La notion du temps

 

    C'est Dr Caso dans ce billet en passant qui écrit "J'ai perdu la notion du temps avec la pandémie et je ne l'ai jamais retrouvée". Je m'aperçois que tel est mon cas. Tout ce qui est avant semble d'une époque très ancienne. Tout ce qui a lieu depuis ses débuts entre dans la catégorie "hier" même si comme cela fait plus de deux ans que cela dure, c'est un hier qui peut avoir deux ans.

Par ailleurs ce qui est survenu à des dates plus ancienne me semble éloigné calendairement de façon stupéfiante. Pas un jour sans que je recompte une durée sur mes doigts, tellement le calcul mental automatique qui s'effectuait à l'évocation de tel événement datant de telle date me donne un résultat qui me paraît improbable. 

Dans le même temps, dès que je me penche en pensées sur ce qui est advenu pendant toutes ces années, j'y vois de quoi en avoir occupé le double, ça n'est vraiment pas une sensation de "qu'est-ce que j'ai bien pu faire de tout ce temps", c'est plutôt "Wow, pas étonnant que je sois fatiguée, comment suis-je parvenue à faire (face à) tant de choses". C'est leur nombre qui me sidère, comme un footballeur à qui on annoncerait un cumul de buts marqués faramineux depuis le début de sa carrière alors qu'il n'a jamais pris la peine de les dénombrer.

Le fait que les 3/4 du temps je n'en suis pas maître puisque soumise à des obligations salariales, ou par choix embringuée dans des événements (sportifs à présent, musicaux il fut un temps, culturels quand j'étais libraire) avec horaires et préparations, accroît ma perte de repères. J'espère parvenir un jour à une retraite, qu'elle dure des années avec assez de santé et que je puisse enfin retrouver la notion du temps - je ne doute pas que revenue à mon propre rythme, je la retrouve, paisiblement -. 


Le travail de Florence Aubenas

 

    Alors que je suis en train de préparer ma transmission aux enfants, car la soixantaine approche et que j'aimerais achever mon tour de piste en cette petite planète en étant rassurée sur leur sort (1), je constate que s'il y a une chose et une seule pour laquelle je suis fière de mon passage - à part différentes réalisations à titre personnelle, réussir à passer outre différents petits handicaps que j'avais, ne pas contribuer à la mocheté du monde, ne pas nuire à autrui (ou le moins possible, car on ne sait pas tout) - c'est d'avoir participé en 2005 corps et âme au comité de soutien à Florence Aubenas et Hussein Hanoun.

Depuis, j'ai admiré et savouré son travail, en étant si heureuse qu'elle puisse le poursuivre comme elle le fait. Infini respect.

Aujourd'hui je suis un podcast du journal Le Soir où elle est interviewée entre deux déplacements en Ukraine, et quelques articles (2). À lire ses propos, le moral remonte.

"Trump, Bolsonaro, la montée du Front national ont été de grandes surprises. Très clairement, on a des angles morts effrayants ! Il y a des choses qui nous sont invisibles. Il faut aller chercher, aller écouter. Parfois on a du mal à trouver notre place, à aller chercher où se nichent les frayeurs, les colères, les doutes."

Merci à Carl Vanwelde d'avoir par ce billet attiré mon attention sur leur publication.


(1) Autant que faire ce peut car le contexte pandémie + guerre + dérèglement climatique n'est pas bougrement porteur d'espérances.
(2) Pardon s'ils sont réservés aux abonné·e·s. 


Un semainier de semaine

(venerdi) 

Par opposition à un semainier tout court et à un semainier ... du week-end ?


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C'était donc une semaine de travail, de travail avant tout. 
J'ai manqué mes entraînements de natation du fait d'être trop fatiguée (et de souffrir de crampes), pu à peine caler une séance de course à pied, et quelques vélotaf dont un avorté (l'inconvénient de m'en remettre aux Vélibs, parfois ils sont absents ou défaillants).
Mais le boulot du boulot et le boulot pour l'administration familiale ont été faits.

