Des hommes si différents


    Je ne sais pourquoi ça me revient à l'esprit alors que je prépare mon émission de radio de mercredi soir avec un choix de livres qui n'a rien à voir, ou peut-être est-ce d'avoir repensé à ce blogueur ami disparu corps et âme et même pour partie écrits alors qu'il semblait être quelqu'un de fiable et pas du genre à faire ça, peut-être aussi est-ce ce billet chez Carl Vanwelde, au demeurant comme souvent fort réconfortant, mais j'ai soudain songé à nouveau aux hommes (1) qui sont si différents parfois face à leurs amis, autres hommes, ou dans leur comportement face aux femmes. Et du coup leurs homologues ne tarissent pas d'éloges sur des qualités professionnelles, ou de paroles tenues, et de longues fidélités, de C'est quelqu'un sur qui l'on peut compter, quand les femmes entendant cela lèveront les yeux au ciel, car le même envers elles n'est fiable qu'en période de séduction, ment fréquemment, et ne reste pas longtemps proche de l'une ou l'autre, dès lors qu'une plus belle sera passée par là.

Et je ne parle même pas de ceux qui ont des attitudes contestables et une sexualité abusive.

Parfois l'ami commun, qui persiste à admirer l'importun, aura un éclair de lucidité, osera une question, Qu'est-ce qui se passe avec Machin, j'ai l'impression que vous ne l'aimez pas. 

Et il faudra tenter de trouver sans blesser les mots pour dire "Il n'est pas le même avec nous et avec toi". 

Dans un tout autre registre mais avec un point commun, celui des différentes facettes d'une personne, je me demande si mon camarade de triathlon si brillant, qui vient de remporter à Chamonix l'Evergreen, est connu à sa hauteur d'excellent triathlète par ses collègues de travail. Le connaissant, il est très probable qu'il n'ait mentionné sa pratique que dans la mesure où elle nécessite quelques jours de congés pour se rendre sur les lieux des différentes courses, en plus que d'y participer. Mais pas pour indiquer qu'il tutoyait le niveau pro.

 

(1) des femmes le sont sans doute aussi probablement, je n'en ai pas l'expérience en tout cas.


Top gay

 

    Grâce @gro-tsen je suis retombée sur la video qui démontrait que Top gun était indéniablement un film gay. Une fois qu'on la voit, le doute n'est plus permis.

À l'époque de la sortie du film, du temps d'avant les internets et les fréquentations élargies qu'il m'aura permises, vivant dans un monde où l'homosexualité semblait ne pas exister, ayant tout juste croisé quelques lesbiennes - au foyer des lycéennes où j'étais hébergée durant une partie de mes classes prépas - qui ne s'en cachaient pas et ne sachant rien de l'homosexualité des garçons qui l'étaient - vaguement que oui, ça existait, peut-être seulement dans les milieux aisés ? (1) -, je n'avais rien, mais alors rien vu. Tout au plus m'étais-je dit que ces garçons ne me paraissaient pas très séduisants et qu'ils prenaient de drôles de poses en jouant au volley. Globalement j'avais un peu passé le film à me demander moi qui n'aimais déjà pas les blockbusters et encore moins s'ils étaient guerriers, ce qui nous avait pris d'y aller. Peut-être le besoin de chercher de l'énergie dans le positivisme obstiné à l'américaine. Peut-être que je l'aurais trouvé plus intéressant si j'en avais eu les clefs, ou si j'avais été moins #BécassineBéate 

 

 

(1) Je faisais cette confusion entre le fait de pouvoir plus ou moins ouvertement vivre son orientation sexuelle selon le milieu où l'on vit et la fréquence de son occurrence lorsqu'elle était différente de celle de la majorité.


Du nom des marques des sponsors

 

   Notre système économique veut que le sport professionnel (entre bien d'autres choses) soit financé par des marques qui voient là l'opportunité de se faire connaître. Il me semble que je n'y voyais pas d'inconvénient tant qu'il y avait de la logique : un équipementier de sport finançant des équipes de football, un fabricant de cycles une équipe de cyclistes pro. Ou alors une équipe d'une localité par l'industrie ou l'entreprise pour laquelle la ville était réputée. Saint-Étienne (l'ASSE) de la grande époque, c'était Manufrance, deux identités géographiquement associées.  

