Le jour où j'avais failli avoir un bouquet


6a00d8345227dd69e201b8d0d6db70970c-450wi[TEXTE ÉCRIT IL Y A DEUX OU TROIS ANS, selon la contrainte "passé du futur" ; cette année les fleurs sont pour les enterrements ]

C'était il y a plusieurs année. Celui d'ici et moi allions au théâtre un dimanche en matinée.

François Morel.  

Si l'actualité n'avait pas été si sombre (c'était l'année où dessinateurs, journalistes, policiers, vigiles et passants du mauvais moment en France et au Dannemark se faisaient dessouder), ç'aurait été une après-midi d'allégresse, de tendresse, de beauté. 

Pour aller au métro nous passions devant un marchand de fleurs. La Saint Valentin avait la veille eu lieu. L'étalage était rempli de magnifiques bouquets qui n'avaient pas trouvé preneurs, allaient sans doute être jetés, pouvaient peut-être se trouver achetés à moindre prix - c'est triste à dire mais lorsque les fins de mois sont tendues, le romantisme doit passer sous les fourches caudines d'un pragmatisme obligé de confiner parfois à la radinerie -. Habituée à ne jamais recevoir de cadeaux de la part de celui qui m'accompagnait et ayant compris grâce à un éditeur et écrivain bruxellois qu'il ne faut pas écouter les hommes quand ils disent Je ne peux pas car lorsqu'ils désirent une femme comme par magie leurs empêchements s'en vont, et parfois même leurs convictions (1), j'avais émis avec franchise qu'un tel bouquet, pour une fois, me plairait. Nous étions alors convenus qu'on verrait si au retour il en restait. D'autant plus que oui, en fin de journée du dimanche de bouquets préparés pour la veille, sans doute que ça serait une folie raisonnable.

Le théâtre avait été formidable. On en revenait le moral regonflé. 

Il m'imposa quelques bifurcations, une question de place de parking, des fruits et légumes à acheter pour lesquels il était vrai que le matin même, le temps avait manqué. Mais malgré ces manœuvres dilatoires, le magasin de fleurs était toujours ouvert. 

Nous y étions donc allés, ce n'était pas même un détour. Le cœur un peu réchauffé j'avais attendu devant avec le sac de courses. La jeune femme qui tenait la boutique était en train de ranger. J'avais eu l'outrecuidance de songer que c'était le moment optimal pour satisfaire et la radinerie de Celui d'ici, et nos tracas budgétaires et mon besoin de réconfort, d'être pour une fois un peu prise en considération au lieu d'être l'éternelle variable d'ajustage. Celle qu'on néglige vers laquelle on revient en l'absence de l'adulée.

Je n'aime pas particulièrement les fleurs coupées mais j'imaginais le vase, le geste pour les répartir, la bonne odeur dans la cuisine. Bécassine béate.

Il était ressorti avec trois roses enfouies dans de la mousse, un cœur découpé, une fausse perle, une décoration avec des tiges censées faire un cœur. Et des mots violents face à mon dépit (2). Assorti de l'aveu qu'il trouvait ce massacre - une rose est belle avec sa tige et si possible son parfum - mignon (3).

L'argument suprême fut qu'ainsi engoncées, les fleurs allaient durer (4).

 

(1) La démonstration par A + B que l'édition numérique représentait le mal absolu, et que j'étais naïve et sans doute un peu bête de penser le contraire et voilà qu'avec la nouvelle femme les œuvres co-produites étaient numériques avec parfois une version papier, dès la première deux mois à peine après cette discussion acharnée. 
La leçon avait été dangereuse et douloureuse à encaisser mais ensuite c'était bon, j'avais enfin pigé.

(2) Un de mes défauts, et que je sais irréductible étant d'être incapable de feindre. Au mieux je sais me taire. Ça fait aussi de moi une amie sincère sur laquelle on peut compter. Et une relectrice de confiance au risque de fâcher.

(3) Il y a quelque chose à écrire sur les qualifications esthétiques par ceux qui prétendent nous aimer ou l'avoir fait : s'ils nous avaient dit ou écrit de belles choses quant à la façon dont il nous voyaient, et qu'on avait eu la faiblesse de les croire et s'en sentir valorisées, le fait qu'ils trouvent une chose hideuse de toute beauté, nous renvoie qu'en fait on est sans doute bien placées dans l'échelle de la mocheté. 

(4) Il y a quelque chose à écrire sur les arguments à portée inversée : le truc étant foiré ce que tu dis pour tenter de rattraper le coup enfonce le clou.

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Le dimanche d'avant


    Un camarade de club indique l'équipement nécessaire pour un trail en forêt par temps glacial - j'avais prévu de me joindre à un repérage dimanche mais compte tenu de mes limites (distance et résistance au froid (même si désormais je suis normale, ce qui est un gros progrès, je ne me plains pas)) et des contraintes [familiales] fortes de la période, je vais renoncer à l'expérience qui pourtant me réjouissait - crapahuter quatre heures en forêt, bonheur -. Je prends par ricochet quelques notes pour mon blog de carnet de bord d'entraînements et tombe sur une entrée du 4 janvier 2015.