Il y a eu une belle soirée du club de lecture dont je fais partie, autour du roman "Les choses que nous avons vues" d'Hanna Bervoets. Un livre qui secoue, servit par une écriture au cordeau (bravo à Noëlle Michel pour sa traduction).

Il aura fait doux et le corps respire. J'ai pu courir en tee-shirt et short.
Il y a trop de circulation.

Je suis devenue admirative du travail de l'envoyé spécial de la Rai, Ilario Piagnarelli. C'est impressionnant comme l'épreuve l'a révélé dans son métier.

Le Pape se ronge les ongles. 
Il y a de quoi. Via crucis 2022.

La guerre a atteint le point bataille navale + envois de missiles en représailles.  
Les images diffusées avec des sortes de disques floutés sont plus perturbantes que si l'on voyait ce qui est (1). 

De Chine et surtout de Shangaï nous parviennent via les réseaux sociaux des images dystopiques (un exemple parmi tant), d'autant plus flippantes que le reste du monde semble avoir décidé que pour le Covid_19 au point où l'on en est - ça reste mortel, oui, mais seulement parfois -, autant laisser faire. Le bon sens voudrait quelque chose d'intermédiaire entre notre mortel laisser-aller et le "tout le monde aux arrêts" quand vaccinés, sauf traitements particuliers, très grand âge ou comorbidités, la plupart des humains ne risque plus la mort. L'Italie semble faire ça, avec des nuances dans les pass requis et les masques obligatoires (FFP ou chirurgicaux simples) selon le type et le lieu d'activité.
 
Week-end prolongé par tant chargé et avec une démarche un peu solennelle au bout, que je ne le perçois pas comme tel. 

Une vidéo de Syblo m'a particulièrement touchée qui met en scène le camarade de club Valentin André du temps où il faisait du triathlon dans le même club que moi. M'amuse que j'ai rencontré l'un et l'autre séparément et qu'ils se soient par la suite retrouvés équipiers.

[photo prise dans mon quartier d'un point de vue facile d'accès, qu'en plus de 31 ans je n'avais, je crois, jamais songé à utiliser ; bon exemple au demeurant de la privatisation croissante de l'espace sinon purement public du moins public consenti : la voie privée de l'ancienne cité ouvrière était accessible aux piétons, qui ne l'est plus (grilles et codes) depuis un paquet d'années. Je prenais plaisir à m'y promener avec eux lorsque mes enfants étaient petits. Les maisonnettes ont elles aussi bien grandi ; celles qui ne sont pas doté d'un étage rajouté sont devenues rares]

 

(1) Pour autant je trouve très bien qu'on ne puisse pas reconnaître les victimes à l'écran. Par respects pour elles et leurs proches.


Apophénie


    C'est la guerre et ne pouvant rien faire, je continue à apprendre des mots nouveaux, dès que j'en ai l'occasion.

Voici donc apophénie, que j'avais peut-être déjà croisé mais oublié, et (re)découvert grâce à Fanny Chiarello.

une apophénie est une altération de la perception qui conduit un individu à attribuer un sens particulier à des événements banals en établissant des rapports non motivés entre les choses. Tout lui paraît avoir été préparé pour lui ne serait-ce que pour tester s'il remarque ces bizarreries. (d'après article wikipédia)

Une autre définition ici. Percevoir des structures ou des relations dans des données purement aléatoires ou sans signification. Le terme a été formé en 1958 par Klaus Conrad, qui l'a défini comme " voir des rapports non motivés " ainsi qu'une " perception anormale de significations ". 

J'en profite pour redéposer ce lien vers quelques figures de styles (mots que je connais puis oublie, puis retrouve assez régulièrement). Et celui-ci vers la paronomase que j'avais oubliée mais que Samovar m'a remise en tête.


Si ça peut aider : un article sur le shutdown autistique (mais pas que)

En ayant vu passer un touite de Lapsyrévoltée concernant la question, je suis arrivée jusqu'à cet article du site bien être autiste, et qui me semble pourvu de conseils judicieux y compris pour aider quelqu'un en crise d'angoisse. 