Et puis à un moment, ça s'est mis à n'avoir plus aucun rapport : une compagnie aérienne d'un lointain pays s'est portée au chevet d'une grande équipe de football en France, des assurances ont payé des cyclistes ou une société de jeux d'argent. Mon cerveau a alors décidé unilatéralement de ne plus établir de connexion entre les sponsors et les sponsorisés et je ne m'en étais même pas rendue compte. 

À l'instar de l'enfant d'une rubrique-à-brac de Gotlib et qui chantait joyeusement Leblésmouti labiscouti en allant à l'école et tombait déçu quand plus tard il comprenait qu'il s'agissait d'une chanson pour rythmer le travail (1), je suivais par exemple le tour de France sans relier en rien les noms d'équipes à des marques. Le nom était le nom de l'équipe et rien d'autre. 

Autant dire que si tout le monde avait été comme moi, les sponsors et autres mécènes n'auraient pas maintenu longtemps leurs investissements.

Et puis est survenu le Tour 1998 qui a viré au roman policier. Et je suis tombée de l'armoire en comprenant que Festina, entre autre était une marque de montres et que Doïchteutélékom était un opérateur de télécommunication en Allemagne, Kofi Dix un organisme de crédit (2) ... 

Je croyais naïvement que depuis ce temps-là je savais faire le lien, même si je m'en foutais complètement. Et cet après-midi en tirant du café à un distributeur, parce que je regardais rêveusement les noms sur la façade de la machine pendant que celle-ci préparait ma boisson, j'ai "découvert" de quoi était le nom de l'une des équipes de cette année. En fait mon absence de faculté de relier le financeur au financé, en bientôt vingt ans ne s'est toujours pas arrangée. 

Ça me fait bien rigoler. 

 

(1) Le blé se mout-y // L'habit se coud-y  

(2) Alors que je connaissais l'existence des sociétés Festina, Deutsche Telekom et Cofidis ...


Quand tu penses (pseudo)

Quand tu penses qu'il aura fallu que pour le départ du tour de France 2019 à Bruxelles, la présence d'Eddy Merckx te pousses à vérifier quelque chose le concernant sur wikipédia (en mode 50 ans ! hein ? quoi ? déjà ?) pour piger probablement cinq ans après tout le monde d'où venait le pseudo d'Édouard Louis. 


Tracas technique (des idées ?)

 

Depuis une semaine, plus moyen de connecter ma montre de triathlon Garmin Forerunner 735XT au MacBook Air (sous MacOS High Sierra 10.13.6) via le cordon USB.

Avant il suffisait que je la branche pour qu'elle apparaisse dans le Finder. Et puis soudain dimanche dernier impossible de la voir même en passant par Finder / Aller à / Ordinateur ou par certaines rubriques systèmes qui permettent de voir les connexions USB.

J'ai essayé tous les classiques : autre cordon qui marche bien autre Garmin autre ordi (le PC du conjoint), l'autre port USB du MacBook Air, vérifié que les ports USB fonctionnaient bien avec d'autres appareils. Et bien sûr, éteindre, rallumer, recharger Garmin Express.

Rien n'y fait au moment de "Connecter votre appareil" rien n'est détecté 

Capture d’écran 2019-05-20 à 01.56.07

J'en suis rendue au stade ou toute idée est la bienvenue. D'autant plus que j'ai un triathlon qui approche.

Remarque : La connexion fonctionne parfaitement, exactement comme avant le dimanche fatidique, pour ce qui est de recharger la montre. Et la montre elle même fonctionne tout comme avant, aucun problème apparent.

addenda de début juin : en fait et finalement, je m'en suis sortie en désistallant puis réinstallant complètement le logiciel Garmin Express sur l'ordi et en réinitialisant la montre. Je ne sais laquelle des deux manips aura été déterminante. 

 

 

 

Sympathique spectacle mais légèrement décevant (sur la fin)

 

    Une de mes amies habite près du Monfort et prend parfois la peine de réserver pour certains spectacles et de m'y inviter. C'est toujours un bonheur.

Ce soir il s'agissait du spectacle "Le gros sabotage" par la compagnie La mondiale générale. La première partie comportait des acrobaties sur bois debout puis du travail avec des cerceaux. 

