J'ai lu un livre


    J'ai lu un livre comme je n'avais pas lu depuis de nombreux mois, c'est à dire en bousculant le reste, en résistant au sommeil, en repoussant (un peu) ce qui était devant être fait. Seuls n'ont pas été impactés le boulot salariés (ça ne rigole pas, c'est mon gagne-pain) et les entraînements. 

Ce n'était pas n'importe quel livre, il s'agissait du nouveau roman de Fred Vargas et qui se déroulait dans la région d'origine de mon grand-père maternel. Malgré ses flamboyantes invraisemblances ou peut-être grâce à elles qui m'ont permis de m'évader du quotidien, cette fiction policière m'a fait du bien. 

Reste que je me sens dans le même état que Fanny Chiarello (elle dit que tout allait trop vite, "Je n'ai rien pu assimiler de ce que je vivais"), lorsqu'elle évoque son début d'année - sauf que dans son cas ce sont pour de belles choses et de la vraie vie ; dans le mien plutôt un écrasement par le travail et lutter pour conserver un peu de vie personnelle (et sportive) -. Dès que je dispose enfin de temps personnel, il me sert à dormir. 
Et je ne parviens même plus à répondre aux ami·e·s.

Pour autant : lire m'a fait un bien fou.

PS : Je ne dis pas que je n'ai rien lu d'autre, simplement les autres livres je les ai lu sur des temps de lecture raisonnables, tels que mes trajets du matin faits en métro vers le boulot.


Apophénie


    C'est la guerre et ne pouvant rien faire, je continue à apprendre des mots nouveaux, dès que j'en ai l'occasion.

Voici donc apophénie, que j'avais peut-être déjà croisé mais oublié, et (re)découvert grâce à Fanny Chiarello.

une apophénie est une altération de la perception qui conduit un individu à attribuer un sens particulier à des événements banals en établissant des rapports non motivés entre les choses. Tout lui paraît avoir été préparé pour lui ne serait-ce que pour tester s'il remarque ces bizarreries. (d'après article wikipédia)

Une autre définition ici. Percevoir des structures ou des relations dans des données purement aléatoires ou sans signification. Le terme a été formé en 1958 par Klaus Conrad, qui l'a défini comme " voir des rapports non motivés " ainsi qu'une " perception anormale de significations ". 

J'en profite pour redéposer ce lien vers quelques figures de styles (mots que je connais puis oublie, puis retrouve assez régulièrement). Et celui-ci vers la paronomase que j'avais oubliée mais que Samovar m'a remise en tête.


Une belle rencontre (littéraire)

(martedi)

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Je me permets d'utiliser l'image jointe à l'invitation, j'espère que ça ne pose pas de problème.
J'étais heureuse de les rencontrer, contente de parvenir en gros à piger ce qu'ils disaient (merci Team Ingebrigtsen),
 un peu frustrée de n'être pas de l'équipe qui organise. 

Iels viennent de la poésie. Je m'en doutais. Et c'est sans doute pour ça que leurs écrits me touchent. Cette densité économe. Comme un bon ristretto.

Plus tard avec les amies, une intéressante conversation au sujet de l'animation de rencontres, où j'ai appris non sans déception que quelqu'un que j'aimais beaucoup ne s'avérait pas toujours "bon client".
Animer une émission me manque, mais vraiment, comment faire, avec le job si prenant ?

Journée dense au boulot, mais j'ai gagné en autonomie, du moins pour les tickets courants et les modes de connexion.

Croisé le fiston en partant au boulot, ça aide grandement, même si l'état du monde n'est pas bien prometteur, au moins pour l'instant, lui s'en sort et semble heureux.

Je me suis bien amusée en rentrant de la librairie à Vélib électrique, tout en me disant, au fond c'est peut-être comme ça de vivre sans thalassémie, ces impulsions d'énergie.
Déposé le vélo sous le pont du périph, là où je déposais jadis (2007 !) mes premiers vélib car c'était alors la plus proche station. Elle avait disparu avec les néo-vélibs et les travaux de la Porte de Clichy, elle réapparaît. Et je la réutilise car elle permet un dépôt pas trop loin en coupant court aux différents dangers des fins de parcours vers les stations plus près.

Ma mère aurait eu 89 ans. J'ai recompté sur mes doigts. Le temps qui passe me sidère mais la pandémie y a introduit un brouillage supplémentaire.
Ces derniers temps je passe mon temps à me demander "mais ça fait combien de temps ?"
Je suis triste pour elle, qu'elle ne soit plus là. Mais ses derniers temps, avant même de tomber définitivement malade, elle semblait n'y plus tenir tant que ça. Je suis soulagée qu'elle ait échappé à la pandémie, qu'elle n'ait pas connu ça (drôle de façon de se consoler de son absence définitive, oui je sais).