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Ce n'est pas une selfie ni une photo pour avoir une photo de moi, juste une image prise pour détailler mon équipement ce matin-là, par 5°C et plutôt du soleil. D'où ce geste de la main pour montrer le gant. Comme à ce moment-là je souffre encore du froid, par 5°C je mets en effet des gants de vélo pour courir. Et un sweat à capuche qui est assez chaud.

Le visage que j'y ai, est celui qui me correspond, celui dans lequel je me sens moi-même, mais c'est celui que je n'ai plus. C'est impressionnant d'à quel point les traits s'en sont trouvés affaissés, d'un seul coup après les 7 et 8 (et 9) janvier 2015. 

J'ignorais que je détenais une photo de "juste avant", une photo qui me permettait de constater de visu ce que j'avais cru constater sans pouvoir le prouver.

Je ne ressemble plus tout à fait à la personne sur la photo. J'ai dix ans de plus depuis deux ans.

PS : Lu ceci peu après Une rose et un millepertuis

 


"À la place du cœur" (Arnaud Cathrine)

C'est précisément en voulant ranger ce livre, un roman adolescent ou jeune adultes comme à la librairie nous en recevons tant, en voulant jeter un coup d'œil afin de m'en faire une idée (personnelle) pour pouvoir mieux le conseiller, que je suis tombée dedans.

Pourtant si j'avais lu la 4ème de couv, je ne m'y serais pas aventurée. Qu'il s'agisse de fiction ou de témoignage, revivre à travers les écrits des autres ces jours effarants de janvier 2015, pour le moment m'est assez insupportable dans l'idée. Et puis là il y avait quelque chose, c'était immédiat.

Dans la justesse de ton, je crois. 

Ce qui était d'autant plus un exploit qu'en se plaçant dans le mélange insoluble d'un premier amour heureux et des événements de Paris à ce moment-là, ça n'était pas gagné.

Après, bien sûr, en tant que vieille adulte, certaines choses m'ont fait sourire. Sans doute le fait que le héros, Caumes, soit équipé d'un bel humanisme - ce qui le fait passer pour un gauchiste effréné - tandis que ses parents sont "de droite". Le fait aussi que les camarades de lycée présentent une palette trop parfaitement exhaustive de types de personnes et d'opinion et que le casting des enseignants est lui aussi trop tranché. 

Mais c'est faire la fine bouche. La part amoureuse est touchante et franche, très réussie, mieux en tout cas que bien des fois lorsqu'une romance s'invite dans un ouvrage pour adultes confirmés. Le déroulé des événements est très intéressant, ainsi présenté par le filtre de quelqu'un qui n'a pas davantage d'éléments que quiconque (1) et qui doit composer avec les contraintes de sa vie - les cours sont censés avoir lieu -. Je me souviens terriblement bien ce que c'était que de devoir aller au travail malgré tout. J'ai retrouvé ça chez Caumes et sa petite amie Esther.

Il y a aussi une belle combinaison entre les événements généraux et leurs conséquences directes dans les vies de chacun.

Bref, ce livre lu de façon tout à fait inattendue, qui s'est glissé entre deux lectures à délais et prévues, m'a fait du bien. 

Il faudrait que je trouve le temps et le courage de témoigner, j'ignore sous quelle forme, de mes journées sur la période. Moi qui comme tant d'autres à Paris fut à la fois si concernée et si loin d'un poste de télé.




(1) Ce que j'ai pu lire jusque-là, et c'est logique, tenait plutôt du récit ou mettait en scène des personnes concernées au premier titre. Là, les héros ont plusieurs fois très peur, le frère de l'un est journaliste et sur place, celui de l'autre potentiellement présent dans l'hyper casher, mais sans être d'emblée au cœur du cyclône.


Deux ans de sur-place, un peu (si au moins il n'y avait eu que ça)

 

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En cherchant autre chose je suis tombée sur une appli qui rappelle d'anciens fichiers du même jour mais d'autres années. Je ne sais pas trop comment j'ai fait, mais alors que je ne le souhaitais pas plus que ça, j'ai dû activer une fonction de rappel et voilà qu'on me ressert celle-ci de mes photos horodatée précisément du 15 mars 2014 15:36 et que je viens (j'avais en partie oublié) de prendre sa presque jumelle (4 mars 2016 16:52).  20160304_165147

 

Il y a infiniment pire que de se retrouver deux ans après dans le même lit à baldaquin, à l'occasion d'un week-end de ciné-club. Il n'empêche qu'en ce qui concerne le travail j'ai l'impression d'avoir beaucoup donné pour un résultat décevant. J'ai rencontré quelques personnes, certains anciens collègues (essentiellement ceux qui ne se sont pas non plus attardés) sont devenus des amis, l'expérience de dépaysement fut rude mais formatrice. 
Financièrement, j'ai sauvé les meubles en bossant à gros rythme ces deux années - mais sans être pour autant mieux rétribuée -, puis en choisissant de quitter à ma liberté (1) j'ai replongé.