C'était impressionnant. 

Puis il y eut une scène de changements de vêtements, une oraison funèbre  et  un gars qui imitait Elvis Presley.

Nous avons pensé qu'ils et elle prenaient leur souffle avant de nous offrir un nouvel aperçu de leur travail acrobatique. Et puis, non.

Alors nous sommes restées un tantinet sur notre fin. 
(ou alors il y a quelque chose que nous n'avons pas compris)

 


Le plaisir de se préparer (allure vestimentaire et autres apprêts)

 

    C'est un échange de touites avec une amie qui se reconnaîtra (ses touites étant privées je suppose qu'elle préfère que je ne détaille pas davantage) qui m'a fait prendre conscience de jusqu'où la pression sociale envers les femmes peut se nicher. 

Elle évoquait le fait d'abordant un nouveau travail elle avait pris la décision de ne pas se maquiller, que ça serait un esclavage quotidien de moins (ce sont ses termes). Que je sache son travail n'est pas de représentation, de ceux pour lesquels on est recruté-e-s pour une apparence, auquel cas il peut être admissible qu'une obligation de rendre celle-ci conforme à certains critères existent.

Je n'ai rien contre le maquillage dans l'absolu et y ai (vaguement) recours lorsque c'est requis avec une raison réelle : scène, projecteurs, rôles ... En général cas pour lesquels des maquilleuses ou maquilleurs professionnels sont présent-e-s et qui officient avec des objectifs clairs de visibilité. Le résultat peut être bluffant, ils connaissent leur métier. Parfois pour une soirée, surtout si c'est l'hiver et que j'ai les lèvres gercées il m'arrive de mettre un vague machin hydratant brillant. Ou de peigner mes sourcils, naturellement broussailleux. 

Il n'empêche que dans la vie quotidienne, je n'en vois pas l'intérêt. Je trouve sur les autres souvent le résultat assez moche, par rapport à la beauté de la personne au naturel. Et puis déjà qu'en étant une femme je perds plus de temps que les hommes pour toutes sortes de raisons (du temps des pauses pipi aux années de saignements menstruels ...) et même si eux doivent passer du temps à se raser la barbe au moins par moments, je ne suis pas motivée pour traîner davantage qu'eux dans la salle de bain. J'ai mieux à faire. Me "faire belle" m'a toujours gavée. 

Du coup lorsque le message sociétal ambiant était que les femmes éprouvaient un certains plaisir à s'apprêter afin de se sentir aptes à affronter la journée, j'y croyais. Puisque je n'y comprenais rien et que j'étais hors jeu, je croyais que c'était bien comme ça pour les autres (1).

Il semblerait qu'il n'en soit rien même si certaines d'entre nous ont si bien intégré la norme sociale qu'elles le croient - ce qui est logique : on prend l'habitude d'un certain rituel, et il nous aide vraiment à la longue, ça devient comme un échauffement avant une activité -, de même que la plupart des gens trouvent moches les traces de vieillissement alors qu'il n'y a aucune raison : on peut avoir un beau visage avec des rides et les cheveux blancs ne sont pas laids, ils adoucissent un visage.   

Voilà donc qu'une fois de plus rien n'était aussi simple que ça semblait. 

Du coup je n'en admire que davantage mes consœurs qui parviennent à satisfaire à tant d'obligations malgré elles et rends grâce aux réseaux sociaux qui permettent des échanges qu'on n'aurait pas forcément en direct : je n'aurais pas osé interrompre une de mes camarades de piscine se maquillant consciencieusement après un entraînement du matin, Tu le fais parce que ça te fais plaisir ou parce que tu te sens obligée ?

J'en viens aussi à interroger ma propre pratique : j'aime certains vêtements, certaines chaussures, une forme d'élégance à mes yeux (probablement assez particulière) ; je peux m'acheter un habit en raison de son tissu (la texture plus que le motif). Et je me rends compte qu'il y a un cas où j'aime me préparer : pour les vêtements de sport, avant une course, le choix de la tenue optimale, de là où le confort sera le plus grand pour une performance non entravée. J'ai une grande réticence à l'uniforme, seulement un maillot de sport d'une équipe ou une tenue de club me donnent des ailes (2). Peut-être que si j'avais considéré la séduction comme un sport, j'eusse aimé passer des heures en salons esthétiques ou à me maquiller ?