De blogs en blogs (comme au bon vieux temps ?)


    Ma propension à l'épuisement en ce moment me rend comme absente au monde, j'assure le boulot, je mets les entraînements de course à pied en priorité 1 juste après cette nécessité, et pour le reste je pare au plus pressé, j'essaie de ne pas passer tout le temps non travaillé à dormir (ou regarder du sport à la télé, parce qu'on peut faire ça dans un état de très grosse fatigue en piquant de loin en loin de bon petits roupillons et en se passionnant au réveil).

Alors j'ai bien aimé, vraiment beaucoup aimé quand retrouvant le bureau (table) du salon d'où je peux écrire dans un confort normal (1), j'ai pu lire qu'un de mes billets avait eu un écho proustien chez Alice sur lequel Matoo avait rebondi
Parce que bon, je suis loin d'avoir tout lu chez le remarquable Marcel, il n'empêche que c'est une admiration profonde, un réconfort quand je m'y remets, une sorte d'histoire d'amour. 

Les ami·e·s, vous m'avez fait chaud au cœur. 
Ça serait bien que je trouve le temps d'en causer à Véronique Aubouy, la réalisatrice qui avait entrepris ce projet formidable et fou de Proust lu.

 

 

(1) C'est plus compliqué du fond du lit

#Proust 


Deuxième dose, épuisée

 

    Moins d'effet de la deuxième dose (Astra Zeneca) que la première, il n'empêche, entre ça et la fatigue du travail - j'arrive toujours aux congés en mode Je n'aurais pas pu faire un pas de plus -, journée blanche, essentiellement passée alitée.

J'ai tenu, les repas, légers, mais à des heures presque normales, faire ma toilette, m'habiller de jour ou de nuit, descendre les poubelles, remonter le courrier (masquée et les étages à pied), lancer une lessive, ranger la précédente, vêtements secs, étendre ceux de la nouvelle.

J'ai un peu suivi le tour de France, mais en m'endormant comme d'habitude profondément parmi de fort beaux paysages.
Regardé un documentaire sur les Doors et un autre sur des rescapés de l'attentat de Nice le 14 juillet 2016, leurs témoignages sur leurs vies changées - les deux films étaient sur les rediffusions d'Arte -. 

Le joueur de pétanque avait une velléité de voir la finale des perdant de cet Euro 2020 joué en 2021, seulement le match est sur une chaîne payante.

Je ne suis pas certaine de pouvoir aller courir demain.

Finalement, c'est Philippe Jaenada qui par son travail m'accorde que cette journée n'ait pas été traversée pour rien : j'entame la lecture de son prochain roman, me trouve projetée en 1964, fascinée par les actualités que suivait peut-être ma mère, que peut-être mes parents commentèrent au dîner, moi dans mon berceau à côté. Je m'endors toutes les deux ou trois pages, le livre n'y étant pour rien, mais par faute de l'épuisement, mais reprends avec délectation dès que ma conscience revient. Comme à chaque fois la magie opère : son humour jouxtant le mien il parvient à me remonter le moral en relatant des histoires terribles, et me protège un temps des duretés du présent.


Pas la force d'aller consulter les statistiques de l'épidémie, mais le variant Delta a entamé de faire très sérieusement remonter le nombre de cas. La vaccination complète semble protéger de finir en réa. Mais pas d'être malades, y compris pour celleux que le Covid_19 a déjà atteint une fois. We're not out of the wood.

PS : terminé la lecture de "La dame couchée" de Sandra Vanbremeersh, élégant et respectueux, quoi qu'un tantinet sur-écrit. Très bien vu sur la condition de "personne au service de" et sur l'état étrange qui est le nôtre d'être à la fois des personnes là pour servir (en librairie c'est pareil) et cultivées, et non moins intelligentes que les personnes pour lesquelles nous devons nous dévouer. Elle a le mérite de faire œuvre littéraire plutôt qu'un témoignage "tranche de vie" racoleur (et sans doute bien plus rémunérateur que ne le sera cet ouvrage), de mettre Lucette D. au centre et non son défunt mari. J'ai été touchée par certaines similitudes avec la relation qui s'était établie avec Nadine N., du temps de la première librairie où j'ai travaillé. Ces femmes qui avaient su prendre une forte place indirecte au monde, des zones magnétiques d'influence, par ascendance sur qui détenait le pouvoir ou la renommée.


Quel était donc ce livre ?