Pour aider quelqu’un en pleine crise d’angoisse, l’idéal est de s’assurer qu’il soit dans un endroit calme et de le laisser s’asseoir s’il en a envie. S’il prend des médicaments pour gérer ses crises de panique, on peut l’aider à les prendre. Dans tous les cas, on peut encourager la personne à essayer de contrôler sa respiration : souvent la panique amène un rythme de respiration rapide et peu profond qui ne fait qu’empirer les choses. Idéalement, la personne devrait retrouver une respiration plus lente et plus profonde pour pouvoir se calmer

 

Tout l'article est intéressant, si je cite ce passage précis c'est qu'il risque de pouvoir être particulièrement utile en ces temps de pandémie qui se prolonge et laisse de plus en plus de personnes qui avaient tenu bon jusque là, épuisées et perdues. Le sort fait aux enseignant·e·s, aux parents d'enfants d'âge scolaire (et aux enfants eux-mêmes soit dit en passant), aux soignant·e·s déjà surmené·e·s avant la vague de contaminations Omicron est particulièrement préoccupant. Sans parler des personnes dont les emplois semblaient pouvoir être sauvés et puis voilà que c'est reparti pour un tour d'activités limitées (1).

 

(1) OK il n'y a plus de confinement officiel, il n'empêche qu'on doit être pas mal à sortir nettement moins, ne serait-ce que parce que même si l'on est pas malades, on est cas contact, ou on le serait si la définition n'en était pas devenue plus restrictive au fil du temps, alors que la contagion est plus grande. Alors on évite d'aller quelque part s'entasser.


Bref vrac du vendredi

 

    Après bien des jours consacrés, au travail salarié, au sport  et au strict urgent de tout ce qui est devant être fait, ça fait du bien de se laisser aller à lire ou regarder ici où là sur l'internet.

Guillaume m'a mis la sauce magique beau gosse en tête après l'avoir eue lui-même en tête le mois dernier. C'est une contagion bien plus sympathique que celle du virus féroce qui circule actuellement. 

Yan sur Encore du noir me donne envie de lire Nos vies en flammes de David Joy

La veille late at night, Old Guy Maca m'a bien réjoui l'âme (j'en ai oublié un temps la pandémie et tout le contexte), avec sa façon de relater la conception de Mull of Kintyre. Un peu comme pour Colchiques dans les prés, j'ai longtemps cru qu'il s'agissait d'un classique local, sans imaginer un instant qu'il s'agissait d'un remarquable "à la manière de" (en l'occurrence, les chants traditionnels écossais), "une fausse vieille chanson" comme dit la présentatrice au sujet de Colchiques.

La photo de Mehmet Aslan d'un père et son fils esquintés par la guerre (Syrie), leur aura apporté du bon. Voilà toute la famille à Roma où ils pourront être au moins pour partie appareillés. Et pour un temps au moins à l'abri relatif d'une Europe en (fragile) paix.


Le charme des réseaux sociaux

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Ce touite de Thomas Pesquet, j'en rigole encore. 

Et ça me rappelle un si bon souvenir de ma propre vie, un appel téléphonique que j'avais failli prendre pour une blague avant d'hésiter car il me semblait reconnaître la voix de la personne que j'avais failli envoyer bouler lorsqu'elle s'était annoncée, que j'ai un sourire béat depuis que je l'ai lu.

Zut, je pense soudain que l'ami récemment décédé était l'un des derniers capables de faire des blagues.

Je me souviendrais, je crois, de ce post de Baptiste Cartieaux qui, une fois n'est pas coutume, n'a pas atteint sur une course (effectuée dans des conditions climatiques qui ne faisaient pas de cadeaux, avec un gradient de températures de genre -10°c en quelques heures, je pense que ceux qui ont fait de bonnes performances ont des aptitudes d'adaptation thermique au froid hors du commun) l'objectif qu'il s'était fixé. Sagesse et maturité. C'est à ça que l'on reconnaît les champions. 
Et puis de nos jours, le fait que quelqu'un soit susceptible d'affronter des "jours sans" est plutôt bon signe, et permettent au moins de croire à une pratique du haut niveau propre possible.

