J'ai croisé Audiard (son descendant ? son fantôme ?) à la cafétéria

 

Ce sont deux hommes à l'allure sympathique que j'aurais volontiers qualifiés de pépères si je ne m'étais pas souvenu à temps qu'ils ont peut-être pas franchement plus d'années que moi. C'est l'heure du déjeuner, que je prends aujourd'hui seule, en cours de BNF, à la cafétéria.

Ils se tiennent à la table la plus proche de la mienne, en pleine conversation sur les difficultés de vie des paysans bretons au siècle dernier. Je ne m'en suis pas rendu compte, me crois en train de lire (en fait je lis AUSSI (1)), mais j'écoute leur conversation. Parce qu'elle est intéressante, tout simplement.

L'un d'eux décrit à l'autre l'arrivée à Paris de Bretons démunis, les enfants débrouillards, les parents ne parlant pas ou très peu le français, et certains employeurs qui profitaient de leur méconnaissance de la langue pour les sous-payer. Il ajoute : 

- Et moi, ça ne me fait pas rire.

Son collègue, surpris : - Ce n'est de toutes façons pas drôle. Ça ferait rire qui ?

Et alors le narrateur d'évoquer quelques-uns [des connaissances communes, je présume] dont un en particulier, brillant récent élu socialiste. L'autre semble déçu, mais n'ajoute rien. Alors le premier de conclure : 

- Avec des mecs comme ça à gauche, on n'a pas besoin de l'armée coloniale !

 

J'ai entendu, je vous assure, les huit notes des Tontons.

 

(1) J'ai la sensation que la lecture est devenue pour moi à ce point aussi naturelle qu'une respiration que je suis parfaitement capable d'y consacrer une part de mon cerveau tout en faisant autre chose avec une autre, quasiment en parallèle. Ma limite est la vision.