Déphasée / épuisée


    Dans mon travail actuel je suis essentiellement au téléphone avec des clients en train de (tenter de) les dépanner de leurs tracas informatiques. Et quand je ne suis pas au téléphone, je suis en train de rechercher une solution, parfois nous sommes à plusieurs. Les journées font 8 heures avec une pause déjeuner d'une heure qui s'ajoute mais ne permet guère de faire plus que simplement déjeuner. Si je déjeune à la salle commune, je consulte parfois mes messages ou des fils d'infos sur mon téléfonino en mangeant. Quand nous déjeunons à plusieurs ou qu'il y a une conversation active, je jette rapidement un coup d'œil à mes messages, WhatsApp ou SMS perso, mais guère plus. Généralement je pars de chez moi à 08:15 et rentre à 20:15. 

Bref, il m'arrive parfois d'être douze heures sans la moindre info du monde extérieur.

Quand l'actualité est inquiétante, ça peut être un bien. Par exemple lorsque les troupes russes ont envahi une partie de l'Ukraine en février dernier ; je pouvais passer des journées engloutie dans les urgences de boulot sans pouvoir y penser.
Il y a l'inconvénient assorti : une fois rentrée, douchée, rassasiée, j'ouvre mon ordi perso et c'est toute l'horreur de 24 heures de ce monde brutal qui déboule, alors que je suis dans un épuisement qui accentue ma vulnérabilité et mon sentiment d'impuissance.

Cette semaine il se trouve qu'un problème général indépendant de nos services directs a accru le nombre d'appels puisque des clients appelaient en nous demandant s'ils étaient les seuls impactés ou si l'incident était général.

J'en ai ressenti une impression de jour + 1 au niveau de la fatigue. À tel point que lisant ce midi une brève qui relatait mercredi matin gare du nord, l'attaque de passants par un type muni d'une arme blanche, je n'ai pas capté qu'il s'agissait du jour même, j'ai cru qu'il s'agissait de la veille et passé le premier élan de compassion (partir bosser le matin et tomber sur un type qui vous poignarde juste parce que vous avez le malheur de croiser sa crise, c'est terrible ; sans compter que les gens qui ont un boulot précaire auront perdu et la santé et le boulot qu'ils avaient), je me suis dit que j'étais décidément bien déphasée pour n'en avoir pas entendu parler après plus d'une journée.

On en est là (et le monde de sa violence et moi de mon niveau de fatigue).


La notion du temps

 

    C'est Dr Caso dans ce billet en passant qui écrit "J'ai perdu la notion du temps avec la pandémie et je ne l'ai jamais retrouvée". Je m'aperçois que tel est mon cas. Tout ce qui est avant semble d'une époque très ancienne. Tout ce qui a lieu depuis ses débuts entre dans la catégorie "hier" même si comme cela fait plus de deux ans que cela dure, c'est un hier qui peut avoir deux ans.

Par ailleurs ce qui est survenu à des dates plus ancienne me semble éloigné calendairement de façon stupéfiante. Pas un jour sans que je recompte une durée sur mes doigts, tellement le calcul mental automatique qui s'effectuait à l'évocation de tel événement datant de telle date me donne un résultat qui me paraît improbable. 

Dans le même temps, dès que je me penche en pensées sur ce qui est advenu pendant toutes ces années, j'y vois de quoi en avoir occupé le double, ça n'est vraiment pas une sensation de "qu'est-ce que j'ai bien pu faire de tout ce temps", c'est plutôt "Wow, pas étonnant que je sois fatiguée, comment suis-je parvenue à faire (face à) tant de choses". C'est leur nombre qui me sidère, comme un footballeur à qui on annoncerait un cumul de buts marqués faramineux depuis le début de sa carrière alors qu'il n'a jamais pris la peine de les dénombrer.

Le fait que les 3/4 du temps je n'en suis pas maître puisque soumise à des obligations salariales, ou par choix embringuée dans des événements (sportifs à présent, musicaux il fut un temps, culturels quand j'étais libraire) avec horaires et préparations, accroît ma perte de repères. J'espère parvenir un jour à une retraite, qu'elle dure des années avec assez de santé et que je puisse enfin retrouver la notion du temps - je ne doute pas que revenue à mon propre rythme, je la retrouve, paisiblement -. 


Journée de récup

(lunedi)

 

Impossible de faire quoi que ce soit d'autre : mentalement, je souffre d'usure, il n'y a pas eu de relâche depuis l'automne 2016 pratiquement, entre les choses auxquelles il a fallu faire face dans la vie familiale (maladie finale de ma mère et tout ce qui s'en est suivi, en plus du deuil lui-même), puis le contexte général (la pandémie, la guerre à présent) avec un nouveau changement de métier (le 4ème, en gros, en fait) et ça n'est pas comme si ç'avait été de tout repos avant, l'année 2015 et ses attentats, ayant été terrible entre toutes.

physiquement, alors que je n'ai pas couru le dimanche mais seulement encouragé les autres, je suis dans le même état qu'après une session longue, c'est assez curieux. Comme si les copains m'avaient refilé leur fatigue d'après course et leurs courbatures

Fullsizeoutput_1e1dAlors je dors puis je regarde une vidéo de Rhys Mclenaghan dans laquelle il retrace son parcours jusqu'aux Jeux Olympiques.

Il y a là de quoi puiser tout courage, et presque pouvoir par ailleurs imaginer ce que pourrait être une vie sans l'épuisement de la thalassémie, une vie où l'on peut aller plus loin de soi sans le payer ensuite par deux journées clouée au lit. 