La pandémie enfle à nouveau. Je ne tiens pas du tout à observer le résultat d'un carambolage entre 4ème ou 5ème vague de fortes contamination et campagne présidentielle battant son plein, mais il n'empêche qu'on risque d'y avoir droit.
Bizarrement je me sens protégée par la combinaison vaccin + rhume féroce le mois précédent (1). Je n'en reste pas moins la plus précautionneuse possible. FFP2 dans les transports en commun. Masques chirurgicaux partout à l'intérieur en compagnie, sauf pour boire et manger. Et aussi dehors en ville. D'autant plus que l'hiver ça tient chaud ce qui n'est pas un défaut.
Et bien sûr usage du gel dès que je touche des objets d'usage collectifs, précaution qui de toutes façons, du fait de la thalassémie et de ma propension en raison de l'anémie à choper tout ce qui traîne, m'était familière.

Si c'est possible j'essaierai d'effectuer un rappel de vaccination en janvier ou février, peut-être avec le Pfizer, puisque je me suis contenté du plus rustique (2) Astra Zeneca jusque là


(1) Dûment testé non covidien, mais c'est comme si le fait que j'en remonte et de la fatigue écrasante aussi m'avait redonné confiance en mes défenses immunitaires.
(2) Et risqué pour qui est pourvu d'une béta thalassémie, semblerait-il peut-être.


Un film sur l'Île de Lewis

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    En voyant un film de Bouli Lanners et Tim Mielants qui se passe sur l'Île de Lewis, je mesure encore davantage ce que je dois au bon copain récemment disparu. Entre autres : 

L'Écosse, d'y être allé en voyage de noces. Nous avions prévu le Danemark, qui déjà était comme la Norvège mais en plus simple d'accès et puis vraiment c'était trop cher et alors il a dit "Mais pourquoi vous n'iriez pas en Écosse, il y a des super distilleries à visiter ?". Car je lui dois aussi pour partie les whiskies : 

Le vrai initiateur était Yannick Hamonic qui vidait sa cave en prévision d'un poste au Brésil à Sao Paolo. Et qui donc un vendredi soir avait rapporté un Laphroaig. Il n'empêche que celui qui avait enquillé sur Ben si tu apprécies des whiskies comme ça, il y a des dégustations organisées par la Scotch Malt Society (c'était avant le Clan des Grands Malts, lequel s'est créé après sa dissolution, du moins de l'antenne française).

Nous lui devons le ciné club, du moins que je l'aie découvert dès 1986. Tu aimes le cinéma, tu sais au Crédit Lyonnais, il y a un ciné club. Lui ne venait qu'aux séances du mardi soir et quand ça n'a plus été à un ciné près de République qui était alors près de chez lui, il a cessé de venir. Alors que pour ma part je me suis inscrite et suis allée aux week-ends et avec Le Joueur de Pétanque lorsqu'il est revenu du Burkina Faso puis avec les enfants lorsqu'ils sont nés, nous avons été de tous les week-ends possibles au château de La Brosse Montceaux. C'est quelque chose de récurrent dans ma vie : des ami·e·s m'indiquent une voie qu'eux ou elles-mêmes n'approfondissent pas et je m'y tiens, tandis qu'eux n'en font plus partie.

Je lui dois un paquet de films (c'était un cinéphile averti), et de concerts, avec au passage la découverte de Jeanne Cherhal, quelques photos où je figure dont celles de la manif d'avril 2002, je lui dois d'ailleurs d'être allée à quelques manifs, et d'avoir un temps milité chez Attac (j'ai cessé faute de disponibilités et d'énergie après le travail).

Nous lui devons d'avoir eu pendant des années à la Noël d'excellents marrons glacés. Ce qui n'est pas si anodin car j'en faisais profiter toute la famille.

Je lui dois surtout, nous lui devons, de grands moments de grandes rigolades. Et ça n'est pas rien.