Je suis à nouveau en position d'espérer prochainement stabiliser à nouveau le déficit (et rembourser ma dette de dèche). À nouveau dans l'optique de retrouver un rythme de vie permettant de concilier l'écriture et bien bosser comme libraire. 

Les chantiers d'écriture ont l'un après l'autre été mis en jachère par des événements extérieurs qui combinés au travail qui passe toujours en premier, ont englouti le temps et l'énergie. Il y a eu un deuil, d'un genre qui m'avait jusqu'alors été épargné, et dont il est long de se remettre vraiment. Je crois que ça ne sera le cas que lorsque j'aurais écrit, pas l'écriture d'urgence et de survie mais quelque chose de plus posé, que les mots précis parviennent à délimiter la peine et qu'enfin elle cicatrise.

Avec un projet supplémentaire (sportif) un peu fou mais auquel je tiens de plus en plus. Et qui sera parfaitement compatible avec mon nouvel emploi ... si je m'y rends en vélo. 

Bref, au monopoly de la vie j'ai fait pour cette récente partie de deux années écoulées une sorte de "retournez à la case départ, ne touchez pas 20000, passez par le lit à baldaquin".
Et tout ira (enfin) bien ?

(Quand même assez fière qu'on ait tous les quatre de ma petite famille survécu à ces deux années dangereuses, il nous restera ça, dirait le Grand Fabien)

 

(1) Et quand même bien aidé par la poste qui oublie pendant quinze jours de présenter un recommandé - et répond tranquillou à un mot de protestation qu'un recommandé ne présente aucune garantie contractuelle de délais - et par les attentats de novembre qui m'ont laissée trop accablée pour surveiller les finances familiales. Qui m'ont aussi indirectement fait manquer une opportunité professionnelle prometteuse - parfois j'ai un tantinet la sensation de faire concurrence à Hélène Bessette ... mais pas dans le domaine qu'il faudrait -.

 

 

 


Une bonne adresse (réparations Mac - Paris)

(enfin si ça n'a pas changé depuis une année) (les réparateurs sont comme les médecins on est plutôt contents quand on les voit moins)

Il se trouve qu'en triant des photos (pour changer) je suis tombées sur celles d'un jour du printemps passé où inquiète parce que mon petit Mac ne se rechargeait plus bien j'étais allée un peu en urgence chez un vendeur réparateur près de mon travail d'alors. Le gars peut-être pour une fois pas trop condescendant ou moins que je ne m'y attendais, du coup je m'étais moins méfiée, m'avait calmement fait croire qu'il fallait changer non seulement le chargeur mais tout le bloc de l'alim. - il avait branché l'ordi sur un dispositif qui semblait-il testait, mais dont le résultat n'était pas visible à la clientèle (je n'y ai pensé qu'après) -. Entre la réparation elle-même et ses compléments et la TVA, il m'aurait fallu débourser 500 €, c'était vite vu je ne les avais pas. J'ai demandé à payer en plusieurs fois, ou un morceau par CB le reste en chèque à encaisser plus tard, l'homme a dit non, probablement afin de me mettre la pression, comme j'étais vêtue sérieusement pour le travail (c'est-à-dire avec de la récup chic) il m'avait peut-être prise pour quelqu'un de la région version démodée. J'étais repartie la mort dans l'âme en laissant tomber et en me disant comment faire.

J'ai finalement racheté un cordon + chargeur, et puis bien nettoyé l'ordi et la prise, ça marchouillait.

En retrouvant les photos d'un jour où je m'étais sentie bien alourdie par le trop-pas-de-chance, je prends conscience que près d'un an s'est écoulé et que tout fonctionne fort bien, le remplacement général et coûteux était inutile, l'homme avait tenté de m'arnaquer.

La règle d'or si on le peut : en cas de réparation à faire qu'on ne peut soi-même effectuer toujours aller à deux pour la consultation du véhicule ou de l'objet ou accueillir la personne qui doit réparer et si possible se faire accompagner par une personne qui est crédible dans le rôle de qui s'y connaît. Pas besoin qu'elle s'y connaisse réellement, sa présence peut être efficace, en mode témoin silencieux, il suffit d'avoir l'air entendu aux bons moments.
Mais une petite dame seule aux cheveux grisonnants pour une panne d'ordi, si tu ne montres pas les dents, tu prends cher.  

Un ami du coup me demandait : où aller ?

Il se trouve que pour d'autres tracas dans des périodes moins bousculées où je pouvais dans Paris aller "consulter" là où bon me semblait, j'ai eu plusieurs fois recours à :

Cyber Jay

Je ne les connais pas personnellement, je n'ai rien perçu pour le dire, mais par contraste avec l'autre arnaqueur, eux ont su se montrer fiables, pas trop gourmands (je n'ai qu'un très léger doute sur une fois de trois où j'ai eu besoin de leurs services, et quand bien même, ça marchait vraiment mieux après donc OK), à l'époque au moins (j'espère que ça n'a pas changé devant le succès) arrangeants sur les paiements, et très efficaces dans la récup de ce qui peut l'être de données. J'ai le souvenir (pour l'ordi n-1) d'une appréciable ponctualité dans les délais annoncés : le devis à tel moment (assez rapide) et une fois l'accord donné, respect de la date (assez rapprochée) annoncée. Et d'une autre fois pour un truc que je croyais sévère et pour lequel une solution radicale mais rapide était possible, ils m'ont juste suggéré d'aller au café du coin (un vrai café de quartier, il en survit encore) et voilà c'était fait.