Adversité : trois blessures dues à l'intensité des efforts incessants (deux fois aux poignets, une fois à l'épaule), une éjection de club (l'impression qu'il a été la victime collatérale d'un conflit entre son entraîneur et le club qui était celui où il avait grandi, mais au résultat, fin violente, expulsion), pandémie qui repousse les jeux, oblige à s'entraîner dans son jardin en ayant construit son petit abri, et plus jeune des tracas scolaire que l'on devine à travers quelques mots.

À chaque fois, il revient, et encore plus fort.
(puiser courage dans cet exemple-là)

L'installation d'entraînement dans le jardin n'est pas sans me rappeler lorsque j'avais dégagé un simili terrain de pétanque in our own backyard. 


The moment I knew (en réponse à une question posée par Dr Caso)

 

    Dr Caso a publié ce billet dans lequel elle nous interroge sur Quand on a su, à quel moment on s'est rendu compte que le Covid_19 allait changer nos vies.

Je m'apprêtais à répondre en commentaires puis je me suis rendue compte que ce commentaire n'en finirait pas. Ça serait plus courtois d'écrire un billet.

D'abord, comme je lis beaucoup d'une façon générale, et qu'il y avait déjà eu un certain nombre d'alertes (comme le SARS de 2003), je savais qu'un jour ou l'autre ça adviendrait. En particulier "La constellation du chien" de Peter Heller, et "Station Eleven" d'Emily St. John Mandel. Je suis certaine que les amateurs et amatrices de SF ou romans d'anticipation connaissent bien d'autres exemples peut-être plus frappants. En tout cas grâce au héros de Peter Heller j'avais déjà mentalement vécu au temps d'une épidémie qui atteint des gens que l'on aime. Je m'étais suffisamment identifiée à lui pour avoir déjà une trace mentale de l'effet que ça fait. Joint à quelques paroles rares de mes parents évoquant les temps durant lesquels la poliommyélite et la tuberculose faisaient des ravages, j'étais en quelque sorte "préparée" à ce qui est advenu.


Ce n'est pas forcément confortable parce qu'on aborde le cas réel sans la petite besace d'illusions initiales qui au départ protège l'esprit humain de se manger frontalement l'ampleur du problème. Ainsi, je savais déjà pertinemment qu'un virus n'a pas d'état d'âmes : il s'attaque à tous les organismes dès lors qu'il les croise. C'est après qu'il peut réagir différemment (ou plutôt : engendrer une réaction différente selon l'organisme attaqué). Mais il n'a ni âme ni indulgence et il ne se montrera pas plus clément envers un bouquet de joueurs de pétanque du dimanche qui n'auront pas su différer leur sacro-sainte partie, ou des croyants qui se rassemblent pour prier, même si le dieu invoqué trouve cet effort méritoire, qu'envers des gens qui iront danser entassés en boîte de nuit (du moins avant qu'elles ne ferment).

Le moment où j'ai compris que c'était du lourd, était en janvier, en suivant les infos internationales, et j'avais pensé, leur sorte de pneumonie, à Wuhan, ça a l'air sévère. Mais j'avais l'illusion que si on contrôlait la circulation des gens, en particulier les passagers des avions, qu'ils soient testés, ça resterait en Asie, un peu comme le SRAS l'avait fait. 

Le moment où j'ai compris que l'humanité était dans son ensemble mal barrée c'est le jour de l'annonce de la mort du docteur Li Wenliang, le 8 février 2020.
(extrait de mon billet)

D'un point de vue rationnel il me semble évident : 

Que pour l'instant du moins (ça peut changer très vite, je m'en doute) en France le risque de chopper la grippe classique est bien plus élevé (2) que d'attraper le 2019-nCov ;

Que si l'épidémie se répand à Paris, on aura beau faire, nous risquons d'être en contact avec le virus que nous le voulions ou non ; et tant que nous devrons les uns ou les autres aller travailler, nous n'aurons pas la possibilité de rester confinés. Sans même parler des courses à faire. Dès lors est vaine toute stratégie d'évitement. Qui vivra verra (3).

Il me semble que cette approche calme aura peut-être pris fin ce matin.

 

Dès le 11 février, dans un billet dont ce n'est pas le sujet principal - la vie suivait son cours, je cherchais du travail et en attendant me débatais avec Pôle Emploi afin de faire reconnaître mon plus récent CDD qui suivait un CDI dont j'avais démissionné en période d'essai -, conscience des perspectives d'un confinement, je notais ceci :

Des personnes sont en quarantaine dans des paquebots géants où quelques cas se sont déclarés - dont un au Japon, tout le monde confiné dans sa cabine et des tours de promenade réglementés pour ceux qui en ont des toutes petites sans hublots -.

Conséquences sur lesquelles j'avais lu des articles mais qui commencent à concerner des gens que je connais : toutes nos belles industries, dont celles du luxe, qui avaient délocalisé tout ou partie de leur production en Chine, commencent à sentir la pénurie. Dans certains cas pour des éléments précis, mais dont l'absence est bloquante. 

Et les mêmes industries habiles à délocaliser sont aussi celles qui ont recours aux prestataires extérieurs : chute du chiffre d'affaires ou de la production, résiliation immédiate des contrats. Un ami m'a parlé de connaissances qui s'étaient vu notifier par SMS, de ne pas revenir pour l'instant et que le contrat était suspendu en attendant retour à jours meilleurs. 

J'avoue que je ne pensais pas que les conséquences économiques se feraient si vite ressentir. Je supposais encore à l'ancienne, qu'elles ne précéderaient pas la vague épidémique par chez nous.