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Depuis hier soir mon cerveau a comme un petit sous-programme qui mouline en permanence sur cette recherche qui nous a été soumise sur Twitter par @PasGloop .

D'autant plus que j'ai comme a sense of déjà-lu.

Pour l'instant personne ne semble avoir trouvé.

Au passage, je suis tombée sur ce site que j'ai trouvé diablement chouette - mais ça vaut principalement pour la litté anglo-saxonne - : 

What's the name of that book ?

 

 


Un peu de lecture

 

À l'ordinaire, je ne goûte pas plus que ça les touites-fictions, je préfère que les touites vivent leur vie de petites déclarations courtes et que les textes de plus d'ampleur puissent se lire avec élan.

Et puis ma vie depuis la fin du premier confinement et la reprise d'un emploi de bureau à plein temps avec 2h à 2h30 de trajets par jour (1), je ne parviens que fors difficilement à trouver du temps pour lire. Le couvre-feu n'aide pas, qui empêche de se libérer de quelques contingences au fil des jours de semaines (quelques courses, un colis de temps en temps à aller récupérer ...), et tasse tout sur le week-end. La fatigue du travail qui fait que je passe généralement mes après-midi de jours non travaillés à pioncer y est aussi pour quelque chose.
Alors je suis désormais capable d'apprécier les narrations par touites, que je peux suivre au gré de mes déplacements, ou pauses-déjeuner.

Bref, voilà qu'en plus parce que c'est élégamment bien écrit, je me régale depuis un moment déjà, de cette narration que nous offre Guillaume Vissac sur Twitter.

Si vous avez manqué le début, ça démarre par ce touite.

 

(1) Je ne me plains pas : mes trajets #Vélotaf de traverser tout Paris du nord au sud et vice-versa font généralement mon bonheur.


So long ago : Proust lu

    Je ne me rappelle plus d'où j'avais tenu l'info. Je me souviens seulement que comme pour l'Hôtel des Blogueurs, à peine vue, j'avais bondi pour m'inscrire en mode Quelle idée formidable !

Et puis que ç'avait été une belle rencontre, que même le Fiston encore tout minot s'y était mis, ça l'amusait, et que j'espère bien que passée la pandémie nous nous reverrons ; que Véronique Aubouy fait partie des personnes que j'eusse aimé inviter pour Côté Papier, si, il y a un an, le brutal confinement ne m'avait envoyée vers d'autres horizons, l'éloignement pendant trois mois, puis le travail salarié en gros temps plein et les périodes de contraintes (re-confinement et autres couvres-feu) peu propices à une reprise. En attendant revoir ce document m'émeut, on dirait un temps si lointain.

Je trouve que j'y lis mal, mais il s'agissait d'un passage des carnets, avec des phrases éparses, pas encore de liant ni le méticuleux travail de l'auteur pour y mettre ce qu'il fallait de haute fluidité. C'était à L'Enclos du Temps, café qui depuis a été racheté et est en ces temps particuliers fermé. J'y ai passé bien des heures heureuses, avec mon amie C. ou les blogueuses et blogueurs des Paris Carnets, Satsuki ou Le Fiston.

Ça me fait chaud au cœur que l'ensemble des lectures soit publié peu à peu. C'est par ici et c'est trop bien.

Ce qui est chouette aussi, c'est que ce blog est assez ancien pour que je puisse y retrouver ce que j'en écrivais le jour même. Bloguez le quotidien, un jour ou l'autre, pour vous-même ou pour d'autres, ça devient intéressant et ça fera du bien.

 


Journée studieuse, journée sportive et le retour des tracas financiers

 

    Comme je disposais de tous les documents nécessaires à mon programme de l'émission du lendemain soir, je choisis de rester à la maison plutôt que d'aller à la BNF. J'ai même plutôt trop de pistes puisqu'en suivant la double indication de celui qui m'a passé la BD et de Thomas G., dont le grand-père paternel est l'une des victime figurant sur les images, je vois un film de fiction sur Netflix "Le photographe de Mathausen". En soirée, je trouverai aussi un documentaire espagnol.

Le plus saisissant restera le témoignage filmé de Francisco Boix au procès de Nuremberg.  