Quoi qu'il en soit je suis heureuse de pouvoir encore vivre dans un monde où l'on a le choix, au moins celui d'aller sans masque si l'on préfère ça.

 

 

(1) Au fond le même mécanisme à l'œuvre que pour tant d'autres choses : étant une fille, si je constate que quelque chose me concernant n'est pas comme ça devrait selon la norme majoritaire, j'ai intégré que c'est mon cas particulier qui cloche. Il m'aura fallu passer le demi-siècle pour m'apercevoir que souvent c'est la norme ou même le fait qu'il y en ait une qui serait à remettre en cause. Je suis simplement un être humain qui fait difficilement les choses par obligation dès lors que celle-ci ne lui semble pas logique ou serait source de souffrance. Je ne suis ni conformiste, ni obéissante. Ça peut être bien vu chez un homme, mais chez une femme, non.  
(2) Très relatives, les ailes, mais par exemple me donnent la force de ne pas abandonner et d'arriver dans les délais.

PS : Plus le temps passe et plus je prends conscience mais sans doute aussi parce que les critères ont évolué que ce que je perçois comme vulgaire pour la tenue des femmes est considéré comme sexy voire élégant. Alors que ce que je trouve classe est considéré par d'autres comme négligé.


Se prendre en compte

 

    Il aura donc fallu un vol stupéfiant (1) et qu'on me demande si j'avais des factures pour que je prenne conscience d'à quel point soucieuse de ne pas dépenser de l'argent que je n'avais pas, ni de surconsommer, aimant aussi trouver une utilité aux objets qui m'échoient, je me traitais un peu mal et qu'il était grand temps que je pense à moi. 

Je faisais durer depuis des mois mon petit Mac Book Air parce qu'il avait une valeur affective et par souci d'économie, mais de fait je me privais d'un fonctionnement normal, ça faisait longtemps que je n'avais pas sérieusement "développé" mes photos parce qu'il saturait. L'écran était devenu trop petit pour ma vue déclinante.
Je faisais durer depuis des mois mon sac à dos d'ordi. Je l'avais obtenu dans le cadre d'un programme de fidélité de ma banque à présent changé pour un système de cashback qui ne me sert pas, puisque j'achète peu ou par nécessité immédiate et donc sans choisir où. Il était troué en dessous, les fermetures éclair se rouvraient.  Il n'était plus tout à fait sûr. 
Des pochettes qu'il contenait, une seule correspondait à un achat - elle était si pratique et je la regrette -. Les autres étaient plus ou moins des petites trousses publicitaires. L'une imperméable venait de chez ma mère. Dommage, sa seconde vie n'aura pas duré. 
Le portefeuille était une réclame d'il y a des années. J'en avais pris l'usage en 2009 lorsque je m'étais fait voler un autre que j'avais et que j'aimais bien.
Le cordon du téléfonino qui m'a été volé correspondait à mon nouvel appareil qui est un "faux gratuit" de mon opérateur.

Bon, la souris de l'ordi. était aussi un achat mais depuis quelques temps elle avait un faux contact, par moments. 

Mon fils a pu me dépanner fort gentiment d'un ordi immédiatement. Il s'était facilement offert ce que je reportais pour moi. Certes, il gagne sa vie depuis qu'il est apprenti et participe volontiers aux frais de fonctionnement de la maisonnée, mais pourquoi est-ce que j'admettais de me priver d'un outil en pleine forme alors que nous sommes quatre dans ce même logis. 

Mes autres objets achetés et volés étaient des livres mais c'est aussi lié à mon métier. Pas des achats de fantaisie, même s'ils me font plaisir.

J'avais la même paire de lunettes depuis plus de 5 ans. Certes c'est parce que ma vue de loin n'a pas franchement baissé mais quand même. Dès que j'ai à nouveau une mutuelle, je prends rendez-vous chez l'ophtalmo, il me fallait le faire de toutes façons.

Nous allons devoir changer la serrure de la porte. Des années que par moments elle se bloque ou avec certaines de nos clefs. Mais l'homme de la maison freinait pour la changer.  