Ma difficulté à me projeter dans le futur, trop d'éléments barrant la route, dont mon absence de perspectives rémunératrices immédiates, et la conscience que des tas d'autres problèmes de santé peuvent survenir avant ça, font que je ne parviens pas à m'inquiéter plus que ça. La perspective d'un confinement général ne m'effraie même pas : j'ai de quoi m'occuper avec tout le travail de rangement de l'appartement pendant des mois. Et puis, dans la série À quelque chose malheur est bon, ça pourrait être l'occasion d'écrire à bride abattue.


Les implications de la pandémie jusqu'en France ne me semblent encore ni inévitables ni si directement périlleuses. Je crois que j'ai encore l'illusion d'une possible traçabilité, d'un isolement efficace des cas contacts. 


C'est le 21 et le 22 février 2020 qu'en regardant Rai News 24 dont je viens de m'offrir l'accès avec quelques autres chaînes italiennes qui chez notre opérateur internet constitue un "bouquet" payant, et qui passe un temps en mode "couverture d'une actualité brûlante en direct permanent", que je comprends que ça y est les carottes sont cuites et c'est la fin des haricots, que nos vies, en France aussi, seront menacées et bouleversées.
Un foyer d'infection fait des ravages à Codogno, une petite ville italienne sans histoire et dont le possiblement patient zéro n'a rien à voir d'immédiat avec la Chine, ce qui signifie que ça y est le virus a pris pied en Europe, on ne peut plus faire semblant de croire qu'en interrompant les échanges aériens et en imposant une quarantaine aux voyageurs on passera entre les gouttes.

Voici ce que je notais le 22 février 2020 :

J'avais entendu un flash d'info sur France Cul au matin, et qui parlait d'un bond soudain de l'épidémie en Italie. Je savais donc à quoi m'attendre. Seulement la réalité quand elle est moche dépasse (presque) toujours ce à quoi on s'attendait : je suis arrivée (entre autre sur Rai News 24) en plein direct quasi non-stop sur le coronavirus, comme s'il y avait eu un attentat. 

Le contraste avec les chaînes d'infos française qui tartinaient à loisir sur le thème de Président Macron est depuis 9h au salon de l'agriculture porte de Versailles à Paris, était saisissant.

J'en ai fait sur le moment un petit LT. Et puis comme en France on faisait toujours un peu semblant de Oh mais ça ne nous concerne pas, le virus se détournera de notre beau pays comme l'avait fait le nuage de Tchernobyl, je me suis attelée à la tâche de touiter la partie la plus importante des infos italiennes que désormais chaque soir je suivais. 

C'est donc le vendredi 21 février 2020 que j'ai su que non seulement nos vies seraient impactées mais que nous allions être toutes, tous et chacun d'entre nous en danger et que notre quotidien allait être pour un long moment bizarre, risqué et compliqué, et qu'une fois l'expansion du virus maîtrisée ou des vaccins ou des protocoles de soins efficaces mis au point, il y aurait une longue et terrible crise économique qui s'ensuivrait, laquelle, couplée avec les conséquences de plus en plus menaçantes du réchauffement climatique, risquait de marquer le début d'une époque très sombre pour l'ensemble de l'humanité.

Et à ma petite échelle, j'ai enclenchée le mode Faisons ce qu'on peut et sauve que pourra ... et commandé quelques masques en tissus.

Ce blog est alors devenu une sorte de journal d'une vie quelconque quotidienne au temps d'une pandémie, car j'obéissais désormais à aux mêmes motivations que celles décrites par Dr Caso dans son billet Il faudrait écrire ce qu'on vit ; une impérieuse nécessité de témoigner et partager pour s'entraider à tenir.

 

 

 

 
  



Chroniques du confinement jour 44 : Quatre heures d'insouciance (ce cadeau du ciel, au vu de la période)


    Alors voilà, j'ai reçu de bonnes nouvelles de mon avenir professionnel, à partir desquelles je vais pouvoir prendre mes dispositions et surtout j'ai une date personnelle potentielle de déconfinement : 8 juin.
Elle coïncide peu ou prou avec la date qui me semblait raisonnable d'un point de vue de l'évolution de l'épidémie compte-tenu de la situation en Italie donc je suis soulagée. 

J'ai même eu une bouffée d'insouciance. Qui aura duré 4 heures, le temps que le boulot de mon co-confiné ne l'appelle. Ça ne sera pas si simple de son côté. Et il devra bosser (mais en restant là où nous sommes) deux jours de la semaine qui vient. 

Quatre heures, c'était déjà miraculeux, compte tenu de la période.

Avec en tout cas me concernant un calendrier large à disposition (si je ne tombe pas malade je vais disposer de plus d'un mois, ce qui ne m'est jamais arrivé depuis ... ma vie d'adulte fors les congés maternité et la période après l'"Usine" (mais vécue en pensant à retravailler, et donc sans pouvoir me dire : je dispose de tant de temps)), du coup j'ai repris le travail pour le comité de lecture dont je fais partie. 
Et lu d'une traite "Mikado d'enfance" de Gilles Rozier, dont on m'avait parlé d'une façon bien différente de ce qu'il relate vraiment. J'avais failli ne pas le lire pour cette raison. Ç'eût été dommage. Il aborde bien les questions de mémoire lointaine et de questionnements sur les origines. Sur aussi la connaissance ou la méconnaissance que l'on avait enfants accédant à l'adolescence dans le début des années 70, de l'histoire de la seconde guerre mondiale. J'avais oublié le poids des non-dits. Nos parents (et sans doute aussi les grands-parents pour qui en avaient) savaient bien des choses qu'ils ne nous disaient pas. 