La fiction présente les défauts habituels : autant dans la BD les choses ont été un peu simplifiées pour aller à l'essentiel et faire œuvre de pédagogie - tout en étant respectueux, tout est détaillé ensuite, dans le dossier : les uniformes plus variés, les circuits de sortie des négatifs plus complexes et variés aussi, les enveloppes diversifiées, moins de protagonistes clairement identifiés en tant que personnages que l'on reconnaît -, autant dans le film tout est exagéré pour rentrer dans le moule d'une narration avec un héros exemplaire, qui se sort de chaque coup dur par le haut et en aidant les autres, et les différents dispositifs de traitements des prisonniers dans le camp lui arrivent tous successivement ou à ceux des prisonniers qui lui sont proches. Il était déjà suffisamment héroïque d'être parvenu à subtiliser certains négatifs, le rentre super-survivant ne fait que rendre l'affaire moins crédible. Et tout se passe un peu trop comme s'il ne fallait rien omettre (l'escalier de la mort, le four crématoire, les prostituées, les expérimentations pseudo médicales, les gamins employés dans une petite industrie locale, les camions dont les gaz d'échappement étouffaient les prisonniers, le camp secondaire encore plus mortel, etc.). Après, voilà, c'est du bon boulot narratif grand public, y a pas à tortiller. Et l'on reconnait bien chaque étape du récit historique fait dans la partie documentation du livre. On voit aussi la reconstitution des photos. Et les éléments demeurés inexpliqués (comme la photo du photographe nazi en train de faire le mort) ont été gommés. L'agréable est que chacun parle sa propre langue et s'exprime dans celle de l'autre avec les bons accents et les fautes que l'on peut attendre. Le micro point agaçant (c'est terrible ma capacité à sortir des films pour peu) ce sont les objets qui pour faire d'époque font vieux : désolée mais une chemise cartonnée, un papier de ce temps là, en son temps avait l'air neuf, ou usé peut-être mais par une utilisation récente. En 1944 une photo de 1944 n'a pas l'air d'une vieille photo au papier défraichi. 
Le jeune garçon que l'on suit d'un peu plus près et que le photographe prend en quelque sorte sous son aile, ressemble au jeune héros de l'Attentat de Fons Rademakers, était-ce volontaire ? 

En attendant, j'ai en deux jours beaucoup appris sur le destin de ce photographe courageux, et suis reconnaissante à ceux qui m'ont mis sur le sentier de ce témoin précieux.

J'en ai oublié nos ennuis financiers dus à la conjonction de la non-indemnisation de mon chômage - conséquence des nouvelles mesures au 1er novembre 2019, un CDD de moins de 65 jours compte désormais pour du beurre pour le ré-examen des droits -, conjuguée avec l'erreur (par manque de temps) d'avoir financé les travaux de la maison de Normandie sans prêt, et accentuée par la modestie de mes salaires ainsi que l'arrivée des appels de fonds pour le ravalement de la cage d'escalier de l'immeuble où nous habitons. Tout ça semblait soudain bien secondaire, ces tracas. 

Un bon petit entraînement de course à pied là-dessus (en théorie un 8 x 400 m vitesse VMA avec récup = temps mis pour effectuer les 400 m - en pratique j'ai plutôt fait 8 x 1 tour 1/2 ou 1 tour en visant 6 mn/km avec récup = jusqu'à ce que la montre m'indique récup OK) et tout allait mieux, du moins moralement. Au passage, il me semble que j'ai récupérer mes genoux, que les presque deux mois de maison de la presse à journées de 9h debout sans arrêt sauf la pause déjeuner, avaient un tantinet rendus douloureux de façon sourde et permanente. Je commençais à craindre que ce fût irréversible. 

 

Sur le front du 2019-nCov, 43146 cas dont 1018 morts et 4347 guéris, toujours 11 cas officiels en France où personne ne semble officiellement mort ni guéri. 

Des personnes sont en quarantaine dans des paquebots géants où quelques cas se sont déclarés - dont un au Japon, tout le monde confiné dans sa cabine et des tours de promenade réglementés pour ceux qui en ont des toutes petites sans hublots -.

Conséquences sur lesquelles j'avais lu des articles mais qui commencent à concerner des gens que je connais : toutes nos belles industries, dont celles du luxe, qui avaient délocalisé tout ou partie de leur production en Chine, commencent à sentir la pénurie. Dans certains cas pour des éléments précis, mais dont l'absence est bloquante. 

Et les mêmes industries habiles à délocaliser sont aussi celles qui ont recours aux prestataires extérieurs : chute du chiffre d'affaires ou de la production, résiliation immédiate des contrats. Un ami m'a parlé de connaissances qui s'étaient vu notifier par SMS, de ne pas revenir pour l'instant et que le contrat était suspendu en attendant retour à jours meilleurs. 

J'avoue que je ne pensais pas que les conséquences économiques se feraient si vite ressentir. Je supposais encore à l'ancienne, qu'elles ne précéderaient pas la vague épidémique par chez nous.