C'est effarant à quel point je suis formatée pour ne pas dépenser. Des années de manque d'aisance. Des années de vie avec quelqu'un qui n'a pas une relation normale avec l'argent. Les fins de mois difficiles ont fini par avoir raison de ma résistance à son trouble.
Cela dit, par souci écologique et de ne pas surconsommer, c'est moi et moi seule qui suis incapable de remplacer quelque chose qui fonctionne et fait bon usage par un autre modèle simplement parce qu'il est plus joli ou plus à jour des dernières spécificités. Mais il est temps que j'intègre qu'il ne faut pas traîner avec un matériel qui commence à être défaillant sous prétexte d'être raisonnable. On se complique la vie et on facilite le non-remboursement pour cause d'obsolescence par une assurance éventuelle en cas de problème.

Il est temps que j'apprenne à avoir envers moi un minimum de respect. À prendre en compte mes besoins, à ne pas toujours les reporter à des jours meilleurs qui ne viendront peut-être jamais.

En attendant le nouvel ordi, vif, rapide, lisible, agréable, me réjouit. J'en éprouve un regain d'appétit de travail, d'énergie.

 

(1) que je n'aie rien senti ne m'étonne pas : depuis le 7 janvier 2015 je ne ressens plus les présences à l'arrière, ni n'ai conscience de regards posés sur moi si je ne vois pas la personne qui me voit. En revanche que les personnes à ma table n'aient rien vu alors qu'elles étaient en face ou juste à côté de moi m'étonne. Je ne m'étais pas même absentée le temps d'aller aux toilettes. 


Après nos fins

 

    À l'occasion d'heureuses (oui, heureuses, les uns et les autres vous vous aimez bien et c'est l'emprise de la vie quotidienne qui vous a éloignés tandis que les kilomètres qui séparent vos villes de résidence n'arrangeaient rien ; il y a aussi qu'avec l'Internet tu as cessé de téléphoner et qu'eux n'étaient pas des internautes, tes aînés) retrouvailles, vous découvrez ce par quoi vous en êtes passés, des maladies graves des enfants, des ruptures, des contextes professionnels pas tout à fait que ce que vous croyiez savoir ...

Tu sais avoir une bonne mémoire jusqu'à présent, du moins pour les choses affectives, alors tu es persuadée que ce que tu découvres à présent, c'est que tu ne l'as pas su, ou alors en mode totalement hors de proportion avec ce qui se tramait (La petite x... , elle n'est pas très en forme en ce moment, par exemple, pour dire une maladie qui rétrécit l'avenir de qui l'a développée). En fait la génération du dessus, qui détenait les nouvelles et que chacun supposait avoir fait le boulot de mettre au courant ses propres enfants (1) n'a rien transmis. L'une n'a pas dit, ou l'autre n'a pas redit. J'imagine bien ma mère nous voyant aux prises avec nos propres problèmes, de boulot, de maladies chroniques, d'argent malgré de bosser dur et de dépenser peu, a peut-être préféré ne pas nous alourdir, sachant combien j'aimais mes cousin-e-s, et s'est tue. Peut-être aussi n'avait-elle tout simplement pas su.  

Depuis février, à chaque personne que nous revoyons (2) c'est une trentaine d'années d'historique qu'on se mange au rattrapage. Pas que du triste, il y a des choses bien. Notamment les femmes qui ont réussi de belles choses d'un point de vue professionnel et ne s'en sont pas vanté et personne n'a eu la bonne idée de colporter.

Ce sont aussi des éléments de l'histoire familiale qui se révèlent pourvus d'autant de versions que d'issus de survivants. Ainsi la mort de ma grand-mère maternelle en Normandie quelques mois après le débarquement et de celles d'un petit garçon qu'elle venait de mettre au monde a autant de versions qu'il y avait d'enfants grands qui avaient survécu. Le point commun étant : tomber malades et ne pouvoir être soignés, du fait des circonstances. Ils se meurent quand tout le monde festoie. Les médecins et même les prêtres sont avec les soldats. Les maisons sont des courants d'air qui n'ont pas ou plus de toits.