Par dessus le marché, j'avais consenti à une suggestion commerciale (de logiciels classiques dont je pensais pouvoir me passer) mais qui m'a (hélas) été fort utile au moment de ma récente recherche d'emploi laquelle était plus simple avec des documents standards (1) du coup je leur en suis presque un peu reconnaissante d'avoir joué les vendeurs à objectifs commerciaux.

Leur site semble parfaitement à jour, ma recommandation est donc peut-être toujours d'actualité.
(En toute honnêteté je ne suis pas pressée d'aller vérifier).

 

(1) Cela dit dès que j'aurai un peu d'argent je m'offrirai avec plaisir Nisus writer pro que, sur les conseils avisés d'un ami, j'avais commencé à tester en gratuit avec un grand confort d'utilisation. Or c'est ce que je demande à un traitement de texte quand j'écris : que je puisse l'oublier et que sans se casser la tête ça accorde un premier jet assez clairement présenté.

 


La trace des bons moments

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Trier des photos, tout en regardant un film d'un très bon niveau mais qui m'agace un peu (1). Retrouver la trace brève de quelques bons moments.

(Oui en 2015 il y en eut malgré tout, ce n'était pas perpétuellement perdu)

[jeudi 25 juin 2015 23:42, après la rencontre littéraire avec Claire Fercak]

(1) Alabama Monroe de Félix van Groeningen 


Moment déplaisant sur la bascule de l'an (climat général ou conflit local ?)

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Tu as entendu : le silence, un silence remarquable.

La petite maison de Normandie se situe en effet sur la rue principale (ou l'une des) de la petite ville commerçante, là où l'on vient des environs pour se ravitailler. La route vient d'être refaite et c'est un grand confort auditif, plus de tac-tac de roues sur un défaut de revêtement. Il n'en demeure pas moins qu'on entend presque sans cesse un bruit de fond de circulation. En cette soirée du 31 décembre vers 22 et 23 heures c'était un silence parfait. Chacun devait être chez soi ou chez quelqu'un d'autre à attendre minuit et de trinquer.

Tu as pensé : écoute ce silence, c'est rare, il faut en profiter.

 

(à minuit un peu passé)

Tu as entendu : des détonnations
Tu as pensé : Mini feu d'artifice ou pétards ? Tu as aussi repensé au Bataclan, qu'au début beaucoup ont cru que les clak clak qu'ils entendaient faisaient partie du show, une fantaisie pyrotechnique. 

 

(dans la pièce du haut, par la fenêtre sur rue, un peu après)

Tu as vu : un petit feu d'artifice au dessus d'une des rares maisons où il y avait de la lumière. 
Tu as pensé : Je vais tenter de le photographier, s'il n'est pas terminé.

(et tu es allée prendre ton appareil photo)

Tu as vu : des gars dans la rue avec des chapeaux brillants pointus, et pour l'un d'eux un faux-nez-moustache, bref des qui faisaient la fête, qui balançaient des pétards, rigolards.
Tu as pensé : sous les voitures, ça n'est pas malin.
Tu as dit (vers l'intérieur) : Il y a des gars qui jouent à faire péter des pétards, c'est un peu près des voitures, ça n'est pas malin.

(tu as ouvert la fenêtre, tu as pris des photos, sans chercher à être ni vue ni pas vue)

(un des gars, sans doute un adolescent, passait tout près)  P1011949

 

Tu as pensé : Il est en tee-shirt et ça n'est pas délirant, pour un 31 décembre il fait un temps de printemps. Tu as pris la photo sachant qu'elle serait floue, juste pour te rappeler du temps trop clément.

Tu as dit : Bonne année ! 

Il a répondu : Bonne année ! 
Un autre, plus grand, peut-être adulte, qui le suivait a dit : Bonne année !
Puis un petit, tout joyeux, blondinet : Bonne année à vous, et surtout Bonne santé !
J'ai répondu : Tu as raison Bonne santé ! C'est important

(Et ils ont continué vers le sud).

(Alors que tu t'apprêter à fermer la fenêtre)
Tu as entendu : le mot photo
Tu as pensé : ils ont remarqué que tu en prenais 
(mais de toutes façons tu avais cessé, le feu d'artifice semblait terminé, et puis ils avaient eu l'air joyeux, pas du tout indisposés)

(Ils étaient arrivés à la hauteur de la maison avec le père Noël, les lumières et la déco) 

Tu as entendu : Des éclats de voix. Une femme, d'âge mur et qui avait le timbre de quelqu'un de corpulent (1) et qui disait quelque chose comme Non mais ça va pas, c'est quoi tout ce boucan, vous n'avez pas fini ! Une réponse d'un des gars qui se terminait par "premier janvier". Et la femme qui criant plus fort encore menaçait "Je vais prévenir la police !"
Tu as alors entendu : une voix d'homme, mûre, du ton de celui qui se demande une fois de plus comment l'accorte jeune fille qu'il avait séduit au siècle dernier, si timide et jolie, avait pu se transformer au fil des ans ainsi en forte harpie, qui disait Les flics ne vont pas venir, on est le premier janvier. Et ce n'était peut-être pas dit mais ça s'entendait Ne sois pas ridicule, calme-toi !.