Ma difficulté à me projeter dans le futur, trop d'éléments barrant la route, dont mon absence de perspectives rémunératrices immédiates, et la conscience que des tas d'autres problèmes de santé peuvent survenir avant ça, font que je ne parviens pas à m'inquiéter plus que ça. La perspective d'un confinement général ne m'effraie même pas : j'ai de quoi m'occuper avec tout le travail de rangement de l'appartement pendant des mois. Et puis, dans la série À quelque chose malheur est bon, ça pourrait être l'occasion d'écrire à bride abattue.

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La tour Ariane, une bibli, une voix amie


    J'ignore pourquoi mais soudain me revient, datant de janvier 2003, le souvenir d'un midi d'une journée de travail.

Je bossais alors à l'"Usine" (une grande banque de la place), Tour Ariane. J'y étais depuis septembre 2001 dans un service consacré aux clients entreprises, le côté informatique, fichiers et statistiques de la force. Longtemps j'avais exercé le même type de métier mais pour un des services de Ressources Humaines et sis les derniers temps dans des bâtiments de peu d'étages dans le quartier de l'Opéra (Garnier). Pile en septembre 2001 j'étais venue me laisser percher dans une tour de La Défense. Il y a des gens comme ça qui ont le sens du timing. Les collègues (ceux que je quittais, ceux que je rejoignais) se gaussaient. 

En janvier 2003, j'avais pris mes marques depuis un moment. Le travail n'était pas affriolant - en quelques années dans les services de ce type, nous étions passés de grands projets sur lesquels nous pouvions techniquement apprendre et chercher et trouver à des tâches répétitives de statistiques, dispositifs ou fichiers à fournir vite sans avoir le temps de réfléchir, d'améliorer -. Ce qui me consolait était de bosser sous Unix, et que par ailleurs l'équipe à laquelle j'appartenais était composée de gens bien.

Une de mes amies venait de publier un livre, ça n'était pas le premier, écrire était son métier. Son livre d'ailleurs allait faire partie des facteurs de contamination vers l'écriture. À ce moment-là je le ressentais sans savoir encore me le formuler. 

Et ce midi-là, elle passait à la radio (1). Alors j'avais un peu décalé mon heure de déjeuner, lorsqu'il n'y avait pas d'urgence nous avions cette liberté, zappé la cantine, pris un sandwich quelque part, vite avalé et j'avais filé munie sans doute d'un walkman (2) à la bibliothèque. 

En ce temps-là les grosses entreprises avaient des comités d'entreprises qui investissaient dans le collectif, existaient encore ciné-club, groupe théâtral, groupe sportif ; n'existait déjà plus une coopérative qui permettait de caler des achats de vie courante juste après la cantine et dont j'avais amèrement regretté la disparition.

La bibliothèque dans la Tour Ariane présentait la particularité d'être immense. En effet des règles ordonnaient de limiter le poids sur plancher. Les livres étant très lourds par rapport à leur taille, il avait fallu répartir et de ce fait les étagères étaient comme perdues au sein d'un vaste espace. Comme pour tout le reste c'était économie maximale et entassement des meubles et des gens, le contraste était saisissant. Et très agréable lorsqu'on y passait un moment. 

Je me souviens d'avoir approché une chaise près de la baie vitrée côté Paris, là où l'on voyait la Tour Eiffel veiller sur la ville et d'écouter la voix amie. Le ciel était beau, contrasté, légèrement tourmenté, pas du gris uni comme souvent à Paris. Ça allait bien avec l'ambiance du livre dont il était question. En ce moment précis, le temps d'une émission, j'ai été heureuse. Les tourments étaient nommés. Tout semblait [par ailleurs] harmonieux.

Je n'ai plus le souvenir de nos échanges consécutifs (par SMS ? par mail ? par une lettre en papier ? (3)) ; ni non plus celui de mon apparence d'alors aussi bien générale (portais-je les cheveux courts ? longs ?) que ce jour-là en vêtements (sans doute sagement corporate, ne relevant pas d'un vrai goût personnel). C'était il y a dix-sept ans. Et la force de cette mémoire de l'instant m'impressionne rudement.  

 

(1) France Inter ou France Culture 

(2) Les téléphones portables à l'époque ne servaient qu'à téléphoner. Même pas à prendre des photos. 

(3) Je suis seulement certaine de n'avoir pas téléphoné car la bibliothèque n'était pas un lieu pour le faire et qu'ensuite j'étais directement remonté travailler sans passer par un moment sur le parvis à respirer l'air du dehors. Et le soir après le travail, je cavalais pour retrouver mes enfants, toujours trop tôt pour mon employeur, toujours trop tard pour eux.