Les temps changent (et ça peut être très bien) #JO
29 juillet 2012
Mes plus lointains souvenirs de JO sont Japonais et Mexicains, ce qui pour les premiers me parait impossible, mais j'ai une vision d'une cérémonie et un (faux ?) souvenir de mon père m'expliquant c'est à Tokyo au Japon, c'est très loin.
Mon père aimait à regarder le sport à la télé, un des rares types de programmes que ma mère le laissait regarder sans lui casser les pieds.
Je crois que j'ai commencé à regarder parce que j'aimais ces moments où au lieu d'être l'homme qui grondait, il était celui qui patiemment, expliquait.
Et puis j'avais compris assez vite qu'on avait beaucoup de famille assez loin et voir des images d'ailleurs en même temps qu'elles se passaient, c'était comme d'être moins loin d'eux.
De 1972 j'ai le souvenir, très fugitif (1), du drame et de filles - Allemandes de l'Est ou "Russes" - qui nageaient avec des corps bizarres, hypertrophiés, impressionnantes mais sans beauté.
Ceux de 1976 sont sans doute ceux que j'ai suivis d'au plus près. Pourtant les horaires devaient être décalés. Mais peut-être que j'avais obtenu une dérogation à la rigidité des horaires familiaux. C'est la révélation de la grâce, ou plutôt que l'état de grâce existe, et que j'y suis sensible à en oublier de respirer.
De Moscou je garde le souvenir de l'athlétisme et de l'arrivée de la télé couleur chez mes parents. Ce qui fait que Montréal, je m'aperçois en y repensant aujourd'hui que je l'avais vu en noir et blanc. Il me semble que mon cousin Philippe s'était trouvé là pour l'une des épreuves de fond ou demi-fond - rétrospectivement, je me demande bien pourquoi car nous vivions assez loin des grands axes, il fallait venir exprès (et pourquoi serait-il passé seul et sans ma cousine assortie ?) -, et qu'on l'avait regardée en encourageant joyeusement d'obscurs petits concurrents. Je garde un souvenir de rires, de soleil, de ces moments légers.
De 1984 mon souvenir est douloureux : j'étais atteinte de mononucléose avec parmi les symptômes d'étranges et violentes douleurs aux pieds qui la nuit me tiraient du sommeil. Certaines épreuves diffusées en direct en France et donc la nuit, m'ont permis de tenir le coup. Je n'en ai retenu que le soulagement, l'esprit qui se concentrait sur la part de divertissement, la souffrance tenue en respect.
Ensuite je cesse d'avoir la télé, ou ne l'ai que par période, ma propre vie est trop remplie pour que je passe du temps à voir.
De Barcelone mon souvenir est celui d'une sympathique championne de judo, tenue pour toucher quelques revenus de venir parfois faire acte de présence dans le service bancaire où je travaille alors. Elle s'était là-bas fait voler son portefeuille ; nous le raconte sur le mode plaisant, comme d'un grand bonheur l'inévitable inconvénient.
En tant que petits collègues, nous avions eu l'honneur d'être invités à une réception pour fêter les exploits de l'équipe de France. Un de mes chefs d'alors, pourvu d'une famille nombreuse, s'était appliqué à récupérer auprès de personnes que l'objet indifférait, autant de pin's "JO-judo" qu'il avait de descendants. Au lendemain il était arrivé au bureau en affirmant que "Les 8-12 ans avaient beaucoup aimé".
Le souvenir de croiser un jour David Douillet dans l'ascenseur principal du siège social de la banque et qu'il le remplissait - j'exagère, mais l'impression était celle-là -.
De l'an 2000 me revient Ian Thorpe. Sa forme d'état de grâce est moins gracieuse que celle de Nadia Comaneci, mais très marquante (2). J'ai la télé, le câble, je m'amuse à regarder en d'étranges langues étrangères, à des horaires bizarres mais pas trop quand même : il faut travailler aux heures de bureaux et les enfants ne sont pas bien grands.
D'Athènes et Pékin : rien. L'écriture est entrée dans ma vie, certains malheurs et chagrins aussi. Je n'ai pas même profité de l'internet à part très ponctuellement, pour quelques sports dont la vision m'enchante (plongeon, natation ...).
Cette année, voilà qu'on est dans le bon fuseau horaire, que j'ai une inquiétude pernicieuse à étouffer, que grâce à l'internet et malgré une méchante collection de limitations (3), je risque de beaucoup regarder ce qui va s'y passer, entre autre via les diffusions sans commentaires. J'en ai ressorti un ordinateur vacillant précédent, lequel fera peut-être l'effort de ne pas planter s'il s'agit d'être simplement ouvert sur une diffusion et rien à enregistrer. Ma fille regarde un autre sport ou le même sur son propre ordinateur dans une autre pièce. Le fiston s'indiffère mais pourrait allumer la télé, sur l'une des chaînes que notre opérateur internet nous octroye.
J'ai donc connu de l'âge où l'on regarde quelques heures éparses sur une télé sans couleur avec une chaîne unique (mais en mondovision, quand même), jusqu'au temps du "à la carte" sur des ustensiles variés (4) et pouvoir visionner à nouveau ce qu'on souhaite, ou choisir de rester à l'écart, indifférent (5).
Il fut un temps où les Jeux Olympiques fédéraient : pendant la période qui les voyait se dérouler, les discussions de comptoirs, de cours de récré, de machines à café évoquaient en permanence le sujet. Il me semble qu'à présent seuls les passionnés de sport suivent, et quelques autres en cas de succès français. Il me semble aussi que les jeunes générations voient ça d'un œil lointain, vaguement amusé, sauf à pratiquer l'une des disciplines concernées.
Pour autant ça fait quand même un bon bout de temps que l'humanité s'y tient à ce rendez-vous d'une fois tous les 4 ans (6).
(1) J'ignore s'il s'agissait de censure maternelle - toute image guerrière était systématiquement bannie, source de disputes sans cesse renouvelées car mon père estimait qu'il avait le droit de regarder le JT, du coup ma sœur et moi devions quitter le salon afin qu'il puisse regarder et nous pas -, ou si un voile diplomatique avait été jeté et les retransmissions volontairement taiseuses sur le sujet.
(2) Au point que je me débrouillerai un jour pour aller le voir nager en vrai lors d'une compétition qu'il eût à Paris. J'ai les larmes aux yeux rien qu'à y penser.
(3) que je n'ai pas le courage de tenter de contourner par l'usage d'un proxy étranger.
(4) Et encore nos moyens limités ne nous permettent pas l'usage de toutes sorte d'i-trucs sur lesquels nous pourrions également suivre chacun selon notre plus grande fantaisie.
(5) Ma TL sur twitter ou les statuts FB de mes amisindiquent que nous ne sommes pas une majorité à regarder.
(6) sauf guerre mondiale ce qui se comprend.
PS : Et à présent on peut même suivre Nadia Comaneci sur twitter , qui en fait un usage plutôt professionnel et mesuré.