Aucune version n'est plus ou moins glorieuse ou dramatique qu'une autre, c'est la maladie qui change ou même (dans mon cas) l'ordre des décès. Le fait est que ma mère ou ses sœurs n'en parlaient jamais, les très rares fois ou elles faisaient l'effort - généralement pour répondre à nos questions d'adolescent-e-s - leur mémoire avait peut-être enfoui les précisions. Nous portons de fait toutes, nous les filles de la génération suivante, le poids de la mort prématurée de cette grand-mère remarquable, dont toutes les traces restantes nous laissent à penser qu'elle fut une femme d'une force de caractère hors du commun. Nous portons également une succession d'enfants grandissants qui n'eurent pas lieu, chaque génération soumise à des impératifs de guerres, maladies, morts, nécessités économiques. Ça se paie un jour, inévitablement.

Mon naturel optimiste (que je tiens peut-être de cette femme, sa force de combat, ou d'une belle part de fantaisie venue de mon côté d'Italie, salut Enzo !) fait que je persiste à penser que nous ne nous en sommes pas si mal tirées.

De façon plus contemporaine, il y a aussi que depuis 1994 nous avons perdu un rendez-vous annuel chez l'oncle et la tante qui avaient une maison assez grande et un immense jardin. Personne n'avait les moyens, ne seraient-ce que géographiques, de prendre la relève.

Il y a également que chacun a pu supposer que l'autre avait été mis au courant, s'était peut-être désolé du manque de solidarité, de soutien. Et que, passé le pire, ceux qui étaient concernés n'avaient pas envie d'en reparler (3), ce qui fait qu'à l'occasion suivante, rien n'avait filtré des épreuves traversées.

D'autant plus qu'on n'a pas envie d'être définis par sa maladie ou ce qui peut handicaper.
D'autant plus que ces dernières années nous ne nous sommes croisés le plus souvent qu'à des enterrements. Ce ne sont les bons moments ni pour confier des ennuis ni pour se vanter.
D'autant plus que le capitalisme sans opposition puissante, qui est depuis plusieurs décennies le système économique prévalant, génère une concurrence permanente sur tout tout le temps. La maladie qui commençait tout juste à n'être plus honteuse (4) devient facteur d'exclusion même après rémission. Alors on la tait.

En attendant, nous avons perdu beaucoup de temps à rester éloignés, écopant chacun dans notre coin, tentant de nous en sortir. Le regret de n'avoir rien su et donc été absente est chez moi tempéré par le fait que j'étais toujours trop prise par mes propres combats pour pouvoir réellement assurer une présence aux autres. J'espère que nous parviendrons à retisser les liens, à présent qu'on sait que l'on ne savait pas.

Je vais désormais essayer, si le travail et les santés des uns et des autres m'en laissent la disponibilité, de venir aux nouvelles et aussi d'en donner. Qu'elles soient mauvaises ou bonnes, sans dramatiser ni exagérer.

Et je retiens la belle idée de ma marraine d'une fête pour remercier un jour tous ceux qui lors des différentes épreuves m'ont aidée. Restera à trouver un moment favorable, un endroit, un budget. Elle sera aussi la fête des fêtes que l'on n'a pas faites.

 

 (1) On s'amuse rarement à prendre soi-même le téléphone ou le stylo pour annoncer à toute la famille l'annonce d'une grave maladie ; au mieux, on appelle une fois le pire passé, pour dire qu'il y a eu ça, mais qu'on s'en est pour l'instant tiré. 
(2) Elle semble avoir eu lieu dans les deux sens, la non circulation de l'information.
(3) Surtout à ceux qui, ignorant tout, ne s'étaient pas fendus du moindre mot, de la moindre visite à l'hôpital, par exemple. 
(4) Je n'ai jamais compris que l'on use de périphrases pour désigner des cancers, a priori ni contagieux ni liés (à part le cancer du poumon et fumer) directement à une activité précise.


Révélation

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    Il m'aura donc fallu atteindre cet âge avancé où la vue décline un peu de près, combiné à un tracas administratif de mutuelle qui m'aura empêché de renouveler mes lentilles de contact sans tarder, pour soudain piger : 

en fait la loupe de Sherlock Holmes, ça n'était pas tant pour voir mieux les petits détails, que 

POUR Y VOIR TOUT COURT

(parce que le gars Holmes, en fait, n'était pas un gamin).

((oui bon je sais, il n'y a que moi que cette révélation tardive fait marrer))