(Tu as alors fermé la fenêtre, très vite)
(et tu es allée éclater de fou-rire dans l'escalier, tellement ça ressemblait à un sketch. Des Inconnus par exemple).

Tu as pensé : Il y a des gens bien malheureux, quand même, ne pas être en état de supporter quelques pétards dans la nuit du 1er janvier. Ils ne pourraient pas vivre dans la grande ville, et encore moins dans les banlieues.
Tu as pensée aux gouffres qui s'élargissaient entre les différentes zones de la société. Et tu as eu moins envie de rigoler.
Tu as pensé : Quel dommage pour le petit gars ! Il avait l'air de si bien s'amuser (même si c'était idiot, mais tu te souvenais des copains d'enfance de ton quartier combien avec les pétards ils adoraient jouer)

(Il t'a semblé que les gars remontaient alors vers le centre du bourg) (d'où ils étaient venus)

(Tu as alors vaqué à tes occupations de fin de soirée, répondre à quelques textos de bonne année, débarrasser la table, faire un brin de toilette, te laver les dents ...)

(Alors que tu remontais dans la pièce aux lits)

Tu as entendu : des pétards à nouveau proches, dont un assez près.
des cris dans la rue, sur le ton de l'insulte [mais indistinctes pour toi], la voix de la femme, la même, des voix d'hommes, surtout un

Tu as vu : l'homme de la maison ouvrir la fenêtre tout en disant "Là, ça va pas !" prêt à s'en mêler

(tu as pris l'appareil photo) (tu prends toujours l'appareil photo)

Tu as entendu : l'homme de la maison dire, amusé Ils ont même un sabre Star Wars - comme si du fait du gadget, l'altercation ne pouvait être sérieuse -.

Tu as entendu : la voix de femme clamer : Sale Bougnoule ! Rentre chez toi ! 
Tu as vu : le deuxième homme que tu avais plus tôt salué, qui t'avait dit, pas bourré, sympathique Bonne année passer en remontant du sud du bourg vers le centre
Tu as entendu : Il répondait [C'est ça oui !] Allahouh Akbar ! Va te faire enculer ! (à la réflexion tu ne sais pas s'il a dit ou non C'est ça oui ! ou si c'était juste le ton employé)
Tu as pensé : Oh non, pas jusqu'ici quand même ! Et que l'année 2015 avait décidément transformer une fissure en faille dans cette société.
Il t'a semblé (mais tu ne saurais en jurer, tu ne voyais pas, la fenêtre n'est pas grande tu étais en retrait) (d'ailleurs : tu n'as pas pris de photos) que les autres personnes incitaient à l'apaisement [Viens, laisse tomber].

Tu as vu : en face les gens aussi se mettaient à leur fenêtre, ainsi qu'un peu plus loin.
Tu as pensé : C'est curieux, dans la soirée on avait l'impression que tout était vide, pourtant les gens étaient là.
Tu as entendu : la femme gueuler, Rentrez chez vous, tous, qu'est-ce que vous avez à regarder, de toute façon maintenant je sais leur adresse, puis vers les gars déjà éloignés, Je sais votre adresse, La police va venir !
Tu as vu : l'homme de la maison refermer la fenêtre, en mode l'incident est clos, mi rigolard, mi accablé.

(tu l'as interrogé du regard, pour le côté mi-rigolard, alors il a dit)

- Le sabre Star Wars, c'est elle qui l'avait.

Il n'empêche que malgré cet élément de détente final, ça t'a laissée plombée. Que même au fin fond de la Normandie des shrapnells de la situation générale puissent pourrir les rapports entre les gens. La vitesse à laquelle ça avait dégénéré, alors qu'après un premier ferraillage, les fêtards et les pas, ça semblait OK. Que le gars qui n'était pas bourré et t'avait semblé sympa, se soit laisser embarquer par la haine de la femme.  

(Plus tard dans la nuit, pas si longtemps après)

Tu as entendu : un long défilé de voitures, presque une circulation de jour de marché.  C'était les gens qui chez eux rentraient. La ville se repeuplait.

 

Au lendemain matin, tu as retrouvé l'enveloppe d'un gros pétard à mèche dans le jardin, un peu surprise que ça ait été si près. Une amie secourable t'a mise sur la piste de touites de Maître Mô (2) sur un réveillon de deux familles qui il y a quelques années s'était transformé en bataille rangée, qui t'on fait penser que Oui, ça pouvait dégénérer très vite, que ça n'était peut-être pas seulement cette année en particulier.

