 ans ?!?!), ça allait un peu mieux, j'ai pu me remettre au boulot. 

 

(1) C'est le geste par excellence qui est à l'intersection de mes difficultés de coordination et de ma perception particulière de la verticalité. 


Some (singing) voices (le #jukeboxfou )


    Je n'en parle que lorsque la musique qu'il me passe (généralement dès le réveil et parfois même c'est ce son qui me réveille) est de nature à faire rire les copains, parce qu'il est tellement ridicule de se faire réveiller par la ritournelle bêbête (voire un tantinet machistisante (1)) d'une publicité ou d'une autre (à 8'26" celle de supercroix 73 ou la purée mousseline vers 11' (2) )(3) d'il y a longtemps. Et ça a ces côtés pratiques, par exemple je n'ai pas besoin d'embarquer d'objet pour écouter de la musique, notamment lors des entraînements de course à pied ou dans les temps morts d'un emploi salarié, c'est directement dans la tête. De plus ça tend à être d'un volume bas lorsque j'ai à parler ou écouter ou que je suis dans un endroit où du son est servi ou encore lorsque je décide délibérément d'écouter un disque (4), ce qui permet d'en faire quelque chose de socialement transparent et peu gênant, sauf parfois au téléphone, mais pas tout le temps. Si la musique est bonne c'est même génial pour se concentrer sur un travail personnel dans un lieu non-silencieux. D'où mon bonheur à travailler en bibliothèque.

L'ennui, c'est que je ne choisis pas. Que parfois les ritournelles me sont insupportables. Imaginez vous faites des courses dans un supermarché qui diffuse une niaiserie lénifiante, et que vous vous surprenez en rentrant chez vous à la fredonner. Vous supprimez le supermarché et vous avez une idée de mon quotidien musical cérébral.

Ce matin pour une raison que j'ignore, si ce n'est peut-être qu'il y a quelques temps j'ai vu une émission Taratata dans laquelle mon grand "cousin" dyonisien interprétait une chanson de Mc Solaar et que c'est un peu dans le même domaine, probablement le même casier de ma mémoire musicale, le #jukeboxfou bouclait sur 

Menelik, Bye bye

 J'ai connu pire. Mais dans ce cas la perplexité de la survenue de tel morceau plutôt qu'un autre squatte aussi l'esprit et rend celui-ci plus dur encore à déloger.

Faire partie d'une chorale était un bon moyen de contre-carrer le phénomène - j'avais presque en permanence dans la tête les passages travaillés, c'était génial pour les concerts je savais tout par cœur sans l'avoir fait exprès - mais j'ai dû arrêter car les horaires étaient peu compatibles avec le métier de libraire et la disponibilité requise compliquée avec mes démêlés vie-écriture-sports-gagne_pain-vie_sociale-périodes_troublées.  

Et qu'aussi du coup faire silence n'est possible qu'au prix d'un effort. Pour l'instant j'en suis capable, éveillée j'y parviens. Mais de même que je suis peu capable de penser à rien (il y a toujours des tas de trucs qui s'écrivent dans un coin), ce n'est jamais sauf très volontairement (J'écoute le silence attentivement, je décide de le faire délibérément) sans musique inside.

Mon violent sommeil m'en protège généralement la nuit. Qu'en sera-t-il s'il faiblit ?

Je me pose aussi d'étranges questions : par exemple si au lieu d'être habitée par des voix Virginia Woolf avait subi en permanence des airs de musique, des chansons, aurait-elle vécu plus longtemps ? Aurait-elle écrit ce qu'elle a écrit ?
Peut-être que les inventeurs de l'Opéra ou des comédies musicales souffraient aussi de ce bizarre petit handicap là.

Je crois que je vais me remettre au piano.

 

PS : L'ultime inconvénient du truc au regard des techniques modernes est qu'on ne peut shazamer un air qu'on a dans la tête (fors à le très très bien fredonner devant son téléfonino attentif). D'où que parfois on se traîne un truc non-identifié qui ne nous lâche pas. 

(1) "On veut te voir dépiauter l'emballage", non mais les gars, franchement :-( (Ah, c'est censé être drôle ...) 

(2) C'est quand même quelque chose que d'être réveillée par deux voix de femmes tonitruant "Super Croix 73", essayez d'imaginer.

(3) Au passage, une belle collection des eighties et  dans celle sur les seventies à 5'38" une splendeur sur "La poste et les télécommunications" vu du temps de l'internet ça stupéfie. 

(4) L'écoute au casque d'une musique choisie est d'une efficacité imparable, comme lorsque dans le temps on tournait un bouton pour syntoniser des radios et que l'on passait d'un émetteur faible à un émetteur puissant et bien situé.  