Une partie de ma lecture a eu lieu au jardin vers 16 à 18h un moment de relative éclaircie. Je m'étais bien couverte. JF venait d'avoir son appel pro, il s'était mis à suivre des démos en ligne en rapport avec la formation qu'il devra effectuer ; je souhaitais le laisser en paix. Et donc la seule solution, en plus qu'elle me faisait prendre l'air, puisque la maison est une une pièce-cuisine avec dortoir sous le toit, était le jardin. 
Je suis impressionnée d'à quel point l'ensemble (maison, jardin) est adapté pour deux personnes : pas grand mais la bonne taille, ce qui ne donne pas trop de travail à présent que nous y sommes depuis assez longtemps pour avoir éclusé une bonne part de ce qui relève de la remise en état, mais accorde assez de place. Nous ne sommes pas oppressé comme nous l'aurions été à l'appartement. Ça pourrait être un modèle pour une utopie : si chaque foyer de deux personnes ou deux avec un enfant petit disposait de cette place et d'un bout de terrain de cette taille, plutôt qu'il y ait des personnes dans d'immenses endroits et d'autres entassées dans des conditions sordides, la planète serait moins en danger et l'ensemble de ses habitants. De ces équipements aussi : il n'y a ici que le strict minimum, une douche et pas de baignoire, une machine à laver le linge mais pas de lave vaisselle, aucun excès. Mais rien qui nous manque vraiment ou alors seulement par envies de conforts en fait superflux.

À propos d'équipement, un rire intérieur qui m'aura tenu tout le jour : une des armoires dispose d'un double fond, ou plutôt d'un double plafond. En voulant y ranger un élément de linge de maison, et sans doute parce qu'il y avait un rayon de soleil que je suivais des yeux je me suis rendue compte que la hauteur intérieure semblait différente de la hauteur du meuble vue de l'extérieur. Peut-être avais-je connu cette cachette enfant ? Je n'en avais plus le souvenir. Et de ma vie d'adulte ça faisait quand même depuis 1983 que je côtoyais ce meuble avec régularité. Trente-sept ans avant de m'en apercevoir ! 
Je me demande quelles autres surprises recèle mon héritage. 
Comme je ne suis pas un personnage de fiction, ni non plus cette armoire, l'emplacement était vide. 

En toute fin de journée Samantdi et moi nous sommes accordées un brin de légèreté 

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Ça faisait du bien. 

Quelqu'un sur Twitter (avec le refresh automatique intempestif j'ai oublié qui) Squintar a attiré mon attention sur cet article Wikipédia et je l'avoue j'ai ri

C'était nécessaire car le LT des informations italiennes était modérément réjouissant - sans doute ni plus ni moins que d'autres soirs mais à la longue ça devient usant -. Il y a eu curieusement l'information de la chute en Mer Méditerranée d'un hélicoptère de l'armée canadienne lors d'une opération de l'OTAN (?), et que je n'ai vue reprise nulle part.  


En fin de soirée, le vent s'est levé. JF lisait des Agatha Christie. C'était raccord, c'était parfait.

 

 

 

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Lien vers le site de la santé publique en France 
Liens vers des statistiques :

Wordometer covid-19 coronavirus pandemic (depuis quelques temps le plus complet, entre autre parce qu'il indique le nombre de tests ; un pays comme la France qui teste jusqu'à présent très peu a forcément moins de cas officiels que de cas réels)
Official Data from The World Health Organization via safetydectetives.com
Coronavirus COVID-19 Global Cases by John Hopkins CSSE
3 199 277 cas (dont : 226 790 morts (61,009  aux USA, soit semblerait-il bientôt autant que d'Américaines morts lors de la guerre du Vietnam) et 992 959 guéris) 


Chroniques du confinement jour 25 : Dissonance cognitive


    Un temps estival de ouf, le matin à travailler au jardin en tee-shirt et short (1). J'ai exhumé encore un dallage, celui-ci inconnu de mes souvenirs : le long de la fenêtre. 

Des contacts avec les enfants, dont un coup de fil en début de soirée au fiston qui s'apprêtait à faire une soirée cuisine avec ses colocs. Notre fille a des projets pour son anniversaire. J'espère que ça ira. 

J'ai lu aussi, et continué quelques rangements. Ces journées calmes passent à une vitesse folle. L'Homme n'est pas sorti (à part au jardin), bel effort de sa part. 

Le temps du travail au jardin, concentrée sur mes gestes (je souhaitais épargner certaines plantes, je ramassais encore et encore des morceaux de verre datant des casses du #VoisinVoleur) j'avais oublié l'épidémie. 

Mais elle est toujours là, en dehors des moments de concentrations ou d'efforts physiques (tels que les séances de Tabata). Le frère d'une grande amie est malade à son tour et ils attendent dans la crainte que cela dégénère. Des personnes que je connais d'un peu plus loin réapparaissent soudain qui étaient à l'hôpital depuis un moment (2). Des parents meurent, de personnes qui n'ont qu'une dizaine d'années de moins que moi, et donc eu même en ayant qu'une quinzaine de plus. Des grands-parents, j'ai cessé de suivre, perdue. Mais je m'efforce de laisser un mot de réconfort à chacun. C'est ma seule action possible, il me semble que je la leur dois, moi au confinement si facile. 

C'est en lisant "Feu de tout bois" et un mot concernant la détention de Florence Aubenas, que j'ai soudain compris pourquoi il ne me venait pas à l'idée de me sentir mal d'être ainsi confinée : il y a quinze ans j'ai participé mentalement si fort à un enfermement que l'on pressentait (et qui fut confirmé) autrement plus dur, qu'il ne me viendrait pas à l'idée de me plaindre, ni même de me sentir oppressée ; du moins tant que nous avons la bonne santé. C'est un peu comme si je m'étais déjà entraînée. En images mentales j'étais auprès d'elle presque sans arrêt. Je sais que ça peut sembler ridicule, mais ça a fait de moi quelqu'un d'un peu préparé. D'où d'ailleurs mes routines mises en place très vite, car je me souvenais de son témoignage après son retour et de ce que Marie avait raconté de ce que Florence leur avait dit, le lundi soir, la veille de la conférence de presse et alors qu'elle était enfin rentrée (le dimanche elle était restée dans un lieu militaire pour le débriefing et sans doute le lundi quelques contrôles de santé). 

C'est intéressant de lire longtemps plus tard le point de vue d'Élisabeth sur les prises d'otages et la publicité plutôt déconseillée. C'était vrai en local. Notre job à nous était de maintenir la pression sur l'état français qu'on savait au départ plutôt peu motivé. Je me souviens que les débats au sein même du comité avaient été animés. 
C'est rétroactivement flippant en lisant le témoignage de vie quotidienne d'Élisabeth de mesurer à quel point peu d'otages en ressortaient vivants, globalement. Surtout vers cette période d'enlèvement crapuleux : les types encaissaient les rançons et s'en foutaient de la personne qui n'était pour eux qu'un objet pour accéder à l'argent. 

Pour l'heure j'ai donc passée une journée délicieuse (de plus) pendant cette épidémie atroce - y compris dans les pays comme l'Italie où les gouvernements font de leur mieux en tenant compte de la vie des gens -. La dissonance cognitive commence à être difficile à soutenir - Élisabeth en parle fort bien, qui continuait à faire des longueurs dans sa piscine tandis que des attentats suicides étaient perpétrés presque à proximité, mais justement s'obligeait à le faire parce que tel était son rôle : tenir le coup -. Alors je m'applique à tenir le mien : rester chez moi, ne pas contribuer à l'augmentation générale du risque de contagion. 


Le chat noir et blanc plutôt blanc était dans la cabane à outils en fin d'après-midi. Mais il a filé dès que j'ai ouvert la porte de la cuisine. 
Avec JF nous avons décidé en fin de sieste de faire une promenade au jardin. Il fait moins de 8 m sur 6 m (et un peu plus que 7 m sur 5 m), mais nous avions opté pour cette illusion, Allons nous promener au jardin. Et c'est bête à écrire, mais c'était bien. 

Depuis plusieurs soirs à la tombée du jour une famille au moins des petites maisons préfabriquées blanches, que l'on voit vers l'arrière joue dans leur jardin à des jeux bougeant (chat ou colin-maillard ou que sais-je) et on entend leurs cris de jeux et de joie et des fausses peurs du jeu. C'est extrêmement réconfortant.
Sinon depuis deux jours, dans la matinée et l'après-midi bruits pas si lointain de tronçonneuse. Ça l'est moins.  

Je suis en train de retrouver ma compétence d'enfance en chants d'oiseaux. 

J'ai voulu avant de me coucher, à 1h06 (3), vouloir profiter du ciel étoilé avec l'appli Heavens Above dont j'ai équipé mon téléfonino : tout au long de la journée il avait fait un ciel tout dégagé, et jusqu'au crépuscule : sauf que là, raté, des nuages entre temps s'étaient interposés.
En revanche j'ai pu observé qu'à part notre rue et vers Lessay, la petite ville était plongée dans le noir, et également sur l'arrière vers les petites maisons blanches. Je me suis dit que je regarderai une autre nuit afin de vérifier si c'est habituel ou pas. Je me souviens de ma fausse joie, l'été dernier, d'avoir cru que le noir de nuit était une mesure écologique pérenne.

 

PS : LT des infos du soir sur Rai News 24, c'est un peu devenu mon boulot. 

(1) Je l'avais glissé dans ma valise, pensant qu'on en aurait pour jusqu'à fin mai. En fait même pas mi-avril il sert déjà. 
(2) Bien occupée dans mon quotidien de confiné, et peu connectée, je m'aperçois souvent très à retardement qu'une personne ne donne plus de nouvelles. 
(3) Note de téléfonino : zéro étoiles mais la ville éteinte

 

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Liens vers des statistiques :

Wordometer covid-19 coronavirus pandemic (depuis quelques temps le plus complet, entre autre parce qu'il indique le nombre de tests ; un pays comme la France qui teste jusqu'à présent très peu a forcément moins de cas officiels que de cas réels)
Official Data from The World Health Organization via safetydectetives.com
Coronavirus COVID-19 Global Cases by John Hopkins CSSE
1 684 640 cas (dont : 102 059 morts (18 331 aux USA) et 375 221 guéris)


Chroniques du confinement jour 13 : un dimanche sans énergie, l'onde de choc de la veille

    Jour venteux avec dans l'après-midi de splendides giboulées de grêles ; j'en ai compté cinq avec le grand jeu : la lumière qui change, grand soleil et puis très sombre, la grêle qui claque sur les vitres.  Nous avions envisagé d'aller courir dans le cadre de l'autorisation officielle limitée - notre quarantaine tire sur sa fin et sur le chemin de l'arrière, peu de risque de croiser qui que ce soit -, mais la météo nous aura obligé à rester chez nous. Pas même au jardin : froid et vent fort. 

De toutes façons j'avais décidé que puisque c'était dimanche je pouvais ne rien faire.