Tu t'es alors demandé ce que tu avais vu exactement, ou entendu et ce que tu avait cru comprendre, de ce qui s'était passé.

Il te manque aussi un élément qui peut être déterminant : ces personnes se connaissaient-elles, avaient-elles déjà eu un différent, était-ce la suite de quelque chose ? (ce qui aurait pu expliquer tant d'agressivité avec si peu pour l'allumer).

 

 

(1) Bizarre, mais j'avoue être incapable de le définir autrement. Alors que je ne l'ai pas vue. Alors que je sais pour l'avoir constater maintes fois qu'une voix peut être fluette dans un corps épais et que l'inverse est possible.

(2) Entre temps je vois qu'elle en a fait une récapitulation.


Finir l'année sur un livre excellent et qu'on espère utile


    Il était dans mes piles à lire depuis un trop long moment, il semblait faire l'unanimité et la maison d'édition (Rouergue, collection La brune) ne présentait que lui pour la rentrée : "la maladroite" d'Alexandre Seurat. J'attendais un moment calme afin de pouvoir le lire sans m'interrompre, sans distraction.Un moment où j'irais assez bien pour ne pas suffoquer par compassion. C'était maintenant.

L'auteur dit (1) avoir été saisi par l'histoire de la petite Marina enfant maltraitée morte en 2009 ; les enseignantes successives de l'enfant et directrices d'école avaient tenté d'alerter les services compétents, des gendarmes dans le cadre d'une procédure avaient même interrogé l'enfant, mais les parents présentaient une telle apparence d'unité et de courtoisie, les autres membres de la fratrie jouaient si bien le rôle d'enfants épanouis, et la petite justifiait si parfaitement ses blessures que tout s'était enlisé. Le coup d'accélérateur pour une prise en charge intervenant alors que l'enfant est déjà morte - ses parents après un ultimatum de la nouvelle école, feront croire à un enlèvement -.

Le roman intervient avec toute la force de la littérature. Les éléments sont resserrés, par exemple moins de déménagements et de frères et sœurs qu'il y en eu en vrai, ce qu'on entend n'est "que" la voix des acteurs successifs, parents exclus (2), avec parfois en direct les réponses de l'un ou l'autre enfant telles qu'elles pourraient figurer dans les procès verbaux ou compte-rendus successifs. C'est sans aucun effet de style : ils s'expriment tous en français standard, on croirait assister à des confessions filmées, le ton de certains documentaires de bonne tenue que  l'ouvrage nous plonge au cœur du dysfonctionnement de société qui couplé à celui de ces terrifiants parents a conduit à la mort d'une petite fille. On voit les tentatives vaines de ceux et celles qui ont compris face à ceux qui se laissent prendre à l'habileté du père, à la personnalité insaisissable de la mère, à l'amour que la petite, qui a probablement intégré que c'était elle qui n'était pas une bonne personne, comme souvent c'est le cas chez des enfants qui ne savent pas comment ça pourrait être leur vie si elle était normale, alors ils se disent c'est ma faute. On sait exactement comment ça va finir. On assiste à la dilution des responsabilités et aux dessaisissements successifs de ceux qui étaient près à les prendre. Personne ne peut être directement incriminé, tous ont fait leur travail, ceux qui avaient un peu de pouvoir sont simplement restés dans leur zone de confort, ceux (dont la première institutrice, et on peut vraiment croire qu'elle a agi et pensé comme ça) qui se bougent sont renvoyés dans leurs buts ou mis hors de portée.

Manquent les camarades de classes mais la fratrie changeait probablement trop souvent d'école pour que les enfants puissent réellement se lier et la petite avait sans doute un comportement trop particulier, trop volubile ou trop en retrait, pour avoir quelques amies.

 Après avoir lu, on se dit qu'on ne pourra pas laisser faire de nouveaux cas. Tout en sachant combien ce n'est pas simple.

On se dit aussi qu'Alexandre Seurat a trouvé moyen de faire quelque chose pour elle. Ou plutôt pour sa mémoire. Et pour tenter d'éviter qu'elle ait des successeurs.

 

(à la lecture un souvenir m'est revenu d'une camarade de classe de CP et CE1 non pas maltraitée physiquement mais triste, elle rentrait seule le soir dans une très grande maison et par ailleurs comme elle n'avait pas de frères et sœurs et peu d'amis des grandes l'embêtaient aux récréations, j'avais eu un peu d'effet sur ces dernières en me solidarisant, et très peu sur les adultes j'avais un peu obtenu que certains soirs d'hiver elle passe à la maison en attendant que sa mère rentre, ou qu'on l'accompagne quand il faisait nuit et je me souviens très bien de sa peur que "ça fasse des histoires" ; j'avais compris qu'on ne peut pas aider ceux qui ne veulent pas prendre le risque de s'en sortir, que c'est compliqué ; cela dit il n'y avait pas grave danger, juste une grande maison vide, la nuit qui tombe tôt, et une gamine de 7 ans qui avait sa clef (3)) 

 