Le temps du rangement


    L'état de l'appartement est clairement dû à l'épuisement des deux plus âgés habitants, au fait que je lis énormément et souvent des livres que j'achète ou que l'on m'envoie donc ensuite ils restent, et à une première époque de dérangement lorsqu'il avait fallu récupérer les papiers, les dossiers, d'un père seul tombé gravement malade (1), deux ans plus tard le siège social de l'entreprise pour laquelle je travaillais brûlait et j'ai perdu toutes mes affaires, ce qui parce que je faisais office d'archiviste pour mon hiérarchique direct ("Au moins dans ton bureau c'est rangé") dont le bureau fit partie des zones épargnées m'a un temps rendue incapable de rangements. 

À partir de là les choses ont empiré à chaque coup dur, maladies, ruptures, ou périodes trop intenses pour mes capacités, reconversion professionnelle incluse. Sans parler des fuites d'eau qui engendrent des déplacements d'affaires dans l'urgence et font perdre le fil des emplacements. En particulier les recherches pour la fuite d'eau invisible nous ont fait bouger pas mal de choses de façon tout à fait désordonnée afin de chercher d'où diable ça venait (2).

Depuis le 7 janvier, je n'ai su faire qu'un minimum vital - le linge, les livres en cours et les documents administratifs d'usage immédiat -, je suis miraculeusement parvenue à payer à temps les factures, déclarer et payer à temps les impôts, nous n'avons eu d'incidents bancaires que par la suite d'ennuis dentaires dispendieux. Je comptais reprendre les choses en main lors de mes congés que je passais à la maison puisque les dates n'en étaient pas favorables pour partir (3), à quelque chose malheur est bon. Mais un pied blessé m'a gênée pour entreprendre quoi que ce soit. 

C'est seulement à présent, que je parviens à dégager du temps et enfin ranger malgré l'épuisement. 

Il se trouve que la dernière rupture subie remonte désormais à un an et demi. En retombant, lors du tri, inévitablement sur des livres dédicacés ou des copies de messages conservées car à l'époque ils me rendaient heureuse ou sur des vêtements achetés sur place (4), j'ai compris que sans l'avoir cherché, d'attendre j'avais bien fait.

La blessure est légèrement cicatrisée, suffisamment pour me permettre de reconsidérer les choses avec indulgence, même si la perplexité ne m'a pas quittée, accéder à nouveau à l'illusion, beaucoup moins difficile à accepter que l'idée d'une manipulation délibérée de sa part, qu'il a effectivement un temps cru à quelque chose et seulement plus tard, finalement non. Qu'il n'avait pas menti sur ses problèmes de santé, qu'il est allé mieux après ; la cruauté du sort a voulu qu'une autre en profite.

J'ai donc pu faire place nette, archiver ce qui le concernait, regrouper ses livres sans plus être tentée ni d'y replonger (souffrance inutile), ni de pleurer (le pire est passé), sans plus de ressentiment - non, il ne m'a pas volé cinq ou six ans de ma vie, d'abord parce qu'il ne l'occupait pas seul, ensuite parce qu'au vu des échanges que j'ai retrouvés, sans trop les relire d'ailleurs, simplement le nécessaire pour trier, quelque chose de très beau s'était noué. Il n'était alors ni fou ni niais. L'homme que je connaissais n'aurait pas commis d'auto-promotion égocentrée au lendemain d'un attentat majeur, et avec moi il n'aurait pas été poussé à produire quoi que ce soit de niais. Les circonstances, l'amour, l'auront changé. Je n'ai pas à souhaiter d'oublier ces années ni d'avoir eu un tendre ami. Il m'a fait du mal mais pas détruit ma vie. Je n'ai pas besoin de chercher à l'effacer, de chercher à effacer toute trace de ce qu'il fut, qui vaut mieux que ce qu'il est. Il convient désormais sauver de bons souvenirs et passer à la suite, qui de toutes façons ne devrait pas permettre le luxe des états d'âmes : financièrement on va en baver, il faudra que je travaille très vite si je veux que l'on ait une chance de s'en tirer ; que je sois au meilleur de ma forme. Encore une épreuve pour le vieil amour que les ans consolident.
Étonnante loterie que celle de la vie.

Le seul puissant chagrin est désormais la mort de l'ami Honoré.

 

(1) pas le mien (je précise pour le cas où des personnes qui connaissent ma famille d'origine liraient)

(2) Le moins qu'on puisse dire c'est que nos efforts furent doublement vains puisque le voisin a cru qu'on n'avait rien fait.

(3) Je n'avais pas envie de partir seule et les dates ne coïncidaient pas du tout avec celles de mon conjoint qui pour cause de fermeture générale de l'entreprise en août, n'avait pas le choix des siennes. Nous aurions pu partir une semaine début juillet mais elle ne me fut pas accordée.

(4) Généralement pas tant par élégance que pour faire face à une surprise climatique.