Ce à quoi je me suis consacrée avec un grand succès. J'ai lu (toujours "Feu de tout bois" de l'amie Elisabeth, ainsi que de vieux journaux de l'année 1939, que mon grand-père maternel conserva et que j'avais à sa mort sauvés in-extremis de la benne. 

Il n'est resté d'actif que les abdos - squats - pompes du matin, les petites écritures du quotidiens, des heures de repas à peu près civilisées, et une sieste à l'heure de la sieste - interrompue par un appel de R. le beau-frère de l'Homme de la maison, mon co-confiné.

Un appel téléphonique du fiston a ensoleillé ma matinée, des messages échangés avec notre fille m'ont inquiétés (elle dit avoir pris froid et me demandait l'autorisation de rallumer les radiateurs alors que j'avais en vain tenter de la dissuader d'éteindre la semaine passée). 

Je suis restée, que je le veuille ou non, marquée par l'accident de la veille, dont j'ai parlé via SMS avec ma sœur ; ce qui m'a fait du bien. Seulement je n'ai pu m'empêcher dans la soirée de guetter avec le cœur battant plus fort, chaque voiture qui passait (pas de chances, il y en eut, malgré que rien ne soit officiellement allégé dans le confinement) ; ni non plus de retarder l'heure du dîner - comme si un accident risquait de se reproduire alors que nous allions passer à table -. Le son du choc, ce bruit métallique sec, bref, fort, impossible sur l'instant à cataloguer, m'est resté en tête et est revenu à mes oreilles plusieurs fois dans la journée.

Parmi les ami·e·s et connaissances : beaucoup de malades en condition de rester encore chez eux, pas mal de guéris mais qui évoquent toutes et tous une forte fatigue résiduelle, une litanie d'annonces de décès de grands-parents. Quelques survivants, également. 

La France est encore minée par cette polémique au sujet d'un médecin qui prône un traitement particulier (à base d'un anti-paludéen, si j'ai bien compris), et ça continue. Au plus grand mépris de patients qui avaient besoin du traitement pour une tout autre pathologie et se retrouvent en danger. 

Tom Hanks et sa compagne vont mieux et sont de retour aux USA. Le chanteur Christophe est en réanimation. 

Je ne parviens déjà plus à répondre aux messages que je reçois. Pour la première fois, la multiplicité des canaux (qui m'écrit via messenger, qui sur WhatsApp, qui par mail, qui via Twitter ou Insta, qui par SMS) me semble présenter une difficulté, mi da fastidio. Le marrant de l'histoire étant qu'au début du confinement j'avais eu la naïveté de penser que c'était le moment ou jamais d'écluser mon retard en la matière.  

En fin de journée grâce @MGZALLP , je me souviens mais un peu tard, que je voulais regarder le piano de plus près, histoire de voir si je pouvais faire quelque chose en vue de le réaccorder. L'énergie m'aura manquée.  

 

mots clefs : Covid-19 

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713 171 cas (dont : 33 551 morts et 148 900 guéris)


Parfois le marketing conduit à des trucs pas mal (si on a les bons amis)

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Tout aura commencé par un touite de @Celinextenso

ou plutôt un touite à elle en réponse à un touite du CM d'Interflora qui semblait proposer d'envoyer des fleurs à qui des twittos ou twittas que nous connaissions le méritait. 

Il se trouve que l'une de nos camarades @kinkybambou est en bagarre contre un cancer, qui ces jours derniers s'est révélé être du genre starteupeur au trop rapide développement. Alors on a suivi Céline, le hashtag #DesFleursPourXanax (Xanax La Guerrière, désormais La Fougère étant l'un des pseudos de notre amie sur le réseau), et les fleurs ont bien été livrées.

Nous ne sommes pas dupes, c'est pour la chaîne de fleuristes une belle opération de com à pas cher. Il n'empêche que le résultat est doux, et qu'il a permis une médiatisation locale qui pourrait se révéler utile à un moment ou à un autre, ne serait-ce que parce que le monde étant ce qu'il est on est parfois mieux traité·e·s si nos interlocuteurs savent que l'on dispose d'une petite notoriété. 

On peut donc se dire que c'est du marketing intelligent (et que Céline Extenso est quelqu'un de formidable, mais ça, on le savait).

PS : À propos de twittas formidables, je dois un somptueux fou-rire de ce soir à Norden Gail  

 

 


Mort du docteur Li Wenliang (2019-nCov)

Sur le front du 2019-nCov : 31523 cas dont 638 morts mais 1764 guérisons (à 15:30)

Aujourd'hui, un billet à part entière. Alors que j'étais concentrée sur ma recherche d'emploi (j'ai mis bossé 4h non stop, twitter l'a attesté (1)) avec les membres de ma petite famille partis au travail, je n'avais donc croisé personne depuis l'entraînement de natation du matin et le petit-déjeuner (au cours duquel ça avait plutôt parlé boulot), ni suivi d'infos. 

J'avais brièvement songé à l'épidémie en constatant le froid (relatif) sur le chemin du retour (1°c au téléphone), m'interrogeant une fois de plus sur mon étrange conviction que si nous (nous assez vaste : habitants de la France ? de l'Europe vers l'Atlantique ?) tenions  jusqu'au printemps nous serions sauvés. Comme si le virus ne savait se répandre qu'à de basses températures, ou les organismes en être victimes. 

Mais je n'y pensais plus.  