(1) article du site de l'université d'Angers
(2) condamnés en 2012 à de très longues peines. Il semblerait que leurs motivations soient restées incompréhensibles, ils n'ont pas non plus été tenus pour fous et les autres enfants, au rôle épouvantable qu'on leur faisait jouer - apparemment l'enfant victime était tenue à part, ils savaient qu'ils avaient une sœur handicapée qui posait un problème -, étaient bien traités. 
(3) À la décharge de ses parents c'était une époque où il allait de soi du moins en banlieue qu'à la grande école on aille seul-e-s ou en groupe du même quartier ou avec un aîné. Les parents qui accompagnaient c'était pour permettre de faire le trajet en voiture au lieu d'à pied (un bon quart d'heure) et certains parents dont ma mère fit partie quand elle "avait la voiture" co-voituraient.


Un hiver très printanier


PC291889C'est la fin de décembre. Il a été très doux. 

En ce jour où nous décidons de quitter Paris pour une semaine ou moins (selon les impératifs d'emploi ou leur absence), on se croirait au printemps. 

La photo est prise à la va-vite sur une aire d'autoroute, mais le groupe de personnes sur les tables extérieures est tout bonnement en train de pique-niquer, et ce n'est pas héroïque de leur part, les conditions s'y prêtent. 

J'ai effectué tout le trajet en pull, ce grand pull gris moucheté trouvé un jour près de chez moi en rentrant, je crois, de chez toi, d'où que j'ai le sentiment d'un cadeau de ta part, quelque chose que tu m'aurais confié. Pas un seul instant, même en sortant pour la pause, je n'ai eu froid. À peine, une vague sensation de frisquet en arrivant dans la maison vide et non chauffée (1). 

Dans la salle de bain, un moustique nous attendait (2), dans le jardin deux fleurs.

C'est un hiver très printanier. 


Quelque chose d'ancestral m'empêche de le bien savourer. Pas grand chose à voir avec la conscience des calamités potentielles que porte le réchauffement climatique, je ne crois pas qu'un seul décembre change grand chose à l'affaire, d'autant plus que j'ai des souvenirs encore récents de grands froids bruxellois et de me tenir glacée dans des librairies dont les portes n'étaient la plupart du temps pour des raisons commerciales pas fermées. Mais plutôt avec la crainte animale d'un "rattrapage", que le doux présent cache du brutal ultérieur, que le printemps soit de ceux de diète prolongée comme autrefois lorsque les premières récoltes se faisaient attendre et que les maigres réserves de l'année passée étaient épuisées. Je ne sais presque rien de mes aïeux, mais ils m'ont transmis beaucoup de leurs difficultés de survie.

Vaguement inquiète et incrédule, j'enlève doucement mon pull.

 

(1) C'est là qu'on s'aperçoit que du moins hors la ville et ses micro-climats, le chauffage n'est pas tout à fait un luxe.
(2) D'où cette question du soir, à la mode enfantine
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BDJ - Vingt-neuf CD retrouvés


20151229_215138C'est au moment de partir, alors que je venais de préparer un de ces objets que l'on emporte lorsque l'on va en Normandie dans la petite maison qui est sobrement équipée. À côté du casque audio que je saisissais, j'ai vu réapparaître un porte-CD, celui que j'emmenais en vacances du temps d'avant.

Je ne saurais trop dire avant quoi. Avant que la voiture achetée (été 2004) ne soit pourvue d'un lecteur dans lequel je glissais une sélection préparée (laquelle est restée figée peu ou prou en 2008-2009). Avant les mp3 et que j'écoute plutôt de la musique à l'ordi via l'appli qui y était pré-installée.  

Je n'avais pas conscience d'avoir égaré cet objet de rangement ni ce qu'il contenait. Il avait dû disparaître de ma vue en même temps que son usage. C'était une sélection de vacances ; certes établie selon mes goûts mais choisie aussi pour convenir à l'ensemble de ma petite famille, je ne risquais pas d'y retrouver quoi que ce fût du gars mort aujourd'hui (1) pourvu d'un âge qui me stupéfie.

Au calme de la petite maison réhabitée, une fois effectuées les petites activités domestiques de retrouvailles avec les lieux, le rituel salut à la mer en moins car la nuit tombe tôt, j'ai entrepris de refaire connaissance avec mes anciens goûts musicaux.

La sorte de trousse contenait vingt-neuf CD, vingt-quatre soigneusement glissés deux par deux dans des compartiments pochettes, les autres ajoutés empilés au bord. Preuve que je comptais les y laisser peu de temps (2), sans doute seulement celui du trajet de retour. Mais quelque chose avait dû survenir ou la reprise du travail être trop rude et je les avais négligés.

Le plus récent serait une messe en si de Bach, novembre 2006, peut-être ajouté lors d'un dernier voyage parce qu'à la chorale dont je faisais alors partie on le chantait.

La plupart datent des années 2003 à 2005, probablement la sélection était celle qui accompagna les congés d'août 2005, juste après le comité de soutien à Florence Aubenas et Hussein Hanoun, et l'hôtel des blogueurs. Je devais être un peu triste d'être sans nouvelles de ma plus proche amie, mais la savais prise par un tournage en Arménie. Je me disais aussi qu'il me fallait récupérer de la fatigue des premiers mois de l'année, cette double-vie étanche entre mon job alimentaire et le comité que j'avais menée, puis la période un peu folle de l'Hôtel, qui m'avait certes sauvée de la dépressurisation d'après un engagement fort juste avant une période où pour cause d'absences estivales, on ne revoit plus les gens que l'on a côtoyés si fort pendant un bon moment, mais qui m'avait épuisée ; pour suivre ce que les autres personnages entreprenaient, et comme dans mon boulot je n'avais pas la liberté d'aller consulter l'internet hors quelques utilisations para-professionnelles, je lisais la nuit. J'avais donc durant le mois de juillet peu dormi.

L'idée c'était à la rentrée de trouver enfin un rythme équilibré entre écriture et travail salarié, ce qui devait être possible, grâce au mi-temps que j'avais depuis mars obtenu. Le moins que l'on puisse dire c'est que ça ne s'était pas exactement passé comme prévu et que dix ans plus tard j'en suis revenue au même point, l'assurance d'un revenu en moins. À part la nécessité d'écrire que l'adversité et le contexte général défavorable ont transformée en rage de vaincre, je ne suis plus la même personne que la femme encore jeune de cet été-là, et à plus d'un titre. En revanche, en redécouvrant les disques, je souriais en songeant aux amis que je venais alors à peine de rencontrer et qui sont depuis sont devenus des proches. Sans eux je n'aurais pas pu faire face aux épreuves successives et si variées - à croire qu'un dieu de nos Olympes a craint que je puisse m'ennuyer -, je ne sais pas comment j'aurais fait.

J'ai dû faire des recherches pour retrouver certains CD, un "toute la musique des mots" hors commerce de l'édition Bouquins devenu mystérieux, une certaine Lynne Dawson dont le nom ne m'évoquait plus rien, le second CD d'une version précise de Rigoletto (et du coup une inquiétude légitime sur le sort du 1er, pourquoi les aurais-je séparés ?), deux volumes sur trois d'une compilation de musiques classiques dans les films, un CD correspondant au travail pour mes cours de chant (3), Figure 8 d'Elliott Smith dont à part le nom et une impression musicale favorable, j'avais tout oublié, mort incluse (4), et puis ce surprenant Encre fort intéressant à l'écoute et dont je ne savais plus rien. En (re?)découvrant qu'il est originaire de ma Normandie, je me prends à supposer que le disque avait peut-être été acheté ici, peut-être à Coutances dans la grande boutique de produits culturels et papeterie (du moins l'était-elle alors) du centre ville où j'effectuais à l'occasion quelques achats de découvertes.

Ce CD et celui d'Elliott Smith me laissent une sensation étrange, comme si quelqu'un les avaient déposés à mon insu parmi un lot dont les autres titres me sont encore familiers. Ainsi ce bel ouvrage de William Sheller, souvenir d'un concert de ce printemps 2005, j'écoutais tout en pensant à Florence Aubenas tout le temps, à la fois très présente et très absente au concert. passant un excellent moment mais le cœur étreint.

J'ai aimé cette chance qui m'est donnée de rejoindre celle que j'étais, une façon après bien des tourmentes de se dire, Ça y est, c'est bon, reprenons. Où est-ce qu'on en était ? J'aime les goûts de cette personne que j'étais il y a dix ans, même si quelques brins de variété italienne me font sourire à présent (5). En ces périodes d'afflux de réfugiés qui ont tout quitté pour sauver leur peau ou leur avenir, d'amis qui ont tout perdu dans des incendies (6), je mesure le privilège que c'est pour soutenir la mémoire et se reconstituer de disposer de ses archives personnelles et déjà vieux objets.

Et puis tout simplement : j'aime écouter ces disques. Belle petite sélection.

 

 

(1) Lemmy Kilmister de Motörhead.
(
2) Je suis généralement soigneuse des choses fragiles. Autant l'apparence m'importe relativement peu (tant pis si à le lire un livre que je n'ai pas à rendre s'abime d'usage, il reste lisible), autant les risques de ne plus pouvoir "faire usage" me rendent prudente. En l'occurrence qu'un CD entassé se retrouve avec des plages sautantes.
(3) abandonnés par la force des choses, quand j'ai quitté "l'Usine" dont mon inscription dépendait.
(4) En octobre 2003 je connaissais à peine les blogs, moi-même ne pratiquais pas, dommage, sinon j'aurais su si j'avais su. Ou si j'étais tout simplement passée au travers de l'information. Ou si j'ai découvert Figure 8 nettement plus tard, par exemple grâce à KMS
(
5) C'était pour soigner le mal du pays, à l'époque je supposais que ce ne serait l'affaire que de quelques années de n'avoir plus assez d'argent pour y aller. Douce illusion.
(6) On s'en rappellera de cette année 2015.

 

billet publié dans le cadre des Bonheurs du Jour

billet également publié sur Bella Cosa

 

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