Jusqu'à présent, plusieurs raisons personnelles font que cette épidémie ne m'inquiète pas excessivement : 

J'ai été de santé fragile enfant, et si souvent soumises à des épisodes de toux violentes, gorge en vrac et fortes fièvres qu'à l'âge de 10 ans j'étais profondément persuadée de n'atteindre jamais l'état adulte ; du coup j'ai un peu tendance à pensé tant que pas directement atteinte qu'un virus qui fout la fièvre et empêche de respirer, s'il me tue, m'aura laissé 45 ans de sursis ; c'est toujours ça de pris ;

Mes enfants sont adultes, mes parents et beaux-parents morts, je n'ai pas (encore) de petits-enfants, mes ami·e·s et ceux de ma famille au sens large mais néanmoins proches, adultes et en bonne santé ou déjà malades d'autres choses qui sont leur premier danger. J'ai une seule bien vieille amie qui serait en grand danger si elle venait à être touchée ; je pense que je serais inquiète si mes enfants étaient encore enfants.

D'un point de vue rationnel il me semble évident : 

Que pour l'instant du moins (ça peut changer très vite, je m'en doute) en France le risque de chopper la grippe classique est bien plus élevé (2) que d'attraper le 2019-nCov ;

Que si l'épidémie se répand à Paris, on aura beau faire, nous risquons d'être en contact avec le virus que nous le voulions ou non ; et tant que nous devrons les uns ou les autres aller travailler, nous n'aurons pas la possibilité de rester confinés. Sans même parler des courses à faire. Dès lors est vaine toute stratégie d'évitement. Qui vivra verra (3).

 

Il me semble que cette approche calme aura peut-être pris fin ce matin.

Il y a d'abord eu ce touite

Capture d’écran 2020-02-07 à 15.08.38

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Très vite pour comprendre et vérifier j'ai lu des articles de journaux, dont l'un sur Le Temps, l'autre dans Le Figaro, puis celui du Monde . C'est terrifiant et triste d'être si peu surprenant, seulement voilà : les lanceurs d'alerte sur un sujet si grave que celui-là ont dans un premier temps été mis en prison. 

 

Cette video alors m'a troublée, disparue entre temps (je n'ai plus que la copie d'écran), il s'agissait d'un montage son (4) :  

Capture d’écran 2020-02-07 à 15.11.05

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En voici une copie ainsi qu' une voisine qui semble plus sérieuse.

Quoi qu'il en soit la mort du jeune médecin (34 ans) semble à présent confirmée, ainsi que les contaminations de sa femme (enceinte de 5 mois) et de ses parents. Il laisse orphelin, à ce que j'ai lu dans plusieurs articles, un enfant de cinq ans.

Outre le traitement glaçant que lui auront réservé les autorités, son cas rend visible le fait que ce virus peut être mortel pour un être humain au départ a priori en pleine possession de ses moyens et connaissant les gestes et les précautions à prendre pour se prémunir autant que possible d'une contamination. Et protéger les siens. 
Les articles notent que le médecin a présenté les premiers symptômes le 10 janvier, qu'il a été hospitalisé le 12 et que son décès a été enregistré le 7 février. Par ailleurs les lanceurs d'alerte dont il a fait partie ont été réhabilités le 28 janvier. On peut donc supposé qu'au moins à partir de cette date il a, de la part de ses confrères et parce que contaminé puis guéri, il aurait été un allié immunisé d'autant plus précieux pour soigner les nouveaux patients, reçu les meilleurs traitements. 

Malgré tout il est mort. Et son chemin vers la fin aura été d'au moins une quinzaine de jours. Moi qui imaginait, naïve, un virus qui tue rapidement, s'il doit tuer, ne me voilà pas rassurée du tout. Plus que la mort, je crains l'agonie.

On pourra donc se souvenir de ce vendredi 7 février 2020 comme du jour où l'on aura commencé à considérer la menace comme beaucoup moins lointaine qu'elle n'y paraissait.

C'est le moment de (ne (surtout) pas) relire "Station eleven". 

 

 

(1)

Capture d’écran 2020-02-07 à 15.35.49

 

 

 

 

 

 

 

(2) Si l'on n'est pas vacciné, ce qui est mon cas : j'étais trop à fond dans le boulot lorsqu'il aurait fallu le faire et comme je suis quelqu'un qui fait généralement des réactions fuligineuse face aux vaccins et ne suis pas en état de bosser pendant deux à trois jours, j'y ai renoncé.

(3) ou, comme le disait si bien le père d'Odette du "209 rue Saint Maur" : "Pas peur, pas peur, nous vivra, nous verra"

(4) Il n'empêche que le fait de l'avoir vue et entendue a bien eu lieu. Et d'en être saisie aux larmes tout en s'interrogeant.


Une année (presque) oubliée

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Ma nièce me fait fort gentiment parvenir une photo de la famille qu'elle avait. Nous l'avions vue grâce au fiston quelques jours auparavant et nous étions interrogés sur l'année de la prise de vue. Elle m'indique ce soir qu'il s'agit de 2008.

PS : la photo initiale est d'excellente qualité, je l'ai volontairement floutée car les uns et les autres n'ont pas forcément envie de voir leur portrait traîner.

Ah oui, 2008 ... Euh 2008. Tiens, qu'est-ce qu'on faisait en cette année ? 

J'ai immédiatement et sans recherche en mémoire les éléments concernant nos santés respectives et nos études ou emplois, que c'était pour moi trois ans après le Comité de soutien à Florence Aubenas et Hussein Hanoun, et quatre après la mort de mon père. Deux ans après une rupture subie d'une amitié que je croyais de toute solidité, le chagrin quoique moins fuligineux demeurait. Je n'en étais pas tout à fait sortie ni, au moment de l'image, n'avais encore fait une des rencontres majeures de ma vie (ou plutôt : seulement par écrit). Je me souviens aussi spontanément qu'à l'été 2008 j'ouvrais mon compte Twitter, alors lieu de gazouillis entre amis - et qu'on s'en servait surtout pour échanger et se marrer, ce qui a fort changé -. Je travaillais encore "à l'Usine" mais heureusement à mi-temps, car j'y étais comme une âme en peine, et tentais d'écrire avec acharnement sur mon restant de temps. Quelques souvenirs aussi de l'environnement politique.

Et puis c'est tout.

Le trou de mémoire. Une année de presque rien. 

C'est là qu'on peut savourer d'être blogueuse depuis un bail. Il m'a suffit de regarder mes archives pour retrouver traces et que me reviennent à l'esprit : 

  • que j'avais gagné 800 € au loto soit le montant d'une prime que notre hiérarchique de l'époque avait jugé bon de nous supprimer ; comme s'il y avait une sorte de rééquilibrage au mérite de la vie.
  • que je m'étais régalée à la lecture de "Voyager léger" de Julien Bouissoux
  • qu'à trop être cryptique, longtemps plus tard je ne sais même plus moi-même à qui je faisais allusion (et ça me fait rire)
  • j'effectuais plein de trajets à Vélibs (les premiers, les vrais, qui après quelques déboires de mise en place en 2007, commençaient à être nombreux et au point)
  • je lisais en ligne le journal d'Henri Beyle
  • J'écrivais quelque billet farfelu de fiction basé sur un élément vrai (la rencontre avec une jeune femme anglaise qui me semblait pleine de futurs talents)
  • "Vous avez voulu les capitalistes, vous les avez" (qu'a pu bien devenir la dame, bientôt douze ans après ?)
  • mon amie Gilda Piersanti avait remporté un prix 
  • Sarkozy était presque aussi impopulaire que Président Macron - mais au moins il n'avait pas trompé ceux qui avaient voté pour lui, n'avait pas fait le contraire de ce qu'il avait promis -.
  • Nous faisions toujours des jeux d'un blog à l'autre (je n'avais pas oublié, mais n'aurais su dire qu'en 2008 c'était le cas)
  • Ce fut l'année de poisson d'avril d'une fausse dédicace à l'Astrée (ah ce souvenir d'Honoré expliquant à une dame qu'il convenait de lire une page blanche chaque soir avant de s'endormir)
  • Et l'année aussi de l'inoubliable expo "Prenez soin de vous" de Sophie Calle à l'ancienne Bibliothèque Nationale (Richelieu)
  • C'était l'année où ligne 13 vers Brochant des travaux avaient brièvement permis que l'on revoie de très belles anciennes affiches.
  • Chantal Sébire, qui avait tenté en vain d'obtenir le droit officiel de mourir dans la dignité, alors que son cas était atrocement simple, avait fini par quitter ce monde de souffrance, tandis qu'en Belgique, Hugo Claus avait pu choisir en paix le moment qui lui épargnait de crever sans plus être lui-même 
  • Le salon du livre de Paris avait été évacué suite à une alerte et Anna Gavalda, impavide, avait poursuivi ses dédicaces sur le parking.
  • Certains billets me font bien rire, par exemple celui-ci ou celui-là d'antilope et de spaghetti
  • Je croisai Patrice Chéreau dans un petit théâtre de banlieue et nous échangeâmes un grand sourire (il portait un projecteur, heureux)
  • C'était l'époque des lectures à voix hautes dans un café une fois par mois avec quelques amis qui m'avaient embarquée dans leur aventure.
  • C'est l'année où mourut Frédéric Fajardie. Je me souvenais de ma tristesse et de ma surprise (j'ignorais qu'il fût malade) pas du tout de l'année.
  • J'étais allée au festival de La Rochelle en la super compagnie du fiston et qu'est-ce qu'on s'était bien marrés.
  • J'avais commis un pire jeux de mots avec des noms propres, curieux que je ne m'en sois pas souvenue.
  • C'est là que je suis un soir à Bruxelles montée par pur esprit d'hommage à Jacques Brel, dans un Tram 33 sans savoir où il allait.
  • C'était l'année du décès de Matthieu Charter. Bien sûr je n'avais pas oublié, il était le fils d'une de mes amies ; mais je n'aurais pas su retrouver l'année.
  • Mon amie Véronique avait pris une émouvante photo.
  • J'en avais moi-même pris d'une rue qui n'est plus du tout comme ça (sans savoir que 12 ans plus tard ça serait le cas)
  • Je redécouvre un enregistrement de moi lisant un extrait de "l'Île aux musées" de Cécile Wajbrot à un lectomaton (?) bruxellois. Je ne sais même plus ce dont il s'agit. Ni où vraiment c'était. En revanche je me souviens du livre.
  • Barack Obama est élu - ça je n'ai pas besoin de mon blog pour me le rappeler -, il n'empêche que j'ai réellement et très naïvement cru que l'on allait vers un mieux général et que cela marquait la fin d'un vieux fond de racisme. T'as qu'à croire ! J'avais oublié mon enthousiasme.
  • Ma fille s'est fait cambrioler sa chambre de service et voler son violon. Peu après notre cuisine est inondée (par les eaux usées remontant via l'évier). Bad kharma de fin d'année. 
  • Nos week-ends de ciné-club avaient encore lieu à La Brosse-Montceaux 

Pour une année qui me laissait sans beaucoup de souvenirs, elle fut plutôt mouvementée. Et malgré les points durs, je suis contente d'avoir pu me la remémorer. 

Moralité : écrivez, écrivez au moins le quotidien, au moins pour plus tard vous sentir fières et fiers des épreuves surmontées ou pour les bons moments et les anecdotes marrantes, vous refaire